•  

    - Lya, tu n'es pas fille unique.

     

    Quoi ? Comment ça ?! Elle avait un frère, ou une sœur ? Drexan lui avait-il menti en affirmant qu'elle n'avait pas de grande sœur ? Sayo aurait-elle eu raison ?

     

    - Tu as une petite soeur.

     

    Ah ? Bah non, encore raté … Sayo avait bel et bien eu une hallucination.

     

    - Elle s'appelle Xyn, a tout juste dix ans, et vit en ce moment sous la protection de la princesse impériale Theodora, dans la capitale de Hellas. Nous pensions qu'elle y serait en sécurité : personne à part nous, pas même Ragnarök, n'était au courant de sa naissance. Mais nos ennemis semblent plus informés que nous le croyions, elle n'est plus aussi en sécurité … au risque de leur révéler son existence, il faut que tu ailles la retrouver.

     

    Drexan s'interrompit légèrement, on sentait qu'il hésitait à ajouter quelque chose.

     

    - Lya, je ne sais pas si j'ai encore beaucoup de temps, alors je serai bref. Tu dois survivre à Ragnarök à tout prix. Pour ta sœur, pour tes parents qui sont peut-être encore vivants, pour tout ceux qui t'aiment. Mais aussi parce qu'il existe une toute petite chance pour que tu aies le pouvoir de protéger, non, de sauver le monde magique.

     

    Puis la voix de Drexan disparut, et Lya sentit le sol se dérober sous ses pieds.

     

    Lya ouvrit les yeux et s'assit, stupéfaite. Réfléchissons. C'était le matin, dans la forêt, et Gira avait éteint le feu. Gira, le feu, la forêt. Bon, elle n'était peut-être pas très réveillée, mais avec ça elle comprenait bien qu'elle était au monde magique et que l'incident du port-portail n'était pas un rêve. Mais ce qu'il venait de se passer ? Sa sœur ? Xyn ? Comment pouvait-elle trancher, entre le rêve et la réalité ?

    Soudain, elle eut une idée : elle allait peut-être savoir ! Mais pouvait-elle en parler à Gira ? D'un côté, Drexan avait peut-être raison de se méfier. D'un autre côté, elle avait besoin d'aide, et elle devait être loin de Hellas, maintenant. Gira était la seule sur qui elle pouvait compter pour le moment.

     

    - Dis, Gira …

    - Ah, tu es réveillée ? s'étonna la démone. Qu'y a-t-il ?

    - La princesse impériale de Hellas, elle s'appelle bien Theodora ?

    - Exactement. Pourquoi ?

    - Bon, bah ça confirme ce que je pensais. J'ai bien une petite sœur.

     

    L'habituelle attitude distante et froide de Gira laissa la place à une expression d'incrédulité totale.

     

    - Hum … Tu peux répéter ?

    - J'ai une petite sœur.

    - Et quel est le lien entre le nom de la princesse et ta sœur ? Je crois bien avoir loupé un épisode.

    - Euh … oui, une conversation télépathique. Ou plutôt un monologue télépathique, pour être plus précise.

     

    Lya lui résuma ce que lui avait expliqué Drexan.

     

    - Et donc, comme à la base je ne connaissais pas le nom de la princesse, j'ai vérifié que je ne l'avais pas inventé … si ça avait été le cas, ça aurait été un simple rêve. Alors ? Qu'est-ce qu'on peut faire ?

    - Déjà, vérifier où nous sommes. Mais sauf si nous sommes vraiment proches d'Hellas, nous ne pouvons pas y retourner … Par contre, dans un mois et demi, il va y avoir un festival à la Nouvelle Ostia, pour fêter la fin de la guerre. Cette année, c'est la vingtième édition, et pour l'occasion, toutes les grandes personnalités du monde magique s'y rassemblent, dont la princesse. Ce serait donc mieux de s'y diriger. Peut-être même que tes amis vont y aller aussi. Sinon, nous tenterons de les contacter une fois là-bas.

     

    Gira lui fit signe de rassembler ses affaires et de la suivre. En volant quelques instants, elle avait déjà repéré une grande ville, il n'y avait plus qu'à s'y diriger.

    La démone guida Lya à travers la forêt, quasiment en silence. Encore une fois, Gira n'avait pas l'air d'humeur bavarde … après quelques heures de marches, elles atteignirent les premières habitations, et découvrirent un panneau sur lequel était inscrit le nom de la ville.

     

    - Antigone, lut Lya. Alors ?

    - C'est bien ce que je pensais … soupira Gira. Antigone est à plus de cinq mille kilomètres de Hellas. Nous allons devoir aller à Ostia …

    - C'est loin ?

    - Je dirais plus ou moins quatre mille kilomètres.

    - Ouh, ça fait beaucoup ! Comment allons-nous faire ?

    - Je ne sais pas encore … Laisse-moi y réfléchir. Ah, remets ta capuche, on devrait rester discrètes … C'est peut-être un peu de la paranoïa, mais Ragnarök est partout. S'ils nous découvrent, on est fichues.

     

    Elles parcoururent les rues, en quête d'informations, mais soudain, le regard de Gira se posa sur un écran magique, et elle s'arrêta net en pestant. Elle attrapa Lya et l'emmena dans une ruelle.

     

    - Qu'est-ce qu'il se passe ? chuchota instinctivement Lya.

    - On a de gros problèmes … Toi, moi, et le reste de l'ala alba sommes recherchés … je viens de voir les avis.

     

    Lya se retint de justesse d'hurler de surprise.

     

    - Mais …

    - J'ai une solution. Pour nous déplacer, en partie. Et aussi pour l'avis de recherche.

    - Quoi ?

    - J'ai une paire de lunettes qui permet de modifier son apparence, ça marche sur le principe des illusions … et grâce à mes payes, j'ai assez d'argent pour en racheter une, ainsi que tout ce dont nous avons besoin. Suis-moi, et surtout garde bien ta capuche … je suis déjà venue ici, je sais où en trouver.

     

    Gira la mena dans un dédale de ruelles, jusqu'à un petit magasin, sombre et poussiéreux, où elle entra. Elle en ressortit quelques minutes plus tard, et tendit la nouvelle paire à Lya.

     

    - Maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Tu as parlé d'une partie du voyage.

    - Dans trois jours, un vaisseau part d'Antigone, et va à Elfanhaft. Nous allons la prendre sous de fausses identités, j'ai déjà les billets. Ça nous fera un tiers du voyage en quelques heures …

    - Hum … Gira ? Ça coûte cher, tout ça, non ? Comment tu as fait ? Je veux bien que tu aies de l'argent avec tes payes, mais quand même !

    - Hin, ne me sous-estime pas … J'avais beau être obéissante et cacher peu de choses à mon maître, tous mes contacts ne sont pas affiliés à Ragnarök, loin de là ! Et puis je sais négocier avec eux … suffit de ressortir les vieux squelettes des placards, et c'est fou à quel point tu peux obtenir des réductions énormes … répondit Gira d'un air carnassier.

    - Ok ok, je ne veux pas en savoir plus ! s'exclama Lya.

     

    La démone conduisit ensuite Lya en dehors de la ville, et retrouva la forêt avec un certain soulagement. Elles dénichèrent un endroit où installer leur camp, et s'assirent. L'après-midi touchait à sa fin.

     

    - Lya ? fit Gira.

    - Oui ? lança Lya, surprise que la démone commence d'elle-même la conversation.

    - Comme ton maître a été enlevée, tu n'as personne pour t'entraîner.

    - Exact. Même si je compte bien la retrouver au plus vite. Et ?

    - Qu'est-ce qu'Arianna t'apprenait ?

    - Ninjutsu et magie. Je ne vois toujours pas où tu veux en venir …

    - Espionnage ? Infiltration ?

    - Non. Je sais juste cacher mon aura, enfin dans une certaine mesure.

    - Bien. Alors je vais t'entraîner.

     

    Lya la regarda droit dans les yeux, ahurie.

     

    - Tu crois que je n'ai des capacités qu'en combat ? s'étonna la démone. Pour mon ancien travail, je devais pouvoir rassembler des informations correctes et fiables rapidement … Nous allons devoir récolter toutes sortes d'informations, surtout sur tes amis. Je pourrais le faire seule, mais te laisser derrière pourrait ne pas être un très bonne idée. Donc dans les deux jours qu'il nous restent, je vais t'entraîner, et après notre atterrissage à Elfanhaft aussi.

     

     

    ***

     

     

    - Alors, c'est comment ? s'exclama Thelis.

    - Bizarre ! répondit Yoru. Je pensais pas monter ce genre de trucs un jour …

    - Disons que c'est comme les chevaux de ton monde.

    - Chevaux qui se tiennent sur deux pattes, ont une peau de lézard, une queue de lézard, une tête de … là je ne sais pas trop à quoi comparer … un lézard avec un long coup ? Ah, ça va plus vite, aussi.

     

    Thelis éclata de rire, amusé par l'expression perplexe de Yoru. Ils se dirigeaient à présent vers Shangri-la pour un long voyage, à dos d'étranges animaux, à une trentaine de kilomètres par heure.

     

    - Si tu dois chercher les ressemblances avec ton monde dès que tu trouves quelque chose, tu n'as pas fini, mon garçon !

    - Je m'en doute …

     

    Le début avait été compliqué, Yoru n'ayant jamais chevauché quoi que ce soit, mais après un petit temps d'adaptation, il s'avérait que monter ces drôles d'animaux n'était pas si difficile, surtout qu'en fin de compte ils étaient dociles.

    Yoru était encore légèrement méfiant, mais il préférait ne pas le montrer. Cela faisait trois jours qu'ils voyageaient, et pour le moment il ne s'était rien passé. Pas d'attaque de bandits, pas de nouvelles de l'ala alba. Le calme plat.

    Mais ce marché avec Thelis l'arrangeait beaucoup : il voyageait assez rapidement, avait une protection vis à vis des chasseurs de primes et autre dangers pour fugitifs, et ça lui permettait de s'entraîner. Même sans attaques de bandits. Leurs montures étaient endurantes, mais les chevauchées, d'une heure, se répartissaient sur la journée avec de longues pauses entre deux pour les laisser récupérer. Et c'était pendant ces longues pauses que Yoru s'entraînait sans relâche.

     

    Un soir, ils se réchauffaient autour d'un bon feu, mais en silence. Cela, d'ailleurs, étonnait Thelis. D'habitude, le garçon lui faisait joyeusement la conversation, mais là, Yoru était plongé dans ses pensées, son regard vide tourné vers les flammes. Il était ailleurs, et soucieux.

     

    - Ça ne va pas, mon garçon ? l'interrogea Thelis.

    - Mmh ? Si, si … Je pensais à autre chose …

    - Une petite amie, peut-être ? fit l'homme, avec un sourire sournois.

     

    Yoru rougit brusquement, avant de confirmer avec force bégaiements. En se demandant comment diable Thelis avait pu le deviner, sans savoir que chez lui ça se voyait à peu près comme le nez au milieu de la figure.

     

    - Je m'inquiète pour elle … quand nous avons été séparés, elle était blessée … Je me demande comment elle va, maintenant.

    - Tu n'as aucun moyen de la contacter, je suppose, sinon tu l'aurais déjà fait …

    - Aucun, et je le regrette, maintenant … nous n'avons pas fait de pactio, et je suis incapable d'utiliser la magie, donc pas de télépathie.

    - De toute façon, les fonctions de la carte de pactio, autre que le rangement d'affaires et l'invocation de l'artefact, ne sont utilisables que dans un rayon de dix kilomètres. Les sorts de télépathie ne sont guère plus efficaces, à part quand ils sont utilisés avec certains objets, très rares. Comme les médaillons de télépathie, par exemple, j'ai déjà entendu qu'ils peuvent fonctionner même entre les deux mondes, mais c'est quasiment introuvable.

    - Je vois … Thelis, pensez-vous que je puisse les contacter, elle et les autres ?

    - Certainement. Tu sais, les chances que tous tes amis parcourent des milliers de kilomètres sans être repéré par personne sont faibles … dans peu de temps, on devrait avoir des nouvelles.

    - J'espère qu'ils ne se feront pas capturer …

     

    Le camp fut replongé dans le silence quelques temps, avant que Yoru ne reprenne la parole.

     

    - D'ailleurs, à propos de tout ça, il y a quelque chose que je ne comprends pas.

    - Oui ?

    - Comment ça se fait que tout le monde croie à notre culpabilité ? Je sais qu'il y a les vidéos, mais quand même … ça doit être impossible, pour des gens de notre âge, de commettre ce genre d'attentats ! La plus âgée d'entre nous a seize ans ! Et pire, l'un des plus recherchés, Negi, n'a que dix ans …

    - Ce n'est pas si simple, Yoru. Bien sûr, certains habitants doivent être perplexes, mais dans le Mundus magicus, tout le monde peut combattre, et les combattants les plus forts sont parfois révélés très jeunes. Thousand Master, Nagi Springfield, n'avait que treize ans quand la guerre a commencé, et pourtant il y a participé depuis le début. Chez nous, n'importe qui peut partir au combat s'il est suffisamment puissant.

    - Superbe … Eh bien, nos mondes sont vraiment différents !

    - Tu vas t'y faire.

    - Ça c'est vous qui le dites !

     

    Les jours passèrent, semblables aux autres, avec pour seuls changements les progrès de Yoru, son adaptation à ce monde sauvage qu'était le Mundus magicus, et le paysage qui se modifiait légèrement au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de la côte. De temps en temps, quelques bandits, trompés par le peu de défenses apparentes du duo, les attaquaient, mais ils le regrettaient amèrement par la suite. Yoru n'était pas d'un naturel violent, au contraire, mais sa frustration d'être loin de Lya lui donnait vraiment envie de se défouler.

     

     

    ***

     

     

    - Nous y voilà, fit Illonya.

     

    Shelly et elle se trouvaient à une centaine de mètres de Phoenicus, grande ville de l'Est du Mundus magicus.

     

    - Ne restent plus qu'à faire nos recherches et à essayer de contacter les autres, exposa la chatte-fée.

    - « Rester », c'est vite dit, répliqua sa maîtresse. Je te rappelle que je suis recherchée et que je ne vois pas comment entrer dans la plus grande bibliothèque de l'Est sans me faire repérer …

    - J'ai ma petite idée là-dessus. Attends-moi là, je reviens dans tout au plus deux heures. De toute façon on reste en contact télépathique. Reste cachée …

     

    Illonya s'assit à l'ombre d'un bosquet en contemplant Phoenicus de loin. Les villes du Mundus magicus étaient vraiment différentes de celle de la Terre … Ici, la ville n'écrasait pas la nature, elle se développait avec elle. Les bâtiments accompagnaient le relief, la végétation était omniprésente partout. Illonya, l'avait remarqué, pendant le voyage : si ce monde était plus sauvage et dangereux, en moyenne, que son monde natal, il ne connaissait cependant pas le problème de la pollution. Vaisseaux, bateaux, usines, tout fonctionnait par magie.

    La jeune magicienne consulta sa montre, affichant et l'heure de la Terre, et l'heure du monde magique. Shelly était absente depuis deux heures et demi, et Illonya commençait à s'inquiéter.

     

    - Shelly ? Ça va ?

    - Ah, oui, j'arrive, ne t'inquiète pas … je suis sur le chemin, je serai là dans un petit quart d'heure.

     

    Effectivement, environ quinze minutes plus tard, la chatte-fée était là, et traînait un sac derrière elle.

     

    - Qu'est-ce que c'est ?

    - Souvent, dans les grande villes, il y a ce qu'on appelle les marchés de familiers. Tout ce qu'il faut pour nous ou nos maîtres ! s'exclama Shelly. Il y a de tout, là-bas, du matériel de soutien en combat aux objets quotidiens fonctionnant à la magie herminienne1, en passant pour les ordinateurs d'hermines. J'ai trouvé ça.

     

    Elle sortit un orbe du sac, et le présenta à Illonya.

     

    - Ça me permet de changer la couleur de tes cheveux et de tes yeux. Et comme c'est un véritable changement, même temporaire, et non une illusion, personne, même avec un excellent équipement, ne pourra deviner que ce n'est pas ta véritable apparence. Ce n'est pas tout, j'ai aussi trouvé autre chose.

     

    Shelly sortit cette fois des oreilles et une queue de chat.

     

    - Une fois que tu les mets, tout ce qui permet de les attacher devient invisible, on ne voit pas que ce sont des faux, surtout qu'elles bougent selon ton humeur, c'est connecté à ton esprit … ton signalement sur les avis de recherche correspondent à une enfant humaine aux cheveux châtains et aux yeux noisette. Si tu deviens une Nekomimi blonde, ou rousse par exemple, aux yeux verts, personne ne fera attention à toi.

     

    Illonya la remercia, enfila le tout, et s'aperçut qu'en effet, avec ses yeux verts, ses cheveux roux et lâchés, avec ses oreilles et sa queue de chat qui semblaient vraiment faire partie de son corps, elle était méconnaissable.

     

    - Maintenant, nous serons tranquilles, s'exclama-t-elle, ravie. Tu as repéré la bibliothèque ?

    - Difficile de la rater, elle est tout simplement énorme … Suis-moi.

     

    La chatte-fée la conduisit dans les rues de Phoenicus, jusqu'à un gigantesque bâtiment, très fréquenté. La bibliothèque de Phoenicus était réputée pour être l'une des plus grandes, des plus complètes, du monde magique. Des voyageurs venant des quatre coins du monde la visitaient et venaient y faire leur recherches, car ils étaient pratiquement sûrs de trouver toute les informations dont ils avaient besoin.

    Illonya et Shelly entrèrent, et traversèrent le bâtiment jusque dans la section des légendes. Cependant, après deux heures à parcourir des pages et des pages, impossible de trouver quoique ce soit à propos de l'onyx de Hel.

     

    - Attends … réfléchit Shelly. Cette section traite des légendes, donc de contes populaires qui n'existent normalement pas et qui ne sont pas fondés … On devrait plutôt chercher du côtés des catalyseurs les plus connus.

     

    Illonya acquiesça, et se rendit dans la section voisine, traitant des objets magiques, qu'elle avait repérée un peu avant. Elle jeta un coup d'œil rapide aux tranches des livres, avant de trouver celui qui l'intéressait.

     

    - « Les catalyseurs des magiciens célèbres », lut-elle. Peut-être que là-dedans …

     

    Le livre était séparé en deux parties, soit une relatant des magiciens ayant travaillé au service des cités, des pays ou même du monde, comme Nagi Springfield ; et une autre répertoriant ceux qui avaient voulu faire régner la terreur dans le Mundus magicus.

    Comme elle le craignait, Illonya ne trouva rien dans la première partie. Elle parlait entre autres de Nagi Springfield et des autres membres magiciens de l'ala rubra, décrivant leurs catalyseurs, mais rien à propos d'une certaine Hel. La jeune norvégienne le savait déjà, si l'onyx de Hel avait son nom dans ce livre, ce ne serait pas dans la première partie. Sinon, les villageois n'auraient pas été terrifiés.

    Illonya passa directement aux noms en « H », et y trouva, comme elle s'en doutait, le nom de Hel inscrit.

     

    - Shelly, viens voir ça … murmura la stagiaire.

     

    « La détentrice de l'onyx de Hel est une magicienne que le Mundus magicus préférerait oublier, et, de nos jours, rares sont ceux à faire encore allusion à Hel.

    L'onyx de Hel a disparu depuis plusieurs décennies, à la mort de sa propriétaire, et tous ignorent où il se trouve. »

     

    - C'est tout ? soupira Illonya, déçue.

    - Au moins, relativisa Shelly, nous savons que Hel était bien une magicienne, et non un lieu ou tout simplement une référence à la déesse2. Nous pouvons chercher dans des livres d'histoire, sur les magiciens les plus connus …

     

    Magicienne et familier changèrent à nouveau de section, et se remirent à fouiller parmi les ouvrages. Après une petite demie-heure, Shelly parcourait l'index d'un livre, dans lequel elle trouva enfin le nom de Hel mentionné. Cela avait été long, et en effet, comme l'expliquait le livre des catalyseurs connus, la plupart des livres évitait de faire référence à cette magicienne.

     

    - Regarde ça, Illonya !

     

    La jeune fille lut rapidement les quelques lignes qui décrivaient la magicienne.

     

    « Hel Enden, magicienne originaire de Norvège, dans le Mundus Vetus, née dans les années 1900 du calendrier terrien, fut l'une des plus grandes ennemies de notre monde.

    Autrefois, Hel était une jeune magicienne, qui se destinait à un brillant avenir de magister magi. Détentrice d'une grande puissance, elle a d'abord travaillé au service de Megalomesembria, et capturait efficacement fugitifs et criminels. À travers son travail, elle a vite grimpé les échelons de l'administration, et s'est vue accordé de plus grandes responsabilités, mais aussi de grands pouvoirs politiques.

    Cependant, il semble que Hel soit devenue grisée par le pouvoir, et, vers 1935, accompagnée de quelques acolytes assoiffés de pouvoir, elle tenta un énorme coup d'état, alors que les plus grandes puissances du monde magique (les consuls de Megalomesembria, le deuxième prince impérial de Hellas et le roi de Vespertatia) étaient rassemblées. Heureusement, elle échoua, stoppée avec l'aide de la prestigieuse garde d'Ariadne et de nombreux magiciens, mais ce fut un grand massacre lors duquel de nombreuses vies furent perdues.

    Hel réussit cependant à s'échapper. Elle fit ensuite passer un message, en piratant le réseau du monde entier : si elle ne pouvait pas diriger ce monde, alors personne ne l'aurait. Dès lors, même s'il semble qu'il y ait eu d'autres raisons, son but fut de détruire le monde magique, ou au moins de commettre de nombreux massacres. Elle s'associa à Cosmo Entelecheia, mais au bout de quelques mois, elle se retourna contre eux, les affaiblissant suffisamment pour qu'ils ne puissent pas détruire notre monde. Personne ne connaît la raison de ce revirement de situation, mais, après avoir quitté Cosmo Entelecheia, elle continua ses massacres.

    À l'époque, en 1937, le Mundus magicus et le Mundus Vetus étaient profondément liés, sur le plan physique : il était extrêmement facile de passer d'un monde à l'autre. Hel découvrit qu'elle avait un don étrange : non seulement elle pouvait sentir n'importe quelle créature magique dans un énorme rayon, les analyser de façon très efficace, mais cela fonctionnait avec tout être vivant et toute source de magie, tels les site sacrés (Par exemple, l'arbre sacré de Mahora, une ville terrienne d'un pays nommé Japon), et entrer en contact avec. Elle mit au point un sort étrange, permettant de s'approprier leur puissance. Hel accorda son esprit aux douze sites sacrés de la Terre, canalisa leur magie et, grâce au lien entre les deux mondes qu'elle accentua, elle tenta encore de détruire le Mundus magicus.

    À nouveau, elle fut stoppée par de talentueux magiciens. Elle prit la fuite, pourchassée par ces mêmes magiciens, et ce fut le début de trois longues années de course-poursuite, au terme desquelles elle fut finalement tuée. On raconte que juste avant sa mort, elle aurait utilisé la magie restante des sites sacrés pour créer une prophétie :

    '' Lorsque les temps viendront, l'héritier de Hel s'éveillera pour marcher sur les traces de son ancêtre. Les douze sites sacrés sortiront de leur torpeur, et l'Élu empêchera l'acte salvateur. ''

    Hel l'aurait utilisée pour maudire sa famille, en particulier sa fille et son beau-fils, qui faisaient partie des magiciens l'ayant arrêtée : Thea Enden et Aaron Olsen.

     

     

     

    1 La magie herminienne désigne les sorts utilisés (pactios, interruption de télépathie (à noter que certains sorts de magiciens comme la télépathie ont leur équivalent herminien) , etc …) par les hermines comme Camo, ou, plus largement, par les autres familiers tels que Shelly.

     

    2 Hel est à l'origine une déesse du panthéon nordique, c'est la déesse de la mort.


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  •  Illonya attrapa son sac, éteignit les flammes magiques, et, Shelly sur les talons, elle se dirigea vers le village le plus proche. Elle l'avait repéré en volant, un peu plus tôt dans la matinée, et, à vol d'oiseau, il ne semblait pas très loin. Mais elle préférait y aller à pieds, d'une part pour économiser le plus possible ses forces magiques, d'autre part pour éviter de tenter les animaux volants du coin, plutôt gros, agressifs et accessoirement carnivores. Car oui, de petits dragons survolaient parfois la plaine, et en l'air, toute autre créature plus petite faisait une cible facile. Des dragons. Elle avait rêvé d'en voir depuis des années, sachant qu'ils existaient vraiment … eh bien maintenant elle n'était pas sûre d'apprécier !

    Après trois bonnes heures de marche, magicienne et familier passèrent la porte du village, entouré par des palissades. Les attaques de brigands devaient être assez nombreuses : ce monde semblait bien plus sauvage que le Mundus Vetus, aussi appelé Terre. Entourés par une nature à qui il arrivait apparemment de reprendre ses droits sur les hommes, et par une faune et une flore pas toujours tranquilles, les habitants avaient appris à se débrouiller d'eux-même et à se défendre. D'où les palissades autour des différents villages.

    Shelly se fit une petite place sur l'épaule de sa maîtresse – heureusement, la chatte-fée n'était pas bien grande – et toutes les deux entrèrent dans la première boutique qu'elles virent, qui devait bien être l'une des seules du village. Ça ressemblait grandement à une épicerie, et un vieil homme était assis derrière un comptoir, occupé à faire ses comptes.

     

    - Puis-je faire quelque chose pour vous ? demanda-t-il en l'invitant à s'avancer.

     

    Illonya fut tout d'abord étonnée : il parlait en latin ! Mais elle n'eut aucun mal à répondre, ayant appris la langue depuis sa plus petite enfance.

     

    - Hum … oui, en fait je voudrais savoir où nous sommes …

    - Eh bien, dans mon échoppe, ma p'tite demoiselle ! lança-t-il sans lever les yeux de son cahier de comptes.

    - Euh … oui, ça on s'en doute, répliqua Shelly, mais nous sommes en plein voyage, et nous aimerions savoir près de quelle grande ville nous sommes …

    - Ah, ça … à environ quatre cent kilomètres au sud de Phoenicus.

     

    Il daigna enfin lever la tête, lorsqu'elles le remercièrent. Et son visage devint un masque d'horreur et de haine.

     

    - … Vous … ! Vous ! Déguerpissez !

    - Quoi ?!

     

    Illonya recula précipitamment et sortit. Le vieil homme la suivit en hurlant, ameutant le reste du village. En un rien de temps, une centaine de villageois mi-effrayés mi-furieux entouraient la jeune fille et Shelly.

     

    - Qu'est-ce qu'il se passe ? chuchota la chatte-fée.

    - Aucune idée, mais ils n'ont pas l'air d'être contents de nous voir …

     

    Lentement, quatre hommes se déplacèrent pour les cerner.

     

    - Écoutez, essaya Illonya, qu'est-ce que vous nous voulez ? Pourquoi tout ça ?

     

    Mais ses questions semblèrent plutôt énerver la foule.

     

    - Tu oses dire ça ! Criminelle !

    - Comment ?! Vous la confondez avec quelqu'un d'autre ! la défendit Shelly. Nous ne sommes jamais venues ici !

     

    De rage, les villageois commencèrent à les caillasser, et Illonya fut obligée de se défendre par magie, s'entourant d'une barrière magique après avoir fait apparaître son bâton.

     

    - On devrait filer d'ici, Illonya ! s'écria Shelly, toujours se son épaule.

     

    La jeune norvégienne désactiva sa barrière, grimpa dessus et esquiva habilement les divers objets lancés. Un villageois lui lança un parchemin, de rage – même si ça ne pouvait rien lui faire, en fait ils prenaient ce qu'ils avaient directement sous la main – et elle l'attrapa. Elle s'envolait plus haut dans le ciel, et la dernière chose qu'elle vit de part des villageois était que l'un deux fixait, terrifié, la pierre noire au bout de son bâton.

     

    - L'onyx de Hel ! Elle a l'onyx de Hel ! hurla-t-il avec une frayeur non dissimulée.

     

    Illonya s'éloigna assez vite, vraiment perturbée par ce qu'il venait d'arriver, et elle fit un détour pour revenir à son campement, où elle dressa quelques barrières pour se protéger et se dissimuler. Puis elle se laissa tomber par terre, alors que Shelly sautait de son épaule.

    Ensuite, elle ouvrit le parchemin, et se figea.

     

    - Shelly … regarde ça …

     

    La chatte-fée jeta un coup d'oeil au papier.

     

    - C'est pas possible … murmura-t-elle.

     

    Un avis de recherche ! Les villageois avaient dit vrai … pour une raison qui leur échappait encore, dans ce monde, Illonya était une criminelle recherchée. Et elle n'était pas la seule. Lya, Yoru et le reste de l'ala alba, ainsi que Gira, tous étaient sur l'avis, exceptés les familiers, avec des récompenses astronomiques sur leur tête. Les plus recherchés étaient évidemment Negi, Lya – Ragnarök devait tremper la-dedans – et les meilleurs combattants de l'équipe tels que Kaede, Setsuna et Kotaro.

    Autant dire qu'ils étaient mal barrés …

     

    ***

     

    Au même moment, Yoru cherchait une ville, mais, sans bons moyens pour y parvenir, il le faisait à l'aveuglette, et ne trouvait rien. Le meilleur moyen semblait d'atteindre les montagnes qu'il avait vues au loin, de là il trouverait certainement un signe de civilisation, mais il n'y serait pas avant le soir. Soupirant, il se remit en route. Heureusement que la végétation était maigre, il verrait arriver n'importe qui sur un bon kilomètre à la ronde et il ne perdrait pas de vue sa destination. Même si une forêt commençait à apparaître à quelques kilomètres des contreforts et se densifiait au fur et à mesure, il avait peu de chances de se perdre.

    Au bout de plusieurs heures de marche, son estomac criait famine, et il décida de faire une pause. Il se félicitait d'avoir pris à manger avec lui … malheureusement, il n'avançait pas aussi vite qu'il l'espérait, et alors que le ciel se nimbait d'une magnifique couleur écarlate, il n'avait même pas encore atteint la forêt. Il décida tout de même de marcher le plus longtemps possible, jusqu'à ce que la progression soit rendue impossible par l'obscurité.

    Après avoir mangé, faisant attention à ne pas consommer trop de provisions d'un coup, il se remit en marche, et miracle, en une petite heure de marche, il croisa une famille, apparemment en voyage. Deux adultes étaient accompagnés de trois enfants, et se déplaçaient dans une espèce de charrette tirée par d'étranges animaux. Des sortes de … reptiles, de gros lézards plus précisément. Mais plus ramassés sur eux-même, plus trapus, avec une énorme queue. Bref, Yoru n'avait jamais rien vu de semblable.

    Il les aborda doucement, faisant attention aux queues des bêtes qui balayaient le sol.

     

    - Excusez-moi … j'aurais besoin d'un renseignement … dit-il en toussotant pour attirer leur attention.

     

    La famille le regarda avec une expression figée, de celles qu'on arbore quand on vient de tomber sur LA personne qu'on ne veut pas croiser. Mais personne n'eut le temps de dire quoi que ce soit. Yoru n'était pas le seul à avoir vu la famille : un dizaine de brigands les encerclaient …

    Yoru se mit en position de défense, attendant de voir ce qu'ils allaient faire. Soudain, la moitié se précipitèrent sur la famille, tandis que les autres fonçaient sur Yoru.

    Toujours dans l'ombre des magiciens et des progrès hallucinants de Lya, Yoru s'était vu à la traîne. Terriblement à la traîne. Les combats contre Gira et Kagami avaient fini de l'en persuader. Mais là … les attaquants étaient tellement lents ! Ils n'avaient aucune technique, se servant juste d'armes magiques pour intimider leurs victimes et les dépouiller. Alors quand il les vit approcher, il comprit que lui aussi avait sa carte à jouer.

    Le premier brandissait une espèce de matraque parcourue d'étincelles, Yoru n'eut qu'à se décaler de quelques centimètres et leva son genou, qui frappa le ventre de son ennemi et lui coupa le souffle. Puis l'adolescent, n'ayant toujours pas posé sa jambe, pivota et en percuta un autre. Les trois autres bandits se jetèrent sur lui en même temps, il les esquiva et les assomma rapidement, avant de venir en aide à la famille.

    D'un coup du tranchant de la main sur la nuque, il en envoya un au pays des rêves. Les adultes, serrant leurs enfants contre eux, considéraient l'adolescent avec des yeux effrayés et ébahis, alors que les brigands tombaient comme des mouches autour de lui.

    Finalement, les bandits détalèrent sans demander leur reste, emmenant les quelques uns qui étaient inconscients avec eux.

     

    - Eh bien, on dirait que mon entraînement a fonctionné … murmura Yoru.

     

    Il voulut enfin poser sa question aux voyageurs, mais un bruit derrière lui l'avertit qu'ils étaient en train de partir, et les animaux tirant la charrette étaient rapides. Yoru pensa un moment les poursuivre, mais ils étaient déjà loin.

     

    - C'est comme ça qu'ils me remercient … original, ironisa l'adolescent. Bon, ben je n'ai plus qu'à avancer et essayer d'atteindre cette fout... cette magnifique forêt avant la nuit !

     

    Il jeta un regard inquiet au ciel, qui s'assombrissait de plus en plus. Finie la marche, il devrait y aller par quick move … il devait encore avoir une demie-heure avant que ne tombe entièrement la nuit. Se dépêchant, il ne s'aperçut pas qu'il était suivi.

     

    ***

     

    - Bon, je vais tenter quelque chose … fit Illonya en attrapant une feuille et un crayon dans son sac.

     

    La norvégienne commença à dessiner une carte approximative du Mundus magicus, bénissant l'académie de Lordania pour ses cours. Le programme contenait magies offensive, magies simples utilisées au quotidien ; mais aussi l'Histoire et la géographie du monde magique, et c'était spécifique de Lordania, car la plupart des autres écoles les survolaient. Les professeurs avaient surtout bassiné leurs élèves avec la géographie, et Illonya leur en était bien reconnaissante. Elle était ainsi capable de reproduire, dans les grandes lignes, une carte du monde magique.

     

    - Alors, Hellas, c'est là … à peu près au nord-ouest de la carte. Et nous, on est là, en dessous de Phoenicus, donc … tout à fait à l'est.

    - Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Shelly. On essaye de retourner à Hellas ?

    - Trop loin … répliqua Illonya. Déjà, on va rejoindre Phoenicus, en restant discrètes. De là, on verra s'il n'y a pas un moyen de contacter les autres. Allons-y !

     

    Toutes deux se levèrent, Illonya désactiva ses barrières, et elles sortirent prudemment du bosquet. Personne en vue … grâce au soleil, elles réussirent à s'orienter, et se dirigèrent plein nord.

     

    - On ne serait pas mieux sur ton bâton ? Parce que quatre cent kilomètres … on n'y sera pas avant un bon moment, alors que tu es suffisamment endurante pour voler plusieurs heures.

    - Tu as raison … et puis au pire, les dragons sont des créatures magiques … je les sentirai arriver avant qu'ils n'aient le temps de nous attaquer.

     

    Illonya invoqua son catalyseur et monta dessus, Shelly s'agrippa à elle, et elles s'envolèrent.

     

    - Au fait, comment es-tu sûre de garder le cap ?

    - On n'est pas loin de la côte Est du continent … il nous suffira de la suivre : Phoenicus est sur le littoral, on ne peut pas la rater.

     

    Elles continuèrent de voler, silencieusement, pendant que quelques minutes, avant qu'Illonya ne se décide à reprendre la parole.

     

    - Dis, Shelly … c'est quoi, l'onyx de Hel ? Un des villageois a dit ça ce matin.

    - J'en sais très peu, mais à la base c'est une légende peu connue et relativement récente, je crois. Rassure-moi, tu sais ce qu'est la vraie forme de ton catalyseur, hein ?

    - Bien sûr. Ce n'est pas mon bâton lui-même, c'est la pierre noire enchâssée dedans.

    - Eh bien, je pense que c'est ça l'onyx de Hel.

    - Tu veux dire que je l'aurais avec moi depuis tout ce temps sans le savoir ?!

    - Exact. À Phoenicus, nous essayeront de trouver des informations dessus.

     

    ***

     

    Yoru n'aimait pas ce qu'il venait de découvrir. Quelques minutes auparavant, il avait enfin atteint la forêt, alors que la nuit venait de tomber. Et il avait entendu des bruits à une vingtaine de mètres, surprenant un mouvement du coin de l’œil. Quelqu'un l'observait, et il n'aimait pas cela.

    Sentant que la personne approchait, il se raidit et s'arrêta. Puis il se retourna, scrutant chaque arbre, chaque cachette susceptible de l'abriter. Soudain, un homme, plutôt grand, bien bâti, aux yeux verts, sortit d'un bosquet, et Yoru se mit en position de combat.

    L'homme s'en aperçut, et s'exclama dans ce que Yoru pensait être du latin. Son interlocuteur vit qu'il n'avait pas compris, et il réitéra, cette fois-ci en japonais.

     

    - Oh, du calme, mon garçon !

    - Qui êtes-vous ? demanda Yoru, méfiant.

    - Thelis. Thelis Eman. Tu t'appelles bien Yoru Yamashita ?

     

    Yoru resta un moment interloqué par sa question. Comment connaissait-il son prénom ? Apparemment, Thelis prenait sa réponse pour un oui.

     

    - Pourquoi m'avez-vous suivi ? l'interrogea le garçon d'un ton presque agressif.

    - Tu m'intéresses, mon garçon. À te voir, en cher et en os, il est difficile de croire que tu fais partie d'un groupe terroriste … Tu as même protégé des voyageurs …

    - Comment ?! s'écria Yoru, abasourdi. Comment ça, terroriste ?!

     

    Thelis haussa un sourcil, surpris. Le garçon avait l'air vraiment paumé … il ne s'attendait pas à une telle réaction.

     

    - Je peux approcher ? s'enquit l'homme. Je ne vais rien faire, juste te montrer quelque chose.

     

    Yoru se détendit, et hocha de la tête. Thelis sortit quelque chose de sa poche, une espèce de petit écran translucide complètement plat, et le lui tendit.

     

    - Euh … je suis censé faire quoi, avec ? demanda Yoru en le retournant dans tous les sens.

    - Tu ne sais pas ce que c'est ? Tu ne viens pas de ce monde, c'est ça ?

     

    Yoru nia, et Thelis reprit l'écran. Il l'alluma : il s'agissait en fait d'une interface connectée aux actualités du monde magique et à l'équivalent d'internet. Puis il appuya son doigt sur l'icône d'une vidéo, et le lui tendit de nouveau.

     

    « - Bonjour à tous nos téléspectateurs, commença une présentatrice sur un plateau télé. Voici les informations du jour. Tout d'abord, parlons de l'incident des ports-portails. Les onze ports-portails du monde magique ont été détruits, et nous n'avons toujours aucune nouvelle du groupe terroriste vu sur les enregistrements de Megalomesembria et Hellas. Il n'y a eu à ce jour aucune revendication. »

     

    Lorsqu'elle termina sa phrase, une autre vidéo se superposa. On y voyait Negi, et quelques un de l'ala alba. Soudain, Negi se rapprocha du pilier central … et le détruisit ! Une dernière vidéo se rajouta, montrant Lya, Illonya, Gira et Yoru, et cette fois-ci ce fut Lya qui réduisit le menhir en miettes.

    Puis une image apparut : celle de l'avis de recherche les concernant.

     

    - Mais … mais … balbutia Yoru … ce n'est absolument pas ce qu'il s'est passé !

     

    Thelis haussa à nouveau les sourcils. Certes, cela expliquait l'attitude du garçon, mais ces images étaient tout à fait officielles …

     

    - J'aimerai bien te croire, mais qu'as-tu pour le prouver ?

    - Eh bien … pas grand-chose … rien en fait, avoua le japonais.

     

    L'homme soupira en s’asseyant au sol.

     

    - Enfin … je te propose quelque chose.

    - Que voulez-vous ?

    - Je dois amener quelque chose d'important à Shangri-la. Et je ne peux pas y aller en vaisseau, pour raisons de sécurité. À Shangri-la, je pourrai rencontrer une escorte rassemblée par mon commanditaire, mais c'est assez loin, et comme tu l'as vu, le coin grouille de bandits. Donc voici mon marché : tu m'as l'air doué, alors je t'engage pour me protéger jusqu'à Shangri-la. Nous sommes aux environs de Vairocana, ça fera environ trois semaines de voyage, peut-être un peu plus.

    - Qu'est-ce que j'y gagne ? Parce que c'est bien gentil, mais j'ai des choses à faire … retrouver mes amis, par exemple, peut être une idée !

    - En restant avec moi, tu seras, premièrement, à l'abri des chasseurs de prime, même les plus forts, qui ont l'habitude de poursuivre les fugitifs. Je ne te cacherai pas que je travaille pour le gouvernement de Megalo et que je suis assez haut placé pour un agent, ils ont l'obligation de m'obéir. Si je refuse qu'ils t'attaquent, ils ne le feront pas. Deuxièmement, avoir des informations d'actualité peut être difficile pour un fugitif. Tes amis et toi avez fait beaucoup de bruit, et pratiquement toutes les informations seront présentées sur le net, tu as donc plus de chances de retrouver les tiens, puisque j'ai accès au net. Et finalement … ça.

     

    Il sortit une paire de lunettes et les mit. Ce fut au tour de Yoru de hausser un sourcil. Qu'est-ce que Thelis avait en tête ? Soudain, son apparence changea du tout au tout ! Puis il retira les lunettes et reprit son apparence normale. Enfin, il tendit la paire au garçon.

     

    - Voici des lunettes spéciales, qui développent une illusion autour de toi pour modifier ton apparence.

    - Merci … Pourquoi vous faites tout ça ? Un agent du gouvernement … vous seriez censé m'arrêter.

    - J'ai mes propres raisons … Je t'en parlerai peut-être plus tard. Mais je remarque que tu es blessé. Quoique ça ne t'a pas empêché de te battre tout à l'heure.

    - Ce n'est pas grand-chose.

    - Tu t'es fait ça au port-portail ?

     

    Yoru ne répondit pas. S'il confirmait, cet homme pourrait prendre ses blessures comme une preuve de participation à l'attentat.

     

    - Peu importe, laisse-moi te soigner.

     

    Thelis incanta un sort de guérison, et les ecchymoses issues de son combat contre Kagami disparurent.

     

    - Je suppose que tu n'es pas assez confiant pour dormir chez moi …

     

    Yoru réfléchit un instant. La perspective d'un bon lit le tentait vraiment, mais en effet, il restait méfiant et préférait dormir à la belle étoile. Il confirma.

     

    - J'ai des choses à récupérer chez moi, ainsi que nos montures : nous n'allons pas voyager à pieds ! Je te donne rendez-vous ici, demain matin. Tiens, c'est une montre du Mundus magicus. Le temps de revenir … je serai là vers sept heures. Ah, et … cette partie de la forêt n'est pas trop dangereuse, tu peux y dormir sans problème.

     

    Puis Thelis disparut à travers la végétation, dans la nuit. Yoru, quant à lui, avisa un grand arbre, avec de grosses branches, et se hissa sur la plus importante d'entre elles, se calant dans une branche qui formait une fourche.

     

    ***

     

    Elle se trouvait dans un endroit noir. Vide. Rêvait-elle ? Peut-être. Lya avait le sentiment de vivre une nouvelle vision, mais ce n'était pas pareil.

     

    - Lya ?

     

    La jeune fille tourna la tête de tous côtés, cherchant la voix qu'il l'appelait, mais il n'y avait personne. Ça l'intriguait, et l'inquiétait aussi. C'était une voix d'homme, venue de nulle part, et dans cet endroit, elle n'avait rien pour se cacher. Parce que Lya pouvait tenir tête à quelque chose qu'elle voyait, qu'elle pouvait appréhender. Mais elle avait beaucoup de mal avec ce qu'elle ne comprenait pas ou qu'elle ne connaissait pas.

    Mais elle réalisa assez vite qu'elle connaissait cette voix. Elle avait du mal à s'en souvenir, mais elle la connaissait.

     

    - Lya, je ne sais pas si tu m'entends, si mon message est passé entre nos deux mondes. N'essaie pas de me répondre, cette télépathie ne fonctionne qu'à sens unique, malheureusement. C'est moi, Drexan.

     

    Mais oui ! Sur le moment, elle n'avait pas tout à fait reconnu sa voix, mais maintenant qu'il le lui disait … Elle écouta attentivement la suite.

     

    - J'ai plusieurs choses à te dire. Premièrement, désolé, je ne te cacherai pas que Katsu a disparu. Il a dit être à la recherche d'informations, dans un mot qu'il nous a laissés. Mais t'inquiéter pour lui ne servira à rien pour le moment.

     

    Comment ça, disparu ?! Qu'est-ce qu'il lui était passé par la tête, à Katsu, hein ? Mais Lya n'eut pas le temps d'y penser plus longtemps : Drexan continuait à parler et elle risquait de rater quelque chose de capital.

     

    - Non, la véritable raison pour laquelle je te contacte, c'est pour te communiquer une information dont je n'ai pas eu le temps de te parler. Je ne pouvais le dire qu'à toi, surtout avec la présence de Gira. Je n'ai pas encore confiance en elle, pas totalement en tout cas.

     

    Lya soupira, légèrement exaspérée. Drexan n'arrêtait pas de tourner autour du pot, et elle avait vraiment l'impression que le ciel allait lui tomber sur la tête.

     

    - Lya, tu n'es pas fille unique. 


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  • Drexan se passa la main sur le visage, perturbé. Depuis la veille, tout allait mal. Il avait quelque chose de très important à communiquer à Lya, et n'avait pas pu trouvé un seul moment pour lui en parler. L'arrivée des parents d'Illonya l'en avait empêché, et la présence de Gira rendait ce genre de renseignements trop dangereux : il n'arrivait pas à lui faire confiance.

    De plus, Katsu avait disparu, blessé, sans laisser de traces. Impossible de savoir comment. Il avait simplement laissé une lettre pour remercier la famille norvégienne, et expliquer qu'il ne pouvait pas rester, étant à la recherche « d'informations importantes et capitales ». Il n'avait pas été plus précis que ça.

    Et, comme si cela ne suffisait pas, le port-portail de Lordania avait violemment réagi à quelque chose de l'autre côté, dans le monde magique, et plus personne ne pouvait passer d'un monde à l'autre en Norvège. Les deux mondes ne semblaient plus liés par ce portail, ou alors très peu.

    Drexan observa son médaillon, soucieux. Cet objet lui permettait de communiquer par télépathie en toute discrétion, sans que personne ne puisse interférer, et il en avait donné un exemplaire à son élève. Mais ce n'était pas elle qu'il voulait joindre. Même si Lya n'en possédait pas, il allait essayer de lui envoyer un message télépathique, car pour en recevoir un, avoir l'objet n'était pas nécessaire. Si les deux mondes étaient encore, rien qu'un peu, liés, peut-être le recevrait-elle.

    Il n'avait plus qu'à espérer.

     

     

    ***

     

     

    Asuna, comme les autres membres de l'ala alba, sentit l'herbe sous ses pieds se transformer en un sol dur et lisse. Le transfert avait eu lieu, et le club se trouvait en plein milieu du port-portail. Les collégiens s'extasiaient devant l'endroit, étrange et imposant, tandis que les autres voyageurs, la plupart habitués, s'en allaient. Sayo, qui n'était pas sortie depuis soixante ans, admirait le tout, depuis sa nouvelle enveloppe, une poupée à son effigie créée par Kazumi et Evangeline, qui annulait sa condition de Jibakurei.

    Negi partit à l'accueil, laissant ses élèves admirer l'architecture et se précipiter à un balcon, pour aller chercher leurs armes et objets magiques, car la loi exigeait qu'ils soient scellés jusqu'à la sortie du port-portail. Il venait de récupérer la boite scellée quand mlle McGuinness, qui avait été son professeur de magie et avait guidé l'ala alba jusqu'au monde magique, revint affolée.

     

    - M.Negi ! Il y a des intrus, et ce sont vos élèves !

     

    Le jeune magicien la suivit, ébahi. Deux gardes, ne sachant que faire, encadraient Makie, Ako, Yuna, Akira et les jumelles, Fûka et Fumika. Très vite, les membres qui n'étaient pas partis observer la ville par le balcon, se rassemblèrent autour de leurs six camarades, rassurant les gardes.

     

    - Qu'est-ce que vous faites ici ?! s'exclama le petit professeur.

    - Désolée … s'excusa Makie. On avait promis de ne pas vous suivre, mais on n'a pas pu résister …

    - Les jumelles ? murmura Kaede, ébahie. J'avais pourtant vérifié qu'elles dormaient … Pourquoi être venues ? leur demanda-t-elle, cette fois à voix haute. Lya vous avait bien expliqué, non ?

    - Justement … répondirent-elles, désolées mais intriguées. Elle est partie en Norvège et pourtant elle a dit qu'elles vous rejoindraient, mais hier soir elle n'était toujours pas là … ça nous a étonnées, on voulait comprendre !

     

    Personne ne répliqua, les nouvelles venues cherchaient à comprendre où elles étaient et pourquoi avaient-elles l'impression que la magie existait, et l'ala alba cherchait une solution.

    Soudain, Negi sursauta, se retourna en tournant la tête de tous côtés, à la recherche de quelque chose.

     

    - Setsuna … on a besoin de tes techniques de détection, s'il te plaît ! s'exclama-t-il. Garde, combien êtes-vous dans tout le port-portail ?!

     

    Les gardes ne répondirent pas, trop surpris, balbutiant quelque chose à propos de l'utilisation de magie interdite dans le bâtiment.

    Le petit magicien demanda ensuite à Kû et Asuna de protéger Makie et les autres, et voulut déployer une barrière avec Anya, sous les yeux ébahis de tous. Trop tard. Une flèche de pierre transperça son épaule droite.

     

    - Negiiii !!! hurla Asuna, paniquée.

     

    Le garçon s'écroula, le sang ne cessant de couler de sa blessure. Il fallait le soigner, vite ! Asuna s'agenouilla auprès de lui, tandis que Setsuna suppliait Konoka d'utiliser son artefact guérisseur. Elles se tournèrent avec horreur vers la boite de scellage, tombée à terre. Les cartes de pactio étaient à l'intérieur, avec les armes, et impossible d'ouvrir la boîte. Ils étaient coincés. Et l'artefact Konoka ne fonctionnait plus à plein régime à partir de trois minutes.

    Soudain, des éclairs fondirent sur le petit groupe, protégé par des barrières de ki façonnées par Kaede et Kotaro. Les gardes n'eurent pas cette chance, et furent assommés sur le coup. Puis leurs ennemis apparurent.

    Il s'agissait d'un jeune garçon d'une douzaine d'années, dont les cheveux blancs formaient comme un casque avec quelques épis, et ses yeux étaient d'un bleu-vert pâle et froid. Il était entouré d'un homme en manteau noir encapuchonné et portant un masque, d'un enfant portant le même manteau et d'une épéiste dont le visage était aussi caché.

     

    - Fate Averruncus ?! s'exclama Setsuna, effarée.

     

    Kaede, Kotaro et elle s'élancèrent immédiatement, mais il fallait croire que, même pour eux, le fossé qui les séparait du niveau de leurs adversaire était énorme. La ninja vit le magicien masqué apparaître derrière elle, et dut parer son attaque, désavantagée par l'absence de ses kunaïs et de son énorme shuriken. L'inumimi, lui, fut intercepté par l'épéiste. Enfin, Setsuna fondit sur Fate, mais fut surmenée par sa magie de pierre.

    Kaede fut prise dans un sort, capturée dans un espace magique contenu dans une boule noire. Kotaro se vit touché par une technique Shinmei, qui l'assomma, et Setsuna, adossée à des débris, ne pouvait plus se relever, épuisée.

    Le silence se fit, l'ala alba observant avec épouvante trois de leurs meilleurs combattants vaincus à plate couture. À peine deux minutes s'étaient écoulées, et les chances de trouver une solution pour sauver Negi, qui soutenait ses fonctions vitales par le magie, s'amenuisaient.

     

    - Vous nous avez suivis ?! hurla Asuna, rompant le silence, furieuse. Pourquoi ?!

    - Suivis ? Vous vous méprenez, notre rencontre ici n'est que le fruit du hasard. J'ignorais tout de votre venue. Nous sommes ici pour le port-portail. Nous ne pensions pas combattre aujourd'hui, mais Negi Springfield nous a repérés.

     

    Fate laissa le silence s'abattre à nouveau. Puis annonça froidement qu'il ne savait que faire d'eux et qu'il pouvait tout simplement utiliser la pétrification éternelle. Il allait lancer son premier sort quand, contre toute attente, Negi l'arrêta, utilisant ses dernières forces. Il tenait à peine debout, le sang s'échappait de sa blessure, mais il refusait de laisser faire Fate.

     

    Asuna observait le tout en tremblant. Elle était impuissante, elle ne pouvait rien faire pour aider ses amis ! Même l'enseignement de Setsuna lui était inutile dans cette situation, elle le savait. Mais elle devait faire quelque chose ! Désespérée, la collégienne regarda ses mains, tâchées du sang de Negi, ses mains qui ne savaient que manier son énorme épée ou annuler la magie. Puis son regard passa à la boite de scellage, juste à côté. Retourna à ses mains. Et une conclusion s'imposa à elle. Elle pouvait faire quelque chose.

     

    Fate se désintéressa de Negi et se retourna vivement vers la collégienne rousse, qu'il avait déjà vue à Kyoto. Il réalisa avec étonnement qu'elle avait réussi l'impossible : forcer le sceau de la boite ! D'un seul mouvement, tout ce qu'elle contenait en sortit.

     

    - Konoka ! s'exclama Asuna, lui lançant sa carte de pactio avant d'activer la sienne.

     

    La guérisseuse, après avoir récupéré son artefact, voulut avancer vers Negi. Seulement, même si grâce à Asuna, la contre-attaque pouvait être lancée, Fate était encore bien trop fort, et il lui lança un sort de pétrification. La fumée se dissipa assez vite, laissant voir Konoka, indemne : Setsuna se tenait devant elle, toutes ailes déployées, derrière une barrière de vent orientale1 !

    Konoka, protégée par les autres, courut au chevet de Negi pour le soigner, alors que Setsuna reprenait son combat contre Fate. Kotaro, soigné par Anya, protégea Asuna, Konoka et Negi ; et un énorme shuriken se planta devant Fate : Kaede avait pu s'échapper du sort du magicien noir.

     

    Fate observa la petite équipe se réorganiser. Ce petit jeu commençait à le lasser, et il avait une mission à accomplir. Heureusement, le jeune magicien encapuchonné qui l'accompagnait était déjà en train de détruire le menhir central. Il incanta donc, souhaitant en finir au plus vite.

    Sa magie de pierre fit apparaître de gigantesques piliers de pierre noire, qui s'abattirent sur le sol du port-portail.

     

    Negi se précipita devant Makie et les autres pour les protéger, sa barrière arrêtant les débris et les piliers qui s'abattaient sur eux, et Asuna put en détruire une partie avec son anti-magie. Mais ce n'était qu'une diversion. Le menhir central éclata en morceaux, et Camo eut à peine le temps de prévenir l'ala alba du transfert forcé, qui allait les disperser au quatre coins du monde. La plupart des membres de l'équipe ne purent pas se regrouper …

     

     

    ***

     

     

    Lya se réveilla en sursaut, haletant. Elle avait fait un bien étrange rêve … Elle regarda un peu autour d'elle. C'était le soir, et elle se trouvait dans une forêt, allongée non loin d'un feu.

     

    - Toi aussi, tu l'as vu, n'est-ce pas ? demanda Gira, derrière son dos.

    - Tu veux dire, Negi et les autres ? fit la magicienne de glace, après un léger sursaut.

    - J'ignore qui c'est, je te rappelle.

     

    Lya lui raconta comment l'ala alba s'était formée, car Gira ignorait tout de la petite équipe. Elle lui parla des différents membres, dont Negi.

     

    - Toi aussi, tu rêvé qu'ils étaient au port-portail ? s'étonna-t-elle. Qu'ils étaient vaincus par ce Fate et que …

    - Ce n'était probablement pas un simple rêve, l'interrompit la démone. Je ne dormais pas, moi, c'était sous forme de vision.

    - Impossible, Fumika et Fûka étaient là … avec Makie, Yûna …

    - Tu crois sincèrement que j'aurais pu rêver de gens que je ne connaissais pas ? Je ne sais pas comment l'expliquer mais … je crois que les ports-portails de Hellas et Megalomesembria ont été détruits en même temps, et nos transferts forcés ont eu lieu simultanément aussi. Je pense que, l'espace d'un instant, les deux portails ont été liés, et que nous avons pu voir ce qu'il s'est passé, sous forme de vision. Ou alors, l'énergie incontrôlée du transfert contenait les données magiques des caméras, et le tout nous a été transmis … ça doit être pareil de notre côté.

    - Non … et Yoru ? Illonya ? Shelly ? Où sont-ils ?!

     

    Le silence de Gira était éloquent. Elle l'ignorait, et ils pouvaient être n'importe où. Lya se leva précipitamment, effrayée pour ses amis.

     

    - Il faut les retrouver ! s'exclama-t-elle, paniquée. Yoru n'a jamais vécu hors de Mahora, il ne doit pas savoir comment survivre dans un monde magique ! Et les jumelles … et Shelly … et …

     

    Elle s'interrompit, car soudain des élancements parcoururent son dos, et l'obligèrent à glisser à genoux.

     

    - Calme-toi, fit Gira en la soutenant et en l'obligeant à se rallonger. Tu as été blessée, tu dois te ménager. Nous ne pouvons rien faire pour le moment : nous devons d'abord savoir où nous sommes. Mais je sais que Shelly est avec Illonya, et elles devraient se débrouiller. N'oublie pas qu'Illonya vit entourée par la magie depuis sa naissance, alors ça devrait aller. Tout ce que je peux te dire sur tes amies jumelles, c'est qu'elles sont ensemble, je les ai vues se prendre la main avant que le transfert ne soit fini.

     

    Lya se tut, méditant sur ses paroles, tandis que Gira poursuivait.

     

    - Et Yoru … même si je ne le connais pas bien, il a l'air plein de ressources … et puis, tu devrais apprendre à lui faire confiance, ça ne devrait pas te faire de mal.

    - Mouais … murmura Lya, pas tout à fait convaincue, mais sachant pertinemment que Gira avait raison. Pourtant, tu sembles préoccupée.

    - Par autre chose, compléta la démone sans préciser.

     

    Lya soupira, un peu déçue. Elle avait pensé pouvoir établir une relation de confiance avec Gira, peut-être pas de l'amitié, non, mais de la confiance. Elle se rendait compte qu'elle avait été naïve. Elles avaient beau avoir combattu du même côté, elle ne sentait pas Gira prête à se laisser faire … la démone semblait préférer travailler en solo, et ne devait pas être du genre à se faire de vrais amis facilement.

    La jeune magicienne changea donc de sujet.

     

    - Tu sais pourquoi on a été attaqués ? C'était Ragnarök ?

     

    Gira s'obstina quelques minutes dans son silence, et Lya abandonna la partie pour le moment. Son alliée ne semblait pas très avoir envie de parler. La jeune japonaise se rassit, constatant avec soulagement que son catalyseur était toujours à son poignet et qu'elle pouvait faire apparaître sa carte de pactio. D'un autre côté, elle n'était pas à l'aise du tout. Perdue dans un endroit qu'elle ne connaissait pas, elle était avec une magicienne qui avait tenté de la tuer, et qui, si elle ne le pouvait plus à cause d'un serment magique, pouvait tout à fait la laisser tomber à tout moment.

     

    - Non, fit Gira, soudainement.

    - De quoi ?

    - Ce n'était pas Ragnarök. Ils ne doivent pas savoir où nous sommes, à mon avis.

    - Alors qui … ?

     

    Encore une fois, Gira ne répondit pas. Elle avait quelques idées, mais elle espérait se tromper. Et elle ne voulait pas en parler tant qu'elle n'en était pas sûre. De plus, si elle ne connaissait pas Lya depuis longtemps, elle la cernait plutôt facilement, et elle savait que son alliée voudrait réagir et faire quelque chose pour ce monde, si elle avait raison. Gira ne pouvait pas la laisser prendre trop de risques.

     

    - Gira … murmura Lya. Pendant mon combat contre Skoll …

    - Oui ?

    - Quand il m'a blessée, j'ai senti quelque chose de très étrange … et effrayant.

    - Effrayant ? C'est-à-dire ? demanda la démone.

    - Une espèce de peur sourde … je ne saurais pas trop expliquer. Mais en même temps, j'avais l'impression que je devais faire quelque chose.

    - Tu es comme ça.

    - Pardon ?

    - J'ai l'impression que c'est dans ton caractère, l'éclaira Gira. Tu ne veux pas voir les gens être blessés, surtout ceux auxquels tu tiens. Et pour ça, tu es prête à tout, à affronter des ennemis trop forts pour toi, à tout porter sur tes épaules, et même à y perdre la vie. Je me trompe ? Tu devrais faire attention à ça. Un jour, ça te jouera un mauvais tour.

     

    Lya y réfléchit un moment, et elle devait bien remarquer que Gira avait raison. Lorsqu'elle combattait aux côtés de Yoru, elle avait toujours peur pour lui, elle ne pouvait pas se concentrer. Elle devait vraiment apprendre à faire confiance à ses amis et à s'en remettre à eux. Cependant, elle savait que ce n'était pas tout.

     

    - Tu as raison … mais je ne crois pas que ce soit ce que j'ai ressenti. Enfin, pas entièrement. C'était quelque chose dans son aura, quelque chose qui me disait que si je ne faisais rien, quelque chose de terrible, bien plus encore que notre défaite, arriverait. C'était instinctif … et à ce moment, le sceau qui retient mes souvenirs a légèrement réagi. Donc … je me demande si je n'ai pas déjà vu Skoll par le passé.

     

    « Ce type ressemblait à un Averruncus … elle aurait déjà rencontré un Averruncus dans son enfance ? », pensa Gira, étonnée. « Lya serait mêlée à Cosmo Entelecheia ? ». Ça paraissait impossible. Mais bon, ce qu'elle vivait depuis un mois lui paraissait impossible, donc ça devait être réel. Sans dire ce qu'elle avait en tête, Gira demanda à Lya ce qu'elle savait de son passé. Elle devait comprendre.

    Lorsque Lya eut fini, Gira comprit aussitôt. La jeune japonaise – pas si japonaise que ça apparemment – avait un lien assez fort avec l'ala rubra … donc l'hypothèse comme quoi Lya avait déjà vu un Averruncus tenait la route. D'où l'instinct de la jeune magicienne, qui la poussait à combattre Skoll.

     

    - Alors, tu comprends quelque chose ? Un rapport avec Skoll ? l'interrogea Lya.

    - Rien du tout, mentit Gira. Dors.

    - Hein ?

    - Dors, parce que demain on essaiera de se repérer et de rejoindre la ville la plus proche. Tu es encore affaiblie par ton combat, et mes formules de soin sont très peu élaborées. Donc, dors, répliqua Gira avec un ton limite froid.

     

    Lya ne chercha pas à la contredire, surprise par l'attitude détachée et distante de la démone. Cette nuit-là, son rêve l'emmena dans un étrange endroit sombre, où une voix lointaine ne tarda pas à retentir …

     

     

    ***

     

     

    Yoru courut vers Lya. Sa dulcinée était blessée, et s'il ne l'attrapait pas très vite, il ne pourrait pas la protéger ! « Plus que deux mètres ! Je peux le faire ! », pensa-t-il en tendant la main vers Lya, tandis que Gira venait de la rejoindre et de la prendre dans ses bras. Soudain, un décor rocailleux se substitua à celui du port-portail. Et son quick move, destiné à rattraper Lya et la démone, l'emmena rouler au sol. Alors que sa main n'était qu'à quelques centimètres de celle de Lya.

    Il n'eut pas le temps de s’apitoyer sur son échec, que des images s'imposèrent violemment à lui. Lorsqu'il reprit ses esprits, il comprit immédiatement que ce qu'il avait vu était réel. Les incidents des deux ports-portails étaient liés, et l'ala alba avait apparemment mit son nez dans une affaire qui ne la regardait pas …

    Mais pour le moment, Yoru se fichait pas mal de ces nouveaux ennemis. L'ala alba étant rendue inoffensive, Skoll, Fate et leurs alliés ne s'intéresseraient pas à l'équipe. Du moins pour le moment. Non, ce sur quoi il devait se concentrer, c'était sur un moyen de retrouver les autres. L'adolescent s'inquiétait terriblement pour Lya, mais il la savait avec Gira. Même s'il avait du mal avec la démone, il comprenait que celle-ci avait besoin de Lya, et que c'était une professionnelle. Lya ne courrait pour le moment qu'un danger relativement faible. Alors que lui était seul, perdu au milieu de nulle part, ou plutôt d'une terre rocailleuse entourée d'une végétation rare et de quelques montages lointaines. Et légèrement blessé avec ça. Heureusement que Kagami ne l'avait pas affronté sérieusement.

     

     

    ***

     

     

    Presque bercée par la lumière tremblante des flammes magiques, Illonya cherchait à élaborer un plan pour retrouver les autres. Shelly et elle étaient apparues près d'une rivière, et avaient d'ailleurs bien faillit se retrouver dedans, mais étant sur son bâton au moment du transfert, la stagiaire avait réussi à éviter le grand plongeon. Ce dont lui était redevable Shelly, qui n'aimait pas franchement l'eau …

    Cette rivière donnait naissance à de nombreux cours d'eau qui parsemaient la plaine environnante, entourée par d'immenses chaînes de montages et de fleuve. C'était beau, c'était bien sympathique, rafraîchissant, c'était aussi très mouillé, et Shelly n'arrêtait pas de pester. L'avantage, c'est qu'il y avait plusieurs villages sur les rives, mais Illonya et son familier n'en avaient encore rejoint aucun, ayant mit une bonne partie de la journée à errer dans les environs, à plusieurs kilomètres des dits villages, épuisées. Elles s'apprêtaient donc à dormir au clair de lune, dans à peu près le seul endroit qu'elles avaient trouvé qui n'était à découvert. Il y avait un peu de relief, un bosquet d'une certaine taille, et la jeune magicienne connaissait un sort pour invoquer un feu sans fumée, qui pouvait brûler toute la nuit en consommant, à la place de bois, une petite partie de la magie de l'invocateur. Bref, à part par des animaux nocturnes ou par un ivrogne vraiment perdu et particulièrement pompette – assez pour se balader à cette heure à plusieurs kilomètres de chez lui au beau milieu d'une plaine vide de tout bar – elles avaient peu de chances d'être dérangées.

    Elles avaient aussi pu manger, grâce à une partie de pèche improvisée de la part de Shelly, même si celle-ci détestait l'eau. Illonya avait bien cru qu'elle dormirait l'estomac vide parce que les … talents … de chasse de Shelly était peu développés – la faute aux croquettes achetées par les parents d'Illonya, elles étaient juste délicieuses au goût de la chatte-fée et celle-ci n'avait pas vu l'intérêt de chasser. Du coup, Shelly avait décidé de s'entraîner.

     

    - Shelly, tu reviens ? demanda la norvégienne.

     

    Elle avait appelé son familier par télépathie, car elle n'avait pas spécialement envie de faire fuir les proies de la chatte-fée. Déjà que cette dernière n'était pas particulièrement douée en matière de chasse …

    Illonya s'étonnait de ne pas avoir de réponse, quand soudain un violent feulement retentit, suivi d'un bruit de feuilles froissées et elle vit Shelly revenir en trottinant, affichant l'air félin bien connu du « non, non, il ne s'est rien passé », mais sa maîtresse vit tout de suite qu'elle était très vexée et passablement blessée dans son honneur de félidé.

     

    - Qu'est-ce qu'il s'est passé ? l'interrogea-t-elle, curieuse.

    - Rien.

    - Allez !

    - … Les souris de coin se défendent vachement bien, quand même !

     

    Illonya la considéra un instant d'un air ahuri avant d'éclater de rire, le plus discrètement possible.

     

    - C'est ça, moque-toi de moi !

    - Mais non, mais non … Allez, oublie ça, et dormons … demain, on entre dans un village, on découvre enfin où on est et on essaie de trouver un moyen pour contacter les autres …

     

     

     

    1 Même un non-magicien tel que Setsuna peut activer des barrières magiques, avec son ki, grâce aux techniques orientales telles que les fudas.


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  •  Lya esquiva, riposta avec une incantation, et sans comprendre, se retrouva projetée au sol. Illonya subit le même sort quelques secondes plus tard, attaquée par des invocations, et Yoru prit un mur de plein fouet après un violent vol plané. Gira, elle, était toujours aux prises avec son adversaire, et Shelly assistait, impuissante, aux combats.

    Comment en étaient-ils arrivés là ? Que s'était-il passé ? Lya ne comprenait pas.

     

     

    ***

     

     

    - Voilà, c'est ici, annonça Illonya.

     

    Le petit groupe avait quitté Drexan et la famille de la stagiaire une petite demie-heure auparavant. La norvégienne, après leur avoir confié des manteaux de magiciens comme celui de Negi, les avait alors conduits le long du fjord, à travers un épais brouillard.

    Après avoir marché un moment dans cette purée de pois, ils arrivèrent sur une colline, où le brouillard se dissipa brusquement.

     

    - Je rêve, s'exclama Lya, vous avez des sites comme Stonehenge, ici ?

     

    En effet, ils avaient maintenant sous les yeux deux cercles de menhirs, complets, avec un pilier de pierre central. Dans les environs, quelques dizaines de personnes attendaient déjà.

     

    - Voici le port-portail de la Norvège, expliqua Gira. Dans ce monde, il en existe douze, même si seuls onze sont en activité. Chacun est connecté à un autre port-portail, dans le monde magique, et celui-ci mène à Hellas.

    - Hellas ? répéta Yoru, intrigué.

    - C'est la capitale de l'empire des demi-humains, lui apprit Shelly. Bon, un peu de géographie, en attendant l'ouverture du portail, ne va pas vous faire de mal, à ce que je vois ! En gros, le Mundus magicus est divisé en deux, si on ne compte pas la cité-état d'Ariadne : d'un côté, l'empire de Hellas, qui rassemble les demi-humains, et qui a donné son nom à sa capitale ; et de l'autre, la confédération qui réunit les humains, dont la capitale est Megalomesembria.

    - C'est d'ailleurs dans Mega... euh … dans cette ville … que le reste de l'ala alba arrivera, continua Illonya, sans avoir pu répéter le nom à rallonge de la capitale, qu'elle connaissait pourtant.

    - Et comment les rejoint-on ? l'interrogea Lya.

    - On ira par vaisseau. Ça remplace vos avions, répondit Gira.

     

    Puis elle ajusta le capuchon de son manteau en jetant un regard circulaire et méfiant, ce qui intrigua la magicienne de glace.

     

    - Qu'est-ce que tu fais ?

    - Je ne suis pas à l'aise, marmonna la démone. L'organisation de Ragnarök possède des agents partout, et a les ports-portails sous son contrôle. Une fois arrivée là-bas, je ne dois pas me faire repérer. D'ailleurs, toi aussi, mets ta capuche et fais-toi discrète. Je ne sais pas pourquoi mais Ukyo t'en veut vraiment, et le monde magique est son terrain de jeu, alors si jamais il te trouve …

     

    Lya frémit, elle n'avait pas spécialement envie de faire connaissance du maître de Ragnarök …

     

    - Ah, le transfert ne devrait plus tarder, remarqua Illonya.

     

    En effet, le menhir central commença à briller d'une lueur dorée, et un cercle magique dans les tons violets en sortit, s'élevant dans les airs et s'élargissant. Soudain, une intense lumière s'abattit sur le site dans un énorme vacarme, et ils fermèrent les yeux. Lorsqu'il les rouvrirent, ils se trouvaient dans un bâtiment, sur une plate-forme en hauteur, toujours entourés par des menhirs.

    L'endroit commençait à se vider, tandis que Yoru, Illonya et son familier, qui n'étaient jamais venus, observaient le tout, ébahis.

     

    - Tu n'as pas l'air très impressionnée, remarqua la démone en avisant Lya.

    - Si, si, mais … ça me semble familier … j'ai comme une impression de déjà vu, je ne saurais pas vraiment expliquer …

    - Si jamais tu viens de ce monde, tu es forcément passée par là, avança Gira. Enfin … il serait temps d'y aller.

     

    Gira se dirigeait vers Yoru et les autres pour les rappeler – tous les autres voyageurs étaient déjà partis – quand soudain elle aperçut l'expression figée de Lya.

     

    - Qu'est-ce qu'il y a ?

    - Gira … tu … tu ne sens rien ? balbutia la japonaise.

     

    Perplexe, la démone analysa l'endroit avec sa magie. Puis elle sursauta. Une énergie hostile venait d'apparaître tout près ! Illonya, ayant senti la menace aussi, cria pour avertir Lya. Grâce à la stagiaire, celle-ci put éviter en partie l'attaque. Un projectile que l'on aurait cru taillé dans la lumière-même venait de se ficher dans le sol, à dix centimètres à peine de son pied, après avoir tracé une estafilade sur son bras droit.

     

    - Vous avez senti notre présence … étonnant, fit une voix au-desus d'elle. Dommage pour vous, mais votre voyage s'arrête ici.

     

    Lya leva la tête en sursautant. Un garçon apparemment d'une douzaine d'années, lévitait à quelques mètres au-dessus de sa tête ! Il était accompagné par un homme à l'allure ordinaire, ainsi que par une étrange jeune femme en robe de magicien noire. Le garçon avait de curieux cheveux blancs, légèrement en épis, et de pales yeux bleu-vert. La jeune fille ne comprit que trop tard ce que cela signifiait.

     

    /flash-back/

     

    - Et tu ne sais toujours pas pourquoi il a été pétrifié ? demanda Arianna.

    - Non …

    - Bon, je vais te le dire, alors. Avant que tu ne rejoignes Negi, il a affronté un puissant adversaire, qui n'a été vaincu que grâce aux incantations d'Evangeline. Cet ennemi avait pour élément la terre, et maîtrisait de nombreuses incantations en grec ancien, apparemment. La pétrification est l'un de ces sorts.

    - Ah … pourquoi tu me reparles de ça maintenant ?

    - Tu te souviens, quand tu as combattu une slime ?

    - Oui, elle avait été amenée par un démon, et avait bien failli m'avoir …

    - Normalement, une barrière empêche ce genre de créatures de pénétrer à Mahora, mais quelqu'un l'y a aidé. Il s'agit de ce même ennemi qui s'est attaqué à Negi, c'est le père de Yûna, un magicien du campus, qui me l'a appris. Ah, et sa fille n'est pas au courant pour la magie.

    - D'accord … et il est comment, cet ennemi ?

    - Il s'appelle Fate Averruncus, est légèrement plus âgé que Negi et Illonya, et a des cheveux blancs. Fais attention, Lya, il s'est déjà attaqué à tes camarades, et au campus par l'intermédiaire du compte, il peut tout à fait recommencer. J'ai déjà combattu des alliés à lui, et ils étaient très forts. Il n'y a aucune raison pour qu'il ne le soit pas.

     

    /fin/

     

    - Non … Fate Averruncus ! s'écria Lya, horrifiée.

    - Fate ? releva le graçon. Ah, c'est vrai que c'est son surnom … Non, ce n'est pas moi, c'est un malentendu.

    - Comment … ?

    - Que nous voulez-vous ?! s'exclama Illonya. Pourquoi vous en prendre à nous ?!

    - Pourquoi ? Nous n'étions pas censés vous attaquer. C'est un malheureux concours de circonstances. Comme vous nous avez découverts, vous représentez un danger potentiel. Navrés.

     

    Soudain, il disparut par quick move, et son pied heurta Lya par derrière. Elle se réceptionna un quinzaine de mètres plus loin, et fit apparaître son catalyseur directement à son poignet, ainsi que sa carte de pactio.

    Yoru voulut lui venir en aide, mais fut arrêté par l'homme qui accompagnait le jeune magicien aux cheveux blancs. Gira et Illonya, elles, se retrouvèrent face à la femme. Puis elles furent soudain encerclées par une dizaine de démons : leur adversaire, vraisemblablement, était une invocatrice …

     

    - Illonya, chuchota Gira, on va faire équipe.

    - Qu …

    - Non, laisse-moi continuer. Pour la même raison que je me dissimule, je ne peux pas me permettre de prendre ma forme démoniaque, ce serait alerter Ragnarök à coup sûr. Si je ne suis pas à côté de toi, peux-tu détruire ces dix invocations ?

     

    La stagiaire acquiesça gravement, consciente du fait que si elle n'avait pas confiance en la démone, elle devait mettre ce sentiment de côté.

     

    - Très bien, murmura Gira, alors j'irai au corps à corps et tu me rejoindras quand tu auras terminé. En principe, je devrais pouvoir l'empêcher de riposter à tes sorts.

     

    La démone fondit sur l'invocatrice, tandis que son équipière appelait son bâton puis incantait.

     

    - Aqua et ignis unisonent Evocatio spiritualis de decim undinae furiosae !

     

    Les ondines ainsi invoquées partirent à la rencontre de leurs adversaires inhumains et les poursuivirent. L'impact entre les créatures d'eau et les démons eut raison de ceux-ci, les faisant disparaître dans une fumée sombre, qui masqua Illonya au reste de la salle. Soudain, une forme perça la poussière. Illonya, ayant compris la leçon du combat contre Gira, se laissa tomber à terre avant que la créature ne l'atteigne, et libéra des sagitta magica de feu. Les traits eurent vite fait de renvoyer le dernier démon dans son monde1. Heureusement qu'elle avait prévu l'attaque …

    Les invocations disparues, elle commença à soutenir Gira avec des sorts, restant à distance moyenne pour ne pas la gêner. La démone attaquait son adversaire sans relâche, forçant l'invocatrice à rester sur la défensive. Mais les deux combattantes étaient entourées de solides barrières, et bien que les offensives de Gira ne lui laissaient pas de répit, l'invocatrice ne semblait pas faiblir.

     

     

    ***

     

     

    Yoru, quant à lui, affrontait l'homme, qui avait un style de combat très semblable au sien, le kenpô. Le collégien était loin d'avoir l'avantage, mais il résistait plutôt bien, malgré son dernier vol plané et sa rencontre avec le mur. Jusqu'à ce que son adversaire ne s'arrête.

     

    - Eh bien … fit le jeune magicien aux cheveux blancs, en affrontant Lya. Pourquoi ne donnes-tu pas tout ce que tu as, Kagami ? Nous devons en finir au plus vite.

    - Ça te va bien de dire ça, Skoll, répliqua l'adversaire de Yoru. Personnellement, je n'ai pas envie de me fatiguer pour combattre un simple adolescent. Mais si tu insistes …

    - Bien. Toi aussi, Tredje.

     

    Un petit objet apparut dans la main du dénommé Kagami. Une carte de pactio.

     

    - Adeat ! s'exclama-t-il.

     

    Aussitôt, l'espace autour de Yoru fluctua, et sans lui laisser le temps de comprendre, tous les autres disparurent. Il crut voir des silhouettes apparaître, à plusieurs endroits, mais elles s'effacèrent aussitôt. L'adolescent cligna des yeux, éberlué. Avait-il raison en avançant que c'étaient des images de lui qui étaient apparues, ou devait-il voir un ophtalmologue au plus vite ?

    Tout à coup, il vit son adversaire fondre sur lui, sur sa gauche. Il voulut esquiver, et prit un coup au côté droit, qui l'envoya contre une paroi invisible. Puis il entraperçut Kagami devant lui, avant de le voir derrière puis sur les côtés.

    « Comment fait-il ?! », pensa Yoru. «Il est partout … Je n'arrive pas à prévoir ses déplacements ! ». Que faire ? Comment pouvait-il parer ? Il se leva difficilement, tentant de suivre son adversaire des yeux. Celui-ci s'arrêta à quelques mètres de lui, mais son image était partout. Impossible de trouver le vrai, quelque chose brouillait ses sens.

     

    - Abandonne, fit l'ennemi, d'une voix morne, comme s'il s'ennuyait. Tu ne peux rien faire dans ce dédale.

     

    Yoru ne répliqua pas, et d'un rapide quick move, se propulsa vers son adversaire, son poing entouré de ki. Au moment de l'atteindre, il heurta à nouveau une surface plane et dure, qui le renvoya directement au sol. Mais pas assez vite pour l'empêcher de voir son reflet apparaître, le temps d'une fraction de seconde.

    C'est ce qui lui permit de comprendre. Les répliques de son adversaire, les parois invisibles, son reflet … il aurait dû s'en rendre compte avant ! Bon, d'accord, son reflet n'apparaissait que rarement et disparaissait juste après, mais il devait y avoir une explication … Il était coincé dans un labyrinthe de miroirs ! Le tout était maintenant d'en sortir …

     

     

    ***

     

     

    À quelques mètres du sol, Lya et Skoll s'affrontaient avec acharnement, mais la jeune fille était loin de maîtriser le combat. Elle vit avec horreur Yoru disparaître avec son adversaire, tous deux entourés par une sorte de coupole en miroir. Mais elle ne pouvait pas l'aider, occupée comme elle l'était par son ennemi … Ce garçon était difficile à toucher, ses rares blessures guérissaient presque immédiatement et il faisait apparaître des lames de toutes formes et de toutes tailles avec sa magie de lumière. De plus, il semblait inépuisable, alors que Lya peinait à suivre son rythme.

    Skoll profita de l'inattention de la jeune fille, causée par la disparition de Yoru et Kagami. Une lame de lumière apparut dans le prolongement de sa main ; il passa derrière son adversaire et attaqua. Lya n'eut pas le temps d'esquiver complètement. L'arme magique l'atteignit avant que son quick move aérien ne l'emmène plus bas, et barra son dos d'une longue entaille.

    La jeune magicienne tomba au sol, épuisée, incapable de se relever à cause de son dos. Elle s'attendait à ce que Skoll revienne et en finisse avec elle, mais elle ne sentait plus sa présence.Elle leva la tête, et ce qu'elle vit la laissa ébahie.

    Son ennemi s'était complètement désintéressé d'elle, pour s'approcher du pilier central du port portail.

     

    ***

     

    Gira avait compris trop tard. Elle avait sous-estimé Tredje. L'invocatrice pouvait tout à fait parer ses attaques, maintenir ses barrières, appeler ses démons et attaquer sans problème. La jeune démone ne parvenait même pas à la gêner suffisamment. Résultat, Illonya était confrontée à des démons qui, bien que tombant les uns après les autres, étaient remplacés tout aussitôt.

    Un bref coup d’œil suffisait pour dire que la situation était critique. Illonya était assaillie de toutes parts. Yoru s'était retrouvé piégé, probablement dans un espace magique. Et enfin, Lya était à terre.

     

     

    ***

     

     

    Lya essayait tant bien que mal d'ignorer la douleur. Il fallait réagir, elle le savait. Elle en ignorait la cause mais elle sentait quelque chose d'effroyable dans l'aura de Skoll, quelque chose qui résonnait dans tout son être comme un avertissement. Elle sentit un léger picotement au niveau de son sceau. Instinctivement, elle voulait l'arrêter. Non. Elle le devait.

     

    ***

     

    Shelly imaginait un plan pour sortir ses amis de là, un plan à sa portée, mais rien ne lui venait à l'esprit. Soudain, elle vit Tredje se figer, tout comme Gira qui était trop surprise pour réagir. Illonya aussi s'arrêta, tandis qu'une vague de magie à l'état brut révoquait tous ses adversaire en la laissant indemne. Tous en restaient comme deux ronds de flan : Lya, auparavant à terre et impuissante, était maintenant debout, entourée d'un énorme halo de magie. De violents sorts de glace fusèrent vers Skoll, mais, bien qu'abasourdi, le magicien ne faiblit pas. Ses barrières, plus résistantes que les démons invoqués par Tredje, continrent l'offensive tandis qu'il posait la main sur le menhir central. Une lumière vive en émana, et l'énorme pilier de pierre commença à se fissurer.

    Dès les premières crevasses dans le roc, Tredje s'écarta de Gira, alors que la coupole de miroirs isolant Yoru et Kagami se brisait, laissant s'échapper l'adolescent. Kagami, ainsi que l'invocatrice, rejoignirent Skoll.

    Quelques secondes après, le sol se mit à trembler et à se fissurer. Shelly ne parvenait pas à comprendre, jusqu'à ce qu'elle reconnaisse l'un des sorts lancés sur le pilier.

     

    - Revenez ! hurla la chatte-fée à l'intention de ses amis. C'est un sort de téléportation forcée ! Si nous ne sommes pas en contact physique avant qu'il n'agisse, nous serons dispersés aux quatre coins du monde !

     

    Illonya rejoignit son familier en quatrième vitesse, l'attrapant dans ses bras, puis appela les autres, les exhortant à se dépêcher. Mais Lya s'était effondrée, sans connaissance de l'autre côté de la salle, et Yoru était trop loin. Gira vit le danger et fonça vers Lya, tout comme la norvégienne et l'adolescent. Mais seule la démone arriva à temps. Le sol se déroba sous leurs pieds, le décor disparut et ils furent absorbés par une lumière aveuglante.

     

     

     

     

    1 Un démon invoqué est transporté de son monde à celui de l'invocateur, puis, une fois vaincu, y retourne.


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  •  - Aïe ... gémit Lya, son flanc la faisant souffrir.

    - Doucement … murmura Liv, en pansant la profonde entaille. Voilà … j'y suis presque … ça y est. Bouge le moins possible, et tu verras que ça ira mieux. Mon sort de guérison agira sous peu.

     

    Lya la remercia. Elle était dans la chambre d'Illonya, accompagnée de Yoru, Shelly, son amie et la mère de celle-ci.

     

    - Alors, vous êtes infirmière ?

    - Plus précisément guérisseuse. Mais comme ma magie n'est pas très puissante, je me suis spécialisée dans les sorts de guérisons qui agissent sur la durée, en une dizaine d'heures. C'est la raison pour laquelle j'utilise quand même des bandages.

     

    Illonya confirma, pendant que sa mère soignait Yoru. L'adolescent s'en était assez bien sorti, avec quelques coups : Gira, ne le considérant pas comme un adversaire dangereux s'était contentée de l'assommer. Avant qu'il ne se réveille en plein combat …

     

    - D'ailleurs, fit Lya, j'aimerai bien comprendre. Qu'est-ce qu'il s'est passé, quand tu m'as sauvée ? Je veux dire … comment as-tu réussi ?

    - C'est vrai, renchérit Illonya. Tu n'étais clairement pas en état.

    - Aucune idée, répondit-t-il. D'un coup, je me suis réveillé, et … je t'ai vue, quand Gira t'approchait. J'étais entouré de beaucoup ki, pour je ne sais quelle raison, alors j'ai décidé d'agir. Dis, Illonya, il est bien possible de transmettre de la magie à quelqu'un, n'est-ce pas ?

    - Oui. Où veux-tu en venir ?

    - Tout ce ki … c'était bizarre, non ? Alors je pense que ça doit aussi être possible avec du ki. Quelqu'un m'a certainement aidé …

     

    Ils réfléchirent quelques secondes à la question, mais Illonya démentit tout de suite.

     

    - Impossible. Il n'y avait personne autour, et de toute façon, ce ki venait de toi. Entièrement de toi. Je sais ce que j'ai senti.

    - Mais non, ça ne se peut pas ! Ça ne m'est jamais arrivé, je n'ai jamais eu ce genre de force …

    - Parce que tu n'as jamais eu d'adversaire aussi sérieux, et parce que tu n'as jamais vu une personne à qui tu tenais aussi en danger que l'était Lya à cet instant, répliqua Shelly. Tu as ce potentiel en toi depuis toujours. N'est-ce pas, Illonya ?

    - Exactement. Quand on s'est rencontrés, j'ai senti quelque chose en toi. Mais je ne me suis pas posée de questions. Maintenant, j'en suis sûre, tu es naturellement doté d'une quantité prodigieuse de ki.

    - Prodigieuse comment ?

     

    Illonya resta silencieuse quelques instants, réfléchissant à la question. Mais ce fut Shelly qui y répondit.

     

    - Faisons quelques comparaisons. Illonya est naturellement dotée pour la magie, commença le familier, non sans fierté, mais n'utilise pas le ki. Elle a, avec l'aide de Drexan, adapté le quick move à la magie. Elle a un bon potentiel, ainsi que le don rare de repérer avec précision toutes les formes de vies possédant de la magie ainsi que de faire une analyse d'aura plus poussée que la majorité des magiciens.

     

    Ils acquiescèrent, attendant la suite.

     

    - Même si nous ignorons encore qui sont les parents de Lya, nous savons qu'ils étaient puissants et qu'elle a hérité de leur sang. Elle a une très bonne aptitude à la magie et au ki, mais ne semble pas pouvoir mélanger les deux comme Takahata et maîtriser le hien, aussi appelé kanka. Elle semble même avoir une plus grande puissance en magie qu'Illonya.

    - Sentirais-je poindre un début de jalousie ? se moqua la norvégienne. C'est parce que tu es mon familier ?

    - Évitons de dévier, se rattrapa Shelly. Donc, ensuite, nous avons Nagi Springfield et Konoka.

     

    Leurs yeux étaient braqués sur la chatte-fée.

     

    - Nagi était connu pour être le plus puissant magicien quoi soit. Je n'ai pas grand-chose à ajouter, là-dessus … mais Konoka aurait un potentiel magique, bien qu'elle ne sache pas vraiment encore s'en servir, aussi puissant que celui du père de Negi, voire plus. Lya, a priori, n'est pas loin derrière ces deux-là, même s'il lui manque encore un peu de maîtrise et de self-contrôle. Je me trompe ?

    - Pas pour le self-contrôle, en tout cas, soupira Lya.

    - Je pense que Yoru se situe à peu près entre Lya et Illonya, ce qui, si l'on compare leurs origines, n'est franchement pas mal. Tes parents ou ton frère n'ont pas le même don, n'est-ce pas ?

     

    L'adolescent confirma, abasourdi. Pendant ses quinze années, il avait été un garçon tout ce qu'il y avait plus normal. D'accord, il avait appris l'existence de la magie. D'accord, il maîtrisait le ki. Mais il avait toujours été dans la moyenne. Là, il se découvrait un aspect très improbable pour lui, et ça le perturbait. De la petite bande en Norvège, il avait été le plus normal, jusqu'à ce jour. Jusqu'à ce qu'il devienne, d'une certaine façon, comme ses amis, qui à ses yeux étaient exceptionnels.

     

    - Mais ce n'est pas vraiment ça qui me préoccupe, intervint Illonya. Bien sûr, ça m'intéresse, mais on a un certain problème sur les bras. Bon, d'accord, plusieurs. Mais … quelqu'un a compris ce qu'il s'est passé ? Je veux dire, avec le type qui est apparu derrière Gira ?

     

    Ils répondirent tous par la négative. Tous, sauf Lya, qui resta silencieuse. Elle avait déjà vu cet homme, mais où ?

     

    - Je me souviens ! s'exclama-t-elle, les faisant sursauter. C'est l'homme qui nous avait attaquées, une femme et moi, dans la vision que j'ai racontée à Drexan !

    - Comment ?! Ce n'est que maintenant que tu t'en souviens ?!

    - Désolée, soupira Lya, j'ai du mal à accommoder, aujourd'hui. Mais j'en suis sûre ! Et ce n'est pas la seule fois qu'il s'attaquait à moi … Dans la vision que j'ai eue, avant que Gira s'en prenne à nous, je me suis vue avec Arianna. Elle avait senti une présence devant laquelle elle avait préféré battre en retraite. À l'époque, j'avais analysé son aura, et je suis sûre que, tout à l'heure, c'était la même.

    - Et qu'est-ce que tu sais de lui ?

    - Pas grand-chose. Juste qu'il fait partie de ceux qui veulent ma peau. Réjouissant, hein ? ironisa la magicienne de glace.

    - Bon, d'accord … fit la stagiaire, déçue. Deuxième problème … qu'est-ce qu'on fait de Gira ?

     

    Le groupe considéra la question un instant, songeur. Ils n'y avaient pas pensé. Il faut dire que, depuis l'attaque dans la matinée, seulement trois heures s'étaient écoulées. Après la disparition de l'homme mystérieux, ils avaient trouvé la démone inconsciente, grièvement blessée. Faute de mieux, ils l'avaient emmenée chez Illonya pour la soigner : leur ennemie n'était pas en état de faire quoi que ce soit, mais elle était une source de renseignements importante.

     

    - Eh bien, commença Liv, nous devrions la remettre aux autorités magiques. Elle a tenté de vous tuer, c'est bien suffisant pour la faire arrêter.

    - Désolée, intervint Shelly, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Les autorités auraient vite fait de nous écarter, car j'ai l'impression que cette affaire nous dépasse, et qu'ils ne vont pas s'encombrer d'un bande de gamins et d'un chat … Et puis, je me demande si elle n'aurait pas été trahie.

    - Comment ? s'étonna Lya.

    - Réfléchis. Tous les deux en veulent à ta vie. Mais je ne vois pas trente-mille raisons pour ça, donc ils doivent être, à mon avis dans un même groupe ou organisation. Sauf que cet homme a tenté de la tuer, et aurait réussi si tu n'étais pas intervenue, expliqua Illonya à son amie.

    - Qu'est-ce que tu veux dire par « intervenue » ?

    - Tu n'as pas remarqué ? Le Nivis casus que tu as lancé avec ton kunaï, quand ce type est apparu, a sauvé la vie de Gira. Ton sort les a repoussés tous les deux, et l'homme a raté les organes vitaux de peu. Elle aurait été tuée sur le coup si tu ne l'avais pas … attaquée. Ironique, non ? Donc, s'il a attenté à sa vie, et qu'ils sont censés travailler ensemble, il est logique qu'elle ait été trahie. On devrait aller la voir pour mettre tout ça au clair. Mais pas avant qu'Arianna soit de retour. Gira est peut-être blessée, mais elle reste une tueuse professionnelle.

     

    Tous acceptèrent, trouvant que c'était la meilleure idée. Enfin, il fallait déjà qu'Arianna, mystérieusement disparue, revienne. Soudain, ils entendirent de violents coups à la porte du rez-de-chaussée. Ils descendirent en vitesse, découvrant avec stupeur Katsu, écroulé au milieu de l'entrée. Il était couvert de blessures, à demi-inconscient sur le parquet.

    Drexan surgit hors de la cuisine avec Eirik et la fille de celui-ci.

     

    - Katsu !!! s'écria Lya.

    - Qui est-ce ? demanda Drexan en le relevant.

    - Un compagnon de voyage, répondit la jeune fille. On s'entraîne souvent ensemble … Katsu … qu'est-ce qu'il s'est passé ?

     

    La mère d'Illonya se précipita pour lui procurer les soins dont il avait besoin.

     

    - Lya, on a un gros problème … Arianna avait été attaquée par des invocations, je l'ai remplacée pour qu'elle puisse vous sauver. Mais j'ai rencontré quelqu'un, un type bien trop fort pour moi … il avait aussi le vent pour élément, mais à un tel niveau … il m'a battu à plate couture. J'ai cru voir ma fin arriver, mais bizarrement, il m'a dit de rentrer. Il avait un message pour toi … c'est terrible …

    - Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

    - C'est Arianna … il l'a vaincue …

    - Comment ?! s'écrièrent-ils tous en même temps.

    - Elle est prisonnière au Mundus magicus. En tout cas, c'est ce qu'il m'a dit.

     

    La déclaration les laissa pantois. Une magicienne telle que le maître de Lya avait été défaite ? Comment était-ce possible ?

     

    - Lya, continua Katsu, c'est évident : il s'agit d'un piège … ils veulent te tuer.

    - Piège ou pas, on n'a pas le choix … mais on devrait parler avec Gira, lui demander des réponses.

    - Inutile, répliqua Drexan. J'ai déjà essayé, elle reste silencieuse quoi que je dise.

     

    Katsu perdit connaissance, et Eirik le porta dans une autre chambre.

     

    - Gira est déjà réveillée ? s'étonna Illonya.

    - Oui. Mais elle refuse de parler.

     

     

    ***

     

     

    Gira se redressa sur son lit. Ses blessures lui faisaient mal, mais son esprit était ailleurs. Une partie d'elle avait bien compris ce qui lui était arrivé, l'autre refusait de l'admettre. L'apparition de Suano ne voulait dire qu'une chose, mais elle ne voulait pas l'accepter. Le maître ne croyait plus en elle, il l'avait définitivement radiée de l'organisation.

    Suano et elle s'étaient toujours détestés : il avait les faveurs du maître – c'était son bras droit – et ne considérait pas que la jeune fille avait sa place parmi eux. Elle voulait croire que Suano avait agi de son propre chef, mais c'était impossible. Elle savait que ce n'était pas vrai … elle avait surpris une conversation de son maître avec la femme qui semblait être la tête pensante de l'organisation. Oui, Invidia dirigeait, depuis l'ombre, tout autant que son frère.

     

    Gira passait dans le couloir pour se rendre à ses appartements, après une mission qui ne s'était pas déroulée comme elle le voulait. Elle avait été gênée par une jeune magicienne du nom d'Illonya, et, décontenancée, elle avait préféré battre en retraite pour se renseigner, et réussir son coup la prochaine fois. Le maître avait été déçu, et elle savait qu'elle ne pouvait pas se permettre d'échouer à nouveau.

    Elle dépassait la porte de son maître quand elle surprit, bien involontairement, une conversation à propos d'elle.

     

    - Nous sommes en train de perdre le contrôle de Gira, je crois, dit une voix de femme.

    - Je pense qu'on peut tirer encore quelque chose d'elle. Invidia, Gira n'a commencé les missions que depuis trois ans. Je n'ai pas travaillé à la rendre obéissante, docile, pendant dix ans, pour que nous la radiions aussi tôt. Nous l'utiliserons jusqu'à ce que ce ne soit plus possible.

    - C'est vrai qu'elle ignore encore ce qu'il s'est passé, mais … je répète, nous n'avons plus le contrôle total sur elle. Drexan n'est plus capable de se battre, je doute que ce soit lui qui l'ait fait échouer. Je pense plutôt qu'un autre magicien est intervenu. Et ça, elle ne l'a pas dit dans le rapport qu'elle t'a fait. De toute façon, elle nous a déjà bien servi. Ce qu'on a fait ne sera pas tout à fait inutile.

     

    « Ce n'est pas ce que je pense », se dit Gira. Elle tenta de se persuader qu'elle n'avait pas compris, que son maître et Invidia n'avaient pas voulu dire cela.

    Mais elle le savait, en son fort intérieur. Elle n'était qu'un pion. Un pion parmi l'élite, mais un pion.

     

    Ce jour-là, Gira n'avait pas tout compris. Mais les évènements de la journée éclairaient cette conversation d'un jour nouveau. Elle leur avait servi à éliminer quelques ennemis, elle avait été bien pratique pendant un temps, et tant qu'elle avait été performante, elle avait été un pion utile. Sauf qu'apparemment ce n'était plus pour longtemps. Voilà ce qu'ils voulaient dire par « radier » : la tuer.

    Pendant les dix ans qu'elle avait passés au sein de l'organisation, elle l'avait ignoré. Mais, depuis plus d'un mois – sa première rencontre avec Illonya – et depuis qu'elle avait entendu Invidia et le maître, elle avait commencé à douter d'eux et de sa position dans la hiérarchie. Ils l'avaient bien compris, et le savaient depuis longtemps. Gira n'avait jamais hésité à tuer une cible indiquée par le maître, mais sauf situation critique ou danger quelconque, elle respectait la vie et évitait de prendre la vie de personnes autre que ses cibles. C'était une règle que la démone s'était imposée, et c'était cela qui avait sauvé Illonya et les autres protecteurs de sa cible, Lya.

    Autre chose l'avait fait douter : ses précédentes victimes, quatre personnes, avaient été exécutées pour avoir été trop dangereux, de quelque manière que ce soit, pour l'organisation, ou pour les alliés de celle-ci. Des politiques, des agents, des rivaux. Mais là, ce n'était pas pareil. Lya ne connaissait pas leur existence, et, si elle l'avait connue, la jeune magicienne était amnésique. Bien sûr, elle retrouvait ses souvenirs, mais … Pourquoi le maître voulait-il tant la voir morte ? C'était une enfant, une enfant !

    Elle devait comprendre. Le maître avait cherché à se débarrasser de la démone, après l'avoir sauvée dix ans plus tôt. Celui-ci devait avoir un secret, un secret dont elle s'était dangereusement approchée. Un secret visiblement en rapport avec Lya Aemilia. Seule cette magicienne pouvait l'aider à comprendre.

     

     

    ***

     

     

    Après avoir mangé, la mère d'Illonya disparut et s'engouffra dans la petite chambre où Katsu se reposait. Elle en revint quelques minutes plus tard, soulagée.

     

    - Il va déjà mieux, annonça-t-elle. Il sera sur pieds demain dans l'après-midi, ou après-demain. Mais, par contre, il doit se reposer. Pas question pour lui d'aller au monde magique maintenant.

    - De toute façon, intervint Drexan, il est très dangereux d'y aller. Lya, tu es sûre de vouloir partir demain matin ? Vous n'êtes plus que quatre, Illonya, Shelly, Yoru et toi. Arianna n'est plus là, tu es désormais, avec mon élève, la plus puissante du groupe, et le siège de tes ennemis est certainement au Mundus magicus.

    - Sûre et certaine, répondit la jeune fille. Les autres sont d'accord avec moi.

    - Si l'on doit attendre que ces gens se lassent pour pouvoir chercher des informations sur ses parents, expliqua Illonya, on risque d'attendre longtemps.

     

    Yoru et Shelly montrèrent à leur tour leur approbation.

     

    - Mais ce serait mieux d'avoir le plus d'information sur les ennemis, dit Drexan. Je ne pense pas que cette Gira parlera, mais on ne perd rien à essayer.

    - Je parlerai, répliqua une voix derrière une porte.

     

    La porte s'ouvrira, laissant voir la jeune démone.

     

    - Tu es déjà debout ?! s'exclama Lya.

    - Les démons sont plus résistants, et guérissent plus vite que nous, lui expliqua Illonya.

     

    Ils considérèrent Gira un moment, étonnés par son annonce. Avant de se mettre en position de combat, méfiants.

     

    - Je ne suis plus sous les ordres du maître, ajouta-t-elle, et je veux comprendre pourquoi il a voulu me faire assassiner par son bras droit. Je vous propose quelque chose. Je vous dit tout ce que je sais. Je m'engage à ne pas tuer Lya Aemilia, j'irai même jusqu'à la protéger s'il le faut, et en échange vous m'aidez à découvrir ce qu'il se passe.

    - Comment pouvons-nous savoir ce que vaut ta parole ? demanda Drexan, méfiant.

     

    La démone lui lança un objet dans les mains. Il s'agissait d'un cachet en forme d'aigle, lequel tenait la balance de la justice. Le tout faisait une quinzaine de centimètres.

    Drexan réfléchit un instant, puis reprit la parole.

     

    - Pourquoi est-ce à moi que tu le donnes ? Tu dois bien savoir que je n'ai plus assez de puissance magique pour l'utiliser.

    - Peut-être pas vous, mais elle, si, répliqua Gira en désignant Lya.

    - Qu'est-ce que c'est ? les interrogea la jeune fille. Et qu'est-ce que je dois faire ?

    - C'est un objet magique très rare, qui permet de sceller un serment. Quiconque fait une promesse devant ce cachet se voit obligé de s'y tenir, quoiqu'il arrive. C'est gravé en lui, expliqua Shelly. Pour l'activer, il suffit simplement de mobiliser ta magie et de la diriger vers le cachet. S'il reçoit assez de puissance, il fonctionnera. Tu le verras briller quelques secondes.

     

    Lya fit comme la chatte-fée lui disait, et concentra son pouvoir magique vers la représentation de l'aigle.

    Gira avait très envie de croiser les doigts : elle espérait qu'elle n'était pas en train de s'engager sur le mauvais chemin. Mais il était temps qu'elle fasse ses choix, au lieu de se laisser berner par l'organisation. Et c'était sa décision.

     

    - Je jure de ne vous révéler que des informations véritables, et de ne pas attenter à la vie de Lya Aemilia, promit la démone, solennellement.

     

    Le cachet brilla deux ou trois secondes, puis redevint normal.

     

    - Maintenant, seule toi peut révoquer cette promesse, Lya Aemilia, conclut Gira.

    - Compris. Juste …

    - Oui ?

    - Tu peux arrêter de m'appeler par mon prénom et mon nom ? C'est perturbant …

    - Bien sûr. Maintenant, je vais vous dire ce que je sais.

     

    Les trois jeunes, Shelly, le maître d'Illonya et la démone s'assirent autour d'une table dans le salon, et les parents d'Illonya les laissèrent discuter.

     

    - Le problème est que je sais peu de choses autres que sur moi-même, commença Gira.

    - Eh bien, moi, c'est le contraire … soupira Lya. Pire, j'en sais peu sur les autres aussi. Bon, vas-y tout de même …

    - Je fais … enfin, faisais … partie de l'organisation Ragnarök.

    - Ragnarök ? s'étonna Lya.

    - Ragnarök ? répéta Yoru, perplexe.

    - Ragnarök ?! s'exclama Illonya, horrifiée.

     

    Shelly faillit s'y mettre aussi, mais se retint de répéter le nom de l'organisation. Drexan, lui, était au courant depuis longtemps.

     

    - Qu'est-ce que c'est ? demanda la magicienne de glace.

    - C'est une organisation criminelle à l'origine de nombreux meurtres, et autres actions illégales au sein du monde magique, expliqua la chatte-fée. Malheureusement, réussir à l'approcher et à la menacer tient de l'exploit : leur membres sont en général très forts, et pour je ne sais quelle raison, il est impossible de les localiser.

    - Nous … je veux dire, ils … possèdent beaucoup d'agents dans énormément d'administrations, pour couvrir leurs traces, l'éclaira Gira.

    - Ça nous fait pas mal d'ennuis … commenta Illonya. Pourquoi est-ce que Ragnarök veut la vie de Lya ?

    - Je l'ignore, répondit la démone, dépitée. Leur maître et Invidia, une femme qui œuvre dans l'ombre, m'ont élevée depuis l'enfance de façon à me rendre entièrement obéissante et respectueuse de leur hiérarchie. Je me rends compte que ce n'était que pour m'utiliser … ils ne me donnaient jamais trop de renseignements sur mes missions.

     

    Lya soupira : elle espérait que Gira pourrait lui en apprendre plus, apparemment ce n'était pas le cas.

     

    - Par contre, je connais les noms, ou du moins les pseudonymes, des trois plus importants membres de l'organisation. Déjà, on a Ukyo, le maître. Puis vient Invidia. Peu d'agents le savent, mais elle manipule Ragnarök tout autant qu'Ukyo, qui est son frère. Enfin, il y a leur bras droit, Suano. C'est lui qui nous a attaqués, ce matin. On dit que cela faisait six ans qu'il n'avait pas raté de mission … avant ce matin, bien sûr.

    - Donc, en déduisit Lya, c'est un gros coup de chance si je l'ai touché avec mon sort de sommeil …

    - Un énorme coup de chance, répéta la démone. Qu'allez-vous faire, maintenant ? J'ai tout entendu, tout à l'heure. Ton maître de combat a été enlevée, non ?

    - On va au Mundus magicus, bien sûr.

    - Alors je vous accompagne. Lya, tu n'en as pas fini avec Ragnarök. Je pourrai t'aider à les repousser. De toute façon, je veux savoir pourquoi ils m'ont fait ça, et ce serait intéressant de savoir pourquoi tu les gênes.

     

    Ils acceptèrent, bien qu'au début Drexan fut légèrement réticent. Mais il savait que les jeunes gens auraient besoin de la démone. Puis il leur conseilla d'aller se reposer. Il fallait que le petit groupe récupère – le sort de guérison à long terme n'avait pas tout à fait fini d'agir – et retrouve son énergie avant de partir, et le départ était fixé tôt dans la matinée, le lendemain.

     

     

    ***

     

     

    Arianna se réveilla à même le sol, nauséeuse. Elle mit un moment à comprendre où elle était, pourquoi, et ce qu'il lui était arrivé. Puis, soudain, tout lui revint en mémoire, violemment. L'explosion près de chez Drexan, les invocations, Katsu, le magicien qui l'avait vaincue. Et le plus important, Lya en danger.

    Elle se trouvait dans un sombre cachot, seulement éclairé par une minuscule lucarne près du plafond. En inspectant l'endroit plus profondément, elle découvrit plusieurs couches de barrières magiques, renforcés par des sorts pas très orthodoxes, mais efficaces, ainsi qu'un annulateur de magie et de ki, bien à l'abri et hors d'atteinte. Elle mettrait du temps à sortir sans que ses geôliers s'en aperçoivent …

    Mais comment les agents de Ragnarök avaient-ils pu savoir qu'elle viendrait, avec Lya ? Tout avait été fait dans le secret … Pour plus de précautions, maître et élève avaient même voyagé sous un faux nom … Puis l'évidence la frappa. Elle avait été naïve, et avait précipité son élève dans la gueule du loup. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même.

     

    - Tiens, tu sembles avoir compris bien vite … fit le magicien de soutien qu'elle avait affronté à travers les barreaux de la porte, un sourire narquois étalé sur le visage. Dommage pour toi, mais tu ne sortiras pas d'ici vivante. Ce n'est qu'une question de temps …

    - Vous comptez m'utiliser pour la tuer, c'est ça ? murmura la jeune femme dans un grondement presque inhumain.

     

    L'homme éclata de rire.

     

    - Exactement ! Sauf que dans tous les cas, tu ne pourras rien faire … à l'heure qu'il est, elle te croit prisonnière au Mundus magicus, et va se précipiter pour te sauver … alors que tu es sur Terre ! Et bientôt, les deux mondes seront séparés !

     

    Il partit, son rire malsain résonnant dans les couloirs sombres et froids.

    De rage, le poing d'Arianna percuta le mur, qui ne broncha pas, et elle ne réussit qu'à se faire mal.

     

    - Je … suis … une IMBÉCILE !!! hurla Arianna, hors d'elle.

     

     

    ***

     

     

    - Allons-y, lança Lya en passant la porte, un sac sur le dos, suivie de Yoru et Shelly. Illonya, c'est par où ?

     

    Illonya lui indiqua le début du chemin, tandis que Drexan interpellait Gira.

     

    - Je te fais confiance, dit-il. J'espère que j'ai raison.

    - Le cachet m'oblige à respecter ma promesse, le rassura la démone.

    - Ce n'est pas de ça que je veux parler. Tu vas te venger de Suano, non ? Fais-lui payer. Cher. Il a tué ma fille.

     

    Gira acquiesça, gravement. Et Suano ne serait pas le seul à payer.

     

     

     


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