• Chapitre 13 : Piégés

    - Ade …

    - Lya !!!

     

    Allons bon, qu'est-ce qui se passait encore ?

    M.Seruhiko, un des magiciens du campus, sur son bâton, volait vers la collégienne. Il atterrit juste à côté d'elle.

     

    - Où étiez-vous passés, toi et les autres ?! s'exclama-t-il.

    - Hein ? s'étonna Lya, les yeux écarquillés. Qu'est-ce que vous voulez dire ?

     

    Le professeur s'arrêta un instant, interdit, puis soupira longuement. Il semblait avoir une tonne d'ennuis sur le dos. Et la jeune fille avait l'impression qu'il s'apprêtait à lâcher une bombe. Une grosse bombe.

     

    - Tu n'es pas au courant, n'est-ce pas ? J'ignore où vous avez passé la semaine dernière, toi et les autres, mais …

    - La semaine dernière ? Vous divaguez ! Je vous ai vu hier ! Et au courant de quoi ? demanda Lya, qui commençait à craindre le pire.

    - Tu ne te doutes de rien ?

    - Allez-y, annoncez-moi la catastrophe …

    - La catastrophe ?! s'écria Seruhiko, visiblement peu tranquille. Tu peux le dire ! Le festival est terminé depuis une semaine !

     

    Là, Lya était perdue. Mais alors complètement. Quelqu'un serait-il capable de lui expliquer comment une semaine pouvait passer en quelques heures ? Il y avait bien la cassiopée … la montre de Negi, qui pouvait remonter le temps … mais pouvait-elle aussi aller dans le futur ? Le petit magicien s'en était souvent servi pour recommencer les deux premières journées du festival, mais personne n'avait parlé à la jeune fille d'un voyage dans l'autre sens. Et puis, Negi n'aurait pas manqué le combat contre Chao, donc il n'aurait pas utilisé sa montre comme ça …

     

    - Bon, à supposer que c'est vrai, et que je ne suis pas en train de faire un rêve particulièrement horrible et réaliste, qu'est-ce qu'on fait ? demanda-t-elle.

    - Rien ! On ne peut rien faire ! Chao a réussi son plan, et on ne peut pas changer le passé !

     

    Puis il reprit, avec de louables efforts pour se calmer.

     

    - Nous serons jugés par le conseil de magie pour avoir été incapables de cacher notre existence. Nous serons certainement …

    - Transformés en hermines … Merci, je suis au courant. Si ça ne vous dérange pas, fit-elle d'un ton pincé, je vous rappelle que je n'étais pas sensée être embarquée là-dedans ! Comment le directeur a-t-il su que j'étais magicienne ?

    - Il le savait depuis longtemps.

    - Pfff … pourquoi ça ne m'étonne pas ? Bref, moi j'ai une idée. Negi a une montre magique qui lui permet de voyager dans le temps. Nous pourrions …

    - Ça ne servirait à rien, la coupa le professeur. Même comme ça, nous ne pourrions pas vaincre Chao. Son plan était imparable. Tu dois venir avec moi, ce sont les ordres.

     

    Lya le fusilla du regard. Depuis qu'elle était à Mahora, autrement dit, depuis qu'elle s'était prise en main pour changer ses relations avec les autres – même si tout n'avait pas été volontaire – et que ça avait réussit, elle détestait ceux qui baissaient les bras sans essayer.

     

    - Désolée, s'écria-t-elle, furieuse, mais je ne compte pas abandonner si facilement, moi ! Vous refusez cette solution ? Très bien ! Mais alors ne venez pas vous plaindre de votre défaite contre Chao !

     

    Le magicien recula un moment, surpris pas le changement d'humeur et le ton employé par l'élève. Lya en profita et s'éloigna en vitesse pour tenter de s'enfuir pour rejoindre les autres. Tenter. Le magicien l'arrêta avec sa magie.

     

    - Ne m'oblige pas à utiliser la force, la prévient Seruhiko, menaçant. Tous les magiciens du campus, sans exception, devront être jugés.

     

    Il lui lança quelques flèches magiques qu'elle esquiva de justesse. Lya grinçait des dents. Elle n'avait pas envie de se battre contre lui. Même s'il avait apparemment tendance à baisser les bras, il avait été très amical avec elle, lors des réunions entre magiciens.

    Le professeur dut perdre patience car il créa onze valkyries. C'était un sort de vent qui prenait une forme plus ou moins humanoïde et qui attaquait l'ennemi, l'invocateur utilisant un nombre précis de valkyries comme pour les sagitta magica.

     

    - Evocatio spiritualis de undecim salamandris lanciferis ! s'exclama une voix derrière Lya.

     

    Le sort de feu prit la forme de sortes de salamandres. Chacune contra une valkyrie, et les invocations, équivalentes, s'annulèrent. Lya se retourna et, avec soulagement, découvrit Illonya, juchée sur son bâton, ayant déposé Shelly un peu à l'écart.

     

    - Toi aussi, tu te rebelles ? s'énerva Seruhiko, devant penser que tout le monde se retournait contre lui, en ce moment. Tu as oublié pourquoi Merdiana t'as envoyée ici ?

    - Non, répliqua la stagiaire. Je dois vous aider à garder secrète l'existence de la magie. Mais vous n'avez pas l'air d'adhérer à la solution de Lya, alors que c'est la seule qui nous reste. J'estime que si je vous suis, alors je n'aurai pas tout fait pour accomplir ma mission. J'ai décidé de croire en mon amie, moi.

     

    Lya utilisa le temps qu'Illonya venait de gagner pour matérialiser son bâton. Celui-ci apparut sous sa main, mais elle ne put l'attraper. Seruhiko lança un fulguratio albicans qu'elle esquiva, mais son bâton fut envoyé à une dizaine de mètres. Le professeur apparut devant sa cible par quick move et avança sa main. Ce dernier mouvement parut particulièrement lent à Lya. Elle avait de la chance, son adversaire avait l'air peu à l'aise au combat rapproché. La jeune fille écarta la main avec son bras.

     

    - Dommage, murmura pourtant le magicien. Emittam … Sagitta magica, aer capturae !

     

    Les flèches de vents sortirent de sa main, et un petit cercle magique apparut sous Lya. Le sort l'entoura, les flèches devenant des bandes qui l'immobilisèrent, les bras le long du corps. Quelle idiote ! À cause de la lenteur du mouvement, elle n'avait pas vu la menace !

    Seruhiko lui tourna le dos, décrétant que l'élève était inoffensive. Il se préparait maintenant à affronter Illonya, autrement plus coriace que sa précédente adversaire. Après tout, la stagiaire était magicienne depuis son plus jeune âge.

    Tandis que les deux se combattaient, le cerveau de Lya carburait à toute vitesse. Il fallait qu'elle se libère … mais que ferait-elle ensuite ? Seruhiko n'était pas son véritable ennemi, et elle n'avait aucune envie de le blesser …

    Soudain, les liens de vent qui l'emprisonnaient lui donnèrent une idée.

     

    - Lya ! s'exclama Illonya dans sa tête, la surprenant. Je vais te sortir de là, attends juste que …

    - Pas besoin, l'interrompit l'apprentie.

    - Pas besoin ?

    - J'ai un plan. Mais il faudrait que tu attires son attention tout en l'obligeant à rester au sol.

    - Ah ? Bon, je ne sais pas ce que tu as l'intention de faire, mais on peut toujours essayer …

     

    Lya sourit un instant. Son amie remplissait son rôle à merveille, enchaînant les attaques aériennes du haut de son bâton. La collégienne se concentra donc sur le sien.

    Les liens qui l'entouraient étaient très bien faits, de sorte qu'ils restaient en place plus longtemps que prévu. Mais ça ne l'empêchait pas d'incanter. La jeune magicienne rappela son bâton en murmurant un mea virga.

     

    - Practe bigi nar … Veniant spiritus glaciales … psalmodia-t-elle le plus doucement possible. Extendantur aeri tundram et glaciem loci noctis albae …

     

    Seruhiko, lors d'une esquive, se retourna, et vit qu'elle incantait. « Trop tôt … C'est trop tôt ! » pensa Lya.

     

    - Crystallisatio tellustris ! s'exclama-t-elle au plus vite, espérant que le professeur n'aurait pas le temps de réagir.

     

    Malheureusement, il réussit à s'éloigner. Mais c'était sans compter Illonya, qui l'arrêta d'un magna cataracta. La chute d'eau fit bien son œuvre. Le sort de Lya n'avait pas pu retenir Seruhiko, mais l'incantation aquatique, en même temps qu'elle toucha le magicien, se retrouva dans le champs d'action du Crystallisatio tellustris, et leur adversaire fut piégé par la glace.

    Comme elle l'espérait, les liens de vent disparurent et Lya fut de nouveau libre.

     

    - Allons-y ! s'exclama-t-elle en enfourchant son bâton.

     

    Shelly s'agrippa à sa maîtresse, et les deux magiciennes s'envolèrent, conscientes que le sort de glace ne tarderait pas à disparaître et qu'elles devraient être loin à ce moment.

     

    - Où va-t-on ? demanda Lya.

    - Chez Evangeline ? On ne sait pas où sont les autres mais … Arianna ?! s'exclama Illonya en se posant. Génial, on va peut-être pouvoir …

    - Non, l'arrêta son amie.

     

    La jeune fille connaissait bien son maître. Pour beaucoup de gens, Arianna se tenait passivement au milieu du chemin. Mais Lya savait qu'en réalité, tous ses muscles étaient tendus. Elle bondirait d'une seconde à l'autre, et il était évident que les deux jeunes magiciennes seraient ses cibles. Le problème … enfin, à part le risque de se faire attaquer … c'était que Arianna s'était toujours, et de loin, retenue lors des entraînements. Or, on voyait dans son regard qu'elle était déterminée.

    Quelque chose ne tournait pas rond … Pourquoi les attaquait-elle ? Est-ce que la jeune femme pensait elle aussi que tout était perdu, et s'était-elle vraiment rangée du côté des magiciens de Mahora ?

    Puis Lya perçut quelque chose. Un mouvement flou. Et son corps réagit instinctivement pour tenter une parade. Malheureusement, l'élève avait beaucoup de mal avec les attaques venant du bas. Et ça, Arianna le savait. Son quick move l'amena juste devant son apprentie, et au dernier moment, la jeune femme se baissa. Lya fit de même, espérant contrer l'attaque. Mais, sans véritable surprise, Arianna passa très facilement et lui attrapa l'épaule.

    Et zut. Enfin, c'est ce que Lya pensait, en version nettement plus polie. Avec cette prise, et la différence de niveau entre les deux combattantes, c'était fini. Arianna pouvait faire ce qu'elle voulait, elle gagnerait.

    Soudain, Lya écarquilla les yeux, retenant de justesse un glapissement de surprise. La main de la jeune femme sur son épaule ne faisait que la tenir, doucement, loin de la poigne attendue par la collégienne. Et un sourire discret se dessina sur les lèvres d'Arianna.

    Puis la jeune femme, tenant toujours l'épaule de son élève, s'enfonça rapidement dans la forêt. Illonya fut forcée de la suivre, cherchant à sauver la jeune magicienne.

     

    - Lya, murmura son maître, il y a des caméras magiques derrière ton amie. Utilise un nivis casus, ça les détruira. On sera tranquilles, le temps que de nouvelles arrivent.

    - Hein ?

    - Si ça vient de moi, il comprendront tout de suite. Si, en revanche, c'est toi, il croiront que ça vient d'un combat. Enfin, pendant un petit moment.

     

    La jeune magicienne lança son sort, surprenant Illonya qui ne comprenait pas pourquoi elle visait si loin de leur adversaire. Des bouts de ferraille gelés apparurent et tombèrent au sol. Lya comptait au total une dizaine de caméras.

    Arianna s'arrêta, lâcha son élève et commença à expliquer la situation aux deux magiciennes. Une semaine après la fête de Mahora, le Japon entier avait conscience de la magie, et en peu de temps, ce serait autour du monde. Negi et son groupe avaient certainement été projetés dans le futur par un objet lorsqu'ils étaient sortis de chez Evangeline, car Arianna, partie plus tôt, n'avait pas eu ce problème.

     

    - Pourquoi as-tu fait semblant de nous attaquer ?

    - Lorsque Chao a activé son plan, tout s'est passé à merveille pour elle. Nous n'avons pas pu les arrêter, mais vous, Negi et les autres, aurez peut-être une chance. Alors, pour vous aider, j'ai fait semblant de m'allier à eux, mais le directeur n'a pas tout à fait confiance en moi … alors il me fait espionner par des caméras magiques. Il pense que je ne suis pas au courant.

     

    Lya comprenait, maintenant. C'était pour ça qu'elle avait du détruire ces caméras. Et Arianna n'avait jamais eu l'intention de se battre contre son élève. Ce n'était qu'une simple diversion.

     

    - Vous pouvez réussir. Même si, à la base, la Cassiopée ne fonctionne que lors du festival …

    - Quoi ?! l'interrompit la stagiaire norvégienne, dépitée. Mais alors, on ne peut réellement rien faire !

    - Et moi qui avais proposé cette solution à Seruhiko … renchérit Lya.

    - Ne vous inquiétez pas, elle fonctionne grâce à la magie que dégage l'Arbre-Monde, cette même magie qui le fait s'illuminer tous les vingt-deux ans. Après le festival, il ne brille plus, mais il relâche quand même de l'énergie sur environ une semaine. Pour la capter, il faut aller dans les souterrains de Mahora.

    - Les souterrains ? s'étonna Shelly. Pourquoi ?

    - Parce qu'on y trouve les racines de l'Arbre-Monde. Negi est déjà au sous-sol. Il n'a pas eu la chance d'échapper aux magiciens de la ville et a été capturé. En même temps, j'ai entendu qu'il n'a pas vraiment résisté, il était trop surpris.

    - Je vois, dit Illonya. Alors, on va l'aider, on retrouve les autres et on retourne dans le passé ? Si tu es avec nous, c'est sûr nous n'échouerons pas !

    - Non, répliqua Arianna.

     

    Ah ? Comment ça ? Non, elles échoueraient, ou non, elles n'aideraient pas Negi ?

     

    - Ici, nous sommes proches d'une ancienne entrée des souterrains. L'endroit où est retenu Negi est trop lointain, et comme cela fait une semaine que le festival est terminé … on peut dire que l'activation de la cassiopée est une sorte de course contre la montre. L'émission de magie s'arrêtera bientôt, c'est une affaire de deux ou trois heures au mieux. Dans le pire des cas imaginables, elle a déjà cessé. Aller sauver Negi reviendrait à traverser Mahora en entier, ce serait bientôt long.

    - Alors qu'est-ce que nous devons faire ?

    - Vous irez directement sous les racines. J'ai entendu parmi les magiciens qu'Asuna et les autres ont réussi à échapper à leurs poursuivants. J'ai vérifié en les suivant quelques minutes, elles savent où est Negi. Elles le libéreront, et vous rejoindront.

    - Et Yoru ? s'inquiéta Lya. Où est-il ?

    - Je l'ai contacté, il n'était pas loin à ce moment. Il doit être à l'entrée, maintenant.

    - Tu ne viens pas ? s'étonna la chatte-fée.

    - Non, je vais faire diversion. La supercherie ne fera pas long feu, mais je les éloignerai de votre chemin. Et puis, si je venais … vous vous retrouveriez avec deux Arianna, vu que j'étais là il y a une semaine !

     

    La jeune femme les encouragea, puis les fit partir. Elle s'en alla à l'opposé, lançant des sorts pour simuler un combat, et réussit à attirer les nouvelles caméras. Le temps que celles-ci arrivent au niveau d'Arianna et que les magiciens s'aperçoivent du stratagème, les deux jeunes magiciennes étaient loin.

     

    - J'espère qu'on est proches de l'entrée, dit Illonya, après une quinzaine de minutes de vol à toute vitesse. Non pas parce que je fatigue, j'ai l'habitude de voler longtemps, mais …

    - Mais ?

    - Mais je sens que des magiciens approchent.

    - Comment tu fais ? demanda Lya, inquiète. Je ne les sens pas, moi.

    - Tu oublies, répliqua Shelly, qu'Illonya est capable de mieux ressentir les présences magiques, c'est son don.

    - Ah, c'est vrai … à ton avis, ils sont loin ?

    - Pas trop, on doit encore disposer de deux ou trois minutes.

     

    L'entrée qu'Arianna leur avait indiquée devait être quelque part par là … Mais où exactement ? Les deux amies manquaient de temps, et elle devait certainement être cachée.

    Soudain, un sifflement retentit, et Lya eut juste le temps de se décaler pour ne pas être touchée par le sort.

     

    - Illonya ! s'exclama l'apprentie. Tu m'avais dit deux ou trois minutes ! Pas trente secondes !

    - Lya ?

    - Oui ? fit-elle entre deux esquives.

    - Tu sais que tu perds vachement la notion du temps, quand tu réfléchis ?

    - Et zut … et l'entrée ?

    - Aucune trace.

     

    Ben tiens, ça aurait été trop simple ! En plus, la forêt s'épaississait, et le vol n'en devenait que plus difficile. Il leur fallait trouver ce passage au plus vite, elles ne tiendraient plus longtemps … Les magiciens n'étaient qu'à une trentaine de mètres.

     

    - Par ici ! s'exclama Illonya avec la télépathie pour éviter d'être entendue par leurs poursuivants qui se rapprochaient, tournant à droite.

    - Tu l'as trouvée ?

    - Non, mais il y a plus de relief, et j'espère les semer.

     

    Plus de relief ? Ah, oui, les deux jeunes filles passaient dans la partie montagneuse de la forêt la plus proche de Mahora, celle où devait se trouver l'entrée vers les souterrains … Puis quelque chose fit tilt dans l'esprit de la collégienne.

     

    - Plus de relief ? répéta-t-elle. Illonya, tu es un génie !

    - Ah bon ? Contente de l'apprendre, mais c'est quoi ton idée ?

    - Arianna nous a prévenues que l'entrée était en pierre. Et où cacher une porte en pierre ?

    - Euh … parmi des rochers ? Il n'y en a pas énormément, ici …

    - Pas que ! Nous volons au-dessus de chemins forestiers … je pense qu'il faut chercher un endroit non visible depuis ici.

     

    Soudain, Illonya s'arrêta net. Son amie recula pour se mettre à son niveau, tout en jetant de petits coups d'œil inquiets à l'arrière.

     

    - Je crois que j'ai mieux qu'un renfoncement invisible depuis un sentier …

    - Des ruines ? s'étonna Shelly.

    - Oui. Regarde cette pente.

     

    Lya observa le flanc de la montagne, bien plus escarpé à cet endroit, et auquel étaient collées les ruines.

     

    - Je suis prête à parier que notre passage se trouve là, continua la stagiaire. Et je crois qu'on a semé nos poursuivants, parce que je ne les sens plus.

     

    Les deux filles et le familier explorèrent les lieux, jusqu'à ce qu'Illonya découvre une étrange porte sur le flanc de la montagne. Elle ouvrait sur … de la pierre. Rien que de la pierre.

     

    - Tu crois qu'elle a été comblée ? demanda Lya.

    - Non, ce ne serait pas fait comme ça, répondit la chatte-fée.

    - Qu'est-ce qu'on fait ? s'inquiéta Illonya, qui voyait avec appréhension le temps défiler.

    - Je ne sais pas … hésita la collégienne en s'avançant vers la « porte ». Peut-être qu'il faut … AAAAAAHHHHHH !!!!

     

    Un vague « boum ! » se fit entendre. Illonya et Shelly découvrirent avec stupeur la trappe qui s'était ouverte juste devant, là où leur amie venait de poser son pied. Elle faisait à peu près un mètre cinquante de large, et au-delà d'un petit mètre de profondeur, on ne voyait plus rien ou presque. En tout cas, la magicienne et son familier ne voyaient pas Lya.

     

    - Je crois qu'on a trouvé notre fameux passage, commenta Illonya. Lya, ça va ?

    - Elle va bien, répondit à sa place une voix d'adolescent visiblement soulagé.

    - Ouais … mis à part mon postérieur qui a fait la connaissance du sol, ça peut aller … Lux, incanta l'intéressée sans avoir besoin de clé d'activation.

     

    Rassurée, Illonya se suspendit au bord de la trappe, avant d'appeler son bâton pour descendre en douceur, suivie par Shelly qui franchit les trois mètres d'un bond, rattrapée par Yoru. Le jeune homme avait emprunté le vrai passage indiqué par Arianna, non loin de là, et s'était précipité quand il avait entendu leurs voix.

     

    - Donc, si j'ai bien compris, on s'est plantées, et on a pris un vieux passage auquel personne n'avait pensé ? fit Illonya, la voix teintée d'ironie en pensant à l'atterrissage catastrophe qui n'aurait pas eu lieu si elles ne s'étaient pas trompées.

    - Eh oui, répondit Yoru en aidant sa dulcinée à se relever.

    - Au fait, qu'est-ce que tu faisais dans le noir ? lui demanda celle-ci.

    - À la base, j'avais une torche, mais ton sort de vent l'a éteinte.

     

    Lya, en tombant, avait voulu arrêter sa chute avec un vente, mais son incantation n'avait pris effet qu'à trente centimètres du sol, ce qui n'avait fait qu'amortir le choc. Dommage, le sol aurait été plus bas, son derrière aurait été épargné …

     

    - Bon, dit Shelly en changeant de sujet, où sommes nous ?

    - On dirait une sorte de couloir dans la partie la plus haute du souterrain, répondit Yoru.

    - La partie la plus haute ?

    - Oui. J'étais en train de chercher un passage vers les étages inférieurs quand je vous ai entendues. J'en ai trouvé deux. De gigantesques escaliers pour le premier.

    - Et le deuxième, s'informa Illonya, qu'est-ce que c'est ?

    - Un puits. Un énorme puits. Ou un trou, je ne sais pas trop. Personnellement, ce passage ne m'inspire pas confiance … mais je pense que c'est le meilleur.

    - Pourquoi ?

    - Parce que j'ai testé le début des escaliers, le puits m'étant impossible à passer, et ils débouchent sur un labyrinthe. Alors je suis remonté pour trouver une troisième voie accessible.

     

    Il n'y avait plus qu'à espérer que le puits était la bonne solution, parce qu'ils n'avaient pas le temps de se perdre dans un labyrinthe. L'Arbre-Monde ne les attendrait pas pour cesser d'émettre de la magie …

     

    - J'ai assez donné avec les trous, ironisa Lya, mais je suppose que c'est la seule chose qu'on peut faire. Je prends Yoru derrière moi sur mon bâton, et on descend ?

    - Oui, répondit Illonya. Dépêchons-nous.

     

    Avoir un passager était moins difficile que ce que Lya avait pensé au début. Il suffisait d'adapter les pulsions magiques en fonction du poids en plus.

    Le puits allant tout droit, la descente fut rapide. Ils débouchèrent dans une énorme salle, dont personne n'aurait soupçonné la présence dans des souterrains. Le petit groupe était au-dessus d'un pont qui traversait l'endroit, les pierres étaient blanches, et, le plus important, les racines de l'Arbre-Monde se montraient enfin.

     

    - C'est gigantesque, ici, murmura Lya, impressionnée.

    - Oui, d'ailleurs, répliqua Yoru, un début d'hystérie dans la voix, il n'y pas que l'endroit qui est géant … Ce qui y vit aussi !

    - Que … fit la collégienne, estomaquée. Un … dragon ?!

    - Non … répondit Illonya. Une wyverne …

     

    L'animal faisait environ cinq mètres de haut, sa gueule était garnie de crocs bien trop aiguisées au goût du petit groupe. La wyverne différait du dragon par l'absence de membre antérieurs, et, selon Shelly, par sa puissance, inférieure. Enfin, elle était encore trop forte pour eux.

     

    - Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Lya, alors que la créature les regardait d'un œil mauvais de l'autre côté de la salle.

    - Je sens une grande puissance magique derrière les murs, murmura Illonya, dont le cerveau carburait à toute vitesse. Les racines y mènent, et elles brillent encore … on ne doit pas être loin. Mais il faudrait passer la wyverne … sans la combattre, on n'en a pas la force, et même si on l'avait, on n'a pas le temps … là, je dois avouer que je n'ai pas vraiment d'idée …

    - Moi, j'en ai une … mais c'est risqué. Tu es sûre qu'on doit passer de l'autre côté, hein ?

    - Oui. Si on fait marche arrière, on va retourner à notre point de départ, et surtout, elle aura le temps de nous rattraper. Pour l'instant, elle ne nous attaque pas parce qu'on ne fait rien, mais ça ne durera pas. Donc ?

    - Il faudrait passer sous le pont … mais elle nous rattrapera. Non, finalement, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

    - Pas sûr, avança Shelly. Regardez le bas de la salle.

     

    Le groupe regarda au sol, stupéfait. On aurait dit un labyrinthe pas fini, dans le sens où des tas de murets s'élevaient, sans logique apparente. Certains étaient même de travers. Un peu comme ci l'architecte était saoul au moment où il avait créé la salle. Des sortes de colonnes sortaient du sol entre les murs. L'ensemble donnait une impression de chaos, mais c'était sans doute la seule solution pour passer. Ils seraient en danger sur une vingtaine de mètres, mais si Lya et Illonya échangeaient de passager, la collégienne volerait plus vite.

     

    - On fait ça ! s'écria la stagiaire, alors que la wyverne se préparait à s'envoler.

     

    Yoru grimpa sur le balais de la norvégienne, tandis que le familier de celle-ci s'agrippa à Lya. La wyverne poussa un rugissement effroyable et s'approcha. Les deux magiciennes plongèrent dans le vide, l'animal à leurs trousses.

    Le cœur battant, Lya atteignit la dernière l'ensemble de murets, alors que le reptile n'était qu'à quatre ou cinq mètres. La créature mythique ne pouvait pas les suivre dans cet étrange dédale.

     

    - Il y a vraiment tout et n'importe quoi dans cette ville ! s'exclama Illonya, presque hystérique.

    - Il paraît qu'on s'y habitue ! répondit son amie japonaise. Moi, j'attends encore !

     

    Ils entraient à présent dans la partie couverte du « labyrinthe », où la wyverne ne pouvait pas les voir. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'elle ne les attendrait pas à la sortie … sinon, il faudrait trouver une solution, et vite.

    Le groupe arriva à l'instant fatidique. Ils découvrirent avec effroi l'animal au-dessus d'eux, juste à côté de l'extrémité du pont, leur but. D'accord. Pas bête, la bestiole. La wyverne commença à se jeter sur les murs du dédale, faisant tomber des rochers au petit bonheur la chance autour du groupe. Pas bête du tout.

    Soudain, un craquement attira l'attention de Shelly. Une petite fissure apparaissait sur l'un des quatre grands murs, et un choc de la créature contre le dédale acheva de briser une partie de la façade.

     

    - Regardez ! s'écria la chatte-fée. Il y a une salle à côté.

    - Enfin, s'exclama sa maîtresse, soulagée, on a une voie de secours.

     

    Les magiciennes recommencèrent à voler, agrandissant la trouée par des sorts. La nouvelle salle dans laquelle le groupe passa était encore plus gigantesque que l'autre. Elle était traversée par deux ponts perpendiculaires, lesquels se rejoignaient en disque de pierre. Au-dessus brillait une sorte de boule de lumière, et les racines de l'Arbre-Monde étaient plus nombreuses et plus grosses que jamais.

    Le groupe découvrit avec découragement une deuxième wyverne à l'autre bout de la salle. Soudain,tout un pan du mur qu'il venait de franchir, maintenant à une vingtaine de mètres, vola en éclat, laissant apparaître la première créature qu'ils fuyaient.

     

    - Et là, c'est quoi la solution miracle ? demanda Yoru, désabusé.

    - Negi ! s'écria Illonya.

    - Hein ? s'étona Lya. Quoi, Negi ? C'est lui ta solution ?

    - Mais non, banane ! Je sens son énergie magique ! Il est au croisement des ponts !

     

    Les deux magiciennes montèrent en catastrophe, et découvrirent le reste du groupe en-dessous de la boule de lumière. Negi et ses élèves formaient une ronde, le professeur tenait la cassiopée dans sa main. Yoru descendit du bâton de la norvégienne, Shelly s'agrippa à sa maîtresse, et les nouveaux-venus entrèrent dans la chaîne formée par toute le monde.

    Negi activa la montre temporelle, et ils disparurent, juste sous les gueules des deux wyvernes.

    Lya sentit le transfert se terminer, et ouvrit les yeux. À priori, ils étaient bien à la troisième journée, au vu du nombre de gens costumés dans les rues. Ils avaient un point de vue imprenable sur la ville, la cassiopée les ayant déposés en hauteur … en hauteur ?

     

    - Mais … qu'est-ce qu'on fait ici ?! s'écria Yoru.

     

    Le groupe était dans le ciel. En chute libre.


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