•  

    Yoru et Kû firent une petite pause vers le milieu de l'après-midi pour étudier la carte sommaire laissée par Thelis. Cela faisait six jours que l'équipe aérienne - ou plutôt Jena, Lowan et Thelis - les avait laissés. Même si les magiciens avaient bien envie de remercier "Yuki" et la combattante qui les avait sauvés, les laisser voir la fugitive était une mauvaise idée. D'autant plus que les lunettes modificatrices d'apparence du jeune homme s'étaient évidemment brisées en tombant.
    La découverte de son identité par Jena et Lowan inquiétait Yoru, mais la jeune femme s'était montrée rassurante. Elle s'assurerait du silence de son coéquipier, et ne vendrait pas la mèche. Yoru n'avait pas compris pourquoi un membre des forces armées de Megalo agissait comme cela avec des fugitifs, mais il n'allait pas s'en plaindre.

    Depuis, ils se dirigeaient vers le nord de la chaîne des Longshans, pour chercher de potentiels clients nécessiteux de gardes du corps. Il leur manquait encore un peu d'argent pour pouvoir prendre un vaisseau.

     

    - Euh ... fit Kû en hésitant. On n'a pas pris le mauvais chemin ?

    - Kû ... soupira le jeune homme. Lis la carte dans le bon sens, ce sera plus facile ! On a avancé dans la bonne direction, et même plus vite que prévu.

    - Heureusement que tu es là ! s'exclama baka yellow. Dans ce cas, ça te dirait, un peu d'entraînement ?

     

    Yoru acquiesça. La chinoise se concentrait beaucoup sur le ki, pendant ses entraînement, mais le jeune homme, lui, voulait maîtriser l'étrange technique qui lui permettait de voler. Par conséquence, ils s'entraînaient séparément. D'ailleurs, Kû ne pouvait pas l'aider : cette technique était tellement rare, qu'elle ne l'avait vue que chez Kotaro. Et chez ce dernier c'était une technique inugami. C'était à se demander pourquoi Yoru était capable de l'utiliser, instinctivement qui plus est.

    Malheureusement, depuis le combat contre Ragnarök, il n'arrivait plus à l'utiliser correctement. Du genre qu'il comprenait tout de suite mieux la galère de Lya, quand elle avait appris à voler. Parce de tout de même, ça partait un peu dans tous les sens, voire la tête en-dessous des pieds, ce qui fonctionnait nettement moins. Il devait apprendre à rester droit sinon il se renverserait directement ... pas pratique. Surtout que depuis que son potentiel s'était réveillé, il contrôlait nettement moins son ki.

    Finalement, il rejoignit Kû au soir, sans avoir trop réussi. Ils mangèrent quelques provisions données par Thelis, réalisant que s'ils ne trouvaient pas de ville ou de quoi se ravitailler, la situation allait empirer. Puis ils prirent quelques heures de sommeil, alternant les tours de garde pour plus de sécurité.

    Le lendemain, les deux combattants se remirent en route, pressés par le besion de trouver un travail au plus vite. Il ne leur manquait que peu d'argent pour faire le voyage jusqu'à Ostia, mais malgré leur avance prise la veille, ils manquaient de temps. Sachant qu'ils ne pouvaient pas se permettre de ne pas s'entraîner régulièrement. Franchement, ils étaient en cavale mais avaient l'impression d'avoir un emploi du temps de ministre !

    Ils passèrent quelques heures à franchir des flancs de montagnes en quick move. C'était un mode de voyage assez casse-g.... instable ... mais rapide.

    À nouveau, ils s'arrêtèrent pour faire une pause dans l'après-midi. Ils hésitèrent à continuer ou à s'arrêter pour s'entraîner, mais finalement, le besoin de progresser et de pouvoir tenir tête à Ragnarök fut plus fort. Ils partirent chacun de leur côté, comme d'habitude.
    Yoru concentra son énergie sous ses pieds, et bondit vers le ciel. Aussitôt, de petits tourbillons de ki apparurent sur le côté de ses talons, et il resta en l'air. Il oscilla un peu d'avant en arrière, perdit un peu l'équilibre, battit des bras d'un air tout à fait ridicule, ce qui l'agaça passablement. Il atterrit, de façon peu élégante, et recommença, inlassablement.

    Puis, une bonne demie heure plus tard, il se trouvait à côté d'un pic, ayant enfin réussi à léviter un moment. Le paysage était à couper le souffle. Il se tenait au-dessus d'une mer de nuages, percée par des aiguilles de roche majestueuses.

    Soudain un vacarme de fin du monde retentit, et Yoru faillit perdre l'équilibre, se rappelant un peu tard qu'il lévitait. Et un pic voisin s'écroula, disparaissant sous les nuages. Il fonça, tellement préoccupé qu'il ne s'aperçut même pas qu'il maîtrisait sa nouvelle technique.

    Il trouva Kû sur un plateau adjacent, un peu surprise.

     

    - Je crois que j'ai un peu exagéré, lança Kû d'un air légèrement contrit.

     

    Yoru la regarda un moment, ahuri, avant de se rendre compte que la chinoise avait testé son ki sur la montagne, qui s'en était assez mal tirée. Il baissa la tête, porta la main sur son visage et son corps tressauta quelques instants. Kû mit un moment à comprendre que son ami était en train de rire, d'un rire stressé et muet. Puis il se laissa tomber au sol et fut pris d'un fou rire impitoyable qui le laissa essoufflé.

     

    - Me dit ... me dit pas, fit le jeune homme en tentant de respirer, que c'est ... toi ... qui as ... fait ça !

    - Euh ... si ! Enfin, ça veut dire que j'ai progressé ! Je ne peux pas m'arrêter maintenant ! s'exclama-t-elle, fière.

     

    On en voyait presque des étincelles briller autour d'elle, tellement sa fierté se voyait à des kilomètres.

     

    Yoru essaya désespérément de ne pas repartir aussi sec. Il fut sauvé d'une peu glorieuse mort par fou rire – à choisir, il préférerait être dans les bras de ... hum, enfin bref.

     

    - Qu'est-ce que c'est ?! s'exclama Kû.

     

    Un cri de joie venait de retentir, et une poupée à l'effigie de Sayo1 bondit d'une espèce de machine volante équipée d'un objectif de caméra.

     

    - Oh, c'est juste un fantôme insignifiant ! plaisanta la chinoise.

     

    Sayo atterrit sur Kû en la traitant d'imbécile et essaya de la frapper de ses petits poings de poupée, et Kû s'excusa, pas du tout désolée, en riant. C'en fut trop pour Yoru, qui repartit dans son fou rire, puis gémit de façon pas très virile, se tenant les côtes.

    Une fois que la petite bande fut calmée, Sayo leur expliqua ce qu'il se passait. Après avoir retrouver Negi ; Kazumi, Chachamaru et elle étaient parties sur un rapide tour du monde. En effet, les badges de l'ala alba, en forme d'ailette blanche, donnés à tous ses membres, étaient repérables par le robot à plus de 1500 kilomètres à la ronde. Elles espéraient donc repérer le plus de monde possible. Venait ensuite l'artefact nouvellement acquis de Kazumi : des robots volants, dont un qui pouvait être dirigé par Sayo et devenait invisible, qui permettaient d'identifier le membre de l'ala alba repéré, et de le contacter.

     

    - Et on se trouve à quelle distance du vaisseau en ce moment ? demanda Yoru.

    - Oh, on est assez loin, mais ce n'est pas un problème.

     

    Le fantôme agita sous leur nez trois bouts de papier presque aussi grands qu'elle - enfin la poupée ne faisait qu'une vingtaine de centimètres.

     

    - Voici un sutra de téléportation magique qui peut être activé par des gens normaux, expliqua Sayo. On ne peut pas vous envoyer directement à Ostia avec, il y a beaucoup trop de distance, mais par contre, ce sutra fonctionne quand même pour une distance de mille kilomètres ... ça coûte cher, mais grâce aux primes de Negi et Kotaro, ça n'a pas posé de problème.

    - Leurs primes ?

    - Je vous expliquerai après. Mais avant de les activer, prenez ça.

     

    Et elle leur lança dans leur bouche, sans trop les prévenir, d'étranges pillules bleues. Aussitôt, le sol se rapprocha étrangement.

     

    - Euh ... c'est quoi, ça , hésita Yoru, d'une voix de jeune garçon d'une dizaine d'années.

    - Des pillules de rajeunissement ... ça nous permet de ne pas être repérés. Vous avez temporairement rajeuni de cinq ans ! Ne me regarde pas comme ça, si on avait utilisé une pillule de vieillissement, tu n'aurais pas assez changé !

     

    La poupée activa le sutra sans lui laisser le temps de répondre. Le paysage changea et devint plus sombre, métalique.

    Là les attendaient Kazumi et Chachamaru, sous leur forme de dix ans aussi.
    Personne d'autre.

     

    - ... Vous n'avez pas trouvé Lya, n'est-ce pas ? murmura-t-il, défait.

    - Non, répondit Kazumi doucement, consciente de la peur qu'il éprouvait pour sa petite amie. Mais nous avons bon espoir de retrouver tous les disparus avec ce voyage.


     

    1 pour rappel : Kazumi a fabriqué une poupée à l'aide d'Evangeline pour que Sayo l'habite et puisse sortir de Mahora.

     

     

    ***

     

     

    Un jour auparavant, le magicien auquel Illonya s'adressait hurla de rire, ce qui commençait vraiment à l'agacer.

     

    - Je vous demande, répéta la jeune stagiaire pour l'énième fois, s'il n'y aurait pas du travail pour chasseur de prime dans le coin, je ne vois pas ce qu'il y a de drôle !

     

    L'homme repartit de plus belle, avant d'essayer assez misérablement d'articuler.

     

    - Ça c'est pas du travail pour une petite fille !

     

    Illonya se renfrogna, vexée. Elle décida d'une autre approche.

     

    - À aucun moment je ne vous ai dit que c'était pour moi ! J'aide mon cousin à trouver des missions !

     

    Bien évidemment, l'homme ne la crut pas, et finit par l'ignorer purement et simplement. Illonya tourna les talons en marmonnant. La jeune stagiaire se dirigea au point de rendez-vous et attendit Derek en faisant le point.

    Après quelques heures de voyage et une nuit à la belle étoile, Shelly, le magicien, et elle, avaient trouvé un village. Là-bas, ils s'étaient séparés pour trouver une mission, Derek d'un côté, Illonya de l'autre, tandis que Shelly parcourait le village à la recherche d'informations.

    Un peu plus tard, le trio était réuni.

     

    - Rien de mon côté, soupira Illonya. Je ne suis pas prise au sérieux ... et pourtant, quand on voit que ces mêmes gens croient à la culpabilité de l'ala alba, on a de quoi se poser des questions !

    - Choux blancs de mon côté aussi, continua Derek. Pas trop de bandits dans le coin, aucun fugitif repéré dans cette région ... le calme plat. Difficile de réaliser que c'est une région sauvage ... mais les monstres comme celui qui m'a attaqué étendent rarement leur territoire de chasse jusque ici.

    - Et toi, Shelly ? demanda sa maîtresse.

    - Les familiers du coin m'ont dit la même chose. Mais j'ai peut-être quelque chose d'intéressant.

    - Vas-y.

    - En ce moment, c'est la saison où les dragons sont les plus actifs et les plus agressifs. Il y a donc des chances pour que l'un d'entre eux attaque les environs. Dans ce cas, la seule chose à faire et de couper l'une de leurs deux cornes. Si on y arrive, ils ne se réaventurent pas dans un village avant une petite année, le temps que la corne repousse.

    - Hein ?

    - Oui, ne me demandez pas pourquoi ... je suppose que leur corne contient des hormones ou quelque chose dans le genre, mais je n'en sais pas plus.

    - Mais n'est-ce pas un peu aléatoire ? se demanda Derek.

    - De quoi ? s'étonna Illonya.

    - Bah ... attendre une attaque de dragon pour pouvoir faire une mission.

    - Je sais, mais on n'a rien d'autre.

     

    Ils soupirèrent dans un bel ensemble, pour le moins incertains. Puis Illonya posa un autre problème, à demi-mot pour que Derek ne comprenne pas.

     

    - Et on fait quoi si un dragon attaque vraiment ? Les villageois pourraient se rendre compte de mon identité, si je tente de les protéger …

    - Aucun problème, répondit Derek en croyant qu'elle parlait de l'avis de recherche. Après tout, Shelly modifie tes cheveux et tes yeux, et tu te fais passer pour une nekomimi.

    - Reste mon catalyseur, répliqua Illonya.

    - Je n'y avais pas pensé ... soupira son familier.

     

    La chatte-fée réfléchit un moment à la question en maugréant. Cette malédiction de Hel et cet onyx étaient vraiment une belle épine dans le pied de sa maîtresse. Celle-ci ne pouvait pas combattre devant des inconnus, de peur de voir son identité révélée.

     

    Soudain, une voix retentit derrière eux.

     

    - Hum-hum ... excusez- moi …


     

    Illonya sursauta, et faillit invoquer son bâton par pur réflexe, mais elle se contint. Face à eux se tenait une jeune femme, plutôt gênée.

     

    - Je vous ai entendus, et je n'ai pas pu m'empêcher d'intervenir ... Vous cherchez bien une mission de chasseurs de prime ?

    - Exactement, répondit Illonya, se demandant combien de choses au juste la nouvelle venue avait entendues.

    - Voyez-vous ... j'ai un cousin dans un village à une dizaine de kilomètres d'ici, vers l'ouest. Mais il m'a appris il n'y a pas longtemps qu'en ce moment étaient régulièrement approchés par un dragon-tigre, et qu'ils ont même été attaqués, une fois ... pourriez-vous agir ?

     

    Voyant qu'ils étaient muets de stupeur, elle s'empressa d'ajouter pour Illonya :

     

    - Bien sûr le fait que vous soyez recherchée ne me dérange pas du tout, je ne dirai rien aux autorités pourvu que vous fassiez quelque chose.

     

    Phrase qui eut le mérite de faire faire un bond à la petite magicienne. Enfin presque. Mais Illonya décida de lui faire confiance. Des habitants avaient besoin d'un chasseur de prime, elle avait besoin de travail ... elle n'allait pas se priver.

    La femme partit après leur avoir indiqué plus précisément le village en question.

     

    - Bien, soupira Illonya, on sait quoi faire maintenant ... 'y a plus qu'à, comme diraient certains !

    - Je te conseille quand même de passer quelques jours à te préparer, fit Derek. Vaincre un dragon, c'est plus facile à dire qu'à faire, même si tu es douée ...

     

    Illonya acquiesça, et plutôt deux fois qu'une. Elle savait pertinemment qu'un dragon était bien plus puissant, rapide et résistant que l'espèce de reptile qu'elle avait vaincu pour sauver Derek.

     

     

    ***

     

     

    Lya et Gira étaient reparties très vite, pressées par le temps. La menace des chasseurs de prime s'était amoindrie : l'ancienne maison de Lya était protégée de toute intrusion et empêchait la perception d'aura de fonctionner.

    Deux semaines passèrent depuis qu'elles avaient trouvé l'habitation et sa forêt, dans le cœur de la montagne. Malheureusement, comme l'avait prévu Gira, les chasseurs de prime restaient actifs, et plus d'une fois, elles durent accélérer le mouvement et se camoufler, évitant de justesse d'être repérées.

    À la fin des deux semaines, elles volaient entre les arbres gigantesques, talonnées une fois de plus par la menace de leurs poursuivants. Soudain, un grand pouvoir magique apparut, se précipitant à leur rencontre.

     

    - Une bête magique … ragea Gira. Comme si ça ne suffisait pas !

     

    Le monstre apparut. C'était un énorme serpent aux yeux dorés, arborant deux énormes ailes de dragon. Le montre se tenait droit, et dardait son regard d'or sur ses deux proies.


     

    - Un Illuyanka, marmonna Gira, pour le moins contrariée. Il fallait s'en douter, nous sommes sur leur territoire de chasse …

    - Qu'est-ce qu'on fait ? s'enquit Lya, alors que le monstre les scrutait, encore immobile.

     

    Soudain, l'énorme corps du serpent se déplia brutalement, et il fondit sur les deux jeunes filles en feulant.

    Elles esquivèrent de justesse son attaque, plus rapide que prévue.

     

    - Lya ! s'écria la démone alors que la jeune fille lançait un nivis casus. Je vais l'occuper, alors file !

    - Quoi ?! s'indigna la magicienne de glace. Ne me considère pas comme une faiblarde que tu dois à tout prix protéger ! Qu'est-ce que tu disais, à propos de ma manie de tout prendre sur moi, hein ?!

    - Est-ce que j'ai dit ça ? Pas du tout. Je t'expliquerai plus tard, alors vas-y.

     

    Lya grommela, mais décida, entre deux esquives, de lui faire confiance. Elle désorienta l'illuyanka avec un clone, fondit sur lui et l'évita au dernier moment pour passer derrière l'énorme serpent. Puis, sans se retourner, elle s'éloigna en vitesse.

     

    La jeune fille savait Gira capable de la retrouver, et décida de prendre le plus d'avance possible. Mais à peine quelques secondes plus tard, Lya sentit une énorme présence démoniaque, écrasante, que, même pendant son combat contre Gira, elle n'avait jamais sentie.

    Une explosion retentit, la surprenant légèrement. Elle sut à ce moment que Gira avait gagné, mais elle ne s'arrêta pas pour autant. Elle continua à avancer de toutes ses forces, sous la pression des chasseurs de prime, quand soudain elle sentit une autre présence. Ténue. Mais sinistre. Et dangereuse. Lya s'arrêta net et se posa, faisant prendre sa forme de chaînette à son bâton. Sauf que l'aura disparut. À la place, plusieurs autres apparurent.

    C'étaient probablement des chasseurs de prime, mais ce qui l'étonnait, c'est qu'il venaient dans sa direction. Alors qu'elle cachait sa magie, et que Gira, elle, ne s'était pas retenue contre l'illyanka. Quoi qu'elle ait pu faire, d'ailleurs, parce que Lya n'en avait strictement aucune idée.

    Lya voulut changer de direction, elle s'arrêta : d'autres arrivaient de l'autre côté. Elle serait bientôt cernée. Ils savaient qu'elle était là. Elle avisa d'énormes racines, se plaqua contre le tronc auquel elles appartenaient, et les utilisa pour se dissimuler. La jeune magicienne pourrait toujours gagner du temps et attendre Gira avant de se battre, c'était plus sûr.

    Ses poursuivants apparurent assez vite, et se déployèrent dans la zone, à sa recherche.

     

    - Lya Aemilia, s'exclama l'un d'eux d'une voix forte et claire, vous êtes cernée ! Veuillez vous rendre sur le champ !

     

    « Mais oui, c'est ça, c'est beau d'espérer ! », répliqua silencieusement la jeune fille. « Par contre j'aimerais vraiment savoir comment ils m'ont trouvée … ».

     

    Elle se concentra, et chercha à localiser Gira. La démone ne cachait plus sa présence, son écrasante magie était nettement identifiable. Mais elle ne prenait pas du tout la direction de Lya … la jeune fille finit par comprendre que son alliée et amie brouillait les pistes, car la présence de Gira disparut presque complètement.

    Lya se concentra encore plus, pour pouvoir suivre sa piste, qui revenait vers elle. Les chasseurs de prime, une vingtaine environ, n'avaient pas encore trouvé son abri, mais elle manquait de temps, alors elle espérait que la démone arriverait vite.

    La jeune magicienne calcula rapidement. À sa vitesse Gira serait là dans trois ou quatre minutes. Quand ses ennemis se rapprochèrent un peu trop à son goût, Lya leur envoya deux clones faire diversion. Les deux copie réussirent quelques coups avant d'être détruites, un peu trop vite.

    « Tant pis … », soupira Lya. « Gira, je ne peux plus t'attendre ! ».

     

    _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 

    Je profite de cette publication pour vous rappeler que j'ai mis un sondage sur l'accueil, pour savoir si vous voulez des résumés (au moins pour l'arc précédent, à chaque début d'arc) ... Je ne sais pas du tout si vous en voulez, donc je ne peux rien faire pour le moment ...


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    - Yoru Yamashita ?! s'exclama Jena, abasourdie.

    - Oh non … soupira le jeune homme.

     

    Une autre exclamation en provenance du pont fit frissonner Yoru : Lowan aussi avait remarqué. Et il s'apprêtait à prévenir toute l'escorte, qui était de l'autre côté du vaisseau.

    Mais Jena les surprit tous les deux.

     

    - C'est pas le moment ! hurla-t-elle. Lowan, surtout ne dis rien à personne !

    - Mais …

    - C'est bien Yoru Yamashita, mais pour l'instant nous devrions nous réjouir de l'avoir à nos côtés plutôt qu'avec l'ennemi !

     

    Yoru lui jeta un regard reconnaissant, se concentra à nouveau, et réussit à faire réapparaître ses tourbillons de ki.

    Il restait une trentaine d'ennemis, et sept combattants, en comptant le jeune fugitif. C'était juste, mais faisable. En prenant garde de ne pas être visible par ses alliés, Yoru fondit sur un adversaire. C'était le porte-parole de l'ennemi, qui avait clamé être de Ragnarök.

    Yoru abattit son poing sur lui ; son adversaire para et répliqua avec des flèches de feu. Le jeune homme esquiva de justesse grâce à un quick move, puis revint immédiatement à la charge avec un coup de pied. L'ennemi para à nouveau, mais le ki de Yoru passa sa barrière magique et le projeta en arrière.

    Un autre ennemi l'attaqua par derrière ; Yoru pivota, et avec le même pied, le repoussa plus loin. Le porte-parole de Ragnarök revint, lança sur lui un Flagrantia rubricans, mais l'adolescent réussit à se protéger de l'explosion avec son ki. Il fondit sur son adversaire, et lui asséna un coup de poing dans le ventre, alors que l'homme croyait l'avoir eu.

     

    Une quinzaine d'ennemis restaient encore dans le ciel, les autres gisaient inconscient au sol, une dizaine de mètres plus bas, leur chute ralentie par les poupées d'ombres. Mais les agents de Ragnarök possédaient de bons combattants dans leurs rangs, dont le niveau rivalisait parfois facilement avec celui des membres de l'escorte. Il ne restait plus que trois magiciens, dont Jena et Lowan, lequel défendait encore le pont malgré ses blessures, plus Yoru. «Tss … cinq adversaires chacun. J'espère que ça va le faire » espéra Jena.

    Soudain, trois hommes s'en prirent à elle. Jena para, contre-attaqua, esquiva, mais finit par être débordée. Un énième coup finit de l'assommer, alors qu'il ne lui restait plus qu'un adversaire sur les trois. Yoru mit K-O celui-ci, la rattrapa de justesse et la déposa sur le pont. Ce n'était plus le moment de s'inquiéter d'être reconnu. Lowan étant trop affaibli pour continuer, il ne restait plus qu'un seul magicien en état, de leur côté, contre dix ennemis. Il devrait donner tout ce qu'il avait, sans chercher à se cacher des autres. Cependant il descendit à terre, où il était plus à l'aise.

     

    De son côté, Thelis observait avec inquiétude les affrontements. Il savait combattre, lui aussi. Devait-il les rejoindre ? Mais il n'était pas aussi doué que les autres, et s'il était vaincu … l'orbe serait aux mains de Ragnarök. Non, il ne pouvait pas. Il devait espérer que Yoru et l'autre magicien vaincraient.

    Il vit avec appréhension un homme armé d'un sabre faire face à Yoru, tandis que trois autres encerclaient le jeune homme. Parmi ses adversaires se tenait un manieur d'ombres.

    L'homme au sabre attaqua d'un coup d'estoc ; Yoru esquiva, lui asséna un coup de genou, aidé de son ki. Il pivota, repoussa un adversaire, contra l'offensive d'un autre. La lame du premier faillit lui entailler le flanc, il l'esquiva. Puis poussa un cri.

    Le manieur d'ombres avait murmuré quelque chose, et un sort ressemblant à la sagitta magica était apparu. Les traits de ténèbres avaient fondu sur Yoru, qui était en train d'esquiver la lame. Et l'un deux lui avait entaillé la cuisse gauche, tandis qu'un autre blessait son bras.

     

    - Il ne va pas tenir longtemps … murmura Jena, à peine consciente, gisant sur le pont.

     

    Elle sentit un corps tomber à côté d'elle. C'était son dernier équipier, grièvement blessé. Des ennemis s'approchaient maintenant des vaincus, laissant Yoru à ses adversaires. Ces dernier s'arrêtèrent soudainement.

     

    - Nous tenons tes alliés en otages ! s'exclama un ennemi sur le dos du vaisseau. Si tu résistes, il mourront !

     

    Yoru hésita. Il se doutait que Ragnarök ne faisait pas de quartier, qu'ils mourraient de toute façon. Mais pouvait-il faire quelque chose ? Il avait déjà beaucoup utilisé son ki, commençait à fatiguer sérieusement, et était blessé.

    Soudain, il sentit quelque chose. Depuis quelques temps, il était capable de percevoir la présence de combattants, surtout s'ils utilisaient le ki. Même s'il ne pouvait pas dire à qui appartenait le ki avant de voir la personne. Et là, quelqu'un avec un ki déjà bien développé approchait. Il le sentait. Cette personne était peut-être à cinq cent mètres. Il devait gagner du temps, en espérant que ce soit un allié.

     

    - Que vaut votre parole ? Comment savoir si vous allez la respecter ?

    - Tss … tu n'as pas le choix de toute façon ! Tu te laisse faire, ou tu meurs !

     

    Les adversaires de Yoru se rapprochèrent de lui, d'un air menaçant.

     

    - Qu'est-ce que vous cherchez, exactement ?!

    - Nous n'avons pas l'intention de te le dire.

     

    Le combattant était de plus en plus proche. Il avançait vite, certainement par quick move. Il y avait encore de l'espoir. Il pouvait encore gagner du temps en les surprenant.

     

    - J'ai une autre proposition. J'ai des informations sur quelque chose qui vous intéresse. Si vous laissez cet équipage tranquille, je vous les donnerai.

    - Hin ! Et des informations sur quoi exactement ?

    - Lya Aemilia. Une cible de votre maître, qui vous échappe depuis des années.

     

    Le silence se fit, leurs ennemis étaient stupéfaits. «Lya … Aemilia ?», pensa Jena. «Aemilia ? Ce nom … Serait-elle … non, impossible. Ce doit être une coïncidence. Mais pourquoi ? Il s'agit de son amie, du moins de son alliée … pourquoi la vendrait-il ?»

     

    - Très drôle ! éclata de rire l'homme au sabre. Tu aurais presque pu nous avoir ! Mais il est impossible que cette gamine ait résisté à notre maître aussi longtemps. Prépare-toi à mourir !

     

    « Visiblement, tout le monde chez Ragnarök n'est pas au courant des échecs de leur maître … » pensa Yoru en soupirant ? Dommage, il aura essayé …

    L'ennemi leva son sabre, et Yoru voulut parer. Mais sa jambe blessée refusa de le porter plus longtemps, et il tomba.

    Soudain, quelqu'un surgit de derrière des rochers, dévia la lame et mit K-O le bretteur. Yoru en profita pour s'appuyer sur sa jambe valide, bondir dans le ciel avec un quick move ; et il rejoignit le pont du vaisseau grâce à son ki. Trois ennemis surveillaient l'escorte, dont les membres étaient pour la plupart inconscients. Il en approcha un par derrière, l'assomma d'un coup du tranchant de la main sur la nuque. Les deux autres se jetèrent sur lui, il laissa son ki s'échapper de son corps et le protéger, comme en Norvège, puis il les neutralisa de la même façon que le premier.

     

    - Yoru ! entendit-il soudain dans son oreillette.

    - Thelis … murmura Yoru, horrifié.

     

    Avec sa jambe blessée, il n'était pas sûr de pouvoir arriver à temps ! Il s'écroula, épuisé, devant la porte métallique des escaliers. Sans pouvoir se lever. Il sentit alors le combattant qui l'avait sauvé, le dépasser et s'engouffrer dans le vaisseau. Une ou deux minutes, plusieurs cris et un ennemi passant par la porte défoncée plus tard, tout était réglé. Le combattant tendit alors la main à Yoru, lui permettant de voir son visage.

     

    - Eh bien, tu es dans un sacré état ! s'exclama-t-elle.

    - Kû ?!

     

     

    ***

     

     

    - Illonya ! Attends ! s'écria Shelly, inquiète. Qu'est-ce que tu fais ?!

    - Je vais devenir folle si je ne l'aide pas. Je reviens tout de suite.

     

    La magicienne s'envola en dehors de leur abri, et attira l'attention de l'énorme reptile. L'espèce de lézard se désintéressa bien vite de sa première proie, intrigué par la petite chose qui volait sous son nez. L'animal fondit sur elle dans son étrange démarche, à moitié rampante.

    Illonya l'évita en tournant brusquement, la testa avec des sagitta magica de feu. La peau dure du monstre lui évita la plupart des dégâts, et il repartit à l'attaque. Cette fois-ci, la jeune magicienne l'esquiva de justesse, prit de l'altitude et commença à incanter.

    Le reptile, agacé, fouetta l'air de sa longue et imposante queue, tentant de ramener au sol cette proie récalcitrante. La norvégienne se tut, puis elle recommença un autre sort.

     

    - Aqua et ignis unisonent ! Magna cataracta !

     

    Une énorme quantité d'eau chuta avec force sur le reptile et le plaqua au sol. La créature poussa un hurlement effroyable, balayant l'air de son énorme queue, aveuglé par la rage.
    Illonya s'entoura de salamandres, et fondit sur le reptile. Protégée par ses invocations, elle évita habilement les coups de queue lancés au hasard et réussit à se poser sur son dos.
    Le monstre se débattit violemment, mais la jeune magicienne faiblit pas. Elle posa sa main sur l'échine du reptile.

     

    - Emittam ! hurla Illonya.

     

    La magie entoura sa main, et la tempête de Neptune qu'elle avait préparée toucha la bête à bout portant, ce qui l'écrasa au sol à nouveau, et finit par l'assommer.

    La magicienne descendit du dos du monstre en soupirant. Ça n'avait pas été bien difficile, mais maintenant elle avait un autre problème sur les bras. Le magicien qu'elle venait de sauver avait tout vu, Shelly n'avait pas eu le temps de modifier son apparence. Mais le magicien en question n'eut aucun mouvement de recul - en même temps elle venait de le sauver – bien au contraire.
     

    - Super ! s'exclama-t-il, en admiration. Tu as progressé depuis la dernière fois ! Une Neptunus tempestas aquae avec incantation à retardement !

     

    Illonya le regarda avec un air tout à fait incrédule. Mais de toute façon, il était impossible pour elle de ne pas être incrédule quand elle était avec lui.

     

    - Derek1, tu te bases sur quoi pour dire ça ? soupira-t-elle, désabusée. Dois-je te rappeler que ... tu ne m'as jamais vue combattre ?

    - Hum ... pas faux.

    - Et ... c'est tout ce que tu as à me dire ?

    - Désolé de m'être fait attaquer ?

    - Raté, ça je m'en fiche.

    - Comment ça va ?

    - Pas trop mal, si on prend en compte le fait que ma vocation de magister magi est sacrément mise à mal. Merci de t'en inquiéter, mais c'était pas ça non plus !

    - Euh ... je sèche, là !

     

    Illonya se passa la main sur le visage, désespérée. Puis le jeune homme sembla avoir un éclair de génie.
     

    - J'ai compris ! Qu'est-ce qu'il t'est passé par la tête, en attaquant le port-portail ?! s'écria Derek, maintenant inquiet.

    - C'est pas trop tôt ! Laisse-moi t'expliquer …

     

    Elle lui raconta l'incident dans les détails, en gardant pour elle les projets de retrouvailles de l'ala alba. Elle restait méfiante, car après tout, il pouvait très bien choisir de croire le gouvernement au lieu d'elle.

     

    - Et toi, que fais-tu ici ? demanda la norvégienne.

    - Je suis censé être en vacances ... mais ce n'était pas vraiment ce dont je rêvais !

    - Je te crois ... que vas-tu faire ?

    - T'accompagner, pourquoi ?

     

    Illonya marqua un temps d'arrêt, surprise.

     

    - Tu es fou ! s'exclama-t-elle enfin. Je suis recherchée, je te rappelle ! Tu risques d'être pris pour un complice, si on nous attrape !

    - Je préfère ça plutôt que de me faire pourchasser par des reptiles qui cherchent à me dévorer !

     

    « Tu ne dirais pas ça si tu savais que j'étais maudite », pensa Illonya avec un pauvre sourire.

     

    - Bon, bon ... si tu y tiens. Mais ça va être dangereux, j'ai l'intention de travailler comme chasseur de prime, pour gagner un peu d'argent.

     

    Ils reprirent la route dès que Shelly les eut rejoints. Sur le chemin, ils parlèrent de tout et de rien, même si un sujet en particulier intéressait la jeune magicienne.

     

    - Alors, qu'est-ce qui te fais le plus peur, maintenant ? Les créatures du monde magique, ou …

    - Je ne vois pas comment tu peux poser la question ! s'exclama-t-il avec un frisson. C'est toujours …

    - Je vois ... soupira la stagiaire avec un air de désolation intense, ta phobie reste …

    - Ouep.

     

    Shelly tenta un moment de comprendre, puis renonça : leurs paroles étaient trop sybillines pour elle. D'un côté, elle avait très envie de savoir ce qu'était cette fameuse phobie, mais en voyant l'expression blasée de sa maîtresse, elle se dit que ce n'était finalement peut-être pas une bonne idée.

     

     

    ***

     

     

    Lya et Gira volaient, toujours inquiètes d'une possible course-poursuite avec les chasseurs de prime. La démone tenait à tout prix à mettre de la distance avec le campement, trop proche à son goûte. Après tout, entre les magiciens qu'elles avaient attaqués et elles, il n'y avait qu'une journée de vol.

    Elles se frayaient leur chemin dans une étrange forêt. Là-bas, tout était démesuré, les arbres étaient immenses, même si l'Arbre-Monde de Mahora, tout simplement gigantesque, les battait à plate couture. Les branches ressemblaient à de gros troncs par leur taille, et inutile de parler des dits troncs, colossaux pour certains. Grâce aux dimensions de l'endroit, il restait beaucoup de place pour bouger et se battre, ce qui d'un côté les arrangeait. Plusieurs fois, elles durent d'ailleurs se mettre à couvert pour laisser passer d'énorme bêtes magiques en pleine chasse, dont c'était le territoire.

    Toutes deux étaient silencieuses. Bien sûr, Gira était plutôt taciturne, mais de toute façon Lya était trop pensive pour essayer d'engager la conversation. Cette vision qui se répétait la perturbait. Lui manquait-il une information cruciale ? Oui, bon, à part l'identité de ses parents ? Que contenait la fin de cette vision, que disait la voix qu'elle avait cru entendre la fois précédente ? Saurait-elle enfin qui était cette femme ?

     

    La jeune magicienne retourna cette vision, la reconstitua, secondes par secondes, sans tout fois trouver d'indice. Ça l'agaçait vraiment. D'habitude, elle arrivait à déduire quelque chose de ses visions. Mais là, elle ne comprenait pas, et Lya détestait ça.

    Cependant, à force de revoir la fin dans son esprit, elle finit par se rappeler légèrement la voix. C'était un souvenir très brumeux, mais elle avait cru entendre quelque chose commençant et finissant par "a". Le reste était trop flou ... Qu'est-ce que ça pouvait vouloir dire ? Seul un prénom correspondait à cela, dans les gens qu'elle connaissait. Arianna. Pourquoi ? Quelqu'un avait-il appelé la magicienne de l'ala rubra, pendant cette vision ? Plus important, que s'était-il passé à ce moment-là ? Arianna était-elle intervenue dans le combat, après la perte de conscience de la petite Lya ? Avait-elle réussi à …

     

    - Lya, appela Gira en interrompant ses pensées, on a un problème.

    - Mmh ?

    - Je crois qu'on est suivies.

     

    Maintenant que la démone le disait, la jeune magicienne sentait clairement des présences autour d'elles.
     

    - Je crois qu'ils sont encore loin, fit Lya.

    - Effectivement, mais ça devient dangereux. Surtout qu'on n'a pas du tout la même sensibilité qu'Illonya ... les localiser avec précision risque d'être difficile.

    - Par contre, réfléchit la magicienne de glace, c'est la même chose pour eux, non ? Donc si on accélère pour mettre de la distance et qu'on dissimule notre présence, nous trouver sera de plus en plus difficile.

    - Exact, confirma la démone. Et je doute qu'ils sachent réellement où on est, c'est certainement une des équipes réquisitionnée pour une battue.

     

    Elles appliquèrent les propos de Lya, qui bénit silencieusement l'entraînement d'Arianna pour lui avoir appris à se concentrer sur deux sorts en même temps, et celui de Gira pour l'avoir renforcé.

    Mais les chasseurs de prime étaient bien plus rapides que ce qu'elles croyaient. Ils s'approchaient à une vitesse dangereuse.

    Soudain, quelque chose surprit Lya, au point qu'une fraction d'une seconde, elle se rapprocha du sol, avant de redresser son vol immédiatement. Elle avisa les environs d'un air surpris. Les environs lui disaient quelque chose. Les flancs d'une montagne qui se rapprochait, les rochers, la végétation. Elle était déjà passée par là, elle le sentait.

     

    - Suis-moi ! s'exclama la jeune magicienne soudainement, bifurquant sur la droite, vers le flanc de montagne.

    - Qu'est-ce que tu fais ? protesta Gira. Si on fait ça, on va perdre du terrain !

    - Tu me fais confiance ?

     

    Pour toute réponse, la démone la suivit, affichant un sourire crispé par la tension, mais complice. Lya, elle, ne savait pas tout à fait ce qu'elle cherchait, mais elle étrangement, elle éprouvait un sentiment de sécurité et de chaleur au fur et à mesure que les deux jeunes filles s'approchaient du flanc de la montagne.

    Leurs ennemis étaient de plus en plus proches, mais elles réussirent à atteindre une paroi rocheuse sans se faire remarquer, et se posèrent.

     

    - OK, tu peux m'expliquer ce qu'on fait là ? l'interrogea Gira, tendue et perplexe.

    - Attends un peu.

     

    Lya ferma les yeux et se concentra. Elle était certaine que son instinct ne l'avait pas amenée là pour rien. Sa peau, à l'endroit de son sceau, commença à picoter légèrement, et la jeune fille crut voir une silhouette passer devant elle. Mais ce n'était qu'une vision issue de ses souvenirs, la personne n'était pas réellement là. La silhouette posa sa main sur la paroi rocheuse, qui ondula étrangement, et l'apparition passa à travers la pierre.

     

    - C'est bon, je sais ce qu'il faut faire, annonça Lya en s'approchant de la paroi.

     

    Elle y posa sa main, et comme elle s'y attendait, la roche fut parcourue par ce qui ressemblait à de petites vagues. Lya, légèrement hésitante, poussa, et sa main s'y enfonça sans résistance.

    Gira toucha à son tour la pierre, mais rien ne se passa.

     

    - On dirait que cette chose ne m'accepte pas, remarqua la démone, de plus en plus stressée par les chasseurs de prime qui se rapprochaient de plus en plus de leur localisation.

     

    Sans réfléchir, Lya lui prit la main, et dès que leurs peaux entrèrent en contact, Gira put pénétrer elle aussi la pierre. Toutes deux passèrent la paroi, et en ressortirent deux ou trois mètres plus loin, dans un tunnel sombre.

     

    - Ardescat2, incanta Lya, tandis qu'une flamme apparaissait au-dessus de son doigt et éclairait la grotte.

    - Eh ! protesta Gira à voix basse. On ne sait pas si on est seules ! N'éclaire pas un endroit inconnu comme ça !

    - Ne t'inquiète pas, répliqua la magicienne de glace. Il n'y a personne ici.

    - Comment le sais-tu ? murmura la démone, interloquée.

    - Je le sens … cet endroit est complètement vide. Et je pense que je suis déjà venue ici avant.

     

    Gira faillit répondre que ça ne répondait pas complètement à sa réponse, mais décida de lui faire confiance. Les deux jeunes filles se mirent à avancer dans le tunnel. Au bout de deux ou trois cent mètres, la lumière naturelle réapparut, et elles découvrirent, stupéfaites, que le tunnel s'ouvrait sur une forêt luxuriante, entourée par de gigantesques parois rocheuses. La lumière du soleil illuminait l'endroit, passant par un cratère plusieurs centaines de mètres plus haut.

     

    - Incroyable, souffla Gira. On est … dans la montagne ?!

    - Je crois savoir qu'elle a été creusée par magie, répondit Lya, mais je n'en suis pas sûre …

     

    Encerclés par les arbres, à proximité d'un lac, se dressaient quelques bâtiments. Ils étaient envahis par la végétation, mais étaient encore en bon état. Instinctivement, Lya se dirigea vers l'un de ces bâtiments, une grande maison, qu'elle contempla d'un air absent. Son sceau la dérangeait, mais elle l'ignora.

     

    - Qu'est-ce qu'il t'arrive ? lui demanda Gira, intriguée.

    - Je crois que …

    - Que ?

    - Que j'ai habité ici …

    - Quoi ?! s'exclama la démone, interloquée.

     

    Lya entra dans la maison. L'intérieur était agréable, même s'il avait certainement été laissé à l'abandon pendant un long moment. La jeune fille avait l'esprit empli de sons, d'odeurs, tout droit sortis de son esprit. Elle avait l'impression d'entendre des éclats de rire, des voix. Les visions se bousculaient en elle, et Lya en avait les larmes aux yeux. Elle le ressentait, elle savait qu'elle avait eu une vie heureuse, et pour la première fois, elle sentait qu'elle appartenait à un endroit.

    La jeune fille s'avança, les jambes tremblantes, vers l'étage. Gira la suivit, perplexe, et elles passèrent dans un couloir. Puis Lya ouvrit une porte. Les murs de la pièce étaient peints d'une chaleureuse couleur pêche, et décorée d'un mobilier blanc. C'était une chambre d'enfant. Sa chambre. Elle s'assit sur le petit lit, et contempla l'endroit avec nostalgie.

    La démone décida de la laisser tranquille et d'explorer les autres pièces. Elle commença par celle en face de l'ancienne chambre de Lya. C'était une chambre à coucher, mais elle n'y découvrit rien. Elle passa à la porte suivante, cachant un autre couloir. Elle entra dans une pièce. Il s'agissait d'une autre chambre. La visite des autres pièces de l'étage furent tout aussi infructueuses, donc Gira revint sur ses pas pour rejoindre Lya, la trouvant assise sur le lit.

    Quelque chose attira tout de suite son regard, dépassant de sous une armoire. Gira ramassa la chose, qui s'avérait être une photo. La démone découvrit dessus Lya, vers les cinq ans, qui portait fièrement son bâton argenté terminé par la sphère bleue. L'enfant était entourée par deux jeunes femmes, une aux yeux bleus et sombres, et aux longs cheveux noirs maintenus par un bandeau. La seconde portait ses cheveux châtains jusque dans le bas du dos, une tresse dépassant des autres mèches, avait d'étranges yeux violets, et donnait discrètement un coup de main à la petite pour tenir son bâton.

    La démone lui montra la photo.

     

    - Oh, fit Lya avec nostalgie en pointant la femme aux cheveux noirs. C'est Arianna … mais je ne sais pas qui est l'autre, je sais juste qu'elle m'a protégée dans ma vision. Par contre, je comprends comment Arianna avait ce bâton en sa possession, quand nous nous sommes rencontrées … c'était le mien …

    - Tu étais plutôt mignonne, fit Gira en souriant.

    - Étais ? releva la jeune magicienne en riant.

    - Attends, tu as vu ce sourire béat et ce bâton trois fois plus grand que toi ? Les mini-pouces comme ça, personne ne peut y résister ! s'amusa la démone. Pas même moi !

     

    Lya éclata de rire à nouveau et rangea la photo dans son sac.

     

    - Bref ... ça te dit d'explorer les autres pièces ? Il reste quelques pièces à cet étage et d'autres au rez-de-chaussée.
     

    Lya acquiesça, et elles visitèrent le reste de l'étage. Mais il n'y avait que des pièces pour la plupart vides, certainement d'anciennes chambres.

    Les deux magiciennes redescendirent donc, et explorèrent le rez-de-chaussez, presque vide de meubles. Les seuls qui restaient contenaient des objets de la vie quotidienne, mais aucun indice sur le passé de Lya.

     

    - Bon, lança Gira, quand tu me disais tout à l'heure qu'il n'y avait personne ici, j'avais du mal à te croire, mais là ... si c'était encore le cas, je ne sais pas ce qu'il me faudrait !

    - Ne reste que cette porte, soupira son alliée.

     

    Elles passèrent dans la dernière pièce, qui en fait ... n'en était pas une.

     

    - Un placard, soupira à son tour la démone.

    - Attends …

     

    Le placard en question était très profond, contrairement à ses étagères, ce qui laissait tout de même un bon mètre cinquante entre celles-ci et la porte.

    Quelque chose chiffonnait Lya. Ce placard lui rappelait vaguement quelque chose, mais quoi ?
    Soudain, la silhouette qui lui avait montré comment passer la pierre réapparut. Elle traversa Lya et Gira - qui d'ailleurs ne se doutait de rien à propos de la vision - comme si elles n'existaient pas. Puis elle posa sa main fantomatique sur le mur de droite du placard, et disparut.

     

    - Ça a marché pour l'entrée, pas de raison que ça ne m'accepte pas ici, réfléchit Lya.

    - Qu'est-ce que tu racontes ?

     

    La jeune fille ne répondit pas, et appliqua sa paume sur le mur. Après un petit temps d'attente, la façade coulissa vers les étagères pour la laisser passer, et Gira la suivit en haussant les épaules.
    Elles pénètrent dans un couloir qui descendait vers un sous-sol. Tout au bout, une autre porte se dressait, normale cette fois-ci. Lya n'eut qu'à baisser la poignée pour entrer.

    Démone et magicienne arrivèrent dans une pièce circulaire, pratiquement vide. Seule une sphère transparente, posée sur un promontoire cylindrique, se trouvait là, au centre de la pièce. Instinctivement, Lya posa sa main sur la sphère. Soudain, un dessin en trois dimension s'en échappa, tortueux. Un point noir se situait au plus bas de la représentation, et un autre point, bleu cette fois-ci, brillait à quelques centimètres du noir, au même niveau.

     

    - Qu'est-ce que c'est, à ton avis ? demanda Lya, après un sursaut.

    - Aucune idée. J'aimerais bien savoir ce que ça fait dans les sous-sols de ton ancienne maison …

    - Moi aussi.

    - Aucune vision ? l'interrogea la démone. Aucun pressentiment ?

    - Rien du tout. Je ne sais même pas si je suis déjà venue dans cette pièce.

     

    Gira haussa les épaules en signe d'abandon, et enregistra le dessin avec l'équivalent magique d'un appareil photo. Puis, faute d'indice, les deux magiciennes remontèrent et occupèrent la chambre de Lya pour la nuit.

     

     

     

    1 Je m'excuse d'avance pour tous les Derek … Vous verrez bien pourquoi plus tard !

    2 Je rappelle, au cas où, que l'ardescat est un sort de base, et donc que Lya peut l'utiliser sans problème même si le feu n'est pas son élément.


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  • - Bon, fit Gira, s'en prendre à ces chasseurs de prime valait le coup, mais maintenant, on devrait déguerpir. Même s'ils ont encore quelques heures de sommeil devant eux, dans quelques heures, ils signaleront notre présence.

     

    Elles repartirent en volant, tout en discutant de ce qu'elles venaient d'apprendre.

     

    - Tout concorde, on dirait, s'exclama Lya. On va à Ostia, et sur le chemin, on apprend que ce Nagi, Negi, et les autres, y vont aussi !

    - Tu vas t'en plaindre ?

    - Pas du tout ! J'espère que Yoru a eu le message …

    - Yoru ? répéta Gira d'un ton malicieux que Lya ne lui connaissait pas.

    - Ou-Oui … bon … bégaya Lya en rougissant légèrement. Lui … et tous les autres !

    - C'est pas croyable … Vous êtes ensembles, et tu rougis comme si tu étais sur le point de faire ta déclaration, dès qu'on t'en parle.

    - J'ai compris, je sais, je suis complètement coincée, et alors ?

    - Les gens de l'ala alba sont au courant ?

    - Oh, j'espère que non ! Kaede et les jumelles, c'est déjà suffisant ! Quoique … Asuna et Setsuna nous regardent parfois bizarrement, comme si elles savaient. Haruna sait que je l'aime mais je ne pense pas qu'elle connaît la partie « déclarations ».

     

    Lya se tut soudainement, et devint de plus en plus rouge au fil de ses pensées.

     

    - Qu'est-ce qu'il se passe encore ? demanda Gira, peu voire pas du tout habituée aux histoires de cœur, hésitant entre rire et soupirer.

    - B-Ben … je viens de réaliser que … toute la 3-A … est au courant !

    - Pourquoi ?

    - Comment dire … Une nuit, toute la classe s'est montrée à l'auberge, il n'y avait que des futons de deux places, du coup on a dû dormir ensembles !

    - Vous avez dû … ? Ose me dire que tu n'étais pas contente !

    - Hey … Tu n'es pas obligée d'imiter ce pervers de Camo ou Katsu ! s'exclama Lya en riant.

     

    À ces mots, son sourire s'effaça et Lya baissa les yeux, inquiète.

     

    - Je me demande si Katsu va bien, murmura-t-elle. Qu'est-ce qu'il lui est passé par la tête, à cet abruti ? Nous inquiéter comme ça …

    - Il a été capable de quitter la maison d'Illonya, sans être repéré, alors il doit aller bien. Dépêchons-nous, il faut mettre le plus possible de distance avec le camp, avant que les chasseurs de prime ne se réveillent.

     

    Elles continuèrent à voler en silence, se frayant un passage entre les arbres. Après plusieurs heures de vol, elles décidèrent de faire une pause.

     

    - Ici, nous devrions être plus ou moins en sécurité. Ils ne savent pas de quel côté nous sommes parties, donc les recherches prendront du temps. Reposons-nous.

     

    Lya s'appuya contre un tronc d'arbre et ferma les yeux.

     

    - Dis, Lya … l'appela Gira.

    - Mmh ?

    - J'y repense, mais … tu m'as bien dit que Suano t'avait déjà attaquée ? En plus de notre offensive en Norvège ?

    - Tss, tu ne peux pas t'empêcher de penser à lui, hein ?

    - Je le hais, affirma la démone d'un ton agressif. Alors ?

    - En effet, répondit Lya sans se formaliser de son ton. Il a voulu me tuer quand j'étais avec Arianna, il y a plusieurs années, mais je ne l'ai pas vu. Pourtant je suis sûre que c'était lui. Ensuite, il s'en est encore pris à moi, mais j'étais avec une femme dont je ne me souviens pas vraiment, et j'ai perdu conscience.

    - Avant qu'il ait perdu ?

    - Oui.

    - Dommage … on aurait eu un de ses points faibles.

    - Tu sais, je t'en aurais parlé.

     

    Elles se turent à nouveau, et Lya finit par s'assoupir. Gira la regarda dormir, s'abandonnant en même temps à ses idées noires de vengeance.

    Soudain, Lya commença à trembler et à murmurer des paroles presque inaudibles, desquelles s'échappaient les mots « non » et « au secours ». Gira pensa un instant à la réveiller. Mais elle se rendit compte que c'était peut-être une vision, et elle décida de la laisser. Même si la jeune fille semblait terrifiée.

    Les minutes passèrent, interminable, et au bout de ce qui sembla une éternité, Lya se réveilla en sursaut, laissant échapper un cri.

     

    - C'était … fit-elle en haletant. Pourquoi … Comment …

    - Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

     

    Lya porta sa main à son front, visiblement inquiète, et ne répondit pas. Gira comprit que la jeune fille avait besoin de quelques minutes avant de s'expliquer, histoire de rassembler ses esprits. Elle attendit donc que la magicienne reprenne son état habituel.

     

    - J'ai encore fait ce rêve, répondit enfin Lya. Je ne comprends pas, j'ai eu cette vision trois fois déjà … comme si je n'avais pas tout vu …

    - C'est-à-dire ?

    - Comme s'il manquait une partie de ma vision. Et puis … et puis … réalisa la jeune fille d'une voix sourde. La fin … elle a changé !

    - Comment ça, elle a changé ?

    - Eh bien … ce n'est peut-être pas grand chose, mais j'ai perdu conscience plus tard que dans les deux autres, et je suis persuadée avoir entendu quelque chose … mais c'était brouillé, comme si quelque chose m'empêchait de m'en souvenir. C'était peut-être le sceau ?

     

     

    ***

     

     

    Pendant ce temps, Illonya et Shelly elles aussi vers Ostia, tout en discutant de la façon dont elles allaient atteindre la ville.

     

    - Je ne pense pas qu'on puisse arriver à Ostia, même en volant, en si peu de temps ! s'exclama Shelly, inquiète.

    - Non, en effet … on est beaucoup trop loin.

    - Du coup, le mieux serait de gagner de l'argent et d'utiliser un vaisseau. Mais comment ?

    - J'ai bien une idée, mais c'est assez dangereux, fit Illonya. Et tu ne vas pas aimer.

    - Dis toujours.

    - Je peux essayer des missions de chasseurs de primes. Après tout, il ne font pas que chercher les fugitifs, mais ils s'occupent aussi de dragons, lorsque ceux-ci s'attaquent aux villages, ou de bandits.

     

    Shelly en resta muette de stupéfaction. Comment ça, chasseuse de prime ?!

     

    - Tu es folle ! C'est beaucoup trop dangereux !

    - Désolée, mais courir le risque a plus d'avantages que ce que tu crois. Primo, on obtient de l'argent. Ça nous permettra d'aller à Ostia en vaisseau. Secondo, je suis persuadée qu'on rencontrera Skoll et les autres, et c'est encore le meilleur moyen de s'entraîner.

    - Dois-je te rappeler que tu es ce qu'on appelle une mage-pure, une magicienne qui combat à distance, et que tu n'as pas encore de partenaire quand tu incantes ?

    - Contre des dragons, je compte garder une distance de sécurité quoi qu'il arrive, s'il le faut je fuirai. Ça te va ?

    - Et contre des magiciens ?

    - Je ne m'en prendrai pas aux plus forts, répliqua Illonya avec un clin d'oeil. De toute façon, les brigands d'ici n'ont pas vraiment une éducation magique, ils attaquent en bande pour compenser leur manque de technique. Bien sûr que je ne m'occuperai pas des criminels fugitifs … Et puis, ça me fera toujours une expérience de magister magi, puisque leur rôle est d'aider les habitants !

     

    Elle avait terminé sa phrase dans la bonne humeur, presque en plaisantant d'un ton léger, mais Shelly ne s'y trompait pas. Le cœur n'y était pas.

     

    - Il y a un problème ?

    - Non … hésita Illonya. Pourquoi ?

    - Tu ne m'auras pas comme ça, je te connais par cœur. Alors ? Je sens bien que tu n'es pas si enthousiaste.

    - Je me demande, si …

    - Si ?

    - Si je suis qualifiée pour être magister magi. Si j'ai les qualités requises …

     

    La chatte-fée déglutit de travers, et faillit s'étouffer de surprise.

     

    - Quoi ?! Tu plaisantes, j'espère !

    - Pas du tout. Je me demande pourquoi j'ai été choisie par la malédiction de Hel. Si je ne possède pas des points communs avec elle. Si j'ai vraiment ce qu'il faut pour sauver des vies. Si je ne suis pas vouée à la destruction, finit-elle dans un souffle.

     

    Si Shelly avait eu des mains, elle aurait bien giflé sa maîtresse, histoire de lui remettre les idées en place. Elle n'en avait pas, alors tant pis. Elle fit autre chose.

     

    - Aïe ! glapit Illonya. Shelly, pourquoi tu viens de me planter tes griffes dans mon épaule ?!

    - Parce que je suis contre ton bras. Sinon, ça aurait été le genou.

    - C'est pas ce que je veux dire ! Ça fait mal ! protesta la petite magicienne.

    - C'est le but. Bon sang, comment peux-tu dire ça ?! Tu es comme Lya, amnésique ?!

    - Non.

    - À la bonne heure ! Donc je n'ai pas besoin de te rappeler que tu as tout risqué pour protéger la vie de Lya ! Que si je suis ici, c'est grâce à toi, car si tu ne m'avais jamais trouvée, affamée et abandonnée, dans la nature, je ne serai plus là … Alors que tu étais toute petite !

     

    Illonya ne répondit pas, soumise à ses doutes malmenés par les paroles de son familier, mais toujours aussi présents.

     

    - Illonya, depuis toute petite, tu as toujours voulu aider les autres. Tu en doutes, maintenant ? Tu adores ton stage à Merdiana, tu aimes enseigner aux jeunes magiciens, parce que tu sais que tu les aides ! Cette fichue malédiction t'a choisie tout simplement parce c'était le moment pour elle de s'activer, et c'est tombé sur toi.

    - Tu as sûrement raison …

     

    Elles volèrent quelques instants, changeant de sujet pour parler à nouveau des missions de chasseur de prime, quand Illonya sursauta. Elle sentait une présence magique, humaine, se dirigeant vers son familier et elle.

    Illonya ferma les yeux, et se concentra. Le magicien était encore à un bon kilomètre, devant elle. Il n'était pas bien puissant, la jeune norvégienne saurait le vaincre. Mais, pour être certaine que sa position resterait secrète, il valait mieux l'éviter. Elle tourna brusquement à droite, accéléra. Elle avisa une zone rocheuse, qui leur offrirait, à Shelly et elle, un bon abri, et elle s'y cacha, son familier dans les bras. Elles attendraient tout simplement que le magicien les dépasse, puis elles repartiraient.

    Soudain surgit une autre aura magique. Beaucoup plus sauvage, incontrôlée.

     

    - Un animal, supposa Illonya à voix basse, certainement un dragon ou quelque chose du même calibre …

     

    Le magicien apparut dans leur champ de vision, et quelques secondes plus tard, un énorme reptile fit de même, à la droite du magicien, qui cria de surprise. Le monstre ressemblait à un très gros lézard, de deux ou trois mètres de haut, et d'une bonne dizaine de mètres de long. Les dents en plus. La chose s'attaqua au magicien, lequel hurla à nouveau de terreur et tenta de fuir, mais elle était très rapide.

     

    - Je connais cette voix … murmura Illonya.

     

    Elle avait deux solutions. Y aller, et être repérée, en espérant que le jeune homme ne vendrait pas la mèche. Après tout, tous deux se connaissaient, mais n'étaient pas si proches. Ou alors, rester là et donner raison à sa malédiction, en faisant taire la part d'elle qui rêvait du futur de magister magi. Elle secoua la tête, chassant cette idée. Si elle faisait ça, elle perdrait le peu de confiance en elle qui lui restait, il fallait qu'elle se prouve à elle même qu'elle n'était pas près de réaliser cette prophétie.

     

     

    ***

     

     

    - Ça y est, annonça Thelis. On est arrivés.

     

    Ils admirèrent quelques instants l'énorme ville qui se tenait à peine une centaine de mètres plus loin.

     

    - Voici Shangri-la. Pas mal, hein ? C'est loin d'être la plus grande ville du monde, mais elle a déjà une belle taille. Ceci dit, Ostia, Megalo ou encore Hellas sont bien plus impressionnantes !

    - C'est l'aéroport, là-bas ? demanda Yoru en pointant du doigt un grand terrain en marge de la ville. Est-ce que je suis le seul à m'étonner de voir des … des … baleines mécaniques volantes ?

    - C'est bien là-bas ? Tu sais, je pense que tout terrien qui voit ça pour la première fois a de sérieuses raisons de se poser des questions sur la santé mentale des concepteurs ! Mais bon, c'est comme ça.

    - Je vois … Qu'est-ce qu'on fait ? On y va maintenant ?

    - Non, pas encore. On a rendez-vous avec mon escorte demain matin à la première heure, alors trouvons-nous une auberge pour passer la nuit. J'en connais une, qui prendra aussi nos montures, et qui en prendra soin jusqu'à ce que je revienne les chercher, comme le gérant me doit quelques services …

     

     

    Le lendemain, ils se levèrent à l'aurore, et rejoignirent l'aéroport. Ils passèrent la sécurité, ce qui rendit Yoru mal à l'aise, même s'il portait ses « lunettes » modificatrices d'apparence, mais personne ne le remarqua.

    Thelis l'emmena jusque dans une petite section du bâtiment, qui abritait un vaisseau de taille modeste, en forme de … raie manta. Vraiment, les magiciens tenaient à faire voler la faune sous-marine ! Dans un moment d'égarement, il finit par se demander si les bateaux ressemblaient à des oiseaux, ici …

     

    - Même quand on sera partis, garde tes lunettes, chuchota Thelis. Ces gars-là m'obéissent et ne t'arrêteraient pas, mais je n'ai pas envie que l'un d'eux vende la mèche aux autorités après.

     

    L'escorte apparut bientôt. Elle était composée d'une dizaine de magiciens, qui avaient l'air tous aussi compétents les uns que les autres.

     

    - Monsieur Eman, veuillez monter, fit un homme en indiquant le vaisseau à Thelis.

     

    L'homme posa ses yeux sur Yoru, toujours déguisé, puis observa à nouveau Thelis, semblant poser une question muette.

     

    - Ce garçon vient aussi, répondit l'agent de Megalo en posant sa main sur l'épaule de Yoru.

    - Ce n'était pas prévu, s'étonna un autre magicien.

    - Et pourtant il vient.

     

    Un silence stupéfait s'abattit sur la petite troupe.

     

    - Oï, on fait pas taxi nous …

    - Là n'est pas la question, répliqua Thelis, imperturbable. Considérez cela comme un remerciement de ma part, car le jeune Yuki a été mon garde du corps pendant trois semaines. Nous le déposerons dans quelques heures sur les premiers pics de la chaîne des Longshans.

    - Que …

    - La discussion est close, non ? l'interrompit l'une des deux seules femmes de l'équipe. C'est comme ça, un point c'est tout.

     

    Les magiciens, Thelis et Yoru montèrent à bord du vaisseaux, et décollèrent quelques minutes plus tard. Une partie des combattants se rendirent au cockpit, tandis que d'autres allèrent sur le dos du vaisseau, qui pouvait accueillir quelques personnes.

    Thelis vérifia qu'ils étaient seul, puis prit la parole.

     

    - Ici, tu t'appelleras Yuki. Nous ne pouvons pas utiliser ton vrai nom, ce ne serait pas prudent.

    - Je m'en doute … Mon arrivée les a surpris, apparemment !

    - Ce n'était pas tellement prévu, mais qu'importe. De toute façon, Jena a remis de l'ordre assez vite.

    - Qui ça ?

    - Jena, celle qui les a fait taire. Elle est assez respectée, parmi eux. La présence de femmes est assez rare dans nos magiciens aériens, pour la seule et unique raison que les combattantes rejoignent plutôt les rangs exclusivement féminins d'Ariadne. Mais en général, celles qui sont ici ne se laissent pas marcher sur les pieds …

     

    Ils continuèrent à discuter de tout et de rien, pendant quelques heures, et vérifièrent l'actualité. Yoru ne savait pas s'il devait être rassuré ou déçu, mais il n'y avait rien de nouveau sur l'ala alba. Lya lui manquait, il voulait savoir où elle était, ce qu'elle faisait, comment elle se débrouillait. Par contre, du côté des arènes, ça bougeait un peu : Nagi Springfield le gladiateur, qui faisait équipe avec un jeune homme-loup du nom de Kojirô Ôgami, avait temporairement arrêté les combats, les laissant à son coéquipier et à un remplaçant.

    Au bout d'un moment, alors que la fin de l'après-midi approchait, le paysage changea et la raie manta perdit de l'altitude.

     

    - Ah, nous voilà presque arrivés, remarqua Thelis.

     

    Yoru allait ajouter quelque chose quand du coin de l’œil il aperçut quelque chose, à travers le hublot. Ça approchait rapidement, passant de l'état de petit point noir à grosse silhouette sombre. Et il y en avait plusieurs, une dizaine. Ces êtres étaient humanoïdes, portaient de longs manteaux noirs, mais faisaient deux à trois mètres de haut. Elles volaient sans bâtons, ni ailes, et avaient chacune un magicien sur son dos.

     

    - On est attaqués ! lança-t-il en courant vers les escaliers métalliques menant au pont du vaisseau.

    - Reste ici, lui demanda Thelis. Nos magiciens sont déjà en train d'agir. Tu n'es pas un combattant aérien, n'est-ce pas ? Tu ne seras pas à l'aise dans le ciel. Et puis si l'un deux arrive jusqu'ici, j'aurai besoin de toi.

     

    Yoru acquiesça, revint à ses côtés et observa attentivement à travers le hublot. Il espérait que l'affaire se réglerait vite. En effet, l'escorte de Thelis était entrée en action, ses membres lévitant ou volant avec des balais, et en deux-trois minutes, les ennemis furent repoussés.

     

    - Rapide … fit Yoru, impressionné.

    - Tu vois ? Tu n'aurais pas eu à combattre. Mmh ? Tu sembles soucieux.

    - Il y a quelque chose de pas normal … Je me demande si nos ennemis étaient vraiment forts … Et pourtant, ils doivent savoir ce que vous transportez. On peut même aller plus loin et dire que quelqu'un les a tenus au courant de tout, jusqu'à l'heure précise à laquelle nous passerions ici. Mais vos magiciens les ont vaincus sans efforts … Ce n'est pas net, vraiment.

    - Tu as raison, reconnut un magicien en descendant du pont. Je ne comprends pas comment ils ont pu avoir l'information. Mais ces manieurs d'ombres n'étaient pas très forts, en effet.

    - Manieurs d'ombres ?

    - Ce sont des magiciens spécialisés dans la création et la maîtrise d'ombres, des sors de ténèbres ; et ils utilisent des sortes de « poupées » d'ombre. Ce sont les invocations que tu as vues, avec des manteaux noirs.

    - Lowan, fit Thelis, inquiet, en s'adressant au magicien. Que penses-tu de tout ça ?

    - Ça ne sent pas très bon …

     

    Ils méditèrent quelques instants sur le problème, envisageant les différentes solutions. Le vaisseau continuait à descendre, se retrouvant à une quinzaine de mètres au-dessus du sol. Soudain, Yoru sursauta, sentant quelque chose, et un cri les interrompit.

     

    - Nouveaux ennemis ! s'écria un membre de l'escorte.

    - Quoi ?!

     

    Ils se précipitèrent pour regarder. D'autres manieurs d'ombres les encerclaient, accompagnés cette fois-ci de magiciens habituels. Ils étaient une soixantaine. Le vaisseau dut s'arrêter, condamné à faire du sur place.

     

    - Les autres n'étaient que des éclaireurs … murmura Lowan. Yuki, tu restes ici avec monsieur Eman ! Les autres et moi, on s'occupe de tout.

     

    Yoru hocha la tête, et se posta devant le hublot. Sa propre impuissance l'insupportait, mais il était bien décidé à agir si nécessaire.

    Au début, tout se passa bien. Une dizaine d'ennemis fut vaincue en quelques minutes, ce qui rassura Yoru. Il n'aurait pas besoin d'intervenir …

    Mais bientôt, un membre de l'escorte perdit conscience et chuta, rattrapé de justesse par un de ses coéquipiers et le ramena sur le pont. Quelques instants plus tard, Lowan perdit, et les magiciens de Thelis se retrouvèrent à huit contre cinquante.

     

    - J'y vais, décida Yoru. Je ne peux pas laisser passer ça. Si j'agis trop tard, je serai le seul à pouvoir combattre, et dans le ciel, ce serait mauvais. Mais maintenant, je pourrais être utile.

    - Je ne t'en empêcherai pas. Je l'avais prévu, alors tiens. Grâce à cette oreillette, je pourrai t'appeler.

    - Merci. De toute façon, aucun ne passera, répliqua Yoru en disparaissant sur le pont.

     

    Lowan, encore conscient, défendait le pont. Soudain, un ennemi fondit sur lui.

    Yoru fonça, et arrêta son poing à quelques centimètres de sa cible. Puis le repoussa d'un coup de pied dans l'abdomen.

     

    - Yuki ?! Qu'est-ce que tu fais là ?! Je t'avais dit de …

    - Je ne compte pas rester à l'abri, alors que nous avons tant d'adversaires.

     

    Le tout était de voir ce qu'il pouvait faire depuis le pont. Peu d'ennemis arrivaient jusque là. Il commença par attendre que certains passent le barrage de l'escorte. Les adversaires étaient beaucoup plus forts que les éclaireurs, mais Yoru avait progressé depuis son arrivée au monde magique, et il les combattait les uns après les autres sans relâche. Aucun ne parviendrait à l'intérieur, il l'avait décidé.

    Soudain les combats cessèrent, et les ennemis reculèrent quelques instants. Mais l'un d'eux se plaça devant le vaisseau, et prit la parole d'une voix forte.

     

    - Nous sommes de Ragnarök ! Toute résistance est inutile, alors remettez-nous ce que vous acheminez !

     

    L'annonce plongea les protecteurs de Thelis dans un silence stupéfait. Ils comprenaient tous comment leurs ennemis les avaient trouvés. Après tout, Ragnarök empoisonnait de sa présence les plus grandes administrations de ce monde …

     

    - Vous croyez quoi ? s'exclama Jena, brisant le silence. Qu'on va se laisser faire ?

    - Ragnarök, hein … murmura Yoru en tremblant de haine.

    - Yu … Yuki ? fit Lowan.

     

    Le regard de Yoru se vida, son ki l'entoura comme contre Gira, créant une violente bourrasque autour de lui. Puis il s'élança dans le ciel d'un quick move, et son poing, renforcé par son ki, envoya voler l'ennemi le plus proche.

     

    - Non ! s'écria Jena. C'est pas vrai … pourquoi il a quitté le pont ?! Il ne sait pas voler ! Quel abruti !

     

    En effet Yoru commença à tomber, mais son regard resta inexpressif et il ne semblait pas s'en inquiéter.

     

    - Je le suis ! s'exclama Jena. Restez ici à combattre !

     

    Yoru, dans sa chute, mit hors-course un autre ennemi, qui tentait d'infiltrer le vaisseau par-dessous. Puis soudain, il arrêta de tomber. Deux tourbillons de ki étaient apparus sous ses pieds, et le maintenaient en l'air. À ce moment, son regard reprit vie.

    Deux ennemis l’assaillirent. Il stoppa le premier, et Jena s'occupa du second.

     

    - Depuis quand tu sais faire ça ?

    - Aucune idée … mais je ne vais pas m'en plaindre.

     

    D'autre adversaires les attaquèrent, mais furent impitoyablement renvoyés quelques mètres plus loin.

    Le ki qui entourait Yoru semblait avoir réintégré en partie son corps, et un adversaire en profita. D'un quick move aérien, il réapparut devant le jeune homme, et l'atteignit au visage. Yoru, propulsé en arrière, perdit sa concentration. Les tourbillons de ki sous ses pieds disparurent, et il se rattrapa de justesse à la cale du vaisseau. Yoru remarqua alors quelque chose. Le coup n'avait pas fait que le sonner. Il lui avait aussi fait perdre ses lunettes modificatrices d'apparence.

    Jena réussit à vaincre l'ennemi de Yoru en quelques coup, puis se tourna vers le jeune homme pour l'aider. Elle s'arrêta, stupéfaite. À la place de Yuki se trouvait un adolescent aux cheveux noir de jais en épis et aux yeux bleus.

     

    - Yoru Yamashita ?! s'exclama-t-elle, abasourdie.

     

     

     

     


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  • Lya, du haut de ses huit ans, sortait d'un tunnel de lumière, tenant la main d'une jeune femme. Celle-ci avait les cheveux châtains, une tresse dans laquelle était mêlé un ruban blanc, et d'envoûtants yeux violets. Elle lui rappelait quelqu'un, les traits de son visage lui disaient quelque chose, mais impossible de s'en souvenir.

    Quelque chose clochait. Lya était certaine d'avoir déjà eu cette vision. Alors pourquoi ? Pourquoi revenait-elle ?

    Sunao, de quelques années plus jeune, les y attendait, son sourire malsain habituel sur le visage. Il incantait. Puis il lança son incendium gehennae sur Lya et la jeune femme, mais celle-ci réussit à les en protéger. Elles durent ensuite esquiver plusieurs flèches magiques de ténèbres, et la deuxième salve toucha Lya, à deux reprises. La petite fille tomba, se cogna la tête au sol, et n'eut le temps que de voir sa protectrice se volatiliser, et surgir devant Suano, avant de perdre connaissance.

     

    Lya se réveilla en sursaut, et se retint de crier pour ne pas réveiller Gira aussi. Sa tête lui faisait un mal de chien, et son sceau la brûlait. Elle resta dans sa couverture, incapable de penser correctement, et attendit que la douleur disparaisse d'elle-même. Puis, alors que celle-ci refluait légèrement, la jeune magicienne s'aperçut qu'autre chose clochait.

    Elle avait déjà fait cette vision. D'accord, dedans, elle avait huit ans. Ce souvenir datait de l'époque du sceau, et donc il faisait partie des mieux protégés par celui-ci. Mais la marque était censée réagir contre les souvenirs qui passaient son barrage et tentaient de remonter à la surface. Or, c'était déjà fait. Alors, pourquoi le sceau la brûlait-il ?

     

     

    ***

     

     

    Le démon tritura un instant un médaillon dans sa poche, avec le sourire satisfait de celui qui a réussi. Il savourait sa victoire, et ce médaillon, tombé d'Arianna quand il l'avait ramenée au QG, était un peu comme un trophée de guerre, le symbole du succès de sa mission. D'ailleurs, il partait pour la suivante …

     

     

    ***

     

     

    Lya et Gira cessèrent leur entraînement au soir. Depuis la vision de la jeune magicienne, les heures avaient passé, et elle avait rangé l'incident dans un coin de sa mémoire, mais n'y pensait plus. Elle avait appris à ne pas réfléchir trop longtemps à ce qu'elle ne pouvait pas expliquer, jusqu'à ce que le problème ne se résolve de lui-même, ou du moins en partie.

    Les choses n'avaient pas beaucoup changé, depuis leur voyage jusqu'à Elfanhaft. Celui-ci n'avait duré que quelques heures, les obligeant à trouver rapidement un endroit pour monter le camp le soir-même.

    Les jours avaient passé, durant lesquels se succédaient entraînement et voyage sur la route d'Ostia. Lya avait remarqué la démarche souple et silencieuse de Gira, et la démone s'évertuait à lui apprendre la même chose, à savoir se déplacer discrètement. Gira lui avait montré comment déjouer la perception d'aura, en cachant sa présence, il s'agissait maintenant de régler le problème de l'ouïe. Malheureusement, la route était longue jusqu'à Ostia, elles avaient moins d'un mois pour y parvenir et par conséquent, l'entraînement était plutôt court.

    En une semaine, elles avaient parcouru plus de sept cent kilomètres, volant à plein régime, l'une par son bâton et l'autre par ses ailes. Elles s'étaient d'abord dirigées plein nord pour contourner au plus large les quartiers généraux de Ragnarök, puis avaient repris le cap vers Ostia.

    Voilà où en était la situation, le soir après sa vision, deux semaines après les incidents des ports-portails.

     

    Le lendemain, Lya était réveillée à l'aube, mais elle choisit de rester enroulée dans sa couverture un peu plus longtemps. Presque instinctivement, elle chercha l'aura de Gira, pour savoir si celle-ci était encore endormie ou non, et, comme elle s'y attendait, la démone ne dormait plus, plongée dans ses pensées.

    Elle aussi, elle se mit à réfléchir. Tant de questions lui passaient par la tête … quel était le but de Skoll ? Celui de Ragnarök ? Comment Arianna avait-elle pu perdre ? Et tant d'autres … Elle sentait aussi que Gira savait quelque chose, à propos de l'attentat du port-portail. Pourquoi la démone ne voulait-elle pas lui en parler ?

     

    - Tu es réveillée, n'est-ce pas ? fit soudain Gira.

     

    Lya confirma, mais ne se leva pas pour autant, tout comme la démone. À nouveau, le camp fut plongé dans le silence, un silence froid que Lya ne supportait pas. Autrefois, cela ne l'aurait pas gêné. Mais depuis son arrivée parmi les 3-A, elle avait l'habitude d'échanger avec ses camarades, de discuter de tout et de rien, ou de se confier à certaines. Ce silence, qui durait obstinément depuis deux semaines, la rendait mal à l'aise. Elle avait envie de connaître Gira, de pouvoir la comprendre, de devenir plus proche de la démone. De sortir de ce statut d'alliée avec qui Gira était coincée, par la force des choses.

     

    - Gira ? Raconte-moi en un peu plus sur toi … demanda-t-elle, pour briser le silence.

    - Pourquoi ça ? Tu n'as pas besoin de savoir.

     

    Ouch … Gira : 1 - Lya : 0 … loupé.

     

    - Si on veut devenir amies, il faut bien qu'on s'ouvre l'une à l'autre … et puis je t'ai tout raconté, moi.

    - Qu'est-ce qui te dit ce c'est ce que je veux ?

    - Tu préfères la solitude ?

    - Ça t'étonne ?

    - Tu sais, j'étais comme ça, avant … Je n'aimais pas la solitude, mais je vivais avec. Je préférais ça, plutôt d'aller voir les autres, qui avaient peur de moi et ne me supportaient pas. J'attendais que quelqu'un fasse le premier pas. Pourtant, ça fait du bien de trouver quelqu'un à qui on peut se confier, s'ouvrir, parler de ses inquiétudes et ses problèmes sans que la personne ne fuie ou ne se moque.

    - Tu es naïve.

    - Je sais. Mais s'il faut que je devienne cynique, je préfère rester comme je suis.

     

    Gira ne répondit pas. Elle ne savait pas trop que penser : c'était la première fois qu'on se comportait comme ça avec elle … Elle sentait que Lya s'entêtait, et était déterminée à changer leur relation. Ça la perturbait. Elle ne comprenait tout simplement pas ce que cette fille lui trouvait.

     

    - Je ne te comprends pas trop, soupira Gira. J'ai essayé de te tuer, et toi tu veux faire ami-ami …

    - Je ne sais pas trop pourquoi non plus … mais je pense que c'est parce que tu m'intrigues.

    - Pardon ?

    - Je n'arrive pas à comprendre pourquoi tu faisais partie de Ragnarök. Tu n'as que seize ans, et tu vivais dans une organisation criminelle.

    - Au début, ce n'était pas de mon plein gré. Tu sais, tu me surprends …

    - Tu me l'as déjà fait comprendre plein de fois. Pourquoi, cette fois-ci ?

    - Je serais presque prête à te raconter mon histoire alors que c'est loin d'être mon genre. Bah, qu'importe. Par contre, lève-toi dans ce cas-là, je préfère pouvoir voir les gens à qui je parle.

     

    Lya s'assit sur sa couverture, et se tourna vers la démone. La jeune magicienne de glace était encore un peu dans le vague, ses cheveux jouant les rebelles, soulevés par le vent. Gira avisa son air « dans le pâté » (spécialité locale, attention !), et, n'y tenant plus, elle éclata de rire. À son tour, Lya sourit, puis la rejoignit dans son fou rire, évacuant le stress et la fatigue.

     

    - 1 partout, la balle au centre, murmura Lya pour elle même.

    - Pardon ?

    - Non, rien …

    - Tu sais qu'il y a une certaine ressemblance avec les lions de ton monde ? fit Gira, une fois à peu près calmée.

    - Je m'en doute ! Allez, vas-y, raconte …

     

    Toutes deux reprirent leur sérieux.

     

    - Tu sais, Ukyo n'a pas toujours été le maître de Ragnarök. C'était il y a dix ans … je ne me souviens plus trop de ma vie d'avant, mais ce jour-là, je m'en souviendrai toute ma vie. Mes parents et moi avons été attaqués par des assassins. J'étais la seule survivante, et je ne sais pas pourquoi, mais j'ai été capturée.

    - Par des assassins ? Mais pourquoi ?

    - Je ne sais pas … c'étaient des agents de Ragnarök, menés par leur ancien maître : le père d'Ukyo. J'ai été enfermée … mais après quelques jours, Ukyo est venu, avec sa sœur Invidia. Il m'a libérée, et m'a élevée.

    - Ce n'était pas l'image que je m'en faisais …

    - Je sais, ça doit te perturber. Lui et Invidia avaient réussi à reprendre l'organisation à leur père, mais je ne sais pas comment, et ils m'ont sauvée. Tu sais, je leur dois beaucoup. Du moins, c'était ce que je croyais, rectifia Gira en baissant la tête. Encore aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi il a essayé de me tuer …

    - Gira …

    - Au fond de moi, je sais bien que j'ai été manipulée … parfois, je me demande si les dix dernières années n'ont pas été qu'une mise en scène. Je ne sais qu'une chose : je veux comprendre, mais j'ai peur de ce que je pourrais apprendre …

    - Je t'aiderai ! Je t'aiderai à découvrir tout ça ! s'écria Lya.

     

    Gira la fixa, incrédule. Son alliée était sérieuse …

     

    - Pourquoi ? Tu n'as rien à voir avec tout ça, et c'est dangereux …

    - Faux, Ukyo est mon ennemi et je dois comprendre ce qu'il me veut.

    - Mon passé en lui-même n'a rien à voir avec toi …

    - Yoru m'a fait la même promesse alors qu'il n'était pas encore mêlé à mes problèmes.

    - Il t'aime.

    - Illonya a fait la même chose.

    - C'est ta meilleure amie, non ? Du moins vous êtes très proches.

    - À ce moment-là, nous ne nous connaissions que depuis trois ou quatre jours.

     

    Gira abandonna : elle était à court d'arguments. Décidément, Lya était pour elle un vrai mystère …

     

    - Bah, pour le moment, occupons-nous de rejoindre ta sœur et tes amis … Nous devrions éviter Ragnarök, nous ne sommes pas encore assez fortes.

     

     

     

    Trois jours plus tard, elles volaient dans la forêt, quand Lya et Gira s'arrêtèrent, d'un même mouvement.

     

    - Tu sens ça ? demanda Gira par télépathie.

    - Oui … Une vingtaine de magiciens, à une centaine de mètres, je crois.

    - Exact. Suis-moi. Ah, attends. Ne mets pas tes lunettes.

    - Pourquoi ? On pourrait être reconnues !

    - Justement. Si on les approche avec, nous risquons d'être signalées avec notre deuxième apparence. Et là, pour se cacher … ce sera plus difficile.

     

    La démone s'avança de sa démarche féline entre les arbres. Lya, sur ses talons, l'imita, dissimula son aura, et se concentra sur celles des magiciens.

    Elles parcoururent quatre-vingt mètres, sur un petit promontoire. En contre-bas, les magiciens discutaient joyeusement autour de plusieurs feux, entourés par des tentes.

     

    - Des chasseurs de prime … fit Gira. C'est bien notre veine … quoique, on va en profiter.

    - En profiter ?

    - Exact. Toute occasion est bonne pour récupérer des informations. Donc on va les infiltrer.

     

    Lya réfléchit quelques secondes, examinant la scène avec attention. Les cinq feux de camp, autour desquels étaient rassemblés les magiciens, étaient disposés en cercle, à une certaine distance les uns des autres, et les tentes étaient espacées les unes des autres. Difficile de se faufiler sans être vue …

     

    - Hey, c'est encore moi qui fais les plans, lança la démone en voyant que Lya cherchait à analyser l'endroit. Même si c'est un bon réflexe, que tu as adopté.

    - Ah ?

    - J'aime mes petites habitudes. Déjà, je ne te cache pas que j'ai toujours travaillé en solo … là, tu es avec moi, mais ça ne m'empêchera pas de décider comment j'opère.

    - Euh … compris ! Donc, qu'est-ce que je dois faire ?

     

    Gira lui expliqua brièvement le plan, puis disparut derrière les arbres. Lya invoqua son artefact, et commença à incanter doucement, prenant garde à cacher sa présence. Puis elle attendit le bon moment.

    La démone s'approcha du campement, toujours à couvert. Comme elle s'en était douté, une barrière le protégeait. Ben plus pour longtemps. Elle posa sa main dessus ; une énergie noire la parcourut, et soudain ses ongles se transformèrent en énormes griffes, perçant la barrière comme si c'était du papier.

    C'était le signal qu'attendait Lya. Ou plutôt qu'elles attendaient. Cinq Lya, dont l'originale, bondirent au-dessus du campement, chacune tenant un kunaï dans la main. Elles le lancèrent, visant à côté des cinq feux de camp, où étaient réunis leurs ennemis. Les kunaïs se plantèrent dans le sol, tandis que les magiciens se levaient, adoptant une formation de défense malgré la surprise. Trop tard.

     

    - Nebula hypnotica ! cria Lya.

     

    Les chasseurs de prime tombèrent comme des mouches, et Lya rejoignit Gira. La démone parcourait déjà le campement à la recherche d'informations.

     

    - Ceux-là devaient avoir fini leur mission, expliqua Gira. Ils n'étaient pas bien prudents …

    - Qu'est-ce qu'on cherche ?

    - Eh bien, pour certaines quêtes, les chasseurs de prime sont isolés un bon moment des grandes villes, alors pour s'informer, ils ont des outils, des interfaces, qui leur permettent d'accéder à l'actualité de ce monde. C'est ça qu'il nous faut.

     

    Elles cherchèrent dans toutes les tentes, sans trouver quoi que ce soit.

     

    - Ce devait être une mission de courte durée … soupira Gira. On dirait qu'il n'y a rien d'intéressant.

    - Attends … fit Lya, tendant l'oreille. Tu n'entends rien ? Comme des acclamations ?

     

    Gira s'arrêta, silencieuse, pour trouver l'origine du bruit qui avait capté l'attention de son alliée. Puis elle se dirigea vers l'un des feux, passant au-dessus d'un magicien endormi. Un petit écran, tout plat, se trouvait au sol, certainement lâché par son propriétaire quand Gira avait transpercé la barrière. La démone le prit dans sa main, et toutes deux observèrent avec attention la vidéo qui passait sur l'écran. On y voyait une arène, avec des spectateurs en arrière plan.

     

    - C'est une émission en direct de l'arène de Granicus, reconnut Gira. Ils doivent interviewer un gladiateur …

     

    En effet, une démone, qui possédaient des ailes, une queue et des cornes, un peu comme Gira dans sa vraie forme, tendait un micro à un jeune homme. Il avait une quinzaine d'années, des cheveux roux parsemés de mèches noires, et des yeux noisette.

     

    - Il ressemble vraiment à Negi … en plus âgé, remarqua Lya.

    - C'est vrai, reconnut la démone.

     

    Elles se turent pour écouter ce qu'allait dire le jeune homme, curieuses.

     

    « - Makie, Yûna ? Est-ce que vous regardez ? C'est moi, Nagi Springfield ! »

     

     

    ***

     

     

    Yoru en tombait des nues. Il n'était pas le seul, d'ailleurs. Thelis regardait, bouche-bée lui aussi, la vidéo sur son écran.

     

    - Il s'appelle Nagi Springfield ?! s'exclama l'homme, abasourdi. J'ai la berlue, ce n'est pas possible autrement ! Déjà que ce gladiateur ressemble trait pour trait à Thousand Master, alors en plus s'il a le même nom !

    - Bah, dans ce cas-là, on est deux, murmura Yoru. Mais je doute que ce soit une hallucination, s'il s'adresse à Makie et Yûna.

     

    « - Votre professeur est avec moi aussi ! », continuait le gladiateur.

     

    - Il doit parler de Negi, fit Yoru. C'est le prof' de Lya et des autres filles.

     

    « - Me rejoindre ici serait difficile … alors plutôt, je vous propose de venir au grand tournoi d'Ostia, dans un mois ! »

     

    Le dénommé Nagi se tut et rendit son micro à la démone. Thelis éteignit alors son écran, encore tout étonné.

     

    - C'était quoi, ça … ?

    - Des bonnes nouvelles, répondit Yoru, tout sourire. Je ne sais pas du tout qui est ce troisième Springfield, je crois savoir que Negi est fils unique. Mais en tout cas, toute l'ala alba, enfin ceux qui ont pu voir l'émission, sait où se retrouver !

    - Je pense d'ailleurs que pratiquement tous tes amis sont au courant. Comme il porte le nom de notre grand héros, je suis certain qu'il est déjà très célèbre. Par contre, je suis désolé, mais je ne pourrai pas t'aider, toi et ton amie, pour aller à Ostia. Ce n'est pas ma destination, et de toute façon la chaîne des Longshans est une zone où naviguer est très difficile, je ne pourrai même pas t'aider à la trouver.

    - Je suppose qu'on ne peut rien y faire … soupira Yoru. Kû et moi, on trouvera certainement un moyen. Il nous reste combien de temps avant d'arriver à Shangri-la ?

    - Une semaine, à peine. Il te restera trois semaines pour trouver ton amie et aller à Ostia. J'espère que tu t'en sortiras …

    - Moi aussi, vous pouvez me croire !

     

     

    ***

     

     

    - Tu n'as pas l'air si heureuse que ça, soupira Shelly.

     

    Illonya ne répondit pas, pensive.

     

    - Enfin, on vient d'apprendre que Negi allait à Ostia ! Tout le monde a du entendre l'appel de Nagi Springfield ! Réagis un peu !

    - Ah, désolée … je réfléchissait.

    - À cette histoire de malédiction ? À Hel ? Mais bon sang, ça fait une semaine que tu cogites là-dessus ! Tu ne peux pas lâcher l'affaire cinq minutes ?!

    - Désolée, répéta Illonya dans un murmure.

    - Apprendre cette histoire de prophétie t'a changée, constata Shelly, contrariée. Avant, tu aurais répliqué que tu réfléchis à ce que tu veux, comme tu veux, mais là … regarde-toi ! Tu ne dis jamais rien, tu es toujours dans tes pensées !

    - Oui, bon, ça va, hein ! Quand tu apprends qu'une malédiction pèse sur toi, en général ça ne te laisse pas indifférente …

     

    Shelly soupira, lassée. Elle aurait mieux fait de ne jamais parler de la bibliothèque de Phoenicus, parce que si ça se trouvait, cette prophétie n'était peut-être qu'un vague conte populaire.

     

    - Où est passée l'Illonya insouciante qui disait avoir hâte de retrouver Lya et les autres ? Qui apprenait des sorts à Yan et Kaylyn, toujours avec le sourire, et qui était si fière d'eux?

    - Aucune idée.

    - Allez, du nerf … on n'a plus qu'un mois pour rejoindre tout le monde, et Ostia c'est pas la porte à côté !

    - Shelly …

    - Quoi, encore ?

    - C'est quoi, l'acte salvateur dont parle la prophétie ?

    - Qu'est-ce que tu veux que j'en sache ? Pourquoi tu me demandes ça ?

    - Cet acte, ça pourrait être la protection de quelqu'un, de quelque chose. Or, la seule personne de mon entourage qui doit être protégée d'un ennemi précis, en ce moment, c'est Lya.

    - Et ? Oh, non … ne me dis pas que tu crois …

    - Si. Si cette malédiction s'y applique bien, je risque de la tuer, ou d'aider Ragnarök à le faire ! Pourquoi crois-tu que j'y pense sans arrêt depuis une semaine, hein ?! Pourquoi crois-tu qu'aller à Ostia ne me réjouit pas ?!! s'écria Illonya en larmes. Je ne veux pas lui faire de mal !!!

     

    La chatte-fée resta un instant bouche-bée, décontenancée. Elle n'y avait pas pensé. Non, elle n'avait pas cherché à décrypter la prophétie. Pour elle, prédire un futur incertain sur des dizaines d'années, et le forcer à prendre une certaine tournure, tenait de l'impossible. Pour elle, cette malédiction était un vieux conte de grand-mère, de ceux que l'on raconte aux enfants pour qu'ils soient sages. Mais Illonya l'avait prise au sérieux, et avait envisagé la pire situation qui puisse lui arriver, tuer sa meilleure amie.

     

    - Illonya, c'est ça que tu veux ?

    - Non, bien sûr que non !

    - Tu ne comptes pas la blesser.

    - Non !

    - Et tu veux les revoir, elle et les autres.

    - Mais oui !

    - Bon, bah voilà, tu as ta réponse. Je te propose quelque chose. On fait comme si cette malédiction n'existe pas. On va à Ostia. Et si on voit que la première partie de la prophétie se réalise vraiment, on s'éloignera d'eux un moment.

     

    Cette idée était séduisante. Oui, faire comme si de rien était, avant d'avoir la preuve certaine d'être maudite. Mais était-ce vraiment la bonne chose à faire ?

     

    - Shelly … murmura Illonya en séchant ses larmes.

    - Oui ?

    - Je sais que tu as toujours du mal à croire à la prophétie. Pourtant il est probable qu'il me reste peu de temps pour m'y préparer. Je pense qu'elle a déjà commencé à se réaliser.

    - Je vois à qui tu penses … soupira la chatte-fée.

    - Le monde parfait a commencé à bouger … je suis certaine que nous avons affronté Cosmo Entelecheia. Oui, sans aucun doute, Skoll et Fate sont des Averruncus.

     

    Shelly ne répondit pas. Évidemment, elle l'avait remarqué. Évidemment, leur famille n'oublieraient jamais ces magiciens, synonymes de destruction.

    Seulement, elle avait ses raisons de croire qu'elles avaient encore du temps.

     

    - Tu sais, si tu es vraiment l'Élue, et que tu utilises les sites sacrés, il faudrait déjà que les deux mondes soient liés à nouveau. Autrement dit, pour l'instant on est tranquilles.

     

    Illonya accepta silencieusement, convaincue par le dernier argument. Même si elle n'était pas très rassurée. Elle se demandait si elle ne faisait pas mieux d'éviter l'ala alba. Mais elle chassa cette idée. Des paroles de Chao lui revinrent en mémoire, les seules que la jeune chinoise lui ait jamais adressées. « Illonya ? Toi aussi, sois prudente. Et protège-la. Si tu le désires vraiment, tu y arriveras. » . Oui, elle la protégerait. Que ce soit de Ragnarök, ou d'elle-même. Elle ne faiblirait pas.

     


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  • '' Lorsque les temps viendront, et que le monde parfait reviendra, l'héritier de Hel s'éveillera pour marcher sur les traces de son ancêtre. Les douze sites sacrés sortiront de leur torpeur, et l'Élu empêchera l'acte salvateur. ''

    Hel aurait utilisé cette prophétie pour maudire sa famille, en particulier sa fille et son beau-fils, qui faisaient partie des magiciens l'ayant arrêtée : Thea Enden et Aaron Olsen.

     

    - Imp … Impossible …

    - Attends, Illonya ! s'exclama Shelly. C'est … C'est peut-être une coïncidence ! Olsen est un nom très porté en Norvège, peut-être que …

    - … Que je ne suis pas une descendante de Hel ? Navrée, Shelly, murmura Illonya. Aaron Olsen … était mon grand-père paternel, et ma grand-mère s'appelait bien Thea … Et puis, l'incident avec Cosmo Entelecheia, il y a soixante ans, est presque passé dans l'oubli, rare sont ceux à s'en souvenir, surtout sur Terre. Pourtant, nous étions au courant, toutes les deux, parce que c'est quelque chose que notre famille n'oubliera pas … même si en nous en parlant, mes parents n'ont pas mentionné Hel.

     

    Shelly en resta sans voix. Elle avait toujours cru que la petite famille, qui l'avait élevée depuis qu'elle était encore un chaton, était une famille sans histoire, et pour cause : Illonya et elle avaient grandi dans la normalité, leurs premières années avaient été d'une tranquillité absolue. Pourtant, il fallait l'accepter : elle avait en vérité un sombre et lourd passé.

     

    - J'ai le don de sentir les présences magiques avec une telle intensité, j'ai l'onyx de Hel, qui est censé avoir disparu depuis plus de soixante ans … Shelly, je crois que … que je suis l'Élue dont parle la prophétie …

     

     

    ***

     

     

    - Drexan ?

     

    Eirik, accompagné de sa femme, s'assit à la table, à laquelle était accoudé son ami, seul. Voyant que Drexan ne répondait pas, il continua sur sa lancée.

     

    - Penses-tu toujours ce que tu nous a dit sur Illonya, il y a six ans ?

    - Plus que jamais.

    - Ne dis pas ça ! s'exclama Liv.

    - Liv, rends-toi à l'évidence …

    - Non ! s'écria-t-elle. Ma fille ne peut pas être un monstre ! NON !

     

    Furieuse, elle sortit du salon en claquant la porte.

     

    - Je n'ai jamais dit ça … soupira Drexan.

    - Excuse-la, intervint Eirik. C'est une période assez sombre de notre histoire, alors ... Penser que notre fille chérie serait l'Élue …

    - Est. Illonya est l'Élue de votre lignée. Sinon, comment pourrait-elle utiliser le catalyseur de votre ancêtre ? L'onyx de Hel …

    - Alors pourquoi ne pas avoir prévenu Illonya ? Ou au moins lui avoir parlé de la prophétie ? Drexan, pourquoi nous as-tu fait promettre de nous taire ?

     

    Drexan se tut quelques secondes. Il avait beaucoup hésité avant de prendre cette décision. Chaque jour, pendant près de six ans, il l'avait remise en cause, avait retourné le problème dans tous les sens, pour toujours revenir à la même conclusion.

     

    - Pour son bien, répondit-il enfin.

    - Mais voyons ! Si on lui en avait parlé, elle aurait pu s'y préparer !

    - Sauf que ta fille n'a que onze ans. À peine. Elle a beau pouvoir se montrer responsable et déterminée, elle n'est pas prête à affronter une malédiction.

    - Alors …

    - Écoute, ce voyage ne sera pas de tout repos. Les obstacles qu'elle devra surmonter vont, je pense, la faire mûrir. C'est pour ça que je n'ai rien dit. Je préférais attendre qu'elle le découvre elle-même.

     

    Eirik dut reconnaître que son ami n'avait pas tord. Tout cela faisait sens. Seulement, il avait peur que ce ne soit pas suffisant.

     

    - J'ose espérer que nous n'avons pas compris la prophétie, continua Drexan, et que ces nouvelles expériences lui permettront de la réinterpréter correctement. Ou alors, si nous avons raison, j'espère qu'elle saura affronter et déjouer cette prophétie.

    - Quelles sont les chances que cela arrive ?

    - Dans les deux cas, elles sont très faibles.

     

    Drexan resta pensif un moment, les yeux plissés par la contrariété.

     

    - Il y a autre chose, c'est ça ? demanda Eirik.

    - Oui. Je crains qu'à cause de cette malédiction, elle soit obligée de se battre contre sa meilleure amie … Oui, Illonya et Lya pourraient bien avoir à s'affronter …

     

     

    ***

     

     

    Gira commença immédiatement avec les bases de ce nouvel entraînement, que Lya avait déjà bien acquises, du moins en majorité. Dissimuler son aura, mobiliser tous ses sens, en analyser toutes les informations. Accentuer sa perception magique, pour retrouver les auras des autres, même dissimulées. Tout cela, elle savait déjà le faire, à peu près. Mais Gira l'obligea à utiliser ces bases jusqu'à ses limites.

    Finalement, quand elles se couchèrent, protégées par des barrières magiques, Lya maîtrisait entièrement les bases de son nouvel entraînement, mais en contre-partie elle était épuisée.

     

    Le lendemain, tout comme le surlendemain, elles s'entraînèrent à nouveau, et cette fois Gira lui fit combattre les yeux bandés, l'obligeant à ne se reposer que sur son ouïe et sur sa perception d'aura, qui n'était pas encore bien au point. Au début, la démone combattit normalement, et observa avec soulagement que Lya, même sans se reposer sur sa vue, bougeait de manière fluide et maîtrisait ses mouvements. Arianna avait fait du bon travail.

    Mais Gira ne s'arrêta pas là. Au fur et à mesure, elle dissimula son aura, devenant de plus en plus difficile à contrer. De plus, elle chercha des endroits de plus en plus étroit, et appris à Lya une nouvelle technique. Celle-ci consistait à envoyer de petites ondes magiques, très faibles – pratiquement indétectables – à la manière d'un sonar, pour analyser le terrain et l'utiliser à son avantage.

    Lorsque le dernier soir avant le voyage jusqu'à Elfanhaft mit fin à l'entraînement, Lya ne la maîtrisait pas encore suffisamment pour l'utiliser dans un combat réel, mais Gira se montra satisfaite. En vérité, la démone était consciente d'avoir commencé un peu brutalement, considérant que Lya était toujours blessée. Son dos portait toujours l'entaille, même refermée, causée par la lame de lumière de Skoll. Heureusement, celle-ci disparaîtrait bientôt grâce aux sorts de soins répétés de Gira.

     

    Au matin, Gira réveilla Lya, puis elle se dirigèrent vers Antigone, équipées de leur lunettes magiques – principe qui faisait bien rire Lya, elle trouvait ce genre d'objets vraiment incongrus. Mais elle n'était pas au bout de ses surprises.

    Elles arrivèrent à l'aéroport, enfin ce qui ressemblait à un aéroport. Gira avait dit vrai, en désignant ces fameux vaisseaux comme des équivalents d'avions, et non des avions. Lya avait sous les yeux celui qui les emmènerait à Elfanhaft. C'était bleu. Ça avait des nageoires. Une queue. C'était une … baleine … métallique. Ça faisait même des bruits de baleine !

     

    - Ne cherche pas de logique, fit Gira. Ici, les vaisseaux volants ont des formes de poissons ou de baleines. Voire de requins.

    - Superbe. J'espère que ces trucs ne se nourrissent que de magie, sinon le vol risque d'être spécial …

    - De ce côté-là, on n'a pas trop de problèmes …les deux mondes sont différents mais ça ne veut pas dire que les habitants d'ici sont fous au point de créer une machine qui les croquera après …

     

    Lya cacha de son mieux son air perplexe, et la suivit pour embarquer dans le ventre de l'animal … enfin, du vaisseau. Elle avait l'étrange impression d'entrer dans Monstro, la baleine du conte de Pinocchio, dont elle avait légèrement entendu parler. Du coup, elle avait vraiment hâte d'arriver à Elfanhaft, histoire d'en sortir au plus vite.

    Mais enfin de compte, l'intérieur était spacieux, une grande salle permettait même d'avoir un superbe panorama, et Lya finit par s'y faire. Elle se sentait presque chez elle, dans le ciel et dans ce monde, malgré la menace qui pesait sur elle et ses amis. Plus le temps passait, et plus la jeune fille pensait être née dans ce monde, comme Chao le lui avait vaguement suggéré. Passée la surprise, ce qui l'étonnait devenait vite naturel pour elle, des petits dragons que l'énorme vaisseau croisait parfois, jusqu'aux noms des villes.

    Lya admirait la vue, imprimant dans esprit le relief, la végétation de ce monde, pour voir si elle se souvenait de quoi que ce soit, quand elle avisa la mine pensive de Gira.

     

    - Qu'est-ce qu'il se passe ?

    - Je réfléchissais à notre itinéraire suivant … expliqua la démone. Tu sais, on aurait pu aller directement à Ostia, mais comme le festival de la paix approche, tout accès est extrêmement surveillé. Ici, ça va, mais ils pourraient avoir des dispositifs pour détecter nos lunettes, ou d'autres.

    - Mais il y a autre chose, c'est ça ? fit Lya, qui sentait que ce n'était pas tout.

    - Exact. Arrivées à Elfanhaft, nous allons devoir faire un détour. Le quartier général de Ragnarök est situé sur une île, dans une baie à mi-chemin entre Elfanhaft et Ostia, et ça pullule d'agents sur plusieurs centaines de kilomètres, il vaut mieux prendre nos distances. Même si nous sommes déguisées, on ne sait jamais, Ukyo a de nombreuses ressources.

    - En gros on est mal tombées, pendant le transfert … Qu'est-ce qu'on fait, si on croise quelqu'un de Ragnarök ? Suano, par exemple ?

    - J'y pensais … Vois-tu, on raconte qu'il y a six ans, Sunao a échoué dans une mission. C'était une première, et apparemment c'était une mission importante. Si on peut trouver sa faiblesse, et comprendre pourquoi il a perdu, alors peut-être qu'on a une chance d'affaiblir considérablement Ukyo.

     

     

    ***

     

     

    Le temps passa, et environ dix jours après le début du voyage, Thelis consultait les actualités, quand une information en particulier attira son attention.

     

    - Tiens … ça pourrait vraiment t'intéresser, mon garçon, remarqua Thelis. Des témoins auraient vu une jeune fille, une chinoise, dans les montagnes les plus proches de Shangri-la : la chaîne des Longshans. Apparemment, ce serait une garde du corps arrivée dans le coin il y a peu de temps. Des gens auraient reconnu une fugitive, mais les différents chasseurs de prime qui s'y sont frottés se sont fait laminer …

    - Kû-Fei ! s'exclama Yoru, ravi. Ça ne peut être qu'elle ! Mais … le temps qu'on arrive à Shangri-la, elle sera peut-être déjà partie …

    - Je ne pense pas, répliqua l'agent de Megalo. Cette chaîne de montagne est très escarpée, et toujours enveloppée de brouillard et de nuages bas. Peu de gens y vivent et rares sont ceux qui s'y enfoncent plus profondément. Là-bas, ton amie est tranquille, peut s'entraîner sans être trop dérangée, et grâce aux gens qu'elle protège, elle a plus ou moins accès à l'actualité. Donc, tant qu'elle n'aura pas d'informations précises, elle restera là-bas

    - Mais, les gens qui l'embauchent, ils savent que c'est une fugitive, non ?

    - Tu sais, il y a des gens, un peu comme moi, qui cherchent de la protection pour un temps, et qui, tant qu'elle leur est accordée, s'en fichent si leur protecteur est un fugitif ou non. Comme tu l'as dit, ce monde est plus sauvage, tout simplement différent du tien, et on apprend à se contenter de ce qu'on a sans faire trop de formalités, sauf en politique … Alors, que comptes-tu faire ?

    - La rejoindre, après vous avoir accompagné à Shangri-la.

     

    Thelis resta pensif un moment, puis sortit une carte du monde magique, l'étalant sur le sol.

     

    - Il y a un petit problème : on a beau dire que cette chaîne est la plus proche de Shangri-la, elle est quand même à plusieurs centaine de kilomètres … avec nos « gros lézard », comme tu les appelles, tu y serais en une petite semaine, mais sans monture, ce sera beaucoup plus long, et là tu risques bien de rater ton amie.

    - Super, soupira Yoru. Comment je peux faire, alors ?

    - Hum … J'ai une petite idée. Ce sera encore plus rapide. En fait, ma destination finale est Megalo, donc de toute façon je devrai utiliser un vaisseau pour passer l'océan …

    - Je croyais que c'était trop dangereux pour vous de prendre la voie des airs …

    - C'est vrai parce qu'en cas d'attaque on peut difficilement riposter, surtout si les ennemis sont en grand nombre. Mais ça c'est parce que nous sommes seuls. L'escorte que j'aurai, à Shangri-la, est composée de magiciens aériens doués, et le vaisseau est armé et protégé par des barrières magiques.

    - Ce que vous acheminez doit être vraiment important, alors …

    - Oh oui. Bref, en vaisseau le trajet est rapide, alors nous ferons un crochet et nous te déposerons sur les premiers contreforts de la chaîne des Longshans. Mais après, mon garçon, tu devras te débrouiller, pour trouver ton amie et faire le reste du voyage.

     

    Yoru le remercia vivement, rendu joyeux par le tournant que prenaient les évènements. Rejoindre Kû devenait la première étape bien précise dans le regroupement de l'ala alba.

     

     

    ***

     

     

    - Euh … C'était quoi, ce rêve ? s'interrogea Fûka, une dizaine de jours plus tôt.

    - Ah, tu l'as vu aussi ? s'étonna Fumika. Bizarre, il y avait Lya, dedans … Yoru et Illonya aussi, et une autre fille.

    - Comment ça se fait qu'on ait rêvé de la même chose ? Et où sommes nous ?

    - Aucune idée … dans un jardin, non ?

    - Il est grand, ton jardin !

     

    À cause du décalage horaire, c'était le soir, et les deux jumelles venaient d'atterrir dans un énorme dédale de verdure et de fleurs. Chaque buisson était taillé à la perfection ; les couleurs, vives et chaleureuses, étaient arrangées harmonieusement ; le chemin qui serpentait entre les plantes était décoré de magnifiques pavés. Bref, ça ne devait pas être le jardin du premier venu. Ou alors, c'est qu'il était très riche.

    Soudain, elles entendirent des voix. C'étaient des voix d'enfants qui jouaient, quelques sentiers plus loin, cachés par les buissons.

     

    - Cherchons-les, on pourra leur demander ! s'exclama Fumika.

     

    Les deux collégiennes se dirigèrent sur les chemins, à la recherchent des enfants, quand soudain les voix se rapprochèrent. Puis quelque chose jaillit, percutant Fûka de plein fouet, et chuta avec elle dans un cri de surprise.

     

    - Oh, je … je suis désolée ! s'exclama une fille d'une voix fluette, en se relevant.

     

    Celle-ci avait une dizaine d'années, des cheveux longs et ondulés d'un noir de jais et de jolis yeux verts. Elle était aussi grande que les jumelles, ce qui n'était pas vraiment un exploit en soit.

     

    - C'est rien, répondit Fumika à la place de sa sœur, elle s'en remettra ! Dis, on est où, s'il te plaît ?

    - Eh bien, dans le jardin impérial ! D'ailleurs, il commence à être tard, vous devriez partir avant qu'il ferme …

    -Le jardin impérial ?! s'exclamèrent en chœur les deux jumelles.

    - Oui … ne me dites pas que vous n'étiez pas au courant !

     

    Les deux japonaises firent non de la tête.

     

    - C'est difficile à croire … fit la jeune fille, perplexe. Vous venez d'où ?

    - Du japon.

    - Sérieusement ?! Vous venez du Mundus Vetus ?!

    - C'est quoi, ça ?

    - Bah … votre monde ! Vous êtes vraiment bizarres, vous deux ! Enfin … vous savez où vous allez dormir ?

     

    Re-non de la tête.

     

    - Suivez-moi, alors !

     

    Soudain, un garçon apparut au détour d'un sentier, cherchant vraisemblablement la jeune fille aux cheveux de jais. Il était un peu plus grand qu'elle et devait avoir un an de plus. Des cheveux châtains encadraient son visage, parsemés de fines mèches noires, avec lesquelles ses yeux gris formaient un étonnant contraste.

     

    - Tu étais là, Xyn ! Je t'ai cherchée partout, tu n'étais pas dans le terrain qu'on avait prévu … en plus tu n'étais même pas cachée, à ce que je vois !

    - Désolée … Je suis tombée sur ces deux-là pendant notre partie. De toute façon, il est temps de rentrer, Theodora va finir par nous attendre, Ren !

    - Tu dis juste ça parce que tu a faim !

    - À peine !

     

    Puis il avisa les jumelles.

     

    - Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il à Xyn. Pourquoi tu as l'air de vouloir les emmener au palais ?

    - Parce que c'est exactement ce que je veux.

    - Mais …

    - Elles n'ont nulle part où aller … et en plus, elle viennent du Mundus vetus ! s'exclama Xyn, excitée.

    - Tu n'as pas besoin de faire ça pour elles.

    - J'ai fait la même chose pour toi ! répliqua-t-elle, piquée au pif.

     

    Ren ne répondit rien, honteux. En effet, quelques années auparavant, il avait vécu dans une famille pauvre, dans la périphérie de la capitale de Hellas, jusqu'à ce qu'une attaque de dragon le rende orphelin. Il avait réussi à fuir, l'animal étant trop occupé à se nourrir pour le remarquer, et il avait gagné la ville sain et sauf, pour finir par errer dans le jardin impérial. Xyn, qui n'avait alors que trois ans, l'avait présenté à la princesse, laquelle l'avait confié à sa suite.

     

    - Les enfants ? firent plusieurs voix de femmes non loin.

    - Zut, pesta Xyn, on a trop traîné ! On est là !

     

    Tous les quatre rejoignirent les femmes, entourées pour une fois de gardes.

     

    - Son Altesse préfère que vous rentriez … il pourrait y avoir de nouveaux attentats, et le palais est protégé ! s'exclama l'une d'elles.

    - Qui sont ces jeunes filles ? demanda une autre.

    - Oh, je viens juste de les rencontrer, répondit Xyn.

    - Mais enfin, soyez prudente ! Avec ce qu'il vient de se passer, aujourd'hui !

     

    Xyn, penaude, baissa la tête. Mais elle était convaincue que les jumelles n'avaient rien avoir avec des terroristes.

     

    - Ce n'est rien, je m'en charge, intervint une autre voix.

    - Votre Altesse ?!

    - Theodora ! s'exclama Xyn.

    - Xyn, Ren, jeunes filles, suivez-moi.

     

    La princesse, qui venait de passer la porte du palais donnant sur le jardin, était une belle jeune femme à la peau légèrement sombre, qui contrastait avec ses longs cheveux blonds et lisses. Elle ne semblait pas tout à fait humaine, comme sa suite et sa garde, d'ailleurs, car ses oreilles s'allongeaient à la manière des elfes, et deux cornes blanches partaient de l'arrière de son crâne, enserrant sa tête. Point de robe extravagante comme dans les contes de fées : elle portait une robe ample de magicienne.

    Theodora guida les deux jumelles à travers le palais, suivie par Xyn et Ren qui le connaissaient par cœur. Elle s'arrêta devant une grande porte, qu'elle ouvrit, et elle les invita à s'asseoir dans de moelleux fauteuils.

    Tout d'abord, elle demanda leurs noms à Fumika et sa sœur, puis elle leur demanda de tout lui raconter. Les jumelles parlèrent de l'attentat auquel elles avaient assisté, celui de Megalomesembria, puis de la vision qu'elles avaient eu ensuite, qui concernait celui de Hellas.

     

    - Je me disais bien que Lya ne serait pas capable de faire ça … murmura Theodora, soucieuse. Les vidéos soi-disant officielles, dont je n'ai même pas approuvé la diffusion, semblent vraiment truquées, maintenant.

    - Lya ? répéta Xyn, éberluée.

    - Vous la connaissez ?! s'exclamèrent les jumelles effarées.

    - Non, pas personnellement, répondit Xyn, mais …

    - Moi, si, fit Theodora, je m'entendais bien avec elle, d'ailleurs. Même si on ne se voyait pas souvent.

     

    Quatre visages la regardaient avec des yeux arrondis par la surprise, ce qui l'amusa. La suite devint très vite confuse, d'une part avec la réaction de Xyn qui n'avait pas fait attention plus que ça à la liste des fugitifs, d'autre part avec celle des jumelles, qui n'en revenaient pas que Lya puisse avoir visité ce monde étrange sans le leur avoir dit, tandis que Ren observait le tout en silence, perplexe.

     

    - Theodora, c'est l'une des filles recherchées, ma sœur ?!

    - Lya est déjà venue ici ?!

    - Elle connaît une princesse ?!

    - Vous avez déjà vu ma sœur ?!

    - Elle a une sœur ?!

    - Oui, moi !

     

    Theodora, décida de mettre un peu d'ordre dans la discussion, qui allait finir par devenir incompréhensible si elle ne faisait rien.

     

    - Doucement, une question à la fois ! Oui, Xyn, ta sœur fait partie des fugitifs, c'est celle qui, sur les vidéos, détruit le menhir de notre port-portail, et oui, apparemment, ces deux-là la connaissent.

    - C'est notre colocataire, précisa Fûka.

    - Maintenant, vous deux, oui Lya est déjà venue ici. Pour être plus précise, c'est une magicienne originaire de ce monde, même si elle est amnésique et si j'ignore de quoi elle se souvient exactement. Et j'étais très amie avec ses parents, plus précisément sa mère.

    - Alors la magie existe ? vérifia Fumika.

    - Exact, c'est même sur ça que tout notre monde est basé. Fûka, Fumika, si d'ici nous ne pouvons pas déterminer la position de Negi, Lya et les autres, vous nous accompagnerez à Ostia pour le festival de la paix. Mais ça m'étonnerait, j'ai déjà pu demander de l'aide pour les retrouver …

     

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    Alors ? Oui, bon, je l'avoue ... j'ai cruellement manqué d'inspiration, pour le titre, mais bon ... rien d'autre ne me venait à l'esprit. "La fille de Hellas" fait référence, vous vous en doutiez peut-être, à Xyn.


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