• - Ade …

    - Lya !!!

     

    Allons bon, qu'est-ce qui se passait encore ?

    M.Seruhiko, un des magiciens du campus, sur son bâton, volait vers la collégienne. Il atterrit juste à côté d'elle.

     

    - Où étiez-vous passés, toi et les autres ?! s'exclama-t-il.

    - Hein ? s'étonna Lya, les yeux écarquillés. Qu'est-ce que vous voulez dire ?

     

    Le professeur s'arrêta un instant, interdit, puis soupira longuement. Il semblait avoir une tonne d'ennuis sur le dos. Et la jeune fille avait l'impression qu'il s'apprêtait à lâcher une bombe. Une grosse bombe.

     

    - Tu n'es pas au courant, n'est-ce pas ? J'ignore où vous avez passé la semaine dernière, toi et les autres, mais …

    - La semaine dernière ? Vous divaguez ! Je vous ai vu hier ! Et au courant de quoi ? demanda Lya, qui commençait à craindre le pire.

    - Tu ne te doutes de rien ?

    - Allez-y, annoncez-moi la catastrophe …

    - La catastrophe ?! s'écria Seruhiko, visiblement peu tranquille. Tu peux le dire ! Le festival est terminé depuis une semaine !

     

    Là, Lya était perdue. Mais alors complètement. Quelqu'un serait-il capable de lui expliquer comment une semaine pouvait passer en quelques heures ? Il y avait bien la cassiopée … la montre de Negi, qui pouvait remonter le temps … mais pouvait-elle aussi aller dans le futur ? Le petit magicien s'en était souvent servi pour recommencer les deux premières journées du festival, mais personne n'avait parlé à la jeune fille d'un voyage dans l'autre sens. Et puis, Negi n'aurait pas manqué le combat contre Chao, donc il n'aurait pas utilisé sa montre comme ça …

     

    - Bon, à supposer que c'est vrai, et que je ne suis pas en train de faire un rêve particulièrement horrible et réaliste, qu'est-ce qu'on fait ? demanda-t-elle.

    - Rien ! On ne peut rien faire ! Chao a réussi son plan, et on ne peut pas changer le passé !

     

    Puis il reprit, avec de louables efforts pour se calmer.

     

    - Nous serons jugés par le conseil de magie pour avoir été incapables de cacher notre existence. Nous serons certainement …

    - Transformés en hermines … Merci, je suis au courant. Si ça ne vous dérange pas, fit-elle d'un ton pincé, je vous rappelle que je n'étais pas sensée être embarquée là-dedans ! Comment le directeur a-t-il su que j'étais magicienne ?

    - Il le savait depuis longtemps.

    - Pfff … pourquoi ça ne m'étonne pas ? Bref, moi j'ai une idée. Negi a une montre magique qui lui permet de voyager dans le temps. Nous pourrions …

    - Ça ne servirait à rien, la coupa le professeur. Même comme ça, nous ne pourrions pas vaincre Chao. Son plan était imparable. Tu dois venir avec moi, ce sont les ordres.

     

    Lya le fusilla du regard. Depuis qu'elle était à Mahora, autrement dit, depuis qu'elle s'était prise en main pour changer ses relations avec les autres – même si tout n'avait pas été volontaire – et que ça avait réussit, elle détestait ceux qui baissaient les bras sans essayer.

     

    - Désolée, s'écria-t-elle, furieuse, mais je ne compte pas abandonner si facilement, moi ! Vous refusez cette solution ? Très bien ! Mais alors ne venez pas vous plaindre de votre défaite contre Chao !

     

    Le magicien recula un moment, surpris pas le changement d'humeur et le ton employé par l'élève. Lya en profita et s'éloigna en vitesse pour tenter de s'enfuir pour rejoindre les autres. Tenter. Le magicien l'arrêta avec sa magie.

     

    - Ne m'oblige pas à utiliser la force, la prévient Seruhiko, menaçant. Tous les magiciens du campus, sans exception, devront être jugés.

     

    Il lui lança quelques flèches magiques qu'elle esquiva de justesse. Lya grinçait des dents. Elle n'avait pas envie de se battre contre lui. Même s'il avait apparemment tendance à baisser les bras, il avait été très amical avec elle, lors des réunions entre magiciens.

    Le professeur dut perdre patience car il créa onze valkyries. C'était un sort de vent qui prenait une forme plus ou moins humanoïde et qui attaquait l'ennemi, l'invocateur utilisant un nombre précis de valkyries comme pour les sagitta magica.

     

    - Evocatio spiritualis de undecim salamandris lanciferis ! s'exclama une voix derrière Lya.

     

    Le sort de feu prit la forme de sortes de salamandres. Chacune contra une valkyrie, et les invocations, équivalentes, s'annulèrent. Lya se retourna et, avec soulagement, découvrit Illonya, juchée sur son bâton, ayant déposé Shelly un peu à l'écart.

     

    - Toi aussi, tu te rebelles ? s'énerva Seruhiko, devant penser que tout le monde se retournait contre lui, en ce moment. Tu as oublié pourquoi Merdiana t'as envoyée ici ?

    - Non, répliqua la stagiaire. Je dois vous aider à garder secrète l'existence de la magie. Mais vous n'avez pas l'air d'adhérer à la solution de Lya, alors que c'est la seule qui nous reste. J'estime que si je vous suis, alors je n'aurai pas tout fait pour accomplir ma mission. J'ai décidé de croire en mon amie, moi.

     

    Lya utilisa le temps qu'Illonya venait de gagner pour matérialiser son bâton. Celui-ci apparut sous sa main, mais elle ne put l'attraper. Seruhiko lança un fulguratio albicans qu'elle esquiva, mais son bâton fut envoyé à une dizaine de mètres. Le professeur apparut devant sa cible par quick move et avança sa main. Ce dernier mouvement parut particulièrement lent à Lya. Elle avait de la chance, son adversaire avait l'air peu à l'aise au combat rapproché. La jeune fille écarta la main avec son bras.

     

    - Dommage, murmura pourtant le magicien. Emittam … Sagitta magica, aer capturae !

     

    Les flèches de vents sortirent de sa main, et un petit cercle magique apparut sous Lya. Le sort l'entoura, les flèches devenant des bandes qui l'immobilisèrent, les bras le long du corps. Quelle idiote ! À cause de la lenteur du mouvement, elle n'avait pas vu la menace !

    Seruhiko lui tourna le dos, décrétant que l'élève était inoffensive. Il se préparait maintenant à affronter Illonya, autrement plus coriace que sa précédente adversaire. Après tout, la stagiaire était magicienne depuis son plus jeune âge.

    Tandis que les deux se combattaient, le cerveau de Lya carburait à toute vitesse. Il fallait qu'elle se libère … mais que ferait-elle ensuite ? Seruhiko n'était pas son véritable ennemi, et elle n'avait aucune envie de le blesser …

    Soudain, les liens de vent qui l'emprisonnaient lui donnèrent une idée.

     

    - Lya ! s'exclama Illonya dans sa tête, la surprenant. Je vais te sortir de là, attends juste que …

    - Pas besoin, l'interrompit l'apprentie.

    - Pas besoin ?

    - J'ai un plan. Mais il faudrait que tu attires son attention tout en l'obligeant à rester au sol.

    - Ah ? Bon, je ne sais pas ce que tu as l'intention de faire, mais on peut toujours essayer …

     

    Lya sourit un instant. Son amie remplissait son rôle à merveille, enchaînant les attaques aériennes du haut de son bâton. La collégienne se concentra donc sur le sien.

    Les liens qui l'entouraient étaient très bien faits, de sorte qu'ils restaient en place plus longtemps que prévu. Mais ça ne l'empêchait pas d'incanter. La jeune magicienne rappela son bâton en murmurant un mea virga.

     

    - Practe bigi nar … Veniant spiritus glaciales … psalmodia-t-elle le plus doucement possible. Extendantur aeri tundram et glaciem loci noctis albae …

     

    Seruhiko, lors d'une esquive, se retourna, et vit qu'elle incantait. « Trop tôt … C'est trop tôt ! » pensa Lya.

     

    - Crystallisatio tellustris ! s'exclama-t-elle au plus vite, espérant que le professeur n'aurait pas le temps de réagir.

     

    Malheureusement, il réussit à s'éloigner. Mais c'était sans compter Illonya, qui l'arrêta d'un magna cataracta. La chute d'eau fit bien son œuvre. Le sort de Lya n'avait pas pu retenir Seruhiko, mais l'incantation aquatique, en même temps qu'elle toucha le magicien, se retrouva dans le champs d'action du Crystallisatio tellustris, et leur adversaire fut piégé par la glace.

    Comme elle l'espérait, les liens de vent disparurent et Lya fut de nouveau libre.

     

    - Allons-y ! s'exclama-t-elle en enfourchant son bâton.

     

    Shelly s'agrippa à sa maîtresse, et les deux magiciennes s'envolèrent, conscientes que le sort de glace ne tarderait pas à disparaître et qu'elles devraient être loin à ce moment.

     

    - Où va-t-on ? demanda Lya.

    - Chez Evangeline ? On ne sait pas où sont les autres mais … Arianna ?! s'exclama Illonya en se posant. Génial, on va peut-être pouvoir …

    - Non, l'arrêta son amie.

     

    La jeune fille connaissait bien son maître. Pour beaucoup de gens, Arianna se tenait passivement au milieu du chemin. Mais Lya savait qu'en réalité, tous ses muscles étaient tendus. Elle bondirait d'une seconde à l'autre, et il était évident que les deux jeunes magiciennes seraient ses cibles. Le problème … enfin, à part le risque de se faire attaquer … c'était que Arianna s'était toujours, et de loin, retenue lors des entraînements. Or, on voyait dans son regard qu'elle était déterminée.

    Quelque chose ne tournait pas rond … Pourquoi les attaquait-elle ? Est-ce que la jeune femme pensait elle aussi que tout était perdu, et s'était-elle vraiment rangée du côté des magiciens de Mahora ?

    Puis Lya perçut quelque chose. Un mouvement flou. Et son corps réagit instinctivement pour tenter une parade. Malheureusement, l'élève avait beaucoup de mal avec les attaques venant du bas. Et ça, Arianna le savait. Son quick move l'amena juste devant son apprentie, et au dernier moment, la jeune femme se baissa. Lya fit de même, espérant contrer l'attaque. Mais, sans véritable surprise, Arianna passa très facilement et lui attrapa l'épaule.

    Et zut. Enfin, c'est ce que Lya pensait, en version nettement plus polie. Avec cette prise, et la différence de niveau entre les deux combattantes, c'était fini. Arianna pouvait faire ce qu'elle voulait, elle gagnerait.

    Soudain, Lya écarquilla les yeux, retenant de justesse un glapissement de surprise. La main de la jeune femme sur son épaule ne faisait que la tenir, doucement, loin de la poigne attendue par la collégienne. Et un sourire discret se dessina sur les lèvres d'Arianna.

    Puis la jeune femme, tenant toujours l'épaule de son élève, s'enfonça rapidement dans la forêt. Illonya fut forcée de la suivre, cherchant à sauver la jeune magicienne.

     

    - Lya, murmura son maître, il y a des caméras magiques derrière ton amie. Utilise un nivis casus, ça les détruira. On sera tranquilles, le temps que de nouvelles arrivent.

    - Hein ?

    - Si ça vient de moi, il comprendront tout de suite. Si, en revanche, c'est toi, il croiront que ça vient d'un combat. Enfin, pendant un petit moment.

     

    La jeune magicienne lança son sort, surprenant Illonya qui ne comprenait pas pourquoi elle visait si loin de leur adversaire. Des bouts de ferraille gelés apparurent et tombèrent au sol. Lya comptait au total une dizaine de caméras.

    Arianna s'arrêta, lâcha son élève et commença à expliquer la situation aux deux magiciennes. Une semaine après la fête de Mahora, le Japon entier avait conscience de la magie, et en peu de temps, ce serait autour du monde. Negi et son groupe avaient certainement été projetés dans le futur par un objet lorsqu'ils étaient sortis de chez Evangeline, car Arianna, partie plus tôt, n'avait pas eu ce problème.

     

    - Pourquoi as-tu fait semblant de nous attaquer ?

    - Lorsque Chao a activé son plan, tout s'est passé à merveille pour elle. Nous n'avons pas pu les arrêter, mais vous, Negi et les autres, aurez peut-être une chance. Alors, pour vous aider, j'ai fait semblant de m'allier à eux, mais le directeur n'a pas tout à fait confiance en moi … alors il me fait espionner par des caméras magiques. Il pense que je ne suis pas au courant.

     

    Lya comprenait, maintenant. C'était pour ça qu'elle avait du détruire ces caméras. Et Arianna n'avait jamais eu l'intention de se battre contre son élève. Ce n'était qu'une simple diversion.

     

    - Vous pouvez réussir. Même si, à la base, la Cassiopée ne fonctionne que lors du festival …

    - Quoi ?! l'interrompit la stagiaire norvégienne, dépitée. Mais alors, on ne peut réellement rien faire !

    - Et moi qui avais proposé cette solution à Seruhiko … renchérit Lya.

    - Ne vous inquiétez pas, elle fonctionne grâce à la magie que dégage l'Arbre-Monde, cette même magie qui le fait s'illuminer tous les vingt-deux ans. Après le festival, il ne brille plus, mais il relâche quand même de l'énergie sur environ une semaine. Pour la capter, il faut aller dans les souterrains de Mahora.

    - Les souterrains ? s'étonna Shelly. Pourquoi ?

    - Parce qu'on y trouve les racines de l'Arbre-Monde. Negi est déjà au sous-sol. Il n'a pas eu la chance d'échapper aux magiciens de la ville et a été capturé. En même temps, j'ai entendu qu'il n'a pas vraiment résisté, il était trop surpris.

    - Je vois, dit Illonya. Alors, on va l'aider, on retrouve les autres et on retourne dans le passé ? Si tu es avec nous, c'est sûr nous n'échouerons pas !

    - Non, répliqua Arianna.

     

    Ah ? Comment ça ? Non, elles échoueraient, ou non, elles n'aideraient pas Negi ?

     

    - Ici, nous sommes proches d'une ancienne entrée des souterrains. L'endroit où est retenu Negi est trop lointain, et comme cela fait une semaine que le festival est terminé … on peut dire que l'activation de la cassiopée est une sorte de course contre la montre. L'émission de magie s'arrêtera bientôt, c'est une affaire de deux ou trois heures au mieux. Dans le pire des cas imaginables, elle a déjà cessé. Aller sauver Negi reviendrait à traverser Mahora en entier, ce serait bientôt long.

    - Alors qu'est-ce que nous devons faire ?

    - Vous irez directement sous les racines. J'ai entendu parmi les magiciens qu'Asuna et les autres ont réussi à échapper à leurs poursuivants. J'ai vérifié en les suivant quelques minutes, elles savent où est Negi. Elles le libéreront, et vous rejoindront.

    - Et Yoru ? s'inquiéta Lya. Où est-il ?

    - Je l'ai contacté, il n'était pas loin à ce moment. Il doit être à l'entrée, maintenant.

    - Tu ne viens pas ? s'étonna la chatte-fée.

    - Non, je vais faire diversion. La supercherie ne fera pas long feu, mais je les éloignerai de votre chemin. Et puis, si je venais … vous vous retrouveriez avec deux Arianna, vu que j'étais là il y a une semaine !

     

    La jeune femme les encouragea, puis les fit partir. Elle s'en alla à l'opposé, lançant des sorts pour simuler un combat, et réussit à attirer les nouvelles caméras. Le temps que celles-ci arrivent au niveau d'Arianna et que les magiciens s'aperçoivent du stratagème, les deux jeunes magiciennes étaient loin.

     

    - J'espère qu'on est proches de l'entrée, dit Illonya, après une quinzaine de minutes de vol à toute vitesse. Non pas parce que je fatigue, j'ai l'habitude de voler longtemps, mais …

    - Mais ?

    - Mais je sens que des magiciens approchent.

    - Comment tu fais ? demanda Lya, inquiète. Je ne les sens pas, moi.

    - Tu oublies, répliqua Shelly, qu'Illonya est capable de mieux ressentir les présences magiques, c'est son don.

    - Ah, c'est vrai … à ton avis, ils sont loin ?

    - Pas trop, on doit encore disposer de deux ou trois minutes.

     

    L'entrée qu'Arianna leur avait indiquée devait être quelque part par là … Mais où exactement ? Les deux amies manquaient de temps, et elle devait certainement être cachée.

    Soudain, un sifflement retentit, et Lya eut juste le temps de se décaler pour ne pas être touchée par le sort.

     

    - Illonya ! s'exclama l'apprentie. Tu m'avais dit deux ou trois minutes ! Pas trente secondes !

    - Lya ?

    - Oui ? fit-elle entre deux esquives.

    - Tu sais que tu perds vachement la notion du temps, quand tu réfléchis ?

    - Et zut … et l'entrée ?

    - Aucune trace.

     

    Ben tiens, ça aurait été trop simple ! En plus, la forêt s'épaississait, et le vol n'en devenait que plus difficile. Il leur fallait trouver ce passage au plus vite, elles ne tiendraient plus longtemps … Les magiciens n'étaient qu'à une trentaine de mètres.

     

    - Par ici ! s'exclama Illonya avec la télépathie pour éviter d'être entendue par leurs poursuivants qui se rapprochaient, tournant à droite.

    - Tu l'as trouvée ?

    - Non, mais il y a plus de relief, et j'espère les semer.

     

    Plus de relief ? Ah, oui, les deux jeunes filles passaient dans la partie montagneuse de la forêt la plus proche de Mahora, celle où devait se trouver l'entrée vers les souterrains … Puis quelque chose fit tilt dans l'esprit de la collégienne.

     

    - Plus de relief ? répéta-t-elle. Illonya, tu es un génie !

    - Ah bon ? Contente de l'apprendre, mais c'est quoi ton idée ?

    - Arianna nous a prévenues que l'entrée était en pierre. Et où cacher une porte en pierre ?

    - Euh … parmi des rochers ? Il n'y en a pas énormément, ici …

    - Pas que ! Nous volons au-dessus de chemins forestiers … je pense qu'il faut chercher un endroit non visible depuis ici.

     

    Soudain, Illonya s'arrêta net. Son amie recula pour se mettre à son niveau, tout en jetant de petits coups d'œil inquiets à l'arrière.

     

    - Je crois que j'ai mieux qu'un renfoncement invisible depuis un sentier …

    - Des ruines ? s'étonna Shelly.

    - Oui. Regarde cette pente.

     

    Lya observa le flanc de la montagne, bien plus escarpé à cet endroit, et auquel étaient collées les ruines.

     

    - Je suis prête à parier que notre passage se trouve là, continua la stagiaire. Et je crois qu'on a semé nos poursuivants, parce que je ne les sens plus.

     

    Les deux filles et le familier explorèrent les lieux, jusqu'à ce qu'Illonya découvre une étrange porte sur le flanc de la montagne. Elle ouvrait sur … de la pierre. Rien que de la pierre.

     

    - Tu crois qu'elle a été comblée ? demanda Lya.

    - Non, ce ne serait pas fait comme ça, répondit la chatte-fée.

    - Qu'est-ce qu'on fait ? s'inquiéta Illonya, qui voyait avec appréhension le temps défiler.

    - Je ne sais pas … hésita la collégienne en s'avançant vers la « porte ». Peut-être qu'il faut … AAAAAAHHHHHH !!!!

     

    Un vague « boum ! » se fit entendre. Illonya et Shelly découvrirent avec stupeur la trappe qui s'était ouverte juste devant, là où leur amie venait de poser son pied. Elle faisait à peu près un mètre cinquante de large, et au-delà d'un petit mètre de profondeur, on ne voyait plus rien ou presque. En tout cas, la magicienne et son familier ne voyaient pas Lya.

     

    - Je crois qu'on a trouvé notre fameux passage, commenta Illonya. Lya, ça va ?

    - Elle va bien, répondit à sa place une voix d'adolescent visiblement soulagé.

    - Ouais … mis à part mon postérieur qui a fait la connaissance du sol, ça peut aller … Lux, incanta l'intéressée sans avoir besoin de clé d'activation.

     

    Rassurée, Illonya se suspendit au bord de la trappe, avant d'appeler son bâton pour descendre en douceur, suivie par Shelly qui franchit les trois mètres d'un bond, rattrapée par Yoru. Le jeune homme avait emprunté le vrai passage indiqué par Arianna, non loin de là, et s'était précipité quand il avait entendu leurs voix.

     

    - Donc, si j'ai bien compris, on s'est plantées, et on a pris un vieux passage auquel personne n'avait pensé ? fit Illonya, la voix teintée d'ironie en pensant à l'atterrissage catastrophe qui n'aurait pas eu lieu si elles ne s'étaient pas trompées.

    - Eh oui, répondit Yoru en aidant sa dulcinée à se relever.

    - Au fait, qu'est-ce que tu faisais dans le noir ? lui demanda celle-ci.

    - À la base, j'avais une torche, mais ton sort de vent l'a éteinte.

     

    Lya, en tombant, avait voulu arrêter sa chute avec un vente, mais son incantation n'avait pris effet qu'à trente centimètres du sol, ce qui n'avait fait qu'amortir le choc. Dommage, le sol aurait été plus bas, son derrière aurait été épargné …

     

    - Bon, dit Shelly en changeant de sujet, où sommes nous ?

    - On dirait une sorte de couloir dans la partie la plus haute du souterrain, répondit Yoru.

    - La partie la plus haute ?

    - Oui. J'étais en train de chercher un passage vers les étages inférieurs quand je vous ai entendues. J'en ai trouvé deux. De gigantesques escaliers pour le premier.

    - Et le deuxième, s'informa Illonya, qu'est-ce que c'est ?

    - Un puits. Un énorme puits. Ou un trou, je ne sais pas trop. Personnellement, ce passage ne m'inspire pas confiance … mais je pense que c'est le meilleur.

    - Pourquoi ?

    - Parce que j'ai testé le début des escaliers, le puits m'étant impossible à passer, et ils débouchent sur un labyrinthe. Alors je suis remonté pour trouver une troisième voie accessible.

     

    Il n'y avait plus qu'à espérer que le puits était la bonne solution, parce qu'ils n'avaient pas le temps de se perdre dans un labyrinthe. L'Arbre-Monde ne les attendrait pas pour cesser d'émettre de la magie …

     

    - J'ai assez donné avec les trous, ironisa Lya, mais je suppose que c'est la seule chose qu'on peut faire. Je prends Yoru derrière moi sur mon bâton, et on descend ?

    - Oui, répondit Illonya. Dépêchons-nous.

     

    Avoir un passager était moins difficile que ce que Lya avait pensé au début. Il suffisait d'adapter les pulsions magiques en fonction du poids en plus.

    Le puits allant tout droit, la descente fut rapide. Ils débouchèrent dans une énorme salle, dont personne n'aurait soupçonné la présence dans des souterrains. Le petit groupe était au-dessus d'un pont qui traversait l'endroit, les pierres étaient blanches, et, le plus important, les racines de l'Arbre-Monde se montraient enfin.

     

    - C'est gigantesque, ici, murmura Lya, impressionnée.

    - Oui, d'ailleurs, répliqua Yoru, un début d'hystérie dans la voix, il n'y pas que l'endroit qui est géant … Ce qui y vit aussi !

    - Que … fit la collégienne, estomaquée. Un … dragon ?!

    - Non … répondit Illonya. Une wyverne …

     

    L'animal faisait environ cinq mètres de haut, sa gueule était garnie de crocs bien trop aiguisées au goût du petit groupe. La wyverne différait du dragon par l'absence de membre antérieurs, et, selon Shelly, par sa puissance, inférieure. Enfin, elle était encore trop forte pour eux.

     

    - Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Lya, alors que la créature les regardait d'un œil mauvais de l'autre côté de la salle.

    - Je sens une grande puissance magique derrière les murs, murmura Illonya, dont le cerveau carburait à toute vitesse. Les racines y mènent, et elles brillent encore … on ne doit pas être loin. Mais il faudrait passer la wyverne … sans la combattre, on n'en a pas la force, et même si on l'avait, on n'a pas le temps … là, je dois avouer que je n'ai pas vraiment d'idée …

    - Moi, j'en ai une … mais c'est risqué. Tu es sûre qu'on doit passer de l'autre côté, hein ?

    - Oui. Si on fait marche arrière, on va retourner à notre point de départ, et surtout, elle aura le temps de nous rattraper. Pour l'instant, elle ne nous attaque pas parce qu'on ne fait rien, mais ça ne durera pas. Donc ?

    - Il faudrait passer sous le pont … mais elle nous rattrapera. Non, finalement, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

    - Pas sûr, avança Shelly. Regardez le bas de la salle.

     

    Le groupe regarda au sol, stupéfait. On aurait dit un labyrinthe pas fini, dans le sens où des tas de murets s'élevaient, sans logique apparente. Certains étaient même de travers. Un peu comme ci l'architecte était saoul au moment où il avait créé la salle. Des sortes de colonnes sortaient du sol entre les murs. L'ensemble donnait une impression de chaos, mais c'était sans doute la seule solution pour passer. Ils seraient en danger sur une vingtaine de mètres, mais si Lya et Illonya échangeaient de passager, la collégienne volerait plus vite.

     

    - On fait ça ! s'écria la stagiaire, alors que la wyverne se préparait à s'envoler.

     

    Yoru grimpa sur le balais de la norvégienne, tandis que le familier de celle-ci s'agrippa à Lya. La wyverne poussa un rugissement effroyable et s'approcha. Les deux magiciennes plongèrent dans le vide, l'animal à leurs trousses.

    Le cœur battant, Lya atteignit la dernière l'ensemble de murets, alors que le reptile n'était qu'à quatre ou cinq mètres. La créature mythique ne pouvait pas les suivre dans cet étrange dédale.

     

    - Il y a vraiment tout et n'importe quoi dans cette ville ! s'exclama Illonya, presque hystérique.

    - Il paraît qu'on s'y habitue ! répondit son amie japonaise. Moi, j'attends encore !

     

    Ils entraient à présent dans la partie couverte du « labyrinthe », où la wyverne ne pouvait pas les voir. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'elle ne les attendrait pas à la sortie … sinon, il faudrait trouver une solution, et vite.

    Le groupe arriva à l'instant fatidique. Ils découvrirent avec effroi l'animal au-dessus d'eux, juste à côté de l'extrémité du pont, leur but. D'accord. Pas bête, la bestiole. La wyverne commença à se jeter sur les murs du dédale, faisant tomber des rochers au petit bonheur la chance autour du groupe. Pas bête du tout.

    Soudain, un craquement attira l'attention de Shelly. Une petite fissure apparaissait sur l'un des quatre grands murs, et un choc de la créature contre le dédale acheva de briser une partie de la façade.

     

    - Regardez ! s'écria la chatte-fée. Il y a une salle à côté.

    - Enfin, s'exclama sa maîtresse, soulagée, on a une voie de secours.

     

    Les magiciennes recommencèrent à voler, agrandissant la trouée par des sorts. La nouvelle salle dans laquelle le groupe passa était encore plus gigantesque que l'autre. Elle était traversée par deux ponts perpendiculaires, lesquels se rejoignaient en disque de pierre. Au-dessus brillait une sorte de boule de lumière, et les racines de l'Arbre-Monde étaient plus nombreuses et plus grosses que jamais.

    Le groupe découvrit avec découragement une deuxième wyverne à l'autre bout de la salle. Soudain,tout un pan du mur qu'il venait de franchir, maintenant à une vingtaine de mètres, vola en éclat, laissant apparaître la première créature qu'ils fuyaient.

     

    - Et là, c'est quoi la solution miracle ? demanda Yoru, désabusé.

    - Negi ! s'écria Illonya.

    - Hein ? s'étona Lya. Quoi, Negi ? C'est lui ta solution ?

    - Mais non, banane ! Je sens son énergie magique ! Il est au croisement des ponts !

     

    Les deux magiciennes montèrent en catastrophe, et découvrirent le reste du groupe en-dessous de la boule de lumière. Negi et ses élèves formaient une ronde, le professeur tenait la cassiopée dans sa main. Yoru descendit du bâton de la norvégienne, Shelly s'agrippa à sa maîtresse, et les nouveaux-venus entrèrent dans la chaîne formée par toute le monde.

    Negi activa la montre temporelle, et ils disparurent, juste sous les gueules des deux wyvernes.

    Lya sentit le transfert se terminer, et ouvrit les yeux. À priori, ils étaient bien à la troisième journée, au vu du nombre de gens costumés dans les rues. Ils avaient un point de vue imprenable sur la ville, la cassiopée les ayant déposés en hauteur … en hauteur ?

     

    - Mais … qu'est-ce qu'on fait ici ?! s'écria Yoru.

     

    Le groupe était dans le ciel. En chute libre.


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  • Le troisième jour fut entièrement consacré au vol. Arianna poussait son élève à aller plus vite, à tourner plus court, la confrontait à des situation où primait l'adresse. Malgré les quelques chutes, la jeune femme se montra satisfaite : petit à petit, le vol devenait naturel pour Lya. La journée passa sans incident, mais Haruna s'intéressa à nouveau à sa camarade magicienne, lors de la pause de midi. Heureusement, ce n'était pas à propos de Yoru.

     

    - Lya ! s'exclama Paru, un sac à la main. Viens par ici !

    - Qu'y a-t-il ? Ne me dis pas que …

    - Ah, tu veux qu'on en reparle ? la taquina son amie.

    - Non, je m'en passerai …

    - Bref, j'ai remarqué un truc. Le festival est un moment où on peut se déguiser, être fantaisiste, où tout le monde se lâche … et toi tu as passé les deux jours avec les vêtements les plus banals qui soient !

     

    Lya faillit se casser la figure. Elle observa sa camarade avec étonnement. C'était la deuxième fois en deux jours que son amie la surprenait.

     

    - Ah ? Là, je dois avouer que je ne sais pas quoi répondre. Donc ?

    - Donc je t'ai trouvé quelque chose.

    - Et je peux savoir ce que c'est ?

    - Non, pas maintenant !

     

    Haruna l'entraîna jusqu'aux salles de bains – la taille de l'Evangeline's Resort permettait d'en avoir plusieurs – et lui donna le sac qu'elle portait.

     

    - Vas-y, lui dit Paru avec un clin d’œil, je t'attends.

    - Juste une chose … Pourquoi ?

    - Ben tiens ! À ton avis ?

    - Oui, bon, j'ai compris … une élève de 3-A normale, ça le fait pas, c'est ça ?

    - T'as tout compris !

     

    Une fois derrière la porte de la salle de bain, Lya sortit le contenu du plastique. Elle avait dans les mains un ensemble noir. Elle crut un instant que la couleur ne lui irait pas – elle portait peu de vêtements sombres – mais décida de l'essayer avant de se faire une idée.

    Elle s'observa dans le miroir. Elle portait un haut noir dont les bretelles se croisaient dans le dos, ainsi que des sortes de ''manches'' noires et évasées qui n'y étaient pas rattachées, maintenues sur ses bras par deux rubans blancs. Sa jupe lui arrivait, à gauche, à la hauteur du genou, mais remontait à droite en laissant entrevoir le short de la même couleur qu'elle avait mis en-dessous et se fermait de ce côté par un nœud. Haruna lui avait même laissé des sandales, noires elles aussi, et toutes simples.

    Finalement, l'ensemble lui allait plutôt bien, et mettait en valeur ses yeux vairons, très clairs, que Lya n'avait plus peur de monter depuis qu'elle était à Mahora. Elle ouvrit la porte et montra le résultat à son amie. Celle-ci approuva, la taquina un moment sur la ''longueur'' de la jupe du côté droit, car, à part pour l'uniforme du collège, Lya portait rarement aussi court, puis elle la laissa se changer pour rejoindre Arianna.

    La journée se termina sur l'habituel repas après la leçon de vol.

     

     

    Le lendemain matin, Lya croisa Negi.

     

    - J'ai vu Arianna, il y a deux minutes, lui annonça-t-il. Elle discutait avec Evangeline et elle m'a dit qu'elle t'attendait sur votre île d'entraînement.

    - D'accord, merci Negi, répondit l'apprentie.

     

    Lya se rendit au lieu dit, trouva son maître et l'immortelle, et se manifesta. Arianna la salua d'un petit signe de la main, mais Evangeline continua comme si elle n'était pas là.

     

    - Bah, elle y arrivera pas !

     

    Lya comprit que la vampire parlait d'elle.

     

    - Merci, fit-elle semblant de s'indigner, ça fait toujours plaisir ! Vous parlez de quoi ?

    - D'un nouveau sort que je veux t'apprendre, répondit Arianna.

     

    Puis elle continua, s'adressant à sa première interlocutrice avec un grand sourire.

     

    - Evangeline, tu es une vraie langue de vipère ! Viens, Lya, commençons.

     

    La vampire s'en alla ; tandis que l'élève faisait apparaître son bâton, comme Arianna le lui avait appris.

     

    - J'aurais bien aimé continuer avec le vol, expliqua l'entraîneuse, mais nous avons peu de temps pour te préparer. J'ignore si ce sort te sera vraiment utile, mais tout peut arriver.

    - Qu'est-ce que c'est ?

    - La tempête de neige de lumière.

     

    Lya regarda son maître, bouche-bée.

     

    - Attends … c'est pas un sort supérieur, ça ? Je comprends pourquoi Evangeline a dit que je ne réussirai pas !

    - N'en sois pas si sûre, la contredit Arianna. Je pense au contraire que tu as toutes tes chances Mais, comme tu l'as dit, la tempête est un sort supérieur : il mêle deux éléments. L'aria est plutôt longue, alors tu vas répéter après moi. Prête ?

     

    L'apprentie acquiesça, tint son bâton en retrait et avança son autre main. Son maître récita sa clé d'activation, suivie par Lya, puis commença l'incantation.

     

    - Veniant spiritus glaciales luces !

    - Veniant spiritus glaciales luces !

    - Cum fulguris lucis …

     

    La jeune fille s'empressa de répéter. Elle sentait déjà sa magie à l'oeuvre, et s'aperçut vite que le sort demandait beaucoup d'énergie.

     

    - Flet tempestas nivalis ! continua le maître.

     

    Un halo d'énergie entourait la main libre de chacune des deux magiciennes.

     

    - Nivis tempestas lucis ! s'exclamèrent-elles ensembles.

     

    Un intense rayon de neige entourée de lumière partit de la main de l'adulte et termina sa course dans l'eau, cible choisie pour éviter de détruire quoi que ce soit. Par contre, le sort de Lya disparut avant même de prendre forme.

     

    - Ah, ça commence bien, remarqua la jeune fille en grimaçant.

    - C'est normal, la rassura son maître. Réessaye.

     

    Oui, c'était peut-être normal, sauf qu'elle venait de perdre pas mal d'énergie pour un sort raté …

    Mais elle recommença, autant de fois que nécessaire, jusqu'à ce qu'enfin un timide rayon fuse de sa main et atteigne la mer.

     

    - Bien, ça ira pour aujourd'hui, annonça Arianna.

    - Pour aujourd'hui ? Il n'est même pas midi … s'étonna son élève, essouflée.

    - Je sais, mais je dois voir le directeur à l'heure où vous sortirez d'ici, et je dois préparer deux ou trois choses avant. Et ça te laissera le temps de récupérer entièrement.

    - Le directeur veut te voir à cette heure ?

    - Oui, pour le festival. Mais pour le moment, j'aimerais te parler d'autre chose.

    - Je t'écoute.

     

    Arianna marqua un temps d'arrêt, puis regarda son apprentie dans les yeux.

     

    - Tu utilises toujours la clé d'activation pour débutant, n'est-ce pas ?

    - Practe bigi nar ? Oui.

    - Tu as depuis longtemps le niveau pour utiliser ta propre clé, mais puisque tu n'avais pas trop le temps d'y réfléchir, je ne te l'avais pas encore dit. Comme vous ne sortez que demain, tu devrais y penser.

    - Eh bien … tu me prends par surprise, mais j'essaierai.

     

    La magicienne laissa là son élève, alla chercher son élève et sortit de l'Evangeline's Resort.

    Lya fit disparaître son bâton. Une clé d'activation … Elle s'apprêtait à chercher un endroit où s'asseoir et y réfléchir, quand elle aperçut une silhouette. Une silhouette qu'elle reconnut au premier coup d’œil. Même si la magie était importante pour elle, Lya avait autre chose à faire pour le moment.

    Depuis sa discussion avec Haruna, elle avait réfléchi. Beaucoup. Et elle s'était décidée.

    La collégienne se mit à courir. Elle avait la sensation que si elle prenait son temps, si elle ne se dépêchait pas, sa détermination la quitterait et elle perdrait ses moyens devant Yoru. Et puis de toute façon, si elle marchait, le temps qu'elle arrive, il serait peut-être parti ailleurs. Elle rejoignit le petit cercle de téléportation qui reliait l'île d'entraînement à la principale.

    Sur le chemin, elle croisa Haruna.

     

    - Lya ! l'interpela celle-ci. Pourquoi cours-tu ?

     

    L'intéressa s'arrêta, observa son interlocutrice, mais ne répondit pas.

     

    - Merci, Paru. Maintenant, je connais la réponse.

    - La réponse ? répéta-t-elle, abasourdie.

     

    Haruna l'ignorait sans doute, mais elle faisait partie de ceux qui avaient aidé Lya à réaliser, à comprendre. Tout comme cet obsédé de Camo, même si la jeune fille avait du mal à l'admettre.

    Lya recommença à courir, puis s'arrêta à quelques mètres du kiosque. Yoru était assis à la table, parlant encore une fois arts martiaux avec Kaede et Kû. Le garçon et cette dernière n'avaient pas remarqué sa présence, contrairement à la ninja. Peut-être avait-elle compris ce qui allait se passer ? Quoi qu'il en soit, celle-ci arrêta la conversation.

     

    - Kû, viens, fit-elle, je vais te montrer quelque chose.

    - Hein ? s'étonna la chinoise.

    - Je viens avec vous, annonça Yoru, faisant mine de se lever.

    - Non, toi, tu restes là, répliqua Kaede.

     

    Les deux amies s'éloignèrent, laissant le collégien surpris seul à la table.

    Lya ferma les yeux. Malgré ses efforts, sa timidité revenait au grand galop et son cœur battait la chamade. Mais elle savait qu'elle devait se jeter à l'eau, avant que sa détermination ne flanche, et elle appela le jeune homme.

     

    - Ah, tu es là, remarqua-t-il enfin.

     

    Ça paraissait incroyable. Toutes les phrases que Lya avait préparées s'étaient comme évanouies, elle les avait complètement oubliées. Du coup, elle fut beaucoup moins explicite que prévu. Yoru avait-il ressenti ça, après la parade du deuxième soir ?

     

    - Je … Tu sais …

    - Euh … oui ?

    - M-Moi … aussi …

     

    Là, Yoru n'était pas sûr de bien comprendre. La dernière fois qu'ils avaient discuté, c'était à propos de nourriture et il lui avait dit qu'il aimait beaucoup les nouilles sautées, surtout celles du Chao Bao Zi. Était-elle en train de dire qu'elle aussi aimait les nouilles ? Mmh … après mûre réflexion, il en doutait : serait-elle aussi rouge ? Non, vraiment, il ne comprenait pas. Mais il vérifia tout de même.

     

    - Tu n'es pas en train de parler de nouilles sautées, hein ?

     

    Ah, vu l'expression ahurie de Lya, ça ne devait pas être ça. Mais alors pas du tout. Puis, au moment où elle ouvrit la bouche, il comprit.

     

    - En fait … continua-t-elle, je …

    - Je t'écoute, dit-il, les yeux brillants.

    -Moi aussi … j-je … t'aime. Je ne l'avais pas compris tout de suite.

     

    Ils se sourirent un instant, tout simplement heureux d'être tous les deux, comme si cette déclaration leur avait permis de vérifier quelque chose qu'ils savaient déjà depuis un moment.

     

    - Mais j'ai beaucoup réfléchi, et même si ça va faire plaisir à Camo, j'aimerai faire un pactio avec Negi. Je sens que l'artefact que j'aurai m'aidera beaucoup par la suite. Qu'en penses-tu ?

     

    Il l'observa quelques secondes, tout en réfléchissant à ce qu'elle venait de lui annoncer. Même si cela voulait dire que Lya embrasserait le petit magicien, Yoru savait que c'était lui que la jeune fille aimait. Il n'y avait rien entre le professeur et elle, alors l'adolescent n'était pas jaloux. Enfin ... presque. De plus, l'artefact que la magicienne en tirerait l'aiderait à se protéger, alors il ne pouvait pas vraiment râler.

    Il lui expliqua le tout, notant au passage le soupir de soulagement qu'elle émit.

     

    - En fait, il y a une seule chose qui m'embête … fit-elle.

    - Oui ?

    - C'est de donner mon premier baiser à un autre que toi, répondit Lya en rougissant.

    - Je vois bien une solution, moi.

     

    Yoru chercha son regard, et dans les yeux de la jeune fille brillait la réponse qu'il attendait.

     

     

     

    Asuna s'avança sur le pont reliant les deux grandes tours. Pour une fois, elle n'était accompagnée que par Setsuna. Arianna étant partie, Lya avait du temps libre et l'épéiste voulait lui proposer un petit match avec Asuna, histoire de jauger les capacités de ses deux camarades. Elles avaient croisé Haruna, ahurie, qui disait avoir rencontré la jeune fille courant vers le kiosque.

    Elles s'y rendirent, mais Setsuna s'arrêta à quelques mètres de celui-ci.

     

    - On devrait peut-être … les laisser tranquilles ? chuchota l'épéiste, gênée.

    - Les ? s'étonna Asuna, qui n'avait rien vu.

     

    Elle suivit le regard de son amie, puis, après un temps de surprise, répondit.

     

    - Je crois que c'est une bonne idée. Heureusement qu'ils ne nous ont pas vues …

     

    Les deux partenaires de Negi firent demi-tour, évitant soigneusement de se faire remarquer, et s'éloignèrent.

     

    - Dis, remarqua Asuna une fois qu'elles furent suffisamment loin, tu ne trouves pas qu'ils étaient mignons, Lya et Yoru ?

    - Tu veux dire, quand ils s'embrassaient ? C'est vrai.

     

     

     

    Une lumière violette illuminait le kiosque, émise par un cercle magique dessiné au sol. Yoru se tenait un peu en retrait, amusé par l'attitude de Camo qui était excité car Lya avait enfin accepté de faire ce pactio avec le petit professeur. Negi avait tout d'abord été très surpris par la requête de son élève, avant d'accepter à son tour.

    Par un quelconque miracle, ils avaient réussi à ne pas ameuter le reste du groupe, et à part Yoru, Asuna, Setsuna et Konoka, personne n'était au courant de ce qu'il se passait.

     

    - Allez-y, le cercle est prêt ! s'exclama l'hermine.

     

    Lya s'approcha du petit magicien, se pencha, et posa ses lèvres sur celles du garçon. Comme elle s'y attendait, elle ne ressentit pas les émotions qu'elle avait éprouvées lors de son baiser avec Yoru, ni l'envie de faire durer le moment. Elle savait simplement qu'avec ce pactio, elle pourrait être plus efficace dans les combats à venir, et ne pensait à rien d'autre.

    La lumière se fit plus vive, quelque chose atterrit dans les mains du jeune magicien, puis l'éclat disparut. Negi tendit sa carte à sa nouvelle partenaire. Lya y était représentée, un genou à terre, dans les vêtements qu'Haruna lui avait donnés. Elle tenait un kunaï dans sa main gauche, et de la magie apparaissait au creux de sa paume droite.

    La jeune fille remercia Negi et l'hermine, puis s'éloigna avec Yoru, qui comptait l'aider à maîtriser son artefact. Mais à peine sortit-elle sa carte que les autres les appelèrent pour manger. Tant pis, elle essaierait plus tard …

    Après le repas, avant que tout le monde se disperse pour ses activités, Negi leur annonça que le départ était prévu trois heures plus tard. Lya utilisa ce laps de temps pour découvrir son artefact et réfléchir à sa clé d'activation, à l'ombre d'un palmier. Mais malheureusement, pour celle-ci, la jeune fille n'avait pas la moindre piste. Aussi, quand son professeur appela le groupe pour le départ, elle n'avait pas vraiment avancé.

     

    Le groupe se réunit sur la plus petite tour, autour de Negi, tandis que celui-ci commençait un petit discours.

     

    - Écoutez-moi. Chao va agir ce soir, et si elle réussit son plan, l'existence des magiciens sera connue de tous. Dans ce cas, la confusion sera telle que les conséquences seront graves. Nous ignorons si elle agit en bien ou en mal, mais au vu de la situation … Je devrais l'arrêter. C'est ma responsabilité. Mais je vous demande de me prêter votre force.

    - Compte sur nous ! s'exclama Haruna.

    - Idiot, tu n'as pas besoin de nous le demander ! renchérit Asuna.

    - Mais … hésita le jeune magicien, je m'en veux de vous impliquer !

    - Negi ? Fais-nous plaisir, arrête de t'excuser pour tout et n'importe quoi, répliqua Lya.

     

    Quand le jeune garçon comprit que tout le groupe,à l'exception de l'immortelle et peut-être de Chisame, avait la ferme intention de l'aider, il activa la porte magique qui les fit sortir de l'Evangeline's resort. Tout le monde se retrouva dans la petite salle au sous-sol de la maison de la vampire.

     

    - Ça y est ! s'exclama Asuna. Qu'est-ce qu'on fait ?

    - Bah … Chao ne mettra son plan à exécution que cet après-midi … leur expliqua Negi. Donc, on a juste à attendre. Vous avez prévus des choses pour aujourd'hui, non ?

    - Donc, chacun de son côté ?

    - Oui, répondit le petit magicien. On se rejoint à onze heures ?

    - OK !

     

    La salle se vida. Tandis que le groupe s'éparpillait, Illonya et Shelly allèrent rendre un rapport aux professeurs de magie. Yoru, lui, alla retrouver des amis de son collège à qui il avait donné rendez-vous. Du coup, Lya décida de s'entraîner avec son artefact.

    Elle partit à la recherche d'un endroit tranquille. La jeune fille se dirigea vers la lisière de la forêt entourant Mahora : elle ne risquait pas d'être découverte en train de pratiquer la magie, car tout le monde était au centre-ville pour le festival.

    Elle fit apparaître sa carte, l'observant un moment. La qualité, sorte de titre que l'on pouvait lire en-dessous du nom de la partenaire, était Saga sine memoria, ou la « magicienne amnésique »*, ce qui lui correspondait plutôt bien. En bas à gauche, elle avait comme astre Neptunus, et au coin opposé, son tonus était caerulum. Sa carte portait le numéro trente-trois. Enfin, dans un cadre en bas de la carte, on pouvait lire temperantia comme vertu et Septentrio pour la direction.

    La jeune magicienne brandit la carte devant elle, prête à invoquer son artefact.

     

    - Ade ...

    - Lya !!!

     

     

     

     

     

     

    * saga veut dire sorcière, à la base, mais je n'ai pas réussi à trouver d'autre traduction plus proche, et amnésique est une traduction disons … littéraire … de sine memoria. Caerulum veut dire bleu, temperantia se traduit par tempérance et Septentrio par Nord.


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  • - Practe bigi nar, Nivis Casus ! cria Lya.

     

    Arianna para le sort d'un fulguris paries – barrière de foudre – et s'élança vers le ciel. Lya l'y rejoignit avec un quick move. Son entraîneuse assena quelques coups dont la jeune fille se protégea difficilement. Puis, ne pouvant rester en l'air sans balais indéfiniment, les deux magiciennes atterrirent dans un même mouvement à quelques mètres l'une de l'autre.

     

    - Fulguratio albicans ! incanta Arianna.

    - Practe bigi nar, Glacialis paries !

     

    La foudre blanche heurta la barrière de glace invoquée de justesse. Le choc envoya Lya en arrière, et elle tomba peu gracieusement sur son postérieur. Son adversaire s'avança, un sourire aux lèvres, lui tendant sa main. La jeune magicienne la prit avec gratitude et se releva.

     

    - Je suppose qu'on peut faire une pause, proposa Arianna.

    - Alors là je ne dirais pas non …

     

    Elles combattaient depuis environ une demie-heure, et Lya commençait à fatiguer. Surtout que son entraîneuse avait augmenté le niveau. Le point positif, c'est que ça l'obligeait à se donner fond et à réussir ses sorts, sinon elle était touchée. Le problème, c'est qu'elle s'épuisait vite. Alors un temps mort lui ferait le plus grand bien.

    Les deux magiciennes s'assirent sur le sable, sirotant des boissons amenées par une des « sœurs de Chachamaru », des robots au service d'Evangeline.

     

    - Alors, qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? s'enquit Lya après avoir terminé son jus d'orange.

    - On a vu ce que donnaient tes sorts en combat, alors maintenant j'aimerais les voir individuellement. Je propose de commencer par ceux qu'on doit améliorer le plus possible, répondit la jeune femme. Ça te va ?

    - Parfaitement.

    - Alors commençons par la sagitta magica. Tu peux lancer douze flèches en aria courte, mais l'idéal serait de pouvoir en invoquer au moins dix-sept. Le mieux serait une vingtaine. On y va ?

     

    Elles se relevèrent, et la jeune fille se mit à lancer des flèches magiques, le plus possible, en se concentrant au maximum.

     

    - Practe bigi nar, Sagitta magica, series glacialis !

     

    Comme prévu, douze traits de glace apparurent et détruisirent une partie de l'énorme rocher pris pour cible. Comme il n'y avait pas trente-six solutions, Lya fit apparaître ses flèches sous forme de boule, forme qu'elles prenaient avant de partir sur la cible. Douze boules apparurent, et, toujours plus concentrée, la jeune magicienne entreprit de créer une treizième. Puis une quatorzième. La suivante vint difficilement. Mais elle apparut tout de même. Faute de mieux, Lya les relâcha sur le rocher, puis elle les invoqua à nouveau. Cette fois, quatorze sagitta magica l'entourèrent, sans qu'elle puisse créer une quinzième en même temps. Celle-ci, à force d'efforts, vient après quelques secondes. La seizième suivit, lentement, mais elle apparut aux côtés des autres.

    Mais la dix-septième ne voulait pas venir, malgré de nombreux essais. Alors Lya répéta ce manège, inlassablement, pendant une heure. Jusqu'à ce que la seizième flèche vienne dès le début. Lorsque la suivante, la limite que les magiciennes s'étaient fixée, apparut avec les autres, l'élève les relâcha sur la cible et soupira, soulagée. En fait, elle se demandait combien de temps elle allait encore passer à tirer des flèches magiques sur de simples rochers. C'est pas qu'elle n'était pas patiente, mais quand même, c'était un peu monotone !

    Après une courte pause, Arianna lui annonça la suite.

     

    - Je ne pense pas que tu aies des problèmes avec le Malleus aquilonis, le Nivis casus et le Cristallysatio tellustris.

     

    Le premier sort créait une boule de neige et de glace géante que l'on lançait sur l'ennemi. Celui-ci le lui posait pas trop de problèmes. Le Nivis Casus étant le premier sort moyen qu'elle avait appris, elle arrivait plus ou moins à régler la puissance et la taille de l'explosion de glace. Plus ou moins. Et enfin, avec le dernier, elle gelait le sol ou la plupart des cibles – du moins fixes – sans trop de difficultés.

     

    - Je pense que ça ira. Qu'est-ce qu'on fait ?

    - J'aimerais t'apprendre un nouveau sort.

    - Lequel ? demanda Lya, enthousiaste.

    - Le Nebula hypnotica. C'est un sort qui permet d'endormir ta cible.

    - Ah ? Le problème, répliqua la jeune fille avec un sourire, c'est que je ne vois pas comment m'y entraîner. Si je peux lancer des flèches sur un rocher, je vois mal comment je vais endormir ledit caillou !

     

    Arianna sourit elle aussi, amusée. Elle aimait bien les remarques ironiques de son élève.

     

    - Non, en effet, expliqua-t-elle avec un air de complicité, ce serait quand même stupide. Tu ne pourras pas t'y entraîner, alors je préfèrerais que tu ne l'utilises pas si tu peux faire autrement, surtout si tu es en danger. Mais je vais t'apprendre la formule, au cas où. De toute façon, il est plutôt facile à utiliser.

     

    Elle lui écrivit l'incantation, pour qu'elle puisse la retenir, puis annonça que la séance était terminée. Lya alla prendre une bonne douche avant de rejoindre le reste du groupe. Dans l'Evangeline's Resort, le soleil allait se coucher, et elle avait hâte d'en faire autant. Mais avant, manger lui semblait être une bonne idée. La journée se termina dans la bonne humeur, et Lya entra dans la grande chambre qu'elle partageait avec toutes les filles. Elle s'écroula sur son lit, lessivée par le combat contre Arianna et par le reste de l'entraînement. La jeune magicienne se releva à contre cœur pour se laver les dents puis retourna se coucher, alors que les autres quittaient la table. Lorsque les filles arrivèrent dans la chambre, elle dormait déjà d'un sommeil qui ne fut dérangé par aucune vision.

     

    Le lendemain, elle fut réveillée par Arianna. La jeune fille tenta de sortir de la chambre sans réveiller personne. Son maître la suivait, la regardant avec un grand sourire. Apparemment, l'esprit de Lya était encore au lit. Elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle ne risquait pas de réveiller quelqu'un, puisque tout le monde était déjà parti ! Mmh … pas facile de voir quand on a les yeux à demi-ouverts. Même s'il était assez tôt, chacun semblait assez motivé pour s'entraîner avec son artefact, sa magie ou … pour piquer une tête dans la piscine.

    Arianna et son élève prirent tranquillement leur petit-déjeuner, discutant du programme de la journée.

     

    - Qu'est-ce qu'on fait, ce matin ? Enfin … qu'est-ce qu'on fera quand tu auras fini de te moquer de moi parce que je n'avais pas vu que tout le monde était levé ? demanda Lya, faisant semblant de râler.

    - Tu dis ça, mais avoue que ce n'était quand même pas mal ! Tu me l'avais jamais faite, celle-là.

    - En même temps, tu me vois jamais au réveil. Alors ?

    - C'est une surprise ! Mais je pense que ça te plaira.

    - Bah, tout ce qu'on a fait depuis que je te connais m'a plu, je ne vois pas pourquoi ça changerait.

     

    Avant d'aller sur l'île qu'Eva leur laissait pour leurs séances, la jeune femme emmena Lya dans sa chambre, ne dormant pas avec les collégiennes. Arianna prit une forme fine et allongée, enroulée dans du tissu, à peu près de la taille de son élève.

     

    - J'ai un petit cadeau pour toi, dit-elle en la lui donnant.

     

    Intriguée, la jeune magicienne enleva le tissu, et découvrit avec stupeur un bâton de métal argenté de deux ou trois centimètres de diamètre, aussi grand que la collégienne, surmonté d'une sphère bleue légèrement transparente. Celle-ci n'y était pas rattachée, elle semblait léviter et pourtant ne bougeait pas par rapport au bâton. Enfin, deux lamelles de métal s'enroulaient autour, fixées à l'extrémité de la tige. Lya ne reconnaissait pas ce métal ni la matière de la sphère, mais ils semblaient indestructibles.

     

    - C'est … comme le catalyseur de Negi ? demanda Lya, surprise mais heureuse. C'est ça que tu appelles un petit cadeau ? Mais c'est absolument génial ! Merci beaucoup !

    - Je savais bien que ça te plairait, répondit la magicienne, gagnée par le bonheur de son élève.

     

    Elles partirent toutes les deux sur l'île, dans la bonne humeur. Au programme, pas de révision de sorts, mais l'apprentissage du vol, grâce au bâton de Lya qui avait les mêmes fonctions que celui de Negi. Autrement dit catalyseur et balais volant.

    Sa première leçon de vol ne fut pas très compliquée. Elle devait s'élever de deux ou trois mètres, avec de légères impulsions magiques selon ce qu'elle voulait. Dès qu'elle réussit, elles purent passer à la suite. Qui ressemblait beaucoup à l'entraînement de Lya au shukushi. Dans le genre cassages de figures et atterrissages ratés ridicules, la jeune fille avait la médaille d'or.

    La première fois qu'elle voulut avancer, elle donna une impulsion trop forte, et le bâton fila d'un seul coup, la laissant dans le sable. L'apprentie le rappela d'un mea virga, sort qui ramenait les catalyseurs, que Arianna lui avait appris au préalable. La deuxième fois, l'impulsion fut tellement faible qu'elle bougea à peine. Au moins, elle n'avait pas fini par terre.

    Lorsque Lya réussit à trouver le juste milieu, Arianna aborda la question de l'atterrissage. Son élève, sur son conseil, entama la descente, lentement. Sauf qu’elle ne savait pas très bien pourquoi, mais elle descendait en diagonale. Quand elle voulut rectifier le tir, son bâton fit une embardée qui la conduisit … pas du tout où elle voulait.

     

    - Tu sais, Lya, lui fit remarquer Arianna en souriant malgré elle, c'est sur le sable que tu étais sensée te poser. Pas dans l'eau.

     

    Lorsqu'elle a vu qu'elle était au-dessus de la mer, Lya avait tenté de se réceptionner dessus. Après tout, Arianna essayait de lui apprendre à marcher sur l'eau, pourquoi son élève n'y arriverait pas, pour une fois ? Elle réussit, l'espace d'une seconde. Puis elle se retrouva très mouillée. Heureusement, il n'y avait qu'un mètre de profondeur, alors elle n'eut même pas besoin de nager. Tout compte fait, c'était pas mal. Il faisait chaud, alors elle était contente d'être trempée.

    Finalement, après quelques loupés, Lya réussit à atterrir normalement. Elle apprit à tourner, modifier l'altitude, elle volait à peu près normalement. Même si elle était encore lente. Après trois à quatre heures de leçon, Arianna enfourcha son balais.

     

    - On fait un tour ? lui proposa-t-elle, légèrement espiègle. J'aimerais bien voir la tête des autres quand ils apprendront que tu sais voler ! Et puis, c'est l'heure de déjeuner, et tu as bien mérité une pause.

     

    Elles se dirigèrent tranquillement vers le groupe qui s'était déjà rassemblé à table, sous le grand kiosque. Asuna embêtait Evangeline, Yoru et Kû discutaient arts martiaux et Illonya liait connaissance avec ceux qu'elle n'avait pas rencontrés avant la veille, Shelly roupillant un peu plus loin.

     

    - Alors, fit Arianna en surprenant tout le monde, on ne nous attend pas pour manger ?

     

    Le groupe leva la tête et découvrit les deux magiciennes, à quelques mètres du sol. Negi dévisagea Arianna, puis passa à son élève juchée sur son bâton, bouche bée.

     

    - Depuis quand tu voles, toi ? fit Evangeline.

    - Ben … aujourd'hui.

    - Je me suis dit que ça lui serait utile. Bon, c'est bien de voler, mais j'aimerais bien passer à table ! s'exclama Arianna, son ventre gargouillant comme pour appuyer ses dires.

     

    Lya s'assit entre Yoru et Illonya, et tout en mangeant, ils se racontèrent leur matinée. Yoru s'était entraîné avec Kû et avait combattu Kaede dans une petit match amical où il avait fait la – dure – connaissance des techniques de la ninja. Illonya, elle, s'était lancée dans la découverte de l'île avec Shelly.

    Après le déjeuner, Arianna et son élève ne partirent pas s'entraîner tout de suite, et allèrent s'asseoir sur le sable, adossées à un muret de pierre. Yoru ne tarda pas à les rejoindre, car il voulait passer un peu de temps avec Lya avant son entraînement. Ils discutaient joyeusement quand le paysage sous les yeux de la jeune fille se mit à s'assombrir. Les voix du garçon et d'Arianna, elles, lui parvenaient de moins en moins bien. Au bout de quelques secondes, tout fut noir et il n'y avait plus un bruit. Lya avait un gros sentiment de déjà vu … encore une vision.

     

    Soudain, tout s'éclaira, jusqu'à devenir presque blanc. Lya lévitait dans une sorte de tunnel, sa main tenait celle d'une jeune femme.

    Quelque chose n'allait pas … cette vision était différente des autres. Au lieu d'être simple spectatrice de la scène, la collégienne était à la place de la petite Lya. Jamais ce n'était arrivé. D'ailleurs, elle avait la taille de l'enfant de huit ans.

    Lya et la femme l'accompagnant arrivaient au bout du tunnel, qui semblait plus constitué d'énergie que d'autre chose. Lorsqu'elles le quittèrent, il disparut pour laisser la place à une rue déserte. Ou presque. Un homme apparut devant elles. Il terminait une incantation, une lueur malsaine dans ses yeux et un sourire mi-satisfait, mi-sadique.

     

    - Incendium Gehennae !

     

    Les flammes entourèrent les deux nouvelles-venues, mais les explosions du sort furent stoppées par le bouclier de la jeune femme. Un nombre impressionnant de flèches de ténèbres suivit, que Lya et son accompagnatrice esquivèrent de justesse. De nouveaux tirs les attaquèrent alors qu'elles étaient encore en l'air, et la petite cria, touchée au bras et à la jambe droits. La douleur et la surprise l'empêchèrent de se réceptionner correctement. Elle tomba, et ne put résister au souffle des offensives de plus en plus puissantes, contre lesquelles la jeune femme s'efforçait de la protége. Sa tête cogna le sol, et un peu de sang coula sur sa tempe gauche.

    Soudain, entre deux attaques, sa protectrice disparut, pour se retrouver juste en face de l'opposant. Puis tout fut noir.

     

    Lorsque Lya ouvrit les yeux, sa main était agrippée à son bras droit, à l'endroit exact de la blessure dans sa vision. Elle le lâcha, pour se masser la tempe gauche. C'était la première fois que ça lui arrivait. Ressentir de la douleur dans un songe.

    Puis elle avisa les visages inquiets qui l'observaient. Son professeur, Kaede Camo et Konoka avaient rejoint son entraîneuse et Yoru.

     

    - Qu'est-ce qui t'arrive ? demanda ce dernier, soucieux. Tu ne te sens pas bien ?

    - Si, ça va … depuis combien de temps suis-je endormie ?

    - À peu près un quart d'heure, répondit Arianna. On parlait quand tu as cessé de nous répondre.

    - Il y environ deux minutes, tu as crié … lui fit remarquer Konoka. Tu es sûre que ça va ?

     

    Lya écarquilla les yeux. Elle porta son autre main à son front, soudain en proie à une migraine. En plus, sa tempe était encore douloureuse.

     

    - Lya ? fit Negi.

    - Ces blessures … murmura celle-ci. Non … Ce n'est pas … possible …

     

    /Flash-back/

     

    La petite se réveilla. Elle regarda ses mains. Posées sur des draps blanc. Elle ne savait pas ce qu'il lui était arrivé. Elle ne savait pas où elle était. Elle ne savait pas qui elle était. En cet instant précis, elle n'était personne, l'ombre de quelqu'un qui avait existé mais qui n'avait pas de souvenirs pour en témoigner.

    Elle leva les yeux. Un jeune homme aux yeux verts et aux courts cheveux châtains l'observait, son regard chargé de tendresse et de compassion.

     

    - Bonjour. Comment te sens-tu ?

    - Qui suis-je ? Où suis-je ?

    - Tu t'appelles Lya. Tu es à l'hôpital, lui expliqua le jeune homme. Tu as … été renversée par une voiture.

    - Qui êtes-vous ?

    - Je suis ton frère adoptif, Keiji, lui répondit-il.

     

    Son regard se posa sur son bras droit, bandé, et un autre pansement lui enserrait le front. Lorsqu'elle essaya de changer de position, un douleur à sa jambe droite lui arracha une plainte.

     

    /Fin du Flash-back/

     

    - Ça ne peut pas être vrai …

    - Mais, qu'est-ce qu'il t'arrive, bon sang ? demanda Yoru, de plus en plus inquiet.

     

    La jeune fille sembla s'éveiller. Elle avisa ses amis, puis décida de leur raconter ce qui se passait.

     

    - Comme vous le savez, je n'ai pas perdu la mémoire à cause de mon accident de voiture. En fait, je … n'ai même jamais eu d'accident de voiture. J'ai eu une vision. Et disons qu'elle n'était pas spécialement agréable.

    - Tu sais qui t'a effacé tes souvenirs ? s'enquit Kaede.

    - Non.

     

    Lya leur relata sa vision. Elle fut confrontée à un tas de visages surpris … ce qui en fait ne changeait pas grand chose .

     

    - Ôtes-moi d'un doute, fit l'hermine. Ça n'aurait pas pu être un simple rêve ?

    - Je n'y crois pas une seconde. Lorsque je me suis réveillée à l'hôpital, j'avais exactement les mêmes blessures. Pas une de plus, pas une de moins. Et je n'avais rien de cassé. Je ne pense pas que ça aurait été le cas si j'avais été reversée par une voiture …

    - Tu te sens bien ? s'inquiéta Yoru pour la énième fois.

    - Mais oui ! le rassura-t-elle, souriant pour montrer que tout allait bien. Ce n'est qu'une vision, après tout.

     

    Rassérénés, les autres retournèrent à leurs occupations pour la laisser tranquille. Seuls Arianna et Yoru restèrent.

     

    - Je suppose que tu as envie de te changer les idées ? demanda Arianna. On peut visiter les autres petites îles en balais, si tu veux.

     

    La mine réjouie de Lya fit sourire son maître.

     

    - Je prends ça comme un oui !

     

    Rassuré … enfin presque, Yoru rejoignit tout le groupe rassemblé sur une des terrasses d'Evangeline. Lya fit apparaître son bâton, comme Arianna le lui avait appris, puis s'envola en suivant celle-ci.

    Le paysage tropical et la sensation de liberté que Lya avait dès qu'elle volait lui firent presque oublier cette vision. Lorsqu'elles rentrèrent, l'apprentie était sereine. Heureusement, d'ailleurs, car un simple regard posé sur Yoru lui rappela qu'elle avait autre chose à penser …

    Lya leva les yeux au ciel et s'obligea à faire le vide dans sa tête. Là, pour le moment, elle n'avait pas envie de réfléchir à la déclaration de l'adolescent. Tout ce qu'elle voulait, c'était prendre une bonne douche. Il faisait chaud et le vol n'avait rien arrangé, côté transpiration …

    Une fois propre, elle partit s'allonger sur un transat, juste à côté de la piscine. Konoka, Asuna et Setsuna y nageaient déjà depuis un bon moment, et l'invitèrent à les rejoindre, mais elle déclina l'offre.

    Lya ferma les yeux, son esprit focalisé sur une chose à laquelle elle n'avait pas eu vraiment le temps de penser. Yoru … S'il n'attendait pas de réponse immédiate, elle tardait et devait tout de même y réfléchir sérieusement. À ce qu'elle ressentait vraiment.

     

    - Tu es bien rouge, remarqua une voix derrière son dos.

     

    La jeune fille rouvrit les yeux instantanément. Haruna ! Elle ne l'avait pas entendue arriver.

     

    - C'est le soleil, répliqua-t-elle du tac au tac.

    - Tu crois ? fit sa camarade, un sourire qui ne présageait rien de bon sur le visage. Moi, je dirais plutôt que tu penses à Yoru … t'es amoureuse, ma vieille !

     

    Lya soupira. Pourquoi fallait-il qu'Haruna, la colporteuse de ragots attitrée de la 3-A, reprenne le flambeau après Camo ? Pour une fois que l'obsédé en question la laissait tranquille … Elle posa sur son interlocutrice un regard désolé, puis reprit la conversation.

     

    - Une question. Pourquoi tu dis ça et pourquoi Yoru ?

    - Ça fait deux questions.

    - Admettons. Alors ?

    - C'est pas bien difficile ! T'es toute rouge et depuis deux semaines tu passes tout ton temps ou presque avec lui.

    - Et ? Ça pourrait très bien être de l'amitié.

    - C'est le sixième sens de la grande Paru ! Il y a de l'amour dans l'air !!!

     

    La réplique laissa Lya sans voix. La première chose qu'elle pensa, c'était qu'Haruna faisait une tête de psychopathe. La deuxième, que son amie était folle. Puis elle se dit que c'était normal, pour une élève de la 3-A. Finalement, la magicienne s'aperçut qu'elle avait intérêt à répondre. Avant qu'Haruna ne prenne son silence pour un oui.

     

    - Arrête, tu fais peur ! Non, sérieusement, si je sais très bien que je ne te ferais pas changer d'avis, j'aimerais que tu gardes tes impressions pour toi.

    - Si tu veux … je me tairai mais je n'en pense pas moins !

    - Allons manger, au lieu de raconter n'importe quoi ! s'exclama la magicienne en riant.


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  •  - Ah … fut tout ce que Lya put articuler.

     

    En face d'elle, Yoru était rouge comme une pivoine, très gêné.

    Elle, elle ne savait pas quoi dire. L'adolescent l'avait légèrement surprise. Autrement dit, elle n'avait aucune réponse toute prête. « Heureusement que Yoru nous a éloignés de l'Arbre-Monde », pensa-t-elle, car elle n'aurait jamais pu réagir.

     

    - Ce n'est pas la peine de me répondre tout de suite, dit-il en la voyant réfléchir.

     

    De toute façon, Lya n'aurait pas eu le temps de dire grand-chose. Camo, affolé, revenait de Mahora à une vitesse effarante et finit sa course sur l'épaule de Lya.

     

    - Lya, Yoru ! s'écria l'hermine-fée. On a un énorme problème !

    - Quoi, qu'est-ce que t'as encore, l'obsédé ? râla la magicienne.

    - Negi va défier Chao ! Faut l'arrêter avant que ça ne tourne mal !

    - Mais qu'est-ce qui lui passe par la tête ? s'étonna Yoru.

     

    Lya observa un moment l'hermine sur son épaule, réfléchissant à un léger problème technique.

     

    - Bon, je suis d'accord pour intervenir, mais … tu peux m'expliquer comment moi, une magicienne qui a commencé son apprentissage il y a à peine deux mois, peut espérer faire le poids contre une experte en combat telle que Chao ? fit-elle, dubitative.

    - J'en sais rien du tout, vous êtes juste les premiers que je rencontre !

    - Allez, j'ai compris … soupira Lya.

     

    Elle demanda à Camo de bien se tenir à son épaule, et à Yoru de la suivre. L'adolescent n'aurait aucun problème à le faire, avec son ki.

    Lya s'élança en quick move vers la ville. Elle le savait très bien : elle n'avait pas l'ombre d'une chance contre sa camarade de classe. Il lui fallait de l'aide, et elle savait exactement où en trouver. Elle entra dans Mahora, accompagnée de l'adolescent et de Camo, et utilisa le shukushi sur les toits des bâtiments, pour ne pas être repérée. Heureusement, Arianna lui avait appris à utiliser plusieurs quick move d'affilée.

    La magicienne, suivie par Yoru qui s'était repris depuis sa confession, finit par trouver ce qu'elle cherchait. Les deux autres ne savaient pas de qui ou de quoi il s'agissait. Alors évidemment, quand elle atterrit juste derrière Kaede et Setsuna, ils furent assez surpris. Les deux filles aussi, d'ailleurs.

    Ils expliquèrent rapidement la situation aux deux collégiennes, réfléchissant à un plan, et Camo les guida jusqu'à une petite place abandonnée où Negi avait choisi d'affronter la chinoise aux cheveux noirs. Le petit magicien s'en sortait difficilement. Lya étudia attentivement Chao, tandis que le petit groupe approchait de l'endroit. En plus d'être une experte en corps à corps, cette dernière semblait avoir un truc … une astuce, ou quelque chose dans le genre. Vu qu'elle venait de se défaire des sagitta magica aer capturae, sort basique mais efficace qui emprisonnait l'ennemi, sans broncher. Et elle était réapparue derrière Negi sans quick move.

    Soudain, elle lui porta un coup sans ki ni magie – si elle pouvait utiliser cette dernière – qui pourtant envoya Negi valser contre des colonnes. La chinoise s'approcha dangereusement du petit professeur assis à terre.

    Heureusement, Kaede et Setsuna, assez proches des deux combattants, provoquèrent une petite explosion qui éloigna Chao du magicien. Les trois filles et Yoru se placèrent entre Negi et son élève.

     

    - Kaede ! Setsuna ! s'écria le magicien, visiblement surpris. Euh … Lya et Yoru aussi ?

     

    Pour une raison quelconque, il semblait encore plus étonné de voir ces deux-là. En même temps, Lya était bien moins forte que Negi, donc évidemment, il ne pouvait pas s'attendre à ce qu'elle le protège.

    Lya, légèrement isolée par rapport à la ninja et l'épéiste, sortit sa baguette, surmontée d'une ailette. « Techniquement, Chao devrait s'attaquer à Kaede et Setsuna, pas à moi. », pensa la jeune magicienne. « Je ne suis pas dangereuse pour … ».

    Une ombre apparut devant Lya, et elle n'eut le temps que de s'élancer en quick move vers le ciel pour ne pas être touchée. Le poing de Chao s’abattit là où elle se tenait une demie seconde plus tôt. Ben tiens, elle n'avait même pas pu finir de penser tranquille !

     

    - Nivis casus ! cria la jeune magicienne le plus vite possible, la baguette pointée vers le sol et Chao.

     

    Ce sort, la chute de neige, créa une petite explosion de glace vers la chinoise, qui permit à Lya de s'échapper. Elle avait de la chance, le nivis casus était l'un des seuls sorts moyens qu'elle utilisait bien, avec le malleus aquilonis. La jeune magicienne s'échappa au plus vite et atterrit derrière Kaede. Bon, elle venait de se faire une frayeur, donc elle allait peut-être laisser faire la ninja et Setsuna, avant de savoir comment aider. Lya n'avait pas franchement envie de recommencer … enfin pas tout de suite. Elle n'était pas si folle, quand même !

    D'ailleurs, personne n'avait réagit, parce que personne n'en avait eu le temps. Chao s'était rapprochée de Lya bien trop vite. Et ça commençait vraiment à devenir louche, puisque la chinoise n'avait pas utilisé de quick move, là non plus. En fait, ses déplacements se rapprochaient plus de la téléportation … de la magie ? Pourtant, la jeune magicienne n'avait rien senti …

    Chao avait l'air légèrement surprise. Peut-être qu'elle ne s'attendait pas à la résistance de Lya … Setsuna en profita et passa à l'attaque. D'une clé de bras, la guerrière Shinmei la plaqua au sol.

     

    - Eh bien, constata Chao, une experte peut surprendre quelqu'un ayant des équipements dernier cri …

     

    À peine la chinoise avait-elle fini sa phrase qu'elle disparut, réapparaissant derrière Setsuna. « C'est pas possible ! », s'énerva Lya. « C'est vraiment de la téléportation ou quoi ? ». Chao, à nouveau sans ki ni magie, porta un coup entouré de petits éclairs … qu'est-ce que c'était encore que ça ? Elle envoya Setsuna sur plusieurs mètres.

     

    - Dis, Kaede, ces déplacements, c'est quoi ? demanda Lya. Tout ce dont je suis sûre, c'est que ce ne sont pas des quick move …

    - Je ne sais pas non plus, répondit Kaede, qui pour l'instant se contentait de regarder. Reste derrière moi, j'ignore pourquoi Chao s'en est prise à toi, mais elle pourrait recommencer.

    - Ouais … le pire c'est que vu mon niveau, elle n'avait pas besoin de le faire …

     

    Setsuna invoqua le son Bhai, une de ses astuces, pour se débarrasser de son engourdissement, dû à Chao et son attaque. Puis les deux combattantes échangèrent deux-trois coups et parades, avant que l'épéiste se décide à invoquer son artefact. Les seize dagues obéissant à sa volonté se matérialisèrent et tournèrent autour de la chinoise. Soudain, les lames s'enfoncèrent dans le sol, en cercle parfait autour de Chao. Une énergie s'en libéra, emprisonnant l'élève réfractaire.

    Enfin, c'était sans compté la capacité de Chao à se dématérialiser, purement et simplement, et à réapparaître un peu plus loin. Autrement dit, celle-ci s'échappa du piège pour se retrouver devant Setsuna et la faire reculer.

     

    -Setsuna, je vais t'aider, lança Kaede.

     

    Elle aussi voulait connaître l'astuce de la chinoise.

     

    - Reste ici, dit-elle à Lya, avant de se rapprocher de Chao.

     

    Setsuna et la ninja attrapèrent leur adversaire par les épaule, lui bloquant toute issue. Mais là encore, Chao réussit à s'enfuir. Tout en retirant à ses camarades l'élastique et l'étroite bande de tissu qui maintenaient leurs cheveux et en leur demandant si elle pouvait les garder en souvenir. Bon, d'accord, c'est une drôle d'idée, mais il est de notoriété publique que les ennemis ont des réactions plutôt étranges … Hein ? Comment ça, pas vraiment ?

    Bref.

     

    - Passons aux choses sérieuses, déclara Chao. Ce qui est bien, c'est que je vais pouvoir vous mettre hors d'état de nuire toutes les deux.

     

    Elle faisait bien sûr référence à Kaede et Setsuna. La chinoise ne devait pas considérer Lya et Yoru comme des dangers potentiels. Elle savait la première incapable de rivaliser, et étant dans le même club que le second, Chao devait bien le connaître.

     

    - Et ça pourrait être intéressant de bien te tester, ajouta Chao pour Lya, avec un petit sourire mystérieux.

    - Ah bon, tu l'as pas déjà fait ? marmonna cette dernière.

     

    Heureusement, leur camarade n'eut pas le temps de développer ses idées de test. Kaede donna le signal de repli stratégique, début de leur plan … avec un grand sourire limite pas crédible au vu de la situation. Lya, Yoru et Negi – Camo sur son épaule – s'esquivèrent en suivant la ninja et l'épéiste jusqu'à un bâtiment abandonné, Chao sur les talons.

    Ils se retrouvèrent sur le toit de l'immeuble. Cette terrasse était coupée en deux par des sortes de panneaux de bois, et on ne voyait rien de l'autre côté de ceux-ci.

     

    - Qu'est-ce qu'on fait ici ? demanda Negi, qui ne comprenait plus rien. Et Chao ?

    - Tu vas voir, répliqua Lya avec un clin d’œil.

     

    Chao atterrit sur la terrasse à son tour. Mais, comme les ''gentils'' avaient toujours du bol, elle sembla deviner le plan. Quoi ? Qu'est-ce que c'est que ces préjugés débiles ? Mais j'en sais rien, moi ! Bon … enfin une partie du plan. Ou pas.

     

    - Je crois que vous serez trop nombreux pour moi. Alors j'ai appelé des renforts …

     

    Ben tiens … pourquoi c'était pas étonnant ? Mana et Chachamaru surgirent aux côtés de Chao.

     

    - Kaede, Setsuna … lâcha la tireuse. J'ai toujours eu envie de me mesurer à vous.

     

    Là, la situation prenait un air légèrement mal barrée. Entre Negi qui paniquait parce que ses élèves allaient potentiellement se battre entre elles, Lya qui, avouons-le, commençait à être dépassée par les évènements, et tous les autres qui restaient très silencieux, c'était très très joyeux.

     

    - Pardonnez-moi de vous interrompre, ironisa Lya alors que Negi proposait à Chao de la rejoindre, mais est-ce que vous n'avez pas l'impression que cette histoire part juste un tout petit peu en freestyle cacahuète ?

     

    Ah, vu l'air franchement idiot de tous les regards posés sur elle, personne ne s'attendait vraiment à cette réaction. Ce qui n'était pas tout à fait anormal. Enfin, Kaede se ressaisit la première et tira sur une ficelle dépassant des panneaux de bois. Si le petit groupe avait tout bien prévu, alors la confrontation tournerait en … en fait il n'y aurait même plus de confrontation. Tous les panneaux tombèrent, dévoilant … des projecteurs … une scène … des tables … des boissons … des banderoles … et enfin tout un tas de gens … la 3-A.

    Eh oui, leur plan était de se mêler à la classe. Chao n'attaquerait pas, puisqu'une bonne partie de la classe ne connaissait pas l'existence de la magie, et que certaines risqueraient d'être blessées dans l'affrontement.

     

    - Bienvenue ! On est toutes là pour toi, Chao ! crièrent en chœur de nombreuses élèves.

     

    Alors, vu la tête d'ahurie de la chinoise, elle ne devait pas vraiment s'attendre à ça. En même temps, c'était fait exprès.

    De leur côté, les filles qui avaient organisé la fête se plaignaient d'un … changement de l'école de Chao ? Qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ? Apparemment, c'était pour un problème de famille …

     

    - Comment ça, elle change d'école ? demanda Lya.

    - Eh bien, on ne l'a appris que ce soir, mais on dirait que oui, répondit Kaede. Mais c'est pour ça que Setsuna et moi, on a proposé ce plan. C'était un prétexte pour celles qui ne connaissent pas la magie.

    - Pourquoi je ne le sais pas ? J'étais pourtant avec vous quand on est allés les voir …

    - Eh bien, c'est simple, intervint Camo, un sourire narquois sur son visage d'hermine*. Tu pensais trop à ton Yoru pour écouter ce qu'on disait !

    - Hein ? fit Kaede, même si elle savait tout à fait de quoi parlait Camo. Vas-y, explique-moi ça !

    - C-C'est r-rien ! Rien du tout !

    - Ah bon ? s'étonna Camo, faussement déçu. Qu'est-ce que vous faisiez, sur la colline ?

     

    Là, il avait touché la corde sensible. Lya tourna rouge pivoine, rien qu'en pensant aux paroles de Yoru.

     

    - Mais rien du tout ! Il me montrait juste le paysage !

    - Très romantique, le paysage !

     

    Puis Camo, alors qu'Ayaka prononçait un discours, s'aventura sur un sujet très glissant.

     

    - Du coup, tu vas renoncer à ton pactio avec Negi ?

     

    Lya attrapa l'hermine, faisant semblant d'être énervée, et lui tira ce qui lui servaient de joues.

     

    - Eh, espèce d'obsédé du pactio ! J'ai jamais dit que j'acceptais ! Tu t'inventes une vie, c'est pas possible ! Non, pire, tu m'inventes une vie !

    - Oh ? Dommage … ça t'intéresse pas, un artefact ?

    - Mais, même pas dans tes rêves les plus fous ! Kaede, tu pourrais pas m'aider, s'il-te-plaît ?

    - Non, répondit la collégienne, hilare, c'est très bien comme ça !

     

    Ah. Évidemment. La magicienne avait oublié à quel point sa colocataire aimait la taquiner. Le pire, c'était que Lya était la seule (ou presque, si on comptait Negi, et encore) avec qui Kaede était comme ça.

    À son grand bonheur, un bruit sourd arrêta leur conversation. La déléguée venait de se casser la figure, à cause de Yûna et compagnie, qui trouvaient son discours trop long et trop déprimant pour une fête. Du coup, elle écourta son speech, et la fête put réellement commencer.

     

    - Kaede, commença Camo, ce n'était pas un peu risqué ? Et si Chao avait tout de même attaqué ?

     

    Il remettait sur la table le même problème qu'il avait déjà exposé à la création du plan.

     

    - Elle n'aurait pas osé. Quoiqu'il arrive, si elle doit vraiment partir, alors elle a sûrement besoin de nous dire au revoir …. Cela fait deux ans que l'on est ensembles dans cette classe.

     

    De leur côté, les élèves en étaient à offrir leurs cadeaux d'adieux à Chao. La chinoise se retrouva très vite avec une tonne de présents … véridique, puisque la riche Ayaka lui avait remis un buste à l'image de Chao. Un buste qui faisait à peu près sa taille et par conséquent était … très lourd. De nombreux cadeaux plus ou moins utiles l'entouraient. D'ailleurs, dans le registre de l'utilité, Misa avait quand même réussi à lui offrir un médiator … depuis quand Chao jouait-elle de la guitare ? Et à quoi lui servirait de la litière pour chat, exactement ? La chinoise n'avait pas d'animal … Elles étaient folles ces 3-A !

    Mais les choses dérapèrent – oui, c'était encore possible – lorsque les jumelles s'approchèrent de Chao.

     

    - Alors, qu'en dis-tu ?

    - Tu es émue ?

     

    Euh … ? C'était quoi encore cette question ? Lya ne comprenait pas du tout … Chao non plus, d'ailleurs.

     

    - On s'est donné du mal pour te voir enfin pleurer, ajouta Fumika.

    - Cette fête n'était pas censée être joyeuse ? s'étonna Chao.

     

    Misora, Haruna et Yûna attirèrent alors son attention, une expression très machiavélique sur le visage digne d'un manga mais absolument pas crédible dans la réalité.

     

    - Héhé … commença Misora, cette soirée a un but caché …

    - Quoi ? s'exclama Chao.

    - Allons, qu'est-ce qu'elles vont nous sortir … soupira Lya, certaine que la suite serait complètement stupide.

    - C'est … continua Haruna.

    - Te voir enfin pleurer ! s'exclama Yûna.

     

    Ouah, on aurait presque dit qu'elles avaient répété. Presque. Enfin, Lya n'était pas déçue. C'était tout à fait idiot et elle trouvait ça complètement sans intérêt.

     

    - Nous voulions te voir émue … expliqua Yûna, toujours l'air aussi diabolique. Tu ne nous a jamais montré tes émotions …

    - C'est plutôt original, admit Chao, la même expression sur le visage. Mais il en faut plus pour me voir pleurer … j'ai vendu mon âme à la science !

     

    Là, la fête prenait une tournure plutôt déroutante … en même temps, avec cette classe, il ne fallait pas s'attendre à autre chose.

     

    - Dis, Setsuna, au risque de me répéter, tu n'as pas l'impression que ça part en live ? demanda Lya alors que Chao et Yûna continuaient leur dialogue absurde.

    - Bah, on finit par s'y habituer.

     

    Ah, ce n'était pas franchement la réponse que la magicienne attendait. En plus, Lya avait un peu de mal à y croire. Quoique, elle avait déjà réussi à s'accoutumer aux cris de joie de ses camarades …

    Soudain, quelques élèves sortirent de drôles de machines. C'étaient des espèces de boitiers, d'où sortaient des bras mécaniques surmontés de mains, un bras par engin. Les filles furent impitoyables. Les mains agrippèrent Chao et, implacablement, la … chatouillèrent.

     

    - Elles sont folles, murmura Yoru.

    - Comme tu dis, approuva Lya.

     

    De son côté, la chinoise riait aux éclats, bien malgré elle. La pauvre, elle avait inventé ces mains mécaniques, mais celles-ci se retournaient contre elle. Et les filles avaient atteint leur but, d'une façon, puisque Chao en pleurait de rire. D'ailleurs, Setsuna fit une remarque à Kaede et à ceux qui avaient combattu le centre de cette attention, comme quoi leurs camarades tenaient Chao à leur merci alors qu'eux n'avaient rien réussi.

    Ayaka mit fin à tout ce bazar, mais il semblait à Lya que tout ceci n'était finalement qu'une diversion. Kû, qui avant n'avait rien dans les mains, était partie pendant que Haruna et les autres taquinaient Chao, et revenait avec un long objet enroulé dans du tissu. C'était la seule à avoir préparé cette fête et à n'avoir encore rien offert à sa meilleure amie.

     

    - Chao … l'appela Kû. Moi aussi, j'ai quelque chose pour toi … Une épée que mon maître m'avait offerte … mais je te la donne.

    - Mais … c'est trop précieux ! Kû, je ne peux pas !

    - Si … Tu seras si loin, nous ne nous reverrons peut-être pas … alors tu emporteras un peu de nous avec toi …

     

    Lya en était émue. Ses deux amies devaient se séparer, et elle-même devait avouer que malgré le fait que celle-ci soit une ennemie potentielle, la magicienne s'était attachée à Chao. Son départ, elle le savait pour avoir vécu quelques séparations, lui causerait un certain vide. Et puis Chao était l'une des seules à connaître son passé et surtout l'une des premières, dans le train pour Kyoto. En l'ayant acceptée, Chao avait gagné la confiance et l'amitié de Lya. Mais malheureusement, à cause des agissements de la scientifique, les deux devaient se combattre …

     

    - Tu sais quoi, Yoru ? fit Lya en posant sa tête contre lui. Je crois que malgré ce qu'il s'est passé, elle va me manquer …

    - C'est vrai que ce ne sera plus pareil après, mais de toute façon on n'y peut rien …

     

    Il l'entoura de ses bras, un peu comme au tournoi. Sauf que ça ne dura pas longtemps. Camo, disparu on ne sait où, était revenu en un temps record, moqueur.

     

    - Ben tiens … lâcha-t-il. Et après, qu'est-ce que tu veux me faire croire, Lya ?

     

    Les deux s'écartèrent brusquement, embarrassés d'avoir été surpris comme ça par l'hermine. Du coup, Camo ne les laisserait plus tranquilles … Lya croyait bien savoir quelle serait la prochaine phrase de l'obsédé.

     

    - Dites, vous feriez pas un pactio, tous les deux ?

     

    Dans le mile ! En même temps c'était pas très étonnant de la part de Camo. Elle l'attrapa une fois de plus.

     

    - Dis donc, t'as pas fini de nous embêter avec ça ? s'exclama-t-elle.

     

    Ils se turent quand les élèves demandèrent à Chao un petit discours. Elle monta sur la scène, et l'Arbre-Monde s'illumina. Heureusement que les habitants de Mahora croyaient à de la mousse phosphorescente, sinon ça ferait longtemps que les magiciens seraient sous la forme de petits animaux à poil blanc …

     

    - Pour tout vous dire, commença Chao, quand j'ai intégré la classe, j'ai cru qu'il n'y avait que des imbéciles.

     

    Ah, tiens ? Lya aurait plutôt dit « des folles », mais dans certains cas, avouons-le, l'adjectif « imbécile » allait très bien aussi. Quoique, la magicienne ne croyait pas que c'était une classe de folles, elle savait que c'en était une.

     

    - Mais j'ai passé deux belles années, et je suis touchée que vous ayez organisé une telle soirée pour moi… merci à vous toutes. Je m'en vais, mais j'aimerais que vous terminiez avec succès votre année scolaire ici.

     

    Puis les filles demandèrent à Chao où était son pays d'origine, si loin qu'elles ne pourraient pas se revoir. Selon Chao, c'était son grand secret, et elle n'habitait pas en Chine …

     

    - D'accord, je vais vous le dire, fit l'intéressée. À vrai dire … je suis Martienne ! Je viens de Mars !

     

    Les élèves réagirent en s'exclamant qu'elle était une menteuse et qu'elle n'était pas crédible. Lya secoua la tête en soupirant. Elle était désolée de voir que chacune de ses camarades ou presque était folle jusqu'à la moelle.

     

    - Je suis une descendante du p'tit Negi et je viens du futur !

     

    Allons bon … c'était du gros n'importe quoi … Chao avait le don d'inventer des trucs absolument idiot, apparemment.

    Les 3-A firent la fête encore un moment, puis des futons furent apportés d'on ne sait où et les élèves s'endormirent. Ne restèrent éveillés que le petit groupe qui avait combattu Chao, et la prétendue Martienne.

     

    - Ce que tu as dit tout à l'heure, demanda Negi, c'est vrai ?

    - Personne ne peut y croire, répondit-elle en riant. Et pourtant … pour vous, je viens du futur, et pour moi, vous appartenez au passé … Mon véritable objectif, c'est de changer l'Histoire …

     

    Ah … et qu'est-ce qu'elle voulait modifier, exactement ?

     

    - Changer l'histoire ?! s'exclama Negi.

    - Si tu avais accès à ce pouvoir, que ferais-tu ? Reviendrais-tu il y a dix ans, quand ton père a été déclaré mort ? Ou il y a six ans, quand des démons ont détruit ton village ? Ne voudrais-tu pas éviter ces évènements ?

     

    Puis Chao se retourna, annonçant qu'elle serait encore là au matin et qu'ils se reverraient. Elle s'apprêtait à partir.

     

    - Chao ! s'écria Lya. Attends !

     

    L'intéressée s'arrêta, et se retourna vers celle qui l'appelait. Elle était à peu près sûre de ce que la jeune magicienne lui demanderait.

     

    - Que peux-tu me dire sur mon passé ? Tu m'as appelée par mon vrai nom, « Aemilia » … alors, ça veut dire que tu sais certaines choses, non ?

    - Je ne peux rien te dire …

     

    Ils s'étaient tous donnés le mot, où quoi ? Après Kuneru, qui lui avait donné son nom et qui avait disparu sans lui donner de précisions, Evangeline qui ne voulait rien lui dire, et Arianna qui faisait l'ignorante, c'était maintenant Chao qui jouait les mystérieuses. Découvrir des indices sur son passé lui sembla tout d'un coup assez difficile, puisque tout le monde refusait de lui dire quoi que ce soit.

     

    - Tout ce que je peux te dire, c'est que tu ne viens pas vraiment d'où tu crois … et que tu auras les réponses à tes questions en temps voulu.

     

    Bah, c'était mieux que rien. Au moins, si c'était vrai, elle ne resterait pas sans réponses. Chao disparut, comme lors du combat.

    Le petit groupe réveilla ceux qui connaissaient l'existence de la magie, à savoir le trio de la bibliothèque – Haruna avait démasqué Negi – Kû et Chisame. Lya, de son côté, appela Illonya avec son téléphone. C'était bien, la télépathie, mais la collégienne ne savait pas contacter … seulement répondre. Elle envoya aussi un message à Arianna, qui le lui avait demandé. Il était prévu qu'ils se retrouvent chez Evangeline dans la nuit. La vampire avait une sorte de bouteille qui contenait tout un espace magique où le temps s'écoulait différemment : vingt-quatre heures à l'intérieur équivalaient à une heure à Mahora. Tout le groupe avait convenu de rejoindre Asuna et Konoka là-bas et d'échafauder un plan pour empêcher Chao de réussir le sien et de montrer la magie au monde entier. Arianna voulait également profiter de l'espace d'Evangeline, l'Evangeline's Resort, pour entraîner Lya en disposant de plus de temps. Seule Chisame ne connaissait pas tous les détails, car elle ne souhaitait pas être mêlée à la magie mais Camo voulait absolument qu'elle vienne. Et comme Negi avait décidé de suivre l'hermine sur ce coup-là …

    Le petit groupe quitta les élèves endormies après les avoir emmenées à l'intérieur. Negi leur avait dit que lui et ceux qui partaient chez Evangeline rentreraient dans leurs chambres dans la nuit, alors elles ne s'étonneraient pas de ne pas les voir au matin. Et pour le lendemain, elles croyaient qu'ils visiteraient le festival.

    Ils empruntèrent le début de la route qu'utilisait Lya pour aller chez Arianna. Celle-ci habitait assez près de chez la vampire, sauf que la maison de la jeune femme était à l'extérieur de Mahora. Malgré l'absence de navettes à cette heure-là, ils arrivèrent vite devant le domicile de la magicienne immortelle. La maison était en bois, et paraissait plutôt normale. Devant attendaient Arianna, Illonya et Shelly, sa chatte-fée.

    Le groupe entra dans le logis, assez banal si ce n'est le nombre impressionnant de poupées aux expressions sadiques ou diaboliques, et suivit Negi jusqu'à une petite salle au sous-sol, où ils avaient du mal à tous tenir. Au centre de cette salle se trouvait un gros bocal en verre, avec deux hautes tours à l'intérieur, une large et une étroite. Elles sortaient de la mer, reliées ensembles par un pont à leur sommet, et on pouvait accéder à une petite île tropicale en passant par la base de la tour la plus large.

    Negi activa l'Evangeline's Resort, et tous apparurent au centre de la tour la plus mince. Ils traversèrent le pont pour se rendre à l'autre édifice, où les attendaient la maîtresse des lieux, Chachamaru, Asuna et Konoka, sous un kiosque et à côté d'une piscine.

    Tout le monde s'extasiait sur la beauté de l'endroit. Après tout, Evangeline avait créé un espace magique aux allures d'île paradisiaque, et le résultat était superbe à voir. Chisame, elle, faisait une tête assez bizarre.

     

    - Qu'est-ce-qu'il y a ? demanda Negi.

    - Je crois que je vais rentrer … la magie, c'est pas pour moi … je veux que ma vie soit ordinaire.

    - Ah, fit Lya, c'est dommage, parce que …

    - On ne peut pas sortir d'ici avant vingt-quatre heures, compléta Negi.

    - Et la fête ?!

     

    Le petit magicien lui expliqua le fonctionnement de la « bouteille » d'Evangeline, comme quoi la journée ne ferait qu'une heure à l'extérieur.

    Et, comme c'était très tentant, tout le monde se mit en maillot de bain et sauta dans la piscine pour quelques minutes. Mais Negi les rappela assez vite pour monter un plan. Ils commencèrent à récapituler tout ce qu'ils avaient appris.

     

    - Hein ?! s'écria Asuna. Ta descendante ?! Une Martienne ?! Tu as décidé de te moquer de moi, c'est ça ?

    - Ais' pas 'u tout ! répliqua Negi.

     

    Le pauvre, la collégienne lui tirait les joues … en même temps, elle avait de quoi croire à une blague. Il faut dire que toutes les infos de Chao donnaient un ensemble très absurde. Du coup, comme ils n'avaient peut-être pas tout compris, ils reprirent depuis le début.

     

    - Donc, commença Setsuna, Chao est une Martienne qui vient de cent ans dans le futur

    - En plus, c'est une descendante de Negi, ajouta Konoka.

    - Elle désire changer le cours de l'Histoire, expliqua Negi. Et pour ça, elle a une machine à remonter le temps et veut dévoiler la magie au monde entier.

    - Et elle va agir le troisième jour, précisa Kaede.

    - Ça va, vous vous amusez bien ? persista Asuna, qui n'en croyait pas un mot, en tirant à nouveau sur les joues du petit magicien.

     

    Yoru jeta un coup d’œil entendu à Lya, laquelle hocha doucement de la tête pour approuver.

     

    - Attendez, c'est pas tout, intervint Yoru.

    - C'est vrai, elle connait mon passé mieux que moi, expliqua la magicienne. En même temps, mes souvenirs sont effacés magiquement, mais bon … ça n'explique pas ce qu'elle sait sur moi.

    - Dis donc, s'exclama Asuna en s'en prenant à sa camarade, toi aussi tu as décidé de te payer ma tête, Lya ? Depuis quand ta mémoire t'a été enlevée par un sort ? Il y a quelques mois tu me disais que c'était un accident de voiture, ne me dis pas tout et son contraire !

     

    C'est vrai, personne à part Yoru et la magicienne ne savait ce que Kuneru lui avait dit … enfin, Lya soupçonnait Kaede de savoir deux trois trucs, parce qu'elle n'avait pas l'air surprise comme les autres. Alors, elle leur raconta tout ce qu'elle savait. Heureusement pour les joues de Lya, la première partenaire de Negi semblait la croire.

    Puis Haruna entra dans la partie, ajoutant encore plus de désordre à cette réunion d'informations absurdes.

     

    - Ça va m'inspirer pour mes créations ! L'esprit le plus brillant de Mahora serait en réalité … un mystérieux personnage du futur prêt à tout pour changer notre Histoire … quelle tragédie de découvrir que notre camarade est si malveillante !

    - On vient de perdre Paru, fit Yoru.

    - Oh non, ça fait longtemps qu'on l'a perdue … répliqua Lya. Elle est trop loin pour qu'on espère la récupérer un jour.

    - C'est une criminelle temporelle ! continua Haruna. On n'a pas le choix, on doit la vaincre !

    - Mais c'est notre camarade ! s'exclama Konoka.

    - Justement, c'est ça qui est excitant !

    - Ok, merci, l'arrêta Asuna, mais tu compliques les choses …

     

    Après avoir stoppé l'inspiration de la dessinatrice, le groupe se remit à penser plus sérieusement à Chao. Une conclusion en ressortait : même si cette dernière pouvait mentir, la Cassiopée, machine à remonter dans le temps, était réelle … alors l'hypothèse d'un retour dans le passé était assez plausible et rendait le reste moins absurde.

    Puis ils réfléchirent à un plan d'action, et commencèrent à voir les artefacts.

     

    - Adeat ! crièrent Yue et Paru.

    - Depuis quand vous avez un pactio, vous ? s'exclama Asuna.

    - On a eut une occasion, il n'y a pas longtemps !

     

    Yue avait maintenant un manteau noir de magicien par dessus son maillot, ainsi qu'un chapeau de sorcière. Un livre, son artefact, lévitait à côté de sa main gauche et un balais flottait sous sa main droite. Haruna, elle, avait à présent un tablier et un béret, et elle tenait son objet magique, un cahier, ainsi qu'une plume.

    Puis Yue mit le doigt sur deux points qui n'étaient pas clairs.

     

    - Premièrement, pourquoi le fait révéler la magie au monde entier changerait le passé ? Et puis, Pourquoi Chao doit-elle agir précisément pendant le festival ?

    - Et on ne sait pas ce qu'elle veut modifier … ajouta Lya.

    - Quelque soit son objectif, s'exclama Asuna, si elle s'en prend à Negi, elle aura à faire à mon épée !

     

    Elle venait d'invoquer son artefact, sous sa forme d'éventail … même si maintenant elle savait appeler son énorme épée annulant la magie.

    Ils passèrent aussi en revue les artefacts de Konoka et Setsuna, les deux éventails guérisseurs et les seize dagues. Et quand Camo parla du problème que posaient Chachamaru et Mana, Kaede et Kû annoncèrent qu'elles s'en chargeraient.

     

    - Et du côté offensif, dit Camo, il nous reste Yue, Paru et Nodoka. C'est pas énorme … et Chao va peut-être agir sur internet … dit, Chu, tu voudrais pas faire un pactio ?

    - Rêve toujours ! répliqua l'informaticienne.

     

    Tiens, pour une fois qu'il s'en prenait à Chisame et pas à Lya …

     

    - Ah … et toi, Lya ?

     

    Ça, c'est ce qui s'appelle penser trop vite … Lya râla, comme d'habitude, puis prit le temps de réfléchir à autre chose. Malgré le fait qu'elle ait commencé la magie depuis à peine deux mois, elle avait peut-être de quoi aider ses amis … surtout qu'Arianna lui avait dit qu'elle progressait plutôt vite.

     

    - Dites, on reste combien de temps ici ? demanda la jeune magicienne.

    - À la base, on était sensés rester une journée de cet espace, mais on pense rester cinq jours.

     

    Lya jeta un coup d’œil à son entraîneuse, qui jusque là n'avait rien dit. Cette dernière approuva d'un signe.

     

    - Juste après, je compte l'entraîner, annonça Arianna. Si tout se passe bien, pendant ces cinq jours, elle pourrait bien avancer en magie. D'ailleurs, si vous n'avez plus besoin de nous, nous pourrions y aller dès maintenant.

     

    La jeune femme et son élève s'éloignaient quand un « oooooh ! » de stupéfaction les arrêta. Les créatures dessinées par Paru sur son artefact prenaient vie et sortaient du cahier ! C'était donc ça, son pouvoir …

    Les deux magiciennes se trouvèrent un endroit tranquille sur autre île que personne n'avait vue tout de suite, puis commencèrent à réviser les sorts que Lya avait appris. Il lui restait à améliorer ses sorts moyens comme le cristallysatio tellustris, qui gelait le sol et en faisait sortir des pics de glace, le nivis casus, qui créait une explosion de neige et de glace ou le malleus aquilonis, énorme boule du même élément que l'on lançait sur l'adversaire. Elle devait aussi revoir les mouvements de ninjutsu et son lancer de kunaïs, pour lequel elle était de plus en plus précise. Et tout ça dans un petit combat contre son entraîneuse, qui en même temps lui donnait des conseils.

     

    De leur côté, les autres s'amusaient où étudiaient leurs artefacts, Illonya était partie s'exercer seule, et Yoru et Kû s'entraînaient au kenpô ensembles. Le premier groupe s'arrêta un moment quand les filles et Negi entendirent de petites détonations. Ils s'approchèrent du bord de la tour et virent quelques explosions de glace et de foudre, et deux silhouettes bouger à une certaine vitesse.

     

    - Ah, commenta Camo, elles ont commencé à s'entraîner …

     

     

     

    * Comment on peut décrypter l'expression d'une hermine ? La réponse est : j'en sais rien !


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  •  Le dernier match commençait, dans l'excitation générale. Depuis le banc des participants, puisque Kuneru l'avait voulu, Lya observait Kazumi, présentant les deux finalistes qui allaient bientôt arriver sur le ring. Pour faire dans le conventionnel, comme à son habitude, Kuneru se matérialisa derrière la présentatrice, la surprenant au passage. Quand à Negi, il se montra plus normal, empruntant le petit pont comme tout le monde.

    Dès le « Fight ! » marquant le début du combat, le grand magicien sortit sa carte de pactio. Les livres l'entourèrent, comme dans le match contre Kaede. Puis il s'adressa à Negi, jetant au passage un petit coup d’œil à Lya. Celle-ci parvint à entendre des bribes de la conversation. Elle n'en croyait pas ses oreilles. Kuneru était l'un des amis de Nagi Springfield ! Il se nommait en vérité Albireo Imma … Elle avait déjà entendu ce nom … Mais où ?

    Il saisit un des livres, y mit un marque-page puis l'en retira. Une lumière l'entoura le magicien, puis disparut. Il ne reprit pas son aura bouillante comme la dernière fois. Au contraire, il respirait le calme et la maîtrise de soi. Un homme ressemblant vaguement à M. Takahata apparut en lieu et place de Kuneru. Lui aussi rappelait quelque chose à Lya … Mais elle ne savait pas quoi.

    L'homme rassembla son énergie, sauta, et frappa. C'était la même technique que celle de Takahata ! Mis à part qu'il utilisait plusieurs coups en même temps. Tout les tirs atterrirent dans l'eau. À croire que c'était juste pour impressionner Negi … et le public avec. C'était réussi.

    La poussière entoura la scène, mais Lya sentit la magie de l'artefact de Kuneru opérer. Le magicien changea plusieurs fois d'aura. Une phrase lui revint en tête, et elle sursauta. « Gatô est mort » … Elle venait d'entendre ce nom de la bouche de Kuneru ! Gatô … était-ce l'homme qui était apparu ? Mais s'il était mort, pouvait-il vraiment apparaître comme ça ?

    La poussière se dissipa, et Kuneru réapparut dans la forme qu'il adoptait de puis le début du tournoi. Si Lya avait bien compris, cet artefact permettait de prendre l'apparence et les capacités d'autres personnes … D'après ce qu'elle avait vu, le magicien n'en avait pas tellement besoin, alors que comptait-il faire avec cette carte ? Si la personne copiée était plus forte, il ne disposait alors que de dix minutes, mais il déjà très fort …

    Lya ne comprenait pas bien … jusqu'à ce qu'il parle d'une demande. De la part d'un de ses amis.

     

    - Si l'occasion m'était offerte, je devais transmettre de sa part quelques mots au fils qu'il avait perdu de vue.

     

    Il se retourna vers la tribune des candidats, son regard croisant celui de Lya.

     

    - Et à la fille de deux de ses amis, ajouta-t-il.

     

    Elle tressaillit. Comment ça ?! Lya jeta un coup d’œil derrière elle. Il n'y avait personne.

     

    - Kaede, c'est pas à moi qu'il parle, quand même !

    - Je dirais que si.

     

    Lya ne dit pas un mot de plus. D'accord. Tout allait bien. Alors comme ça, ses parents connaissaient le père de Negi. Un grand magicien. La normalité absolue ! Parfois, elle se disait qu'avec la vie qu'elle menait, elle ne pourrait plus s'étonner. En fait, si, elle arrivait encore à être surprise dans ce monde de fous.

    Kuneru tenait dans sa main un livre dont le titre était Nagi Springfield.

     

    - Tu es prêt, Negi ? Tu n'auras que dix minutes … Et je ne pourrais pas le refaire.

     

    Une intense lumière commençait à apparaître. Negi demanda si c'était Kuneru qui l'avait sauvé six ans auparavant, lorsque son village avait été envahi par des démons. Mais ce n'était pas lui. Nagi était donc en vie … l'éclat s'intensifia, aveuglant tout le monde.

    Il disparut enfin. Laissant place à un homme à la cape déchirée. La capuche retomba en arrière, découvrant des cheveux roux parsemés de mèches noires. Cet homme ressemblait tellement à Negi … « Nagi n'est plus là » … les larmes coulèrent sur le visage de Lya sans qu'elle s'en aperçoive. Elle connaissait cet homme … et lorsqu'elle le regardait, un sentiment de tristesse l'envahissait. Elle avait la sensation d'avoir perdu quelque chose d'essentiel, de capital. Qu'elle ne pourrait remplacer. Des mots franchirent ses lèvres sans qu'elle le veuille. Elle avait le sentiment de ne plus être elle-même.

     

    - Nagi … tu es là … murmura-t-elle en reniflant.

    - Tu as dit quelque chose ? demanda Ku.

     

    Lya sembla enfin prendre conscience de ses pleurs et de ses mots. Elle nia, séchant ses larmes qui ne voulaient pourtant pas s'arrêter. Heureusement, la chinoise ne fit aucun commentaire là-dessus.

    Sur le ring, Negi pleurait, lui aussi, de joie certainement. Même si ce n'était que pour quelques minutes, il avait enfin retrouvé son père … Il se jeta dans les bras de Nagi … enfin tenta. Parce que son paternel le repoussa d'une pichenette, cassant tout le côté émouvant. Sous prétexte que son fils ne devait pas pleurer. Non, en fait il arrivait à s'étonner que son garçon pleure pour si peu. Oui, vous avez bien lu. Pour si peu.

    Puis il se tourna vers les tribunes des participants, exactement comme Kuneru un peu plus tôt.

     

    - Toi aussi, Lya ? Ça m'étonne de toi, fit-il en riant.

    - Raaah !!! s'exclama-t-elle, en larmes, offrant un demi-mensonge. Te moques pas de moi ! Je ne sais même pas pourquoi je pleure, je ne sais même pas pourquoi je te tutoie, je ne sais pas ce qu'il m'arrive …

     

    La vue de cet homme éveillait en elle des scènes brumeuses, des phrases retentissaient dans son esprit. Elle voyait des explosions, au loin, en transparence avec ce qui se déroulait vraiment dans le tournoi. Puis des gens revenaient vers elle. Elle ne pouvait voir leurs visages. « S'il y avait un autre moyen, nous l'utiliserions … Mais tu sais bien que c'est impossible » … « Pour nous, c'est trop tard … Nous devons continuer. Mais pas pour toi. Tu as encore de nombreuses choses à voir, à apprendre ».

    Devant elle, Nagi invitait son fils à se battre. C'est vrai … c'était une finale de tournoi, après tout.

     

    - C'est tout ce que je peux t'offrir, dit-il.

     

    Le cœur de Lya rata un battement. « C'est tout ce que nous pouvons t'offrir » … Si Nagi continuait à lui rappeler son rêve, ça promettait vraiment d'être lacrymal … quoique ça l'était déjà. Elle sécha à nouveau ses larmes, observant la rencontre en silence.

    Negi s'élança, tenta quelques coups mais fut facilement paré. Son opposant le rejeta, et il essaya d'esquiver les frappes suivantes, tentative plus ou moins réussie.

    Les deux combattants utilisaient des sagitta magica. Mais comme on pouvait s'y attendre, Thousand Master prenait clairement l'avantage, ses coups magiques étaient bien plus forts. Il frappa plusieurs fois, les deux opposants s'envolant dans le ciel.

    Puis Nagi lança une puissante sagitta magica, ne se contentant plus d'en entourer son poing. Le tir partit dans l'eau, pas celle autour du ring mais celle de la rivière à côté, y explosant. Negi réussi tout de même à l'esquiver, projetant son propre sort contre celui de son père pour se repousser. Les gens sur le ferry d'à côté devaient être surpris. Très surpris, même. Et au passage, ils venaient de prendre une bonne douche, éclaboussés comme ils étaient. Ah, les gens sur le pont aussi. Et tant qu'on y était, les spectateurs du tournoi, dont accessoirement Lya. Ben tiens, avant, elle ne savait pas ce qu'elle ferait après les matchs … là, elle avait bien une petite idée. Elle irait se changer.

    Les deux adversaires échangèrent de nombreux coups dans le ciel, où la majorité des spectateurs ne pouvaient rien voir. Bon, là c'était raté pour le net, mais ce n'était pas le moment d'y penser.

    Negi tombait en chute libre. Il eut la bonne idée d'appeler son bâton. Puis il s'élança avec, mais fut repoussé. Malgré toute la bonne volonté du monde, il ne pouvait tout simplement pas rivaliser avec son père. Les deux finalistes redescendaient progressivement vers le ring, tout en poursuivant les attaques.

    Le coup final arriva. Une sagitta magica jeta Negi au sol. Épuisé, il n'essaya pas de se relever. De toute façon, il ne restait que quelques secondes, une minute tout au plus avant que l'artefact ne se désactive. Le décompte terminé, Nagi aida son fils à se relever, tout en discutant avec lui. Nagi supposait qu'il était mort … mais que c'est joyeux comme pensée !

     

    - Attends ! Tu n'es pas mort ! s'exclama Negi. Il y a six ans, un jour où il neigeait, tu m'as sauvé !

     

    Soudain, Evangeline fit irruption sur le ring. Elle fit remarquer au magicien qu'il n'était pas venu lever sa malédiction … en fait il avait complètement oublié ce sort qu'il avait jeté.

    Il ne restait qu'à peine quelques secondes …

     

    - Nagi, serre-moi dans tes bras … demanda la magicienne immortelle.

    - Non, répondit-il instantanément.

     

    Faute de mieux, il posa affectueusement – enfin à peu près – sa main sur la tête de la vampire. Une colonne de lumière commençait à l'envelopper. Bientôt, Kuneru réapparaîtrait … Nagi s'adressa à son fils, profitant de ces précieuses secondes. Accrochez-vous … il dit qu'il comprenait cette admiration envers le jeune homme brillant et invicible, le héros sublime, etc la liste est longue … mais qu'il était mieux d'arrêter de le chercher comme ça.

     

    - L'important, c'est d'être toi-même, conclut Nagi.

     

    La colonne de lumière s'intensifia. Le magicien se tourna vers Lya.

     

    - Tu as bien grandis, Lya. Tu sais, je suis sûr que tes parents sont encore en vie. Ces deux têtes de mules sont tenaces, s'exclama-t-il en riant, tandis que l'éclat s'amplifiait jusqu'à le cacher.

    - Nagi !!! cria la jeune magicienne, des larmes coulant à nouveau sur ses joues.

     

    Il avait disparu … Il était parti … Mais pourquoi Lya pleurait-elle ? Pour Negi ? Par compassion ? Non. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle tenait à Nagi. Elle le connaissait à peine. Pourtant, son départ laissait un grand vide en elle. Les larmes coulaient d'elle-même, comme pour Negi, et la jeune fille éprouvait la même chose que dans son rêve. Et elle se sentait seule.

    Une main se posa sur son épaule. C'est vrai … même si Yoru n'était pas avec elle comme lors du combat de Negi et M. Takahata, Kaede était encore là … et les autres aussi. Elle n'avait pas à se sentir seule, malgré la disparition de Nagi. De plus, elle ne pouvait rien faire pour le revoir, et celui qu'elle avait vu n'était qu'une copie …

    Chao, l'organisatrice du tournoi, apparut derrière Kazumi pour la remise des prix. Ce tournoi était sur le point de se terminer. Ne restait qu'un discours de la chinoise et la remise en elle-même. Elle commença par rappeler la haute tenue des matchs précédents, et vanta le vainqueur. Puis elle aborda le sujet sensible : Combats réels ou effets spéciaux ? Lya crut un moment que son amie en raconterait trop, mais Chao laissa le public seul juge.

    Un petit podium fut installé. Kaede et Setsuna montèrent sur la troisième marche, en tant que demi-finalistes. Negi, prit la deuxième position, ayant été en finale. Puis vint Kuneru, le vainqueur, qui se posta sur la marche la plus haute.

    Comme on pouvait s'y attendre, la moitié des journalistes de Mahora se rua vers Kuneru, les explosions magiques les ayant attirés au tournoi. L'ami de Nagi se dématérialisa pour éviter les interviews. À défaut de pouvoir l'interroger, ils prirent Negi, finaliste, pour cible. Lequel s'échappa en un quick move grâce à Kazumi. Les reporters devaient être déçus ! Kaede et Setsuna s'éclipsèrent aussi, risquant fortement de se voir répondre à des questions pendant une demie-heure. Pas toujours très réjouissant, comme programme. Dommage pour les journalistes, ils n'allaient pas pouvoir interviewer beaucoup de monde : Chao et Kazumi n'étaient pas restées non plus. D'ailleurs, la plupart des combattants étaient déjà partis.

    Lya, elle aussi, avait peut-être intérêt à partir. Sa réaction envers Nagi n'était pas passée inaperçue pour tout le monde … Elle prévint Yoru et s'esquiva vers le dortoir pour se changer, après la douche involontaire qu'elle venait de prendre à cause de Nagi.

    Elle fouilla dans son armoire. Elle opta pour une robe bleu clair à bretelles, toute simple, qui descendait jusqu'à ses genoux. Sa taille était entourée par une ceinture blanche qui se terminait par un petit nœud.

    Puis Lya jeta un coup d’œil dans la chambre, vérifiant qu'elle n'oubliait rien. Et là, malédiction ! Au centre de la pièce, il y avait une table. Sur la table, bien en évidence, était posé un petit objet. Celui que lui avait fourni le directeur de Mahora. Le détecteur à révélations ! Elle avait encore une ronde à faire … maintenant, la magicienne savait ce qu'elle ferait dans l'après-midi, après manger …

    Il était pratiquement midi, alors elle se dirigea sans se presser jusqu'à un restaurant, en passant par quelques stands. La collégienne en trouva un pas trop cher, et réussit à trouver une des dernières tables qui restaient. Très consciencieusement, elle prit tout son temps pour manger, essayant de retarder l'inéluctable – marcher sur la même place pendant trois heures pour arrêter des confessions – même si ça ne servait à rien. Mais bon, cette tâche était d'un ennui …

    M'enfin, quand faut y aller, faut y aller … Lya paya l'addition, puis sortit de la brasserie et se rendit à la place de l'Arbre-Monde.

    Bien sûr, elle restait attentive aux sonneries du petit détecteur, mais elle profita de sa ronde pour observer le festival. Les gens se déguisaient, on retrouvait dans la foule, les stands et sur les bâtiments toutes les nuances de couleurs possibles. De nombreuses inventions des clubs de technologies sillonnaient les rues, guidées par leurs créateurs. Renfermée comme elle l'avait été dans ses premières années – du moins celles dont elle se souvenait – Lya n'avait jamais été à un festival de cette ampleur. Elle avait hâte de le visiter, une fois sa ronde terminée !

    Ses pensées furent interrompues par un bip sonore. Lya suivit rapidement le petit appareil qui l'emmenait vers le couple en question. Deux lycéens, en marge de la foule, discutaient, la fille se montrant légèrement tendue.

     

    - Franchement, marmonna la magicienne, ils n'auraient pas pu se mettre deux mètres à droite ?

     

    En effet, ils étaient juste à la limite de la place, ce qui rendait les choses tout de même plus faciles. Elle réfléchissait au moyen de les pousser en dehors de la zone quand un petit cri de protestation lui fit tourner la tête. Un petit garçon courait après un chien, dont il avait sûrement lâché la laisse, et essayait de le rattraper, en vain. L'animal courrait vers une toute petite rue qui sortait de la zone et où il n'y avait personne, non loin des deux lycéens. « Parfaitement ce dont j'ai besoin », pensa Lya, même si c'était une idée plutôt … enfin … très tordue. Grâce à une magie de lévitation discrète, elle poussa le chien pour qu'il dépasse le couple. Voyant que le garçon n'arrivait pas à rattraper son animal, le lycéen le poursuivit et rattrapa la laisse. L'étudiante le rejoignit avec l'enfant, en dehors du secteur sous l'influence de l'Abre-Monde. Une confession de moins sur les bras.

    Elle en était à une demie-heure de ronde sur les trois qu'elle était sensée faire quand quelqu'un l'interpella. Illonya la rejoignait en courant. Ah, elle aussi devait faire sa ronde. Et, accessoirement, devait s'ennuyer.

     

    - Tu trouves ça barbant, toi aussi ? demanda Illonya.

    - Non, alors tu vois je trouve ça super intéressant ! plaisanta Lya. Franchement, j'ai hâte de finir mes trois heures.

    - T'as tout ça à faire ? Je croyais qu'une petite heure suffisait !

    - Ha ha … Negi est trop occupé alors je fais des heures sup' pour le remplacer, soupira la collégienne.

     

    Les deux magiciennes continuèrent la ronde ensembles, et très vite celle-ci devint plus agréable. Ce temps passé ensembles permit à Lya de connaître la stagiaire plus en profondeur. Illonya Olsen était diplômée d'une école de magie réputée de Norvège, et effectuait son stage à Merdiana, où Negi avait tout appris. Elle avait rencontré son familier, la chatte-fée Shelly, lorsqu'elle était très jeune, et maîtrisait comme éléments l'eau et le feu. La norvégienne pouvait se montrer espiègle – comme lors du tournoi – ou respectueuse selon les situations, mais depuis son arrivée au Japon, elle était une colocataire sympathique.

     

    - Au fait, d'habitude, je te vois avec Shelly. Où est-elle ?

    - Bah, elle doit dormir dans la chambre. Un chat-fée reste un chat, répondit-elle avec un petit sourire.

     

    Elles empêchèrent encore deux, trois confessions puis visitèrent le festival ensembles. Lya se surprit à penser que les trois heures étaient passées bien plus vite que la veille. Il était dix-sept heures et elle disposait de deux heures avant la parade, qu'elle avait prévu de regarder avec Yoru.

    Les deux filles allèrent voir plusieurs élèves de la 3-A qui tenaient des stands ou faisaient des animations. Par exemple, Akira s'occupait d'un stand de Takoyaki, des boulettes de poulpe. Haruna faisait le portrait de ses clients et Ayaka faisait avec d'autres élèves des démonstrations d'équitation.

    Lya, pour finir, emmena son amie à la maison hantée de sa classe. La collégienne, même si elle connaissait les trois parcours, entra en tant que cliente. D'ailleurs, les 3-A qui tenaient l'attraction réussirent à lui faire quelques frayeurs. Illonya était aussi assez impressionnable et trouva la maison hantée très réussit. Évidemment, elle venait de se casser la figure sur une très bonne imitation du directeur étalée en plein milieu du chemin. En ayant au préalable rencontré des filles qui s'investissaient à fond dans leur rôle de morts vivants. Ah, et aussi Sayo, le fantôme de la classe, qui était apparue juste devant la stagiaire en traversant un mur. Alors, évidemment, elle avait de quoi être surprise.

     

    - Heureusement qu'elle est réussie, cette maison hantée, plaisanta Lya, parce qu'on y a sacrifié deux nuits !

     

    Les deux magiciennes se séparèrent devant la fontaine d'une place de Mahora, où Lya devait retrouver Yoru. Celui-ci ne tarda pas à arriver, à dix-neuf heures tapantes. Lorsqu'il vit la jeune fille, il ne put s'empêcher de s'arrêter pour la dévisager. L'adolescent la trouvait très jolie, avec sa robe bleue sur laquelle seule la ceinture blanche tranchait, ses cheveux blonds d'où sortaient deux mèches descendant jusqu'à ses genoux, et ses yeux si particuliers, l'un bleu et l'autre gris. Il aimait aussi son sourire, sourire qui avait malheureusement laissé la place à des pleurs lors du tournoi.

    Voyant que Yoru s'était arrêté, Ce fut Lya qui le rejoignit. Le collégien semblait être dans la lune, mais il se reprit vite. Il la guida jusqu'à une place légèrement surélevée, d'où la parade était plus visible. Celle-ci n'avait pas encore débuté, mais le défilé n'allait certainement pas tardé. En attendant, ils discutaient tranquillement de tout et de rien, de leurs impressions sur le festival, mais aussi de Chao. Le directeur était persuadé que quelque chose allait bouger cette année, et que Chao aurait un lien avec tout ça. Et pourtant, au soir du deuxième jour du festival, rien ne s'était passé.

     

    - Ça commence, annonça Yoru.

     

    La parade débuta, sous les acclamations des spectateurs. Tout était haut en couleurs. Un cortège de grands chars décorés avec une grande imagination avançait lentement, avec dessus des danseuses et des animateurs. On retrouvait toutes les formes, tous les robots qui parcourraient les rues depuis le matin.

    Encore une fois, Lya se mit à penser à l'impressionnant contraste entre son ancienne vie et celle à Mahora. À l'image de cette parade, sa vie au campus était dynamique et joyeuse. De plus, maintenant qu'elle maîtrisait sa magie, elle ne faisait plus peur aux gens. Ce qui lui faisait penser que finalement, tous les évènements magiques qui s'étaient produits autour d'elle ne venaient que d'elle, contrairement à ce qu'elle croyait avant.

    La parade défilait toujours sous leurs yeux, sur une musique et une ambiance de fête. Bientôt, elle disparaîtrait de leur champs de vision, en tournant dans une autre rue. Lya fut tentée de la suivre, mais Yoru semblait avoir autre chose en tête.

     

    - Viens, j'ai quelque chose à te montrer, déclara-t-il, les yeux étrangement baissés.

     

    Lya le suivit de bon cœur, impatiente de découvrir autre chose. Elle n'allait pas être déçue … L'adolescent la guida à travers la foule compacte. Très vite, les rues se trouvèrent moins bondées et rétrécirent.

    Yoru la conduisit en marge de la ville, loin du centre et de toute l'agitation. Ils arrivèrent devant une petite colline qu'ils gravirent rapidement.

     

    - C'est magnifique, s'extasia Lya dans un souffle.

     

    De leur perchoir, les deux adolescents pouvaient voir une grosse partie de Mahora, surmontée par l'Arbre-Monde. Toutes les lumières des réverbères et de la parade ressemblaient à des petites flammes vacillantes de bougie qui éclairaient les rues. L'île-bibliothèque était elle aussi illuminée, et sa silhouette se détachait dans la nuit. Ils étaient au calme, avec une superbe vue sur la ville.

    Lya observa un moment son ami, un peu en retrait. Il ne disait rien, regardant au sol et rougissant légèrement pour une raison tout à fait inexplicable. Ce comportement ne correspondait pas au Yoru qu'elle connaissait.

    Puis le collégien leva la tête, et hésita un moment.

     

    - Lya, commença-t-il enfin, je …

    - Oui ? fit-elle, ne se doutant de rien.

    - Euh … merci d'avoir accepté de voir la parade avec moi.

    - Eh bien de rien, répondit la jeune fille qui ne voyait pas où il voulait en venir.

     

    L'adolescent semblait vouloir lui dire quelque chose, mais elle ne savait pas quoi. Elle n'avait d'autre choix que d'attendre qu'il se lance, parce qu'elle n'en avait aucune idée.

     

    - Ça va peut-être te paraître bizarre, mais …

    - Mais ?

    - Tout à l'heure, au tournoi … tu semblais triste … je n'aime pas quand tu pleures. Je préfère une Lya souriante et heureuse …

    - Euh, ça tombe bien, moi aussi.

     

    Alors là, ça y était, Lya était perdue. Mais qu'est-ce qu'il voulait dire, enfin ?

     

    - J'aimerais d'aider, continua Yoru.

    - Ah oui ? Euh, merci.

    - Ce que j'essaie de te dire, c'est que …

    - Oui ?

    - En fait …

    - Oui ?

    - Je me suis aperçu que …

    - Oui ?

    - Je t'aime.

    - Oui ? … … quoi ?

     

    Alors là, elle n'en revenait pas. Pas du tout. Du tout du tout. Elle ne savait absolument pas quoi dire. Pourtant, elle aurait dû s'en douter, mais bon elle n'avait aucune connaissance en ce genre de choses. En fait, elle ne savait même pas ce qu'elle ressentait elle-même, ni pour qui. Elle était légèrement … comment dire … perdue.


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