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Chapitre 32 : Le message
Lya, du haut de ses huit ans, sortait d'un tunnel de lumière, tenant la main d'une jeune femme. Celle-ci avait les cheveux châtains, une tresse dans laquelle était mêlé un ruban blanc, et d'envoûtants yeux violets. Elle lui rappelait quelqu'un, les traits de son visage lui disaient quelque chose, mais impossible de s'en souvenir.
Quelque chose clochait. Lya était certaine d'avoir déjà eu cette vision. Alors pourquoi ? Pourquoi revenait-elle ?
Sunao, de quelques années plus jeune, les y attendait, son sourire malsain habituel sur le visage. Il incantait. Puis il lança son incendium gehennae sur Lya et la jeune femme, mais celle-ci réussit à les en protéger. Elles durent ensuite esquiver plusieurs flèches magiques de ténèbres, et la deuxième salve toucha Lya, à deux reprises. La petite fille tomba, se cogna la tête au sol, et n'eut le temps que de voir sa protectrice se volatiliser, et surgir devant Suano, avant de perdre connaissance.
Lya se réveilla en sursaut, et se retint de crier pour ne pas réveiller Gira aussi. Sa tête lui faisait un mal de chien, et son sceau la brûlait. Elle resta dans sa couverture, incapable de penser correctement, et attendit que la douleur disparaisse d'elle-même. Puis, alors que celle-ci refluait légèrement, la jeune magicienne s'aperçut qu'autre chose clochait.
Elle avait déjà fait cette vision. D'accord, dedans, elle avait huit ans. Ce souvenir datait de l'époque du sceau, et donc il faisait partie des mieux protégés par celui-ci. Mais la marque était censée réagir contre les souvenirs qui passaient son barrage et tentaient de remonter à la surface. Or, c'était déjà fait. Alors, pourquoi le sceau la brûlait-il ?
***
Le démon tritura un instant un médaillon dans sa poche, avec le sourire satisfait de celui qui a réussi. Il savourait sa victoire, et ce médaillon, tombé d'Arianna quand il l'avait ramenée au QG, était un peu comme un trophée de guerre, le symbole du succès de sa mission. D'ailleurs, il partait pour la suivante …
***
Lya et Gira cessèrent leur entraînement au soir. Depuis la vision de la jeune magicienne, les heures avaient passé, et elle avait rangé l'incident dans un coin de sa mémoire, mais n'y pensait plus. Elle avait appris à ne pas réfléchir trop longtemps à ce qu'elle ne pouvait pas expliquer, jusqu'à ce que le problème ne se résolve de lui-même, ou du moins en partie.
Les choses n'avaient pas beaucoup changé, depuis leur voyage jusqu'à Elfanhaft. Celui-ci n'avait duré que quelques heures, les obligeant à trouver rapidement un endroit pour monter le camp le soir-même.
Les jours avaient passé, durant lesquels se succédaient entraînement et voyage sur la route d'Ostia. Lya avait remarqué la démarche souple et silencieuse de Gira, et la démone s'évertuait à lui apprendre la même chose, à savoir se déplacer discrètement. Gira lui avait montré comment déjouer la perception d'aura, en cachant sa présence, il s'agissait maintenant de régler le problème de l'ouïe. Malheureusement, la route était longue jusqu'à Ostia, elles avaient moins d'un mois pour y parvenir et par conséquent, l'entraînement était plutôt court.
En une semaine, elles avaient parcouru plus de sept cent kilomètres, volant à plein régime, l'une par son bâton et l'autre par ses ailes. Elles s'étaient d'abord dirigées plein nord pour contourner au plus large les quartiers généraux de Ragnarök, puis avaient repris le cap vers Ostia.
Voilà où en était la situation, le soir après sa vision, deux semaines après les incidents des ports-portails.
Le lendemain, Lya était réveillée à l'aube, mais elle choisit de rester enroulée dans sa couverture un peu plus longtemps. Presque instinctivement, elle chercha l'aura de Gira, pour savoir si celle-ci était encore endormie ou non, et, comme elle s'y attendait, la démone ne dormait plus, plongée dans ses pensées.
Elle aussi, elle se mit à réfléchir. Tant de questions lui passaient par la tête … quel était le but de Skoll ? Celui de Ragnarök ? Comment Arianna avait-elle pu perdre ? Et tant d'autres … Elle sentait aussi que Gira savait quelque chose, à propos de l'attentat du port-portail. Pourquoi la démone ne voulait-elle pas lui en parler ?
- Tu es réveillée, n'est-ce pas ? fit soudain Gira.
Lya confirma, mais ne se leva pas pour autant, tout comme la démone. À nouveau, le camp fut plongé dans le silence, un silence froid que Lya ne supportait pas. Autrefois, cela ne l'aurait pas gêné. Mais depuis son arrivée parmi les 3-A, elle avait l'habitude d'échanger avec ses camarades, de discuter de tout et de rien, ou de se confier à certaines. Ce silence, qui durait obstinément depuis deux semaines, la rendait mal à l'aise. Elle avait envie de connaître Gira, de pouvoir la comprendre, de devenir plus proche de la démone. De sortir de ce statut d'alliée avec qui Gira était coincée, par la force des choses.
- Gira ? Raconte-moi en un peu plus sur toi … demanda-t-elle, pour briser le silence.
- Pourquoi ça ? Tu n'as pas besoin de savoir.
Ouch … Gira : 1 - Lya : 0 … loupé.
- Si on veut devenir amies, il faut bien qu'on s'ouvre l'une à l'autre … et puis je t'ai tout raconté, moi.
- Qu'est-ce qui te dit ce c'est ce que je veux ?
- Tu préfères la solitude ?
- Ça t'étonne ?
- Tu sais, j'étais comme ça, avant … Je n'aimais pas la solitude, mais je vivais avec. Je préférais ça, plutôt d'aller voir les autres, qui avaient peur de moi et ne me supportaient pas. J'attendais que quelqu'un fasse le premier pas. Pourtant, ça fait du bien de trouver quelqu'un à qui on peut se confier, s'ouvrir, parler de ses inquiétudes et ses problèmes sans que la personne ne fuie ou ne se moque.
- Tu es naïve.
- Je sais. Mais s'il faut que je devienne cynique, je préfère rester comme je suis.
Gira ne répondit pas. Elle ne savait pas trop que penser : c'était la première fois qu'on se comportait comme ça avec elle … Elle sentait que Lya s'entêtait, et était déterminée à changer leur relation. Ça la perturbait. Elle ne comprenait tout simplement pas ce que cette fille lui trouvait.
- Je ne te comprends pas trop, soupira Gira. J'ai essayé de te tuer, et toi tu veux faire ami-ami …
- Je ne sais pas trop pourquoi non plus … mais je pense que c'est parce que tu m'intrigues.
- Pardon ?
- Je n'arrive pas à comprendre pourquoi tu faisais partie de Ragnarök. Tu n'as que seize ans, et tu vivais dans une organisation criminelle.
- Au début, ce n'était pas de mon plein gré. Tu sais, tu me surprends …
- Tu me l'as déjà fait comprendre plein de fois. Pourquoi, cette fois-ci ?
- Je serais presque prête à te raconter mon histoire alors que c'est loin d'être mon genre. Bah, qu'importe. Par contre, lève-toi dans ce cas-là, je préfère pouvoir voir les gens à qui je parle.
Lya s'assit sur sa couverture, et se tourna vers la démone. La jeune magicienne de glace était encore un peu dans le vague, ses cheveux jouant les rebelles, soulevés par le vent. Gira avisa son air « dans le pâté » (spécialité locale, attention !), et, n'y tenant plus, elle éclata de rire. À son tour, Lya sourit, puis la rejoignit dans son fou rire, évacuant le stress et la fatigue.
- 1 partout, la balle au centre, murmura Lya pour elle même.
- Pardon ?
- Non, rien …
- Tu sais qu'il y a une certaine ressemblance avec les lions de ton monde ? fit Gira, une fois à peu près calmée.
- Je m'en doute ! Allez, vas-y, raconte …
Toutes deux reprirent leur sérieux.
- Tu sais, Ukyo n'a pas toujours été le maître de Ragnarök. C'était il y a dix ans … je ne me souviens plus trop de ma vie d'avant, mais ce jour-là, je m'en souviendrai toute ma vie. Mes parents et moi avons été attaqués par des assassins. J'étais la seule survivante, et je ne sais pas pourquoi, mais j'ai été capturée.
- Par des assassins ? Mais pourquoi ?
- Je ne sais pas … c'étaient des agents de Ragnarök, menés par leur ancien maître : le père d'Ukyo. J'ai été enfermée … mais après quelques jours, Ukyo est venu, avec sa sœur Invidia. Il m'a libérée, et m'a élevée.
- Ce n'était pas l'image que je m'en faisais …
- Je sais, ça doit te perturber. Lui et Invidia avaient réussi à reprendre l'organisation à leur père, mais je ne sais pas comment, et ils m'ont sauvée. Tu sais, je leur dois beaucoup. Du moins, c'était ce que je croyais, rectifia Gira en baissant la tête. Encore aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi il a essayé de me tuer …
- Gira …
- Au fond de moi, je sais bien que j'ai été manipulée … parfois, je me demande si les dix dernières années n'ont pas été qu'une mise en scène. Je ne sais qu'une chose : je veux comprendre, mais j'ai peur de ce que je pourrais apprendre …
- Je t'aiderai ! Je t'aiderai à découvrir tout ça ! s'écria Lya.
Gira la fixa, incrédule. Son alliée était sérieuse …
- Pourquoi ? Tu n'as rien à voir avec tout ça, et c'est dangereux …
- Faux, Ukyo est mon ennemi et je dois comprendre ce qu'il me veut.
- Mon passé en lui-même n'a rien à voir avec toi …
- Yoru m'a fait la même promesse alors qu'il n'était pas encore mêlé à mes problèmes.
- Il t'aime.
- Illonya a fait la même chose.
- C'est ta meilleure amie, non ? Du moins vous êtes très proches.
- À ce moment-là, nous ne nous connaissions que depuis trois ou quatre jours.
Gira abandonna : elle était à court d'arguments. Décidément, Lya était pour elle un vrai mystère …
- Bah, pour le moment, occupons-nous de rejoindre ta sœur et tes amis … Nous devrions éviter Ragnarök, nous ne sommes pas encore assez fortes.
Trois jours plus tard, elles volaient dans la forêt, quand Lya et Gira s'arrêtèrent, d'un même mouvement.
- Tu sens ça ? demanda Gira par télépathie.
- Oui … Une vingtaine de magiciens, à une centaine de mètres, je crois.
- Exact. Suis-moi. Ah, attends. Ne mets pas tes lunettes.
- Pourquoi ? On pourrait être reconnues !
- Justement. Si on les approche avec, nous risquons d'être signalées avec notre deuxième apparence. Et là, pour se cacher … ce sera plus difficile.
La démone s'avança de sa démarche féline entre les arbres. Lya, sur ses talons, l'imita, dissimula son aura, et se concentra sur celles des magiciens.
Elles parcoururent quatre-vingt mètres, sur un petit promontoire. En contre-bas, les magiciens discutaient joyeusement autour de plusieurs feux, entourés par des tentes.
- Des chasseurs de prime … fit Gira. C'est bien notre veine … quoique, on va en profiter.
- En profiter ?
- Exact. Toute occasion est bonne pour récupérer des informations. Donc on va les infiltrer.
Lya réfléchit quelques secondes, examinant la scène avec attention. Les cinq feux de camp, autour desquels étaient rassemblés les magiciens, étaient disposés en cercle, à une certaine distance les uns des autres, et les tentes étaient espacées les unes des autres. Difficile de se faufiler sans être vue …
- Hey, c'est encore moi qui fais les plans, lança la démone en voyant que Lya cherchait à analyser l'endroit. Même si c'est un bon réflexe, que tu as adopté.
- Ah ?
- J'aime mes petites habitudes. Déjà, je ne te cache pas que j'ai toujours travaillé en solo … là, tu es avec moi, mais ça ne m'empêchera pas de décider comment j'opère.
- Euh … compris ! Donc, qu'est-ce que je dois faire ?
Gira lui expliqua brièvement le plan, puis disparut derrière les arbres. Lya invoqua son artefact, et commença à incanter doucement, prenant garde à cacher sa présence. Puis elle attendit le bon moment.
La démone s'approcha du campement, toujours à couvert. Comme elle s'en était douté, une barrière le protégeait. Ben plus pour longtemps. Elle posa sa main dessus ; une énergie noire la parcourut, et soudain ses ongles se transformèrent en énormes griffes, perçant la barrière comme si c'était du papier.
C'était le signal qu'attendait Lya. Ou plutôt qu'elles attendaient. Cinq Lya, dont l'originale, bondirent au-dessus du campement, chacune tenant un kunaï dans la main. Elles le lancèrent, visant à côté des cinq feux de camp, où étaient réunis leurs ennemis. Les kunaïs se plantèrent dans le sol, tandis que les magiciens se levaient, adoptant une formation de défense malgré la surprise. Trop tard.
- Nebula hypnotica ! cria Lya.
Les chasseurs de prime tombèrent comme des mouches, et Lya rejoignit Gira. La démone parcourait déjà le campement à la recherche d'informations.
- Ceux-là devaient avoir fini leur mission, expliqua Gira. Ils n'étaient pas bien prudents …
- Qu'est-ce qu'on cherche ?
- Eh bien, pour certaines quêtes, les chasseurs de prime sont isolés un bon moment des grandes villes, alors pour s'informer, ils ont des outils, des interfaces, qui leur permettent d'accéder à l'actualité de ce monde. C'est ça qu'il nous faut.
Elles cherchèrent dans toutes les tentes, sans trouver quoi que ce soit.
- Ce devait être une mission de courte durée … soupira Gira. On dirait qu'il n'y a rien d'intéressant.
- Attends … fit Lya, tendant l'oreille. Tu n'entends rien ? Comme des acclamations ?
Gira s'arrêta, silencieuse, pour trouver l'origine du bruit qui avait capté l'attention de son alliée. Puis elle se dirigea vers l'un des feux, passant au-dessus d'un magicien endormi. Un petit écran, tout plat, se trouvait au sol, certainement lâché par son propriétaire quand Gira avait transpercé la barrière. La démone le prit dans sa main, et toutes deux observèrent avec attention la vidéo qui passait sur l'écran. On y voyait une arène, avec des spectateurs en arrière plan.
- C'est une émission en direct de l'arène de Granicus, reconnut Gira. Ils doivent interviewer un gladiateur …
En effet, une démone, qui possédaient des ailes, une queue et des cornes, un peu comme Gira dans sa vraie forme, tendait un micro à un jeune homme. Il avait une quinzaine d'années, des cheveux roux parsemés de mèches noires, et des yeux noisette.
- Il ressemble vraiment à Negi … en plus âgé, remarqua Lya.
- C'est vrai, reconnut la démone.
Elles se turent pour écouter ce qu'allait dire le jeune homme, curieuses.
« - Makie, Yûna ? Est-ce que vous regardez ? C'est moi, Nagi Springfield ! »
***
Yoru en tombait des nues. Il n'était pas le seul, d'ailleurs. Thelis regardait, bouche-bée lui aussi, la vidéo sur son écran.
- Il s'appelle Nagi Springfield ?! s'exclama l'homme, abasourdi. J'ai la berlue, ce n'est pas possible autrement ! Déjà que ce gladiateur ressemble trait pour trait à Thousand Master, alors en plus s'il a le même nom !
- Bah, dans ce cas-là, on est deux, murmura Yoru. Mais je doute que ce soit une hallucination, s'il s'adresse à Makie et Yûna.
« - Votre professeur est avec moi aussi ! », continuait le gladiateur.
- Il doit parler de Negi, fit Yoru. C'est le prof' de Lya et des autres filles.
« - Me rejoindre ici serait difficile … alors plutôt, je vous propose de venir au grand tournoi d'Ostia, dans un mois ! »
Le dénommé Nagi se tut et rendit son micro à la démone. Thelis éteignit alors son écran, encore tout étonné.
- C'était quoi, ça … ?
- Des bonnes nouvelles, répondit Yoru, tout sourire. Je ne sais pas du tout qui est ce troisième Springfield, je crois savoir que Negi est fils unique. Mais en tout cas, toute l'ala alba, enfin ceux qui ont pu voir l'émission, sait où se retrouver !
- Je pense d'ailleurs que pratiquement tous tes amis sont au courant. Comme il porte le nom de notre grand héros, je suis certain qu'il est déjà très célèbre. Par contre, je suis désolé, mais je ne pourrai pas t'aider, toi et ton amie, pour aller à Ostia. Ce n'est pas ma destination, et de toute façon la chaîne des Longshans est une zone où naviguer est très difficile, je ne pourrai même pas t'aider à la trouver.
- Je suppose qu'on ne peut rien y faire … soupira Yoru. Kû et moi, on trouvera certainement un moyen. Il nous reste combien de temps avant d'arriver à Shangri-la ?
- Une semaine, à peine. Il te restera trois semaines pour trouver ton amie et aller à Ostia. J'espère que tu t'en sortiras …
- Moi aussi, vous pouvez me croire !
***
- Tu n'as pas l'air si heureuse que ça, soupira Shelly.
Illonya ne répondit pas, pensive.
- Enfin, on vient d'apprendre que Negi allait à Ostia ! Tout le monde a du entendre l'appel de Nagi Springfield ! Réagis un peu !
- Ah, désolée … je réfléchissait.
- À cette histoire de malédiction ? À Hel ? Mais bon sang, ça fait une semaine que tu cogites là-dessus ! Tu ne peux pas lâcher l'affaire cinq minutes ?!
- Désolée, répéta Illonya dans un murmure.
- Apprendre cette histoire de prophétie t'a changée, constata Shelly, contrariée. Avant, tu aurais répliqué que tu réfléchis à ce que tu veux, comme tu veux, mais là … regarde-toi ! Tu ne dis jamais rien, tu es toujours dans tes pensées !
- Oui, bon, ça va, hein ! Quand tu apprends qu'une malédiction pèse sur toi, en général ça ne te laisse pas indifférente …
Shelly soupira, lassée. Elle aurait mieux fait de ne jamais parler de la bibliothèque de Phoenicus, parce que si ça se trouvait, cette prophétie n'était peut-être qu'un vague conte populaire.
- Où est passée l'Illonya insouciante qui disait avoir hâte de retrouver Lya et les autres ? Qui apprenait des sorts à Yan et Kaylyn, toujours avec le sourire, et qui était si fière d'eux?
- Aucune idée.
- Allez, du nerf … on n'a plus qu'un mois pour rejoindre tout le monde, et Ostia c'est pas la porte à côté !
- Shelly …
- Quoi, encore ?
- C'est quoi, l'acte salvateur dont parle la prophétie ?
- Qu'est-ce que tu veux que j'en sache ? Pourquoi tu me demandes ça ?
- Cet acte, ça pourrait être la protection de quelqu'un, de quelque chose. Or, la seule personne de mon entourage qui doit être protégée d'un ennemi précis, en ce moment, c'est Lya.
- Et ? Oh, non … ne me dis pas que tu crois …
- Si. Si cette malédiction s'y applique bien, je risque de la tuer, ou d'aider Ragnarök à le faire ! Pourquoi crois-tu que j'y pense sans arrêt depuis une semaine, hein ?! Pourquoi crois-tu qu'aller à Ostia ne me réjouit pas ?!! s'écria Illonya en larmes. Je ne veux pas lui faire de mal !!!
La chatte-fée resta un instant bouche-bée, décontenancée. Elle n'y avait pas pensé. Non, elle n'avait pas cherché à décrypter la prophétie. Pour elle, prédire un futur incertain sur des dizaines d'années, et le forcer à prendre une certaine tournure, tenait de l'impossible. Pour elle, cette malédiction était un vieux conte de grand-mère, de ceux que l'on raconte aux enfants pour qu'ils soient sages. Mais Illonya l'avait prise au sérieux, et avait envisagé la pire situation qui puisse lui arriver, tuer sa meilleure amie.
- Illonya, c'est ça que tu veux ?
- Non, bien sûr que non !
- Tu ne comptes pas la blesser.
- Non !
- Et tu veux les revoir, elle et les autres.
- Mais oui !
- Bon, bah voilà, tu as ta réponse. Je te propose quelque chose. On fait comme si cette malédiction n'existe pas. On va à Ostia. Et si on voit que la première partie de la prophétie se réalise vraiment, on s'éloignera d'eux un moment.
Cette idée était séduisante. Oui, faire comme si de rien était, avant d'avoir la preuve certaine d'être maudite. Mais était-ce vraiment la bonne chose à faire ?
- Shelly … murmura Illonya en séchant ses larmes.
- Oui ?
- Je sais que tu as toujours du mal à croire à la prophétie. Pourtant il est probable qu'il me reste peu de temps pour m'y préparer. Je pense qu'elle a déjà commencé à se réaliser.
- Je vois à qui tu penses … soupira la chatte-fée.
- Le monde parfait a commencé à bouger … je suis certaine que nous avons affronté Cosmo Entelecheia. Oui, sans aucun doute, Skoll et Fate sont des Averruncus.
Shelly ne répondit pas. Évidemment, elle l'avait remarqué. Évidemment, leur famille n'oublieraient jamais ces magiciens, synonymes de destruction.
Seulement, elle avait ses raisons de croire qu'elles avaient encore du temps.
- Tu sais, si tu es vraiment l'Élue, et que tu utilises les sites sacrés, il faudrait déjà que les deux mondes soient liés à nouveau. Autrement dit, pour l'instant on est tranquilles.
Illonya accepta silencieusement, convaincue par le dernier argument. Même si elle n'était pas très rassurée. Elle se demandait si elle ne faisait pas mieux d'éviter l'ala alba. Mais elle chassa cette idée. Des paroles de Chao lui revinrent en mémoire, les seules que la jeune chinoise lui ait jamais adressées. « Illonya ? Toi aussi, sois prudente. Et protège-la. Si tu le désires vraiment, tu y arriveras. » . Oui, elle la protégerait. Que ce soit de Ragnarök, ou d'elle-même. Elle ne faiblirait pas.
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