• Bonjour chers lecteurs ! 

    Je poste cet article assez tardivement pour vous proposer un sondage (à la fin de la colonne à gauche) sur votre personnage préféré de ma fanfiction ! à l'heure où j'écris, il y a trois votes, dont 2 pour les Kat-tun, qui ne ... sont pas de ma fic (je peux pas résister, quand j'ai une c... une bêtise à écrire, je le fais XD).

    Si vous avez un personnage préféré, n'hésitez pas à le faire savoir ! =D

     

    Je pense aussi en rajouter un autre, mais je ne l'ai pas encore fait, sur la possibilité de rajouter un résumé du chapitre précédent ... 

     

    EDIT : Ce sondage est ajouté et accessible depuis l'accueil ;)


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  • Lya, du haut de ses huit ans, sortait d'un tunnel de lumière, tenant la main d'une jeune femme. Celle-ci avait les cheveux châtains, une tresse dans laquelle était mêlé un ruban blanc, et d'envoûtants yeux violets. Elle lui rappelait quelqu'un, les traits de son visage lui disaient quelque chose, mais impossible de s'en souvenir.

    Quelque chose clochait. Lya était certaine d'avoir déjà eu cette vision. Alors pourquoi ? Pourquoi revenait-elle ?

    Sunao, de quelques années plus jeune, les y attendait, son sourire malsain habituel sur le visage. Il incantait. Puis il lança son incendium gehennae sur Lya et la jeune femme, mais celle-ci réussit à les en protéger. Elles durent ensuite esquiver plusieurs flèches magiques de ténèbres, et la deuxième salve toucha Lya, à deux reprises. La petite fille tomba, se cogna la tête au sol, et n'eut le temps que de voir sa protectrice se volatiliser, et surgir devant Suano, avant de perdre connaissance.

     

    Lya se réveilla en sursaut, et se retint de crier pour ne pas réveiller Gira aussi. Sa tête lui faisait un mal de chien, et son sceau la brûlait. Elle resta dans sa couverture, incapable de penser correctement, et attendit que la douleur disparaisse d'elle-même. Puis, alors que celle-ci refluait légèrement, la jeune magicienne s'aperçut qu'autre chose clochait.

    Elle avait déjà fait cette vision. D'accord, dedans, elle avait huit ans. Ce souvenir datait de l'époque du sceau, et donc il faisait partie des mieux protégés par celui-ci. Mais la marque était censée réagir contre les souvenirs qui passaient son barrage et tentaient de remonter à la surface. Or, c'était déjà fait. Alors, pourquoi le sceau la brûlait-il ?

     

     

    ***

     

     

    Le démon tritura un instant un médaillon dans sa poche, avec le sourire satisfait de celui qui a réussi. Il savourait sa victoire, et ce médaillon, tombé d'Arianna quand il l'avait ramenée au QG, était un peu comme un trophée de guerre, le symbole du succès de sa mission. D'ailleurs, il partait pour la suivante …

     

     

    ***

     

     

    Lya et Gira cessèrent leur entraînement au soir. Depuis la vision de la jeune magicienne, les heures avaient passé, et elle avait rangé l'incident dans un coin de sa mémoire, mais n'y pensait plus. Elle avait appris à ne pas réfléchir trop longtemps à ce qu'elle ne pouvait pas expliquer, jusqu'à ce que le problème ne se résolve de lui-même, ou du moins en partie.

    Les choses n'avaient pas beaucoup changé, depuis leur voyage jusqu'à Elfanhaft. Celui-ci n'avait duré que quelques heures, les obligeant à trouver rapidement un endroit pour monter le camp le soir-même.

    Les jours avaient passé, durant lesquels se succédaient entraînement et voyage sur la route d'Ostia. Lya avait remarqué la démarche souple et silencieuse de Gira, et la démone s'évertuait à lui apprendre la même chose, à savoir se déplacer discrètement. Gira lui avait montré comment déjouer la perception d'aura, en cachant sa présence, il s'agissait maintenant de régler le problème de l'ouïe. Malheureusement, la route était longue jusqu'à Ostia, elles avaient moins d'un mois pour y parvenir et par conséquent, l'entraînement était plutôt court.

    En une semaine, elles avaient parcouru plus de sept cent kilomètres, volant à plein régime, l'une par son bâton et l'autre par ses ailes. Elles s'étaient d'abord dirigées plein nord pour contourner au plus large les quartiers généraux de Ragnarök, puis avaient repris le cap vers Ostia.

    Voilà où en était la situation, le soir après sa vision, deux semaines après les incidents des ports-portails.

     

    Le lendemain, Lya était réveillée à l'aube, mais elle choisit de rester enroulée dans sa couverture un peu plus longtemps. Presque instinctivement, elle chercha l'aura de Gira, pour savoir si celle-ci était encore endormie ou non, et, comme elle s'y attendait, la démone ne dormait plus, plongée dans ses pensées.

    Elle aussi, elle se mit à réfléchir. Tant de questions lui passaient par la tête … quel était le but de Skoll ? Celui de Ragnarök ? Comment Arianna avait-elle pu perdre ? Et tant d'autres … Elle sentait aussi que Gira savait quelque chose, à propos de l'attentat du port-portail. Pourquoi la démone ne voulait-elle pas lui en parler ?

     

    - Tu es réveillée, n'est-ce pas ? fit soudain Gira.

     

    Lya confirma, mais ne se leva pas pour autant, tout comme la démone. À nouveau, le camp fut plongé dans le silence, un silence froid que Lya ne supportait pas. Autrefois, cela ne l'aurait pas gêné. Mais depuis son arrivée parmi les 3-A, elle avait l'habitude d'échanger avec ses camarades, de discuter de tout et de rien, ou de se confier à certaines. Ce silence, qui durait obstinément depuis deux semaines, la rendait mal à l'aise. Elle avait envie de connaître Gira, de pouvoir la comprendre, de devenir plus proche de la démone. De sortir de ce statut d'alliée avec qui Gira était coincée, par la force des choses.

     

    - Gira ? Raconte-moi en un peu plus sur toi … demanda-t-elle, pour briser le silence.

    - Pourquoi ça ? Tu n'as pas besoin de savoir.

     

    Ouch … Gira : 1 - Lya : 0 … loupé.

     

    - Si on veut devenir amies, il faut bien qu'on s'ouvre l'une à l'autre … et puis je t'ai tout raconté, moi.

    - Qu'est-ce qui te dit ce c'est ce que je veux ?

    - Tu préfères la solitude ?

    - Ça t'étonne ?

    - Tu sais, j'étais comme ça, avant … Je n'aimais pas la solitude, mais je vivais avec. Je préférais ça, plutôt d'aller voir les autres, qui avaient peur de moi et ne me supportaient pas. J'attendais que quelqu'un fasse le premier pas. Pourtant, ça fait du bien de trouver quelqu'un à qui on peut se confier, s'ouvrir, parler de ses inquiétudes et ses problèmes sans que la personne ne fuie ou ne se moque.

    - Tu es naïve.

    - Je sais. Mais s'il faut que je devienne cynique, je préfère rester comme je suis.

     

    Gira ne répondit pas. Elle ne savait pas trop que penser : c'était la première fois qu'on se comportait comme ça avec elle … Elle sentait que Lya s'entêtait, et était déterminée à changer leur relation. Ça la perturbait. Elle ne comprenait tout simplement pas ce que cette fille lui trouvait.

     

    - Je ne te comprends pas trop, soupira Gira. J'ai essayé de te tuer, et toi tu veux faire ami-ami …

    - Je ne sais pas trop pourquoi non plus … mais je pense que c'est parce que tu m'intrigues.

    - Pardon ?

    - Je n'arrive pas à comprendre pourquoi tu faisais partie de Ragnarök. Tu n'as que seize ans, et tu vivais dans une organisation criminelle.

    - Au début, ce n'était pas de mon plein gré. Tu sais, tu me surprends …

    - Tu me l'as déjà fait comprendre plein de fois. Pourquoi, cette fois-ci ?

    - Je serais presque prête à te raconter mon histoire alors que c'est loin d'être mon genre. Bah, qu'importe. Par contre, lève-toi dans ce cas-là, je préfère pouvoir voir les gens à qui je parle.

     

    Lya s'assit sur sa couverture, et se tourna vers la démone. La jeune magicienne de glace était encore un peu dans le vague, ses cheveux jouant les rebelles, soulevés par le vent. Gira avisa son air « dans le pâté » (spécialité locale, attention !), et, n'y tenant plus, elle éclata de rire. À son tour, Lya sourit, puis la rejoignit dans son fou rire, évacuant le stress et la fatigue.

     

    - 1 partout, la balle au centre, murmura Lya pour elle même.

    - Pardon ?

    - Non, rien …

    - Tu sais qu'il y a une certaine ressemblance avec les lions de ton monde ? fit Gira, une fois à peu près calmée.

    - Je m'en doute ! Allez, vas-y, raconte …

     

    Toutes deux reprirent leur sérieux.

     

    - Tu sais, Ukyo n'a pas toujours été le maître de Ragnarök. C'était il y a dix ans … je ne me souviens plus trop de ma vie d'avant, mais ce jour-là, je m'en souviendrai toute ma vie. Mes parents et moi avons été attaqués par des assassins. J'étais la seule survivante, et je ne sais pas pourquoi, mais j'ai été capturée.

    - Par des assassins ? Mais pourquoi ?

    - Je ne sais pas … c'étaient des agents de Ragnarök, menés par leur ancien maître : le père d'Ukyo. J'ai été enfermée … mais après quelques jours, Ukyo est venu, avec sa sœur Invidia. Il m'a libérée, et m'a élevée.

    - Ce n'était pas l'image que je m'en faisais …

    - Je sais, ça doit te perturber. Lui et Invidia avaient réussi à reprendre l'organisation à leur père, mais je ne sais pas comment, et ils m'ont sauvée. Tu sais, je leur dois beaucoup. Du moins, c'était ce que je croyais, rectifia Gira en baissant la tête. Encore aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi il a essayé de me tuer …

    - Gira …

    - Au fond de moi, je sais bien que j'ai été manipulée … parfois, je me demande si les dix dernières années n'ont pas été qu'une mise en scène. Je ne sais qu'une chose : je veux comprendre, mais j'ai peur de ce que je pourrais apprendre …

    - Je t'aiderai ! Je t'aiderai à découvrir tout ça ! s'écria Lya.

     

    Gira la fixa, incrédule. Son alliée était sérieuse …

     

    - Pourquoi ? Tu n'as rien à voir avec tout ça, et c'est dangereux …

    - Faux, Ukyo est mon ennemi et je dois comprendre ce qu'il me veut.

    - Mon passé en lui-même n'a rien à voir avec toi …

    - Yoru m'a fait la même promesse alors qu'il n'était pas encore mêlé à mes problèmes.

    - Il t'aime.

    - Illonya a fait la même chose.

    - C'est ta meilleure amie, non ? Du moins vous êtes très proches.

    - À ce moment-là, nous ne nous connaissions que depuis trois ou quatre jours.

     

    Gira abandonna : elle était à court d'arguments. Décidément, Lya était pour elle un vrai mystère …

     

    - Bah, pour le moment, occupons-nous de rejoindre ta sœur et tes amis … Nous devrions éviter Ragnarök, nous ne sommes pas encore assez fortes.

     

     

     

    Trois jours plus tard, elles volaient dans la forêt, quand Lya et Gira s'arrêtèrent, d'un même mouvement.

     

    - Tu sens ça ? demanda Gira par télépathie.

    - Oui … Une vingtaine de magiciens, à une centaine de mètres, je crois.

    - Exact. Suis-moi. Ah, attends. Ne mets pas tes lunettes.

    - Pourquoi ? On pourrait être reconnues !

    - Justement. Si on les approche avec, nous risquons d'être signalées avec notre deuxième apparence. Et là, pour se cacher … ce sera plus difficile.

     

    La démone s'avança de sa démarche féline entre les arbres. Lya, sur ses talons, l'imita, dissimula son aura, et se concentra sur celles des magiciens.

    Elles parcoururent quatre-vingt mètres, sur un petit promontoire. En contre-bas, les magiciens discutaient joyeusement autour de plusieurs feux, entourés par des tentes.

     

    - Des chasseurs de prime … fit Gira. C'est bien notre veine … quoique, on va en profiter.

    - En profiter ?

    - Exact. Toute occasion est bonne pour récupérer des informations. Donc on va les infiltrer.

     

    Lya réfléchit quelques secondes, examinant la scène avec attention. Les cinq feux de camp, autour desquels étaient rassemblés les magiciens, étaient disposés en cercle, à une certaine distance les uns des autres, et les tentes étaient espacées les unes des autres. Difficile de se faufiler sans être vue …

     

    - Hey, c'est encore moi qui fais les plans, lança la démone en voyant que Lya cherchait à analyser l'endroit. Même si c'est un bon réflexe, que tu as adopté.

    - Ah ?

    - J'aime mes petites habitudes. Déjà, je ne te cache pas que j'ai toujours travaillé en solo … là, tu es avec moi, mais ça ne m'empêchera pas de décider comment j'opère.

    - Euh … compris ! Donc, qu'est-ce que je dois faire ?

     

    Gira lui expliqua brièvement le plan, puis disparut derrière les arbres. Lya invoqua son artefact, et commença à incanter doucement, prenant garde à cacher sa présence. Puis elle attendit le bon moment.

    La démone s'approcha du campement, toujours à couvert. Comme elle s'en était douté, une barrière le protégeait. Ben plus pour longtemps. Elle posa sa main dessus ; une énergie noire la parcourut, et soudain ses ongles se transformèrent en énormes griffes, perçant la barrière comme si c'était du papier.

    C'était le signal qu'attendait Lya. Ou plutôt qu'elles attendaient. Cinq Lya, dont l'originale, bondirent au-dessus du campement, chacune tenant un kunaï dans la main. Elles le lancèrent, visant à côté des cinq feux de camp, où étaient réunis leurs ennemis. Les kunaïs se plantèrent dans le sol, tandis que les magiciens se levaient, adoptant une formation de défense malgré la surprise. Trop tard.

     

    - Nebula hypnotica ! cria Lya.

     

    Les chasseurs de prime tombèrent comme des mouches, et Lya rejoignit Gira. La démone parcourait déjà le campement à la recherche d'informations.

     

    - Ceux-là devaient avoir fini leur mission, expliqua Gira. Ils n'étaient pas bien prudents …

    - Qu'est-ce qu'on cherche ?

    - Eh bien, pour certaines quêtes, les chasseurs de prime sont isolés un bon moment des grandes villes, alors pour s'informer, ils ont des outils, des interfaces, qui leur permettent d'accéder à l'actualité de ce monde. C'est ça qu'il nous faut.

     

    Elles cherchèrent dans toutes les tentes, sans trouver quoi que ce soit.

     

    - Ce devait être une mission de courte durée … soupira Gira. On dirait qu'il n'y a rien d'intéressant.

    - Attends … fit Lya, tendant l'oreille. Tu n'entends rien ? Comme des acclamations ?

     

    Gira s'arrêta, silencieuse, pour trouver l'origine du bruit qui avait capté l'attention de son alliée. Puis elle se dirigea vers l'un des feux, passant au-dessus d'un magicien endormi. Un petit écran, tout plat, se trouvait au sol, certainement lâché par son propriétaire quand Gira avait transpercé la barrière. La démone le prit dans sa main, et toutes deux observèrent avec attention la vidéo qui passait sur l'écran. On y voyait une arène, avec des spectateurs en arrière plan.

     

    - C'est une émission en direct de l'arène de Granicus, reconnut Gira. Ils doivent interviewer un gladiateur …

     

    En effet, une démone, qui possédaient des ailes, une queue et des cornes, un peu comme Gira dans sa vraie forme, tendait un micro à un jeune homme. Il avait une quinzaine d'années, des cheveux roux parsemés de mèches noires, et des yeux noisette.

     

    - Il ressemble vraiment à Negi … en plus âgé, remarqua Lya.

    - C'est vrai, reconnut la démone.

     

    Elles se turent pour écouter ce qu'allait dire le jeune homme, curieuses.

     

    « - Makie, Yûna ? Est-ce que vous regardez ? C'est moi, Nagi Springfield ! »

     

     

    ***

     

     

    Yoru en tombait des nues. Il n'était pas le seul, d'ailleurs. Thelis regardait, bouche-bée lui aussi, la vidéo sur son écran.

     

    - Il s'appelle Nagi Springfield ?! s'exclama l'homme, abasourdi. J'ai la berlue, ce n'est pas possible autrement ! Déjà que ce gladiateur ressemble trait pour trait à Thousand Master, alors en plus s'il a le même nom !

    - Bah, dans ce cas-là, on est deux, murmura Yoru. Mais je doute que ce soit une hallucination, s'il s'adresse à Makie et Yûna.

     

    « - Votre professeur est avec moi aussi ! », continuait le gladiateur.

     

    - Il doit parler de Negi, fit Yoru. C'est le prof' de Lya et des autres filles.

     

    « - Me rejoindre ici serait difficile … alors plutôt, je vous propose de venir au grand tournoi d'Ostia, dans un mois ! »

     

    Le dénommé Nagi se tut et rendit son micro à la démone. Thelis éteignit alors son écran, encore tout étonné.

     

    - C'était quoi, ça … ?

    - Des bonnes nouvelles, répondit Yoru, tout sourire. Je ne sais pas du tout qui est ce troisième Springfield, je crois savoir que Negi est fils unique. Mais en tout cas, toute l'ala alba, enfin ceux qui ont pu voir l'émission, sait où se retrouver !

    - Je pense d'ailleurs que pratiquement tous tes amis sont au courant. Comme il porte le nom de notre grand héros, je suis certain qu'il est déjà très célèbre. Par contre, je suis désolé, mais je ne pourrai pas t'aider, toi et ton amie, pour aller à Ostia. Ce n'est pas ma destination, et de toute façon la chaîne des Longshans est une zone où naviguer est très difficile, je ne pourrai même pas t'aider à la trouver.

    - Je suppose qu'on ne peut rien y faire … soupira Yoru. Kû et moi, on trouvera certainement un moyen. Il nous reste combien de temps avant d'arriver à Shangri-la ?

    - Une semaine, à peine. Il te restera trois semaines pour trouver ton amie et aller à Ostia. J'espère que tu t'en sortiras …

    - Moi aussi, vous pouvez me croire !

     

     

    ***

     

     

    - Tu n'as pas l'air si heureuse que ça, soupira Shelly.

     

    Illonya ne répondit pas, pensive.

     

    - Enfin, on vient d'apprendre que Negi allait à Ostia ! Tout le monde a du entendre l'appel de Nagi Springfield ! Réagis un peu !

    - Ah, désolée … je réfléchissait.

    - À cette histoire de malédiction ? À Hel ? Mais bon sang, ça fait une semaine que tu cogites là-dessus ! Tu ne peux pas lâcher l'affaire cinq minutes ?!

    - Désolée, répéta Illonya dans un murmure.

    - Apprendre cette histoire de prophétie t'a changée, constata Shelly, contrariée. Avant, tu aurais répliqué que tu réfléchis à ce que tu veux, comme tu veux, mais là … regarde-toi ! Tu ne dis jamais rien, tu es toujours dans tes pensées !

    - Oui, bon, ça va, hein ! Quand tu apprends qu'une malédiction pèse sur toi, en général ça ne te laisse pas indifférente …

     

    Shelly soupira, lassée. Elle aurait mieux fait de ne jamais parler de la bibliothèque de Phoenicus, parce que si ça se trouvait, cette prophétie n'était peut-être qu'un vague conte populaire.

     

    - Où est passée l'Illonya insouciante qui disait avoir hâte de retrouver Lya et les autres ? Qui apprenait des sorts à Yan et Kaylyn, toujours avec le sourire, et qui était si fière d'eux?

    - Aucune idée.

    - Allez, du nerf … on n'a plus qu'un mois pour rejoindre tout le monde, et Ostia c'est pas la porte à côté !

    - Shelly …

    - Quoi, encore ?

    - C'est quoi, l'acte salvateur dont parle la prophétie ?

    - Qu'est-ce que tu veux que j'en sache ? Pourquoi tu me demandes ça ?

    - Cet acte, ça pourrait être la protection de quelqu'un, de quelque chose. Or, la seule personne de mon entourage qui doit être protégée d'un ennemi précis, en ce moment, c'est Lya.

    - Et ? Oh, non … ne me dis pas que tu crois …

    - Si. Si cette malédiction s'y applique bien, je risque de la tuer, ou d'aider Ragnarök à le faire ! Pourquoi crois-tu que j'y pense sans arrêt depuis une semaine, hein ?! Pourquoi crois-tu qu'aller à Ostia ne me réjouit pas ?!! s'écria Illonya en larmes. Je ne veux pas lui faire de mal !!!

     

    La chatte-fée resta un instant bouche-bée, décontenancée. Elle n'y avait pas pensé. Non, elle n'avait pas cherché à décrypter la prophétie. Pour elle, prédire un futur incertain sur des dizaines d'années, et le forcer à prendre une certaine tournure, tenait de l'impossible. Pour elle, cette malédiction était un vieux conte de grand-mère, de ceux que l'on raconte aux enfants pour qu'ils soient sages. Mais Illonya l'avait prise au sérieux, et avait envisagé la pire situation qui puisse lui arriver, tuer sa meilleure amie.

     

    - Illonya, c'est ça que tu veux ?

    - Non, bien sûr que non !

    - Tu ne comptes pas la blesser.

    - Non !

    - Et tu veux les revoir, elle et les autres.

    - Mais oui !

    - Bon, bah voilà, tu as ta réponse. Je te propose quelque chose. On fait comme si cette malédiction n'existe pas. On va à Ostia. Et si on voit que la première partie de la prophétie se réalise vraiment, on s'éloignera d'eux un moment.

     

    Cette idée était séduisante. Oui, faire comme si de rien était, avant d'avoir la preuve certaine d'être maudite. Mais était-ce vraiment la bonne chose à faire ?

     

    - Shelly … murmura Illonya en séchant ses larmes.

    - Oui ?

    - Je sais que tu as toujours du mal à croire à la prophétie. Pourtant il est probable qu'il me reste peu de temps pour m'y préparer. Je pense qu'elle a déjà commencé à se réaliser.

    - Je vois à qui tu penses … soupira la chatte-fée.

    - Le monde parfait a commencé à bouger … je suis certaine que nous avons affronté Cosmo Entelecheia. Oui, sans aucun doute, Skoll et Fate sont des Averruncus.

     

    Shelly ne répondit pas. Évidemment, elle l'avait remarqué. Évidemment, leur famille n'oublieraient jamais ces magiciens, synonymes de destruction.

    Seulement, elle avait ses raisons de croire qu'elles avaient encore du temps.

     

    - Tu sais, si tu es vraiment l'Élue, et que tu utilises les sites sacrés, il faudrait déjà que les deux mondes soient liés à nouveau. Autrement dit, pour l'instant on est tranquilles.

     

    Illonya accepta silencieusement, convaincue par le dernier argument. Même si elle n'était pas très rassurée. Elle se demandait si elle ne faisait pas mieux d'éviter l'ala alba. Mais elle chassa cette idée. Des paroles de Chao lui revinrent en mémoire, les seules que la jeune chinoise lui ait jamais adressées. « Illonya ? Toi aussi, sois prudente. Et protège-la. Si tu le désires vraiment, tu y arriveras. » . Oui, elle la protégerait. Que ce soit de Ragnarök, ou d'elle-même. Elle ne faiblirait pas.

     


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  • '' Lorsque les temps viendront, et que le monde parfait reviendra, l'héritier de Hel s'éveillera pour marcher sur les traces de son ancêtre. Les douze sites sacrés sortiront de leur torpeur, et l'Élu empêchera l'acte salvateur. ''

    Hel aurait utilisé cette prophétie pour maudire sa famille, en particulier sa fille et son beau-fils, qui faisaient partie des magiciens l'ayant arrêtée : Thea Enden et Aaron Olsen.

     

    - Imp … Impossible …

    - Attends, Illonya ! s'exclama Shelly. C'est … C'est peut-être une coïncidence ! Olsen est un nom très porté en Norvège, peut-être que …

    - … Que je ne suis pas une descendante de Hel ? Navrée, Shelly, murmura Illonya. Aaron Olsen … était mon grand-père paternel, et ma grand-mère s'appelait bien Thea … Et puis, l'incident avec Cosmo Entelecheia, il y a soixante ans, est presque passé dans l'oubli, rare sont ceux à s'en souvenir, surtout sur Terre. Pourtant, nous étions au courant, toutes les deux, parce que c'est quelque chose que notre famille n'oubliera pas … même si en nous en parlant, mes parents n'ont pas mentionné Hel.

     

    Shelly en resta sans voix. Elle avait toujours cru que la petite famille, qui l'avait élevée depuis qu'elle était encore un chaton, était une famille sans histoire, et pour cause : Illonya et elle avaient grandi dans la normalité, leurs premières années avaient été d'une tranquillité absolue. Pourtant, il fallait l'accepter : elle avait en vérité un sombre et lourd passé.

     

    - J'ai le don de sentir les présences magiques avec une telle intensité, j'ai l'onyx de Hel, qui est censé avoir disparu depuis plus de soixante ans … Shelly, je crois que … que je suis l'Élue dont parle la prophétie …

     

     

    ***

     

     

    - Drexan ?

     

    Eirik, accompagné de sa femme, s'assit à la table, à laquelle était accoudé son ami, seul. Voyant que Drexan ne répondait pas, il continua sur sa lancée.

     

    - Penses-tu toujours ce que tu nous a dit sur Illonya, il y a six ans ?

    - Plus que jamais.

    - Ne dis pas ça ! s'exclama Liv.

    - Liv, rends-toi à l'évidence …

    - Non ! s'écria-t-elle. Ma fille ne peut pas être un monstre ! NON !

     

    Furieuse, elle sortit du salon en claquant la porte.

     

    - Je n'ai jamais dit ça … soupira Drexan.

    - Excuse-la, intervint Eirik. C'est une période assez sombre de notre histoire, alors ... Penser que notre fille chérie serait l'Élue …

    - Est. Illonya est l'Élue de votre lignée. Sinon, comment pourrait-elle utiliser le catalyseur de votre ancêtre ? L'onyx de Hel …

    - Alors pourquoi ne pas avoir prévenu Illonya ? Ou au moins lui avoir parlé de la prophétie ? Drexan, pourquoi nous as-tu fait promettre de nous taire ?

     

    Drexan se tut quelques secondes. Il avait beaucoup hésité avant de prendre cette décision. Chaque jour, pendant près de six ans, il l'avait remise en cause, avait retourné le problème dans tous les sens, pour toujours revenir à la même conclusion.

     

    - Pour son bien, répondit-il enfin.

    - Mais voyons ! Si on lui en avait parlé, elle aurait pu s'y préparer !

    - Sauf que ta fille n'a que onze ans. À peine. Elle a beau pouvoir se montrer responsable et déterminée, elle n'est pas prête à affronter une malédiction.

    - Alors …

    - Écoute, ce voyage ne sera pas de tout repos. Les obstacles qu'elle devra surmonter vont, je pense, la faire mûrir. C'est pour ça que je n'ai rien dit. Je préférais attendre qu'elle le découvre elle-même.

     

    Eirik dut reconnaître que son ami n'avait pas tord. Tout cela faisait sens. Seulement, il avait peur que ce ne soit pas suffisant.

     

    - J'ose espérer que nous n'avons pas compris la prophétie, continua Drexan, et que ces nouvelles expériences lui permettront de la réinterpréter correctement. Ou alors, si nous avons raison, j'espère qu'elle saura affronter et déjouer cette prophétie.

    - Quelles sont les chances que cela arrive ?

    - Dans les deux cas, elles sont très faibles.

     

    Drexan resta pensif un moment, les yeux plissés par la contrariété.

     

    - Il y a autre chose, c'est ça ? demanda Eirik.

    - Oui. Je crains qu'à cause de cette malédiction, elle soit obligée de se battre contre sa meilleure amie … Oui, Illonya et Lya pourraient bien avoir à s'affronter …

     

     

    ***

     

     

    Gira commença immédiatement avec les bases de ce nouvel entraînement, que Lya avait déjà bien acquises, du moins en majorité. Dissimuler son aura, mobiliser tous ses sens, en analyser toutes les informations. Accentuer sa perception magique, pour retrouver les auras des autres, même dissimulées. Tout cela, elle savait déjà le faire, à peu près. Mais Gira l'obligea à utiliser ces bases jusqu'à ses limites.

    Finalement, quand elles se couchèrent, protégées par des barrières magiques, Lya maîtrisait entièrement les bases de son nouvel entraînement, mais en contre-partie elle était épuisée.

     

    Le lendemain, tout comme le surlendemain, elles s'entraînèrent à nouveau, et cette fois Gira lui fit combattre les yeux bandés, l'obligeant à ne se reposer que sur son ouïe et sur sa perception d'aura, qui n'était pas encore bien au point. Au début, la démone combattit normalement, et observa avec soulagement que Lya, même sans se reposer sur sa vue, bougeait de manière fluide et maîtrisait ses mouvements. Arianna avait fait du bon travail.

    Mais Gira ne s'arrêta pas là. Au fur et à mesure, elle dissimula son aura, devenant de plus en plus difficile à contrer. De plus, elle chercha des endroits de plus en plus étroit, et appris à Lya une nouvelle technique. Celle-ci consistait à envoyer de petites ondes magiques, très faibles – pratiquement indétectables – à la manière d'un sonar, pour analyser le terrain et l'utiliser à son avantage.

    Lorsque le dernier soir avant le voyage jusqu'à Elfanhaft mit fin à l'entraînement, Lya ne la maîtrisait pas encore suffisamment pour l'utiliser dans un combat réel, mais Gira se montra satisfaite. En vérité, la démone était consciente d'avoir commencé un peu brutalement, considérant que Lya était toujours blessée. Son dos portait toujours l'entaille, même refermée, causée par la lame de lumière de Skoll. Heureusement, celle-ci disparaîtrait bientôt grâce aux sorts de soins répétés de Gira.

     

    Au matin, Gira réveilla Lya, puis elle se dirigèrent vers Antigone, équipées de leur lunettes magiques – principe qui faisait bien rire Lya, elle trouvait ce genre d'objets vraiment incongrus. Mais elle n'était pas au bout de ses surprises.

    Elles arrivèrent à l'aéroport, enfin ce qui ressemblait à un aéroport. Gira avait dit vrai, en désignant ces fameux vaisseaux comme des équivalents d'avions, et non des avions. Lya avait sous les yeux celui qui les emmènerait à Elfanhaft. C'était bleu. Ça avait des nageoires. Une queue. C'était une … baleine … métallique. Ça faisait même des bruits de baleine !

     

    - Ne cherche pas de logique, fit Gira. Ici, les vaisseaux volants ont des formes de poissons ou de baleines. Voire de requins.

    - Superbe. J'espère que ces trucs ne se nourrissent que de magie, sinon le vol risque d'être spécial …

    - De ce côté-là, on n'a pas trop de problèmes …les deux mondes sont différents mais ça ne veut pas dire que les habitants d'ici sont fous au point de créer une machine qui les croquera après …

     

    Lya cacha de son mieux son air perplexe, et la suivit pour embarquer dans le ventre de l'animal … enfin, du vaisseau. Elle avait l'étrange impression d'entrer dans Monstro, la baleine du conte de Pinocchio, dont elle avait légèrement entendu parler. Du coup, elle avait vraiment hâte d'arriver à Elfanhaft, histoire d'en sortir au plus vite.

    Mais enfin de compte, l'intérieur était spacieux, une grande salle permettait même d'avoir un superbe panorama, et Lya finit par s'y faire. Elle se sentait presque chez elle, dans le ciel et dans ce monde, malgré la menace qui pesait sur elle et ses amis. Plus le temps passait, et plus la jeune fille pensait être née dans ce monde, comme Chao le lui avait vaguement suggéré. Passée la surprise, ce qui l'étonnait devenait vite naturel pour elle, des petits dragons que l'énorme vaisseau croisait parfois, jusqu'aux noms des villes.

    Lya admirait la vue, imprimant dans esprit le relief, la végétation de ce monde, pour voir si elle se souvenait de quoi que ce soit, quand elle avisa la mine pensive de Gira.

     

    - Qu'est-ce qu'il se passe ?

    - Je réfléchissais à notre itinéraire suivant … expliqua la démone. Tu sais, on aurait pu aller directement à Ostia, mais comme le festival de la paix approche, tout accès est extrêmement surveillé. Ici, ça va, mais ils pourraient avoir des dispositifs pour détecter nos lunettes, ou d'autres.

    - Mais il y a autre chose, c'est ça ? fit Lya, qui sentait que ce n'était pas tout.

    - Exact. Arrivées à Elfanhaft, nous allons devoir faire un détour. Le quartier général de Ragnarök est situé sur une île, dans une baie à mi-chemin entre Elfanhaft et Ostia, et ça pullule d'agents sur plusieurs centaines de kilomètres, il vaut mieux prendre nos distances. Même si nous sommes déguisées, on ne sait jamais, Ukyo a de nombreuses ressources.

    - En gros on est mal tombées, pendant le transfert … Qu'est-ce qu'on fait, si on croise quelqu'un de Ragnarök ? Suano, par exemple ?

    - J'y pensais … Vois-tu, on raconte qu'il y a six ans, Sunao a échoué dans une mission. C'était une première, et apparemment c'était une mission importante. Si on peut trouver sa faiblesse, et comprendre pourquoi il a perdu, alors peut-être qu'on a une chance d'affaiblir considérablement Ukyo.

     

     

    ***

     

     

    Le temps passa, et environ dix jours après le début du voyage, Thelis consultait les actualités, quand une information en particulier attira son attention.

     

    - Tiens … ça pourrait vraiment t'intéresser, mon garçon, remarqua Thelis. Des témoins auraient vu une jeune fille, une chinoise, dans les montagnes les plus proches de Shangri-la : la chaîne des Longshans. Apparemment, ce serait une garde du corps arrivée dans le coin il y a peu de temps. Des gens auraient reconnu une fugitive, mais les différents chasseurs de prime qui s'y sont frottés se sont fait laminer …

    - Kû-Fei ! s'exclama Yoru, ravi. Ça ne peut être qu'elle ! Mais … le temps qu'on arrive à Shangri-la, elle sera peut-être déjà partie …

    - Je ne pense pas, répliqua l'agent de Megalo. Cette chaîne de montagne est très escarpée, et toujours enveloppée de brouillard et de nuages bas. Peu de gens y vivent et rares sont ceux qui s'y enfoncent plus profondément. Là-bas, ton amie est tranquille, peut s'entraîner sans être trop dérangée, et grâce aux gens qu'elle protège, elle a plus ou moins accès à l'actualité. Donc, tant qu'elle n'aura pas d'informations précises, elle restera là-bas

    - Mais, les gens qui l'embauchent, ils savent que c'est une fugitive, non ?

    - Tu sais, il y a des gens, un peu comme moi, qui cherchent de la protection pour un temps, et qui, tant qu'elle leur est accordée, s'en fichent si leur protecteur est un fugitif ou non. Comme tu l'as dit, ce monde est plus sauvage, tout simplement différent du tien, et on apprend à se contenter de ce qu'on a sans faire trop de formalités, sauf en politique … Alors, que comptes-tu faire ?

    - La rejoindre, après vous avoir accompagné à Shangri-la.

     

    Thelis resta pensif un moment, puis sortit une carte du monde magique, l'étalant sur le sol.

     

    - Il y a un petit problème : on a beau dire que cette chaîne est la plus proche de Shangri-la, elle est quand même à plusieurs centaine de kilomètres … avec nos « gros lézard », comme tu les appelles, tu y serais en une petite semaine, mais sans monture, ce sera beaucoup plus long, et là tu risques bien de rater ton amie.

    - Super, soupira Yoru. Comment je peux faire, alors ?

    - Hum … J'ai une petite idée. Ce sera encore plus rapide. En fait, ma destination finale est Megalo, donc de toute façon je devrai utiliser un vaisseau pour passer l'océan …

    - Je croyais que c'était trop dangereux pour vous de prendre la voie des airs …

    - C'est vrai parce qu'en cas d'attaque on peut difficilement riposter, surtout si les ennemis sont en grand nombre. Mais ça c'est parce que nous sommes seuls. L'escorte que j'aurai, à Shangri-la, est composée de magiciens aériens doués, et le vaisseau est armé et protégé par des barrières magiques.

    - Ce que vous acheminez doit être vraiment important, alors …

    - Oh oui. Bref, en vaisseau le trajet est rapide, alors nous ferons un crochet et nous te déposerons sur les premiers contreforts de la chaîne des Longshans. Mais après, mon garçon, tu devras te débrouiller, pour trouver ton amie et faire le reste du voyage.

     

    Yoru le remercia vivement, rendu joyeux par le tournant que prenaient les évènements. Rejoindre Kû devenait la première étape bien précise dans le regroupement de l'ala alba.

     

     

    ***

     

     

    - Euh … C'était quoi, ce rêve ? s'interrogea Fûka, une dizaine de jours plus tôt.

    - Ah, tu l'as vu aussi ? s'étonna Fumika. Bizarre, il y avait Lya, dedans … Yoru et Illonya aussi, et une autre fille.

    - Comment ça se fait qu'on ait rêvé de la même chose ? Et où sommes nous ?

    - Aucune idée … dans un jardin, non ?

    - Il est grand, ton jardin !

     

    À cause du décalage horaire, c'était le soir, et les deux jumelles venaient d'atterrir dans un énorme dédale de verdure et de fleurs. Chaque buisson était taillé à la perfection ; les couleurs, vives et chaleureuses, étaient arrangées harmonieusement ; le chemin qui serpentait entre les plantes était décoré de magnifiques pavés. Bref, ça ne devait pas être le jardin du premier venu. Ou alors, c'est qu'il était très riche.

    Soudain, elles entendirent des voix. C'étaient des voix d'enfants qui jouaient, quelques sentiers plus loin, cachés par les buissons.

     

    - Cherchons-les, on pourra leur demander ! s'exclama Fumika.

     

    Les deux collégiennes se dirigèrent sur les chemins, à la recherchent des enfants, quand soudain les voix se rapprochèrent. Puis quelque chose jaillit, percutant Fûka de plein fouet, et chuta avec elle dans un cri de surprise.

     

    - Oh, je … je suis désolée ! s'exclama une fille d'une voix fluette, en se relevant.

     

    Celle-ci avait une dizaine d'années, des cheveux longs et ondulés d'un noir de jais et de jolis yeux verts. Elle était aussi grande que les jumelles, ce qui n'était pas vraiment un exploit en soit.

     

    - C'est rien, répondit Fumika à la place de sa sœur, elle s'en remettra ! Dis, on est où, s'il te plaît ?

    - Eh bien, dans le jardin impérial ! D'ailleurs, il commence à être tard, vous devriez partir avant qu'il ferme …

    -Le jardin impérial ?! s'exclamèrent en chœur les deux jumelles.

    - Oui … ne me dites pas que vous n'étiez pas au courant !

     

    Les deux japonaises firent non de la tête.

     

    - C'est difficile à croire … fit la jeune fille, perplexe. Vous venez d'où ?

    - Du japon.

    - Sérieusement ?! Vous venez du Mundus Vetus ?!

    - C'est quoi, ça ?

    - Bah … votre monde ! Vous êtes vraiment bizarres, vous deux ! Enfin … vous savez où vous allez dormir ?

     

    Re-non de la tête.

     

    - Suivez-moi, alors !

     

    Soudain, un garçon apparut au détour d'un sentier, cherchant vraisemblablement la jeune fille aux cheveux de jais. Il était un peu plus grand qu'elle et devait avoir un an de plus. Des cheveux châtains encadraient son visage, parsemés de fines mèches noires, avec lesquelles ses yeux gris formaient un étonnant contraste.

     

    - Tu étais là, Xyn ! Je t'ai cherchée partout, tu n'étais pas dans le terrain qu'on avait prévu … en plus tu n'étais même pas cachée, à ce que je vois !

    - Désolée … Je suis tombée sur ces deux-là pendant notre partie. De toute façon, il est temps de rentrer, Theodora va finir par nous attendre, Ren !

    - Tu dis juste ça parce que tu a faim !

    - À peine !

     

    Puis il avisa les jumelles.

     

    - Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il à Xyn. Pourquoi tu as l'air de vouloir les emmener au palais ?

    - Parce que c'est exactement ce que je veux.

    - Mais …

    - Elles n'ont nulle part où aller … et en plus, elle viennent du Mundus vetus ! s'exclama Xyn, excitée.

    - Tu n'as pas besoin de faire ça pour elles.

    - J'ai fait la même chose pour toi ! répliqua-t-elle, piquée au pif.

     

    Ren ne répondit rien, honteux. En effet, quelques années auparavant, il avait vécu dans une famille pauvre, dans la périphérie de la capitale de Hellas, jusqu'à ce qu'une attaque de dragon le rende orphelin. Il avait réussi à fuir, l'animal étant trop occupé à se nourrir pour le remarquer, et il avait gagné la ville sain et sauf, pour finir par errer dans le jardin impérial. Xyn, qui n'avait alors que trois ans, l'avait présenté à la princesse, laquelle l'avait confié à sa suite.

     

    - Les enfants ? firent plusieurs voix de femmes non loin.

    - Zut, pesta Xyn, on a trop traîné ! On est là !

     

    Tous les quatre rejoignirent les femmes, entourées pour une fois de gardes.

     

    - Son Altesse préfère que vous rentriez … il pourrait y avoir de nouveaux attentats, et le palais est protégé ! s'exclama l'une d'elles.

    - Qui sont ces jeunes filles ? demanda une autre.

    - Oh, je viens juste de les rencontrer, répondit Xyn.

    - Mais enfin, soyez prudente ! Avec ce qu'il vient de se passer, aujourd'hui !

     

    Xyn, penaude, baissa la tête. Mais elle était convaincue que les jumelles n'avaient rien avoir avec des terroristes.

     

    - Ce n'est rien, je m'en charge, intervint une autre voix.

    - Votre Altesse ?!

    - Theodora ! s'exclama Xyn.

    - Xyn, Ren, jeunes filles, suivez-moi.

     

    La princesse, qui venait de passer la porte du palais donnant sur le jardin, était une belle jeune femme à la peau légèrement sombre, qui contrastait avec ses longs cheveux blonds et lisses. Elle ne semblait pas tout à fait humaine, comme sa suite et sa garde, d'ailleurs, car ses oreilles s'allongeaient à la manière des elfes, et deux cornes blanches partaient de l'arrière de son crâne, enserrant sa tête. Point de robe extravagante comme dans les contes de fées : elle portait une robe ample de magicienne.

    Theodora guida les deux jumelles à travers le palais, suivie par Xyn et Ren qui le connaissaient par cœur. Elle s'arrêta devant une grande porte, qu'elle ouvrit, et elle les invita à s'asseoir dans de moelleux fauteuils.

    Tout d'abord, elle demanda leurs noms à Fumika et sa sœur, puis elle leur demanda de tout lui raconter. Les jumelles parlèrent de l'attentat auquel elles avaient assisté, celui de Megalomesembria, puis de la vision qu'elles avaient eu ensuite, qui concernait celui de Hellas.

     

    - Je me disais bien que Lya ne serait pas capable de faire ça … murmura Theodora, soucieuse. Les vidéos soi-disant officielles, dont je n'ai même pas approuvé la diffusion, semblent vraiment truquées, maintenant.

    - Lya ? répéta Xyn, éberluée.

    - Vous la connaissez ?! s'exclamèrent les jumelles effarées.

    - Non, pas personnellement, répondit Xyn, mais …

    - Moi, si, fit Theodora, je m'entendais bien avec elle, d'ailleurs. Même si on ne se voyait pas souvent.

     

    Quatre visages la regardaient avec des yeux arrondis par la surprise, ce qui l'amusa. La suite devint très vite confuse, d'une part avec la réaction de Xyn qui n'avait pas fait attention plus que ça à la liste des fugitifs, d'autre part avec celle des jumelles, qui n'en revenaient pas que Lya puisse avoir visité ce monde étrange sans le leur avoir dit, tandis que Ren observait le tout en silence, perplexe.

     

    - Theodora, c'est l'une des filles recherchées, ma sœur ?!

    - Lya est déjà venue ici ?!

    - Elle connaît une princesse ?!

    - Vous avez déjà vu ma sœur ?!

    - Elle a une sœur ?!

    - Oui, moi !

     

    Theodora, décida de mettre un peu d'ordre dans la discussion, qui allait finir par devenir incompréhensible si elle ne faisait rien.

     

    - Doucement, une question à la fois ! Oui, Xyn, ta sœur fait partie des fugitifs, c'est celle qui, sur les vidéos, détruit le menhir de notre port-portail, et oui, apparemment, ces deux-là la connaissent.

    - C'est notre colocataire, précisa Fûka.

    - Maintenant, vous deux, oui Lya est déjà venue ici. Pour être plus précise, c'est une magicienne originaire de ce monde, même si elle est amnésique et si j'ignore de quoi elle se souvient exactement. Et j'étais très amie avec ses parents, plus précisément sa mère.

    - Alors la magie existe ? vérifia Fumika.

    - Exact, c'est même sur ça que tout notre monde est basé. Fûka, Fumika, si d'ici nous ne pouvons pas déterminer la position de Negi, Lya et les autres, vous nous accompagnerez à Ostia pour le festival de la paix. Mais ça m'étonnerait, j'ai déjà pu demander de l'aide pour les retrouver …

     

    _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 

     

    Alors ? Oui, bon, je l'avoue ... j'ai cruellement manqué d'inspiration, pour le titre, mais bon ... rien d'autre ne me venait à l'esprit. "La fille de Hellas" fait référence, vous vous en doutiez peut-être, à Xyn.


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    - Lya, tu n'es pas fille unique.

     

    Quoi ? Comment ça ?! Elle avait un frère, ou une sœur ? Drexan lui avait-il menti en affirmant qu'elle n'avait pas de grande sœur ? Sayo aurait-elle eu raison ?

     

    - Tu as une petite soeur.

     

    Ah ? Bah non, encore raté … Sayo avait bel et bien eu une hallucination.

     

    - Elle s'appelle Xyn, a tout juste dix ans, et vit en ce moment sous la protection de la princesse impériale Theodora, dans la capitale de Hellas. Nous pensions qu'elle y serait en sécurité : personne à part nous, pas même Ragnarök, n'était au courant de sa naissance. Mais nos ennemis semblent plus informés que nous le croyions, elle n'est plus aussi en sécurité … au risque de leur révéler son existence, il faut que tu ailles la retrouver.

     

    Drexan s'interrompit légèrement, on sentait qu'il hésitait à ajouter quelque chose.

     

    - Lya, je ne sais pas si j'ai encore beaucoup de temps, alors je serai bref. Tu dois survivre à Ragnarök à tout prix. Pour ta sœur, pour tes parents qui sont peut-être encore vivants, pour tout ceux qui t'aiment. Mais aussi parce qu'il existe une toute petite chance pour que tu aies le pouvoir de protéger, non, de sauver le monde magique.

     

    Puis la voix de Drexan disparut, et Lya sentit le sol se dérober sous ses pieds.

     

    Lya ouvrit les yeux et s'assit, stupéfaite. Réfléchissons. C'était le matin, dans la forêt, et Gira avait éteint le feu. Gira, le feu, la forêt. Bon, elle n'était peut-être pas très réveillée, mais avec ça elle comprenait bien qu'elle était au monde magique et que l'incident du port-portail n'était pas un rêve. Mais ce qu'il venait de se passer ? Sa sœur ? Xyn ? Comment pouvait-elle trancher, entre le rêve et la réalité ?

    Soudain, elle eut une idée : elle allait peut-être savoir ! Mais pouvait-elle en parler à Gira ? D'un côté, Drexan avait peut-être raison de se méfier. D'un autre côté, elle avait besoin d'aide, et elle devait être loin de Hellas, maintenant. Gira était la seule sur qui elle pouvait compter pour le moment.

     

    - Dis, Gira …

    - Ah, tu es réveillée ? s'étonna la démone. Qu'y a-t-il ?

    - La princesse impériale de Hellas, elle s'appelle bien Theodora ?

    - Exactement. Pourquoi ?

    - Bon, bah ça confirme ce que je pensais. J'ai bien une petite sœur.

     

    L'habituelle attitude distante et froide de Gira laissa la place à une expression d'incrédulité totale.

     

    - Hum … Tu peux répéter ?

    - J'ai une petite sœur.

    - Et quel est le lien entre le nom de la princesse et ta sœur ? Je crois bien avoir loupé un épisode.

    - Euh … oui, une conversation télépathique. Ou plutôt un monologue télépathique, pour être plus précise.

     

    Lya lui résuma ce que lui avait expliqué Drexan.

     

    - Et donc, comme à la base je ne connaissais pas le nom de la princesse, j'ai vérifié que je ne l'avais pas inventé … si ça avait été le cas, ça aurait été un simple rêve. Alors ? Qu'est-ce qu'on peut faire ?

    - Déjà, vérifier où nous sommes. Mais sauf si nous sommes vraiment proches d'Hellas, nous ne pouvons pas y retourner … Par contre, dans un mois et demi, il va y avoir un festival à la Nouvelle Ostia, pour fêter la fin de la guerre. Cette année, c'est la vingtième édition, et pour l'occasion, toutes les grandes personnalités du monde magique s'y rassemblent, dont la princesse. Ce serait donc mieux de s'y diriger. Peut-être même que tes amis vont y aller aussi. Sinon, nous tenterons de les contacter une fois là-bas.

     

    Gira lui fit signe de rassembler ses affaires et de la suivre. En volant quelques instants, elle avait déjà repéré une grande ville, il n'y avait plus qu'à s'y diriger.

    La démone guida Lya à travers la forêt, quasiment en silence. Encore une fois, Gira n'avait pas l'air d'humeur bavarde … après quelques heures de marches, elles atteignirent les premières habitations, et découvrirent un panneau sur lequel était inscrit le nom de la ville.

     

    - Antigone, lut Lya. Alors ?

    - C'est bien ce que je pensais … soupira Gira. Antigone est à plus de cinq mille kilomètres de Hellas. Nous allons devoir aller à Ostia …

    - C'est loin ?

    - Je dirais plus ou moins quatre mille kilomètres.

    - Ouh, ça fait beaucoup ! Comment allons-nous faire ?

    - Je ne sais pas encore … Laisse-moi y réfléchir. Ah, remets ta capuche, on devrait rester discrètes … C'est peut-être un peu de la paranoïa, mais Ragnarök est partout. S'ils nous découvrent, on est fichues.

     

    Elles parcoururent les rues, en quête d'informations, mais soudain, le regard de Gira se posa sur un écran magique, et elle s'arrêta net en pestant. Elle attrapa Lya et l'emmena dans une ruelle.

     

    - Qu'est-ce qu'il se passe ? chuchota instinctivement Lya.

    - On a de gros problèmes … Toi, moi, et le reste de l'ala alba sommes recherchés … je viens de voir les avis.

     

    Lya se retint de justesse d'hurler de surprise.

     

    - Mais …

    - J'ai une solution. Pour nous déplacer, en partie. Et aussi pour l'avis de recherche.

    - Quoi ?

    - J'ai une paire de lunettes qui permet de modifier son apparence, ça marche sur le principe des illusions … et grâce à mes payes, j'ai assez d'argent pour en racheter une, ainsi que tout ce dont nous avons besoin. Suis-moi, et surtout garde bien ta capuche … je suis déjà venue ici, je sais où en trouver.

     

    Gira la mena dans un dédale de ruelles, jusqu'à un petit magasin, sombre et poussiéreux, où elle entra. Elle en ressortit quelques minutes plus tard, et tendit la nouvelle paire à Lya.

     

    - Maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Tu as parlé d'une partie du voyage.

    - Dans trois jours, un vaisseau part d'Antigone, et va à Elfanhaft. Nous allons la prendre sous de fausses identités, j'ai déjà les billets. Ça nous fera un tiers du voyage en quelques heures …

    - Hum … Gira ? Ça coûte cher, tout ça, non ? Comment tu as fait ? Je veux bien que tu aies de l'argent avec tes payes, mais quand même !

    - Hin, ne me sous-estime pas … J'avais beau être obéissante et cacher peu de choses à mon maître, tous mes contacts ne sont pas affiliés à Ragnarök, loin de là ! Et puis je sais négocier avec eux … suffit de ressortir les vieux squelettes des placards, et c'est fou à quel point tu peux obtenir des réductions énormes … répondit Gira d'un air carnassier.

    - Ok ok, je ne veux pas en savoir plus ! s'exclama Lya.

     

    La démone conduisit ensuite Lya en dehors de la ville, et retrouva la forêt avec un certain soulagement. Elles dénichèrent un endroit où installer leur camp, et s'assirent. L'après-midi touchait à sa fin.

     

    - Lya ? fit Gira.

    - Oui ? lança Lya, surprise que la démone commence d'elle-même la conversation.

    - Comme ton maître a été enlevée, tu n'as personne pour t'entraîner.

    - Exact. Même si je compte bien la retrouver au plus vite. Et ?

    - Qu'est-ce qu'Arianna t'apprenait ?

    - Ninjutsu et magie. Je ne vois toujours pas où tu veux en venir …

    - Espionnage ? Infiltration ?

    - Non. Je sais juste cacher mon aura, enfin dans une certaine mesure.

    - Bien. Alors je vais t'entraîner.

     

    Lya la regarda droit dans les yeux, ahurie.

     

    - Tu crois que je n'ai des capacités qu'en combat ? s'étonna la démone. Pour mon ancien travail, je devais pouvoir rassembler des informations correctes et fiables rapidement … Nous allons devoir récolter toutes sortes d'informations, surtout sur tes amis. Je pourrais le faire seule, mais te laisser derrière pourrait ne pas être un très bonne idée. Donc dans les deux jours qu'il nous restent, je vais t'entraîner, et après notre atterrissage à Elfanhaft aussi.

     

     

    ***

     

     

    - Alors, c'est comment ? s'exclama Thelis.

    - Bizarre ! répondit Yoru. Je pensais pas monter ce genre de trucs un jour …

    - Disons que c'est comme les chevaux de ton monde.

    - Chevaux qui se tiennent sur deux pattes, ont une peau de lézard, une queue de lézard, une tête de … là je ne sais pas trop à quoi comparer … un lézard avec un long coup ? Ah, ça va plus vite, aussi.

     

    Thelis éclata de rire, amusé par l'expression perplexe de Yoru. Ils se dirigeaient à présent vers Shangri-la pour un long voyage, à dos d'étranges animaux, à une trentaine de kilomètres par heure.

     

    - Si tu dois chercher les ressemblances avec ton monde dès que tu trouves quelque chose, tu n'as pas fini, mon garçon !

    - Je m'en doute …

     

    Le début avait été compliqué, Yoru n'ayant jamais chevauché quoi que ce soit, mais après un petit temps d'adaptation, il s'avérait que monter ces drôles d'animaux n'était pas si difficile, surtout qu'en fin de compte ils étaient dociles.

    Yoru était encore légèrement méfiant, mais il préférait ne pas le montrer. Cela faisait trois jours qu'ils voyageaient, et pour le moment il ne s'était rien passé. Pas d'attaque de bandits, pas de nouvelles de l'ala alba. Le calme plat.

    Mais ce marché avec Thelis l'arrangeait beaucoup : il voyageait assez rapidement, avait une protection vis à vis des chasseurs de primes et autre dangers pour fugitifs, et ça lui permettait de s'entraîner. Même sans attaques de bandits. Leurs montures étaient endurantes, mais les chevauchées, d'une heure, se répartissaient sur la journée avec de longues pauses entre deux pour les laisser récupérer. Et c'était pendant ces longues pauses que Yoru s'entraînait sans relâche.

     

    Un soir, ils se réchauffaient autour d'un bon feu, mais en silence. Cela, d'ailleurs, étonnait Thelis. D'habitude, le garçon lui faisait joyeusement la conversation, mais là, Yoru était plongé dans ses pensées, son regard vide tourné vers les flammes. Il était ailleurs, et soucieux.

     

    - Ça ne va pas, mon garçon ? l'interrogea Thelis.

    - Mmh ? Si, si … Je pensais à autre chose …

    - Une petite amie, peut-être ? fit l'homme, avec un sourire sournois.

     

    Yoru rougit brusquement, avant de confirmer avec force bégaiements. En se demandant comment diable Thelis avait pu le deviner, sans savoir que chez lui ça se voyait à peu près comme le nez au milieu de la figure.

     

    - Je m'inquiète pour elle … quand nous avons été séparés, elle était blessée … Je me demande comment elle va, maintenant.

    - Tu n'as aucun moyen de la contacter, je suppose, sinon tu l'aurais déjà fait …

    - Aucun, et je le regrette, maintenant … nous n'avons pas fait de pactio, et je suis incapable d'utiliser la magie, donc pas de télépathie.

    - De toute façon, les fonctions de la carte de pactio, autre que le rangement d'affaires et l'invocation de l'artefact, ne sont utilisables que dans un rayon de dix kilomètres. Les sorts de télépathie ne sont guère plus efficaces, à part quand ils sont utilisés avec certains objets, très rares. Comme les médaillons de télépathie, par exemple, j'ai déjà entendu qu'ils peuvent fonctionner même entre les deux mondes, mais c'est quasiment introuvable.

    - Je vois … Thelis, pensez-vous que je puisse les contacter, elle et les autres ?

    - Certainement. Tu sais, les chances que tous tes amis parcourent des milliers de kilomètres sans être repéré par personne sont faibles … dans peu de temps, on devrait avoir des nouvelles.

    - J'espère qu'ils ne se feront pas capturer …

     

    Le camp fut replongé dans le silence quelques temps, avant que Yoru ne reprenne la parole.

     

    - D'ailleurs, à propos de tout ça, il y a quelque chose que je ne comprends pas.

    - Oui ?

    - Comment ça se fait que tout le monde croie à notre culpabilité ? Je sais qu'il y a les vidéos, mais quand même … ça doit être impossible, pour des gens de notre âge, de commettre ce genre d'attentats ! La plus âgée d'entre nous a seize ans ! Et pire, l'un des plus recherchés, Negi, n'a que dix ans …

    - Ce n'est pas si simple, Yoru. Bien sûr, certains habitants doivent être perplexes, mais dans le Mundus magicus, tout le monde peut combattre, et les combattants les plus forts sont parfois révélés très jeunes. Thousand Master, Nagi Springfield, n'avait que treize ans quand la guerre a commencé, et pourtant il y a participé depuis le début. Chez nous, n'importe qui peut partir au combat s'il est suffisamment puissant.

    - Superbe … Eh bien, nos mondes sont vraiment différents !

    - Tu vas t'y faire.

    - Ça c'est vous qui le dites !

     

    Les jours passèrent, semblables aux autres, avec pour seuls changements les progrès de Yoru, son adaptation à ce monde sauvage qu'était le Mundus magicus, et le paysage qui se modifiait légèrement au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de la côte. De temps en temps, quelques bandits, trompés par le peu de défenses apparentes du duo, les attaquaient, mais ils le regrettaient amèrement par la suite. Yoru n'était pas d'un naturel violent, au contraire, mais sa frustration d'être loin de Lya lui donnait vraiment envie de se défouler.

     

     

    ***

     

     

    - Nous y voilà, fit Illonya.

     

    Shelly et elle se trouvaient à une centaine de mètres de Phoenicus, grande ville de l'Est du Mundus magicus.

     

    - Ne restent plus qu'à faire nos recherches et à essayer de contacter les autres, exposa la chatte-fée.

    - « Rester », c'est vite dit, répliqua sa maîtresse. Je te rappelle que je suis recherchée et que je ne vois pas comment entrer dans la plus grande bibliothèque de l'Est sans me faire repérer …

    - J'ai ma petite idée là-dessus. Attends-moi là, je reviens dans tout au plus deux heures. De toute façon on reste en contact télépathique. Reste cachée …

     

    Illonya s'assit à l'ombre d'un bosquet en contemplant Phoenicus de loin. Les villes du Mundus magicus étaient vraiment différentes de celle de la Terre … Ici, la ville n'écrasait pas la nature, elle se développait avec elle. Les bâtiments accompagnaient le relief, la végétation était omniprésente partout. Illonya, l'avait remarqué, pendant le voyage : si ce monde était plus sauvage et dangereux, en moyenne, que son monde natal, il ne connaissait cependant pas le problème de la pollution. Vaisseaux, bateaux, usines, tout fonctionnait par magie.

    La jeune magicienne consulta sa montre, affichant et l'heure de la Terre, et l'heure du monde magique. Shelly était absente depuis deux heures et demi, et Illonya commençait à s'inquiéter.

     

    - Shelly ? Ça va ?

    - Ah, oui, j'arrive, ne t'inquiète pas … je suis sur le chemin, je serai là dans un petit quart d'heure.

     

    Effectivement, environ quinze minutes plus tard, la chatte-fée était là, et traînait un sac derrière elle.

     

    - Qu'est-ce que c'est ?

    - Souvent, dans les grande villes, il y a ce qu'on appelle les marchés de familiers. Tout ce qu'il faut pour nous ou nos maîtres ! s'exclama Shelly. Il y a de tout, là-bas, du matériel de soutien en combat aux objets quotidiens fonctionnant à la magie herminienne1, en passant pour les ordinateurs d'hermines. J'ai trouvé ça.

     

    Elle sortit un orbe du sac, et le présenta à Illonya.

     

    - Ça me permet de changer la couleur de tes cheveux et de tes yeux. Et comme c'est un véritable changement, même temporaire, et non une illusion, personne, même avec un excellent équipement, ne pourra deviner que ce n'est pas ta véritable apparence. Ce n'est pas tout, j'ai aussi trouvé autre chose.

     

    Shelly sortit cette fois des oreilles et une queue de chat.

     

    - Une fois que tu les mets, tout ce qui permet de les attacher devient invisible, on ne voit pas que ce sont des faux, surtout qu'elles bougent selon ton humeur, c'est connecté à ton esprit … ton signalement sur les avis de recherche correspondent à une enfant humaine aux cheveux châtains et aux yeux noisette. Si tu deviens une Nekomimi blonde, ou rousse par exemple, aux yeux verts, personne ne fera attention à toi.

     

    Illonya la remercia, enfila le tout, et s'aperçut qu'en effet, avec ses yeux verts, ses cheveux roux et lâchés, avec ses oreilles et sa queue de chat qui semblaient vraiment faire partie de son corps, elle était méconnaissable.

     

    - Maintenant, nous serons tranquilles, s'exclama-t-elle, ravie. Tu as repéré la bibliothèque ?

    - Difficile de la rater, elle est tout simplement énorme … Suis-moi.

     

    La chatte-fée la conduisit dans les rues de Phoenicus, jusqu'à un gigantesque bâtiment, très fréquenté. La bibliothèque de Phoenicus était réputée pour être l'une des plus grandes, des plus complètes, du monde magique. Des voyageurs venant des quatre coins du monde la visitaient et venaient y faire leur recherches, car ils étaient pratiquement sûrs de trouver toute les informations dont ils avaient besoin.

    Illonya et Shelly entrèrent, et traversèrent le bâtiment jusque dans la section des légendes. Cependant, après deux heures à parcourir des pages et des pages, impossible de trouver quoique ce soit à propos de l'onyx de Hel.

     

    - Attends … réfléchit Shelly. Cette section traite des légendes, donc de contes populaires qui n'existent normalement pas et qui ne sont pas fondés … On devrait plutôt chercher du côtés des catalyseurs les plus connus.

     

    Illonya acquiesça, et se rendit dans la section voisine, traitant des objets magiques, qu'elle avait repérée un peu avant. Elle jeta un coup d'œil rapide aux tranches des livres, avant de trouver celui qui l'intéressait.

     

    - « Les catalyseurs des magiciens célèbres », lut-elle. Peut-être que là-dedans …

     

    Le livre était séparé en deux parties, soit une relatant des magiciens ayant travaillé au service des cités, des pays ou même du monde, comme Nagi Springfield ; et une autre répertoriant ceux qui avaient voulu faire régner la terreur dans le Mundus magicus.

    Comme elle le craignait, Illonya ne trouva rien dans la première partie. Elle parlait entre autres de Nagi Springfield et des autres membres magiciens de l'ala rubra, décrivant leurs catalyseurs, mais rien à propos d'une certaine Hel. La jeune norvégienne le savait déjà, si l'onyx de Hel avait son nom dans ce livre, ce ne serait pas dans la première partie. Sinon, les villageois n'auraient pas été terrifiés.

    Illonya passa directement aux noms en « H », et y trouva, comme elle s'en doutait, le nom de Hel inscrit.

     

    - Shelly, viens voir ça … murmura la stagiaire.

     

    « La détentrice de l'onyx de Hel est une magicienne que le Mundus magicus préférerait oublier, et, de nos jours, rares sont ceux à faire encore allusion à Hel.

    L'onyx de Hel a disparu depuis plusieurs décennies, à la mort de sa propriétaire, et tous ignorent où il se trouve. »

     

    - C'est tout ? soupira Illonya, déçue.

    - Au moins, relativisa Shelly, nous savons que Hel était bien une magicienne, et non un lieu ou tout simplement une référence à la déesse2. Nous pouvons chercher dans des livres d'histoire, sur les magiciens les plus connus …

     

    Magicienne et familier changèrent à nouveau de section, et se remirent à fouiller parmi les ouvrages. Après une petite demie-heure, Shelly parcourait l'index d'un livre, dans lequel elle trouva enfin le nom de Hel mentionné. Cela avait été long, et en effet, comme l'expliquait le livre des catalyseurs connus, la plupart des livres évitait de faire référence à cette magicienne.

     

    - Regarde ça, Illonya !

     

    La jeune fille lut rapidement les quelques lignes qui décrivaient la magicienne.

     

    « Hel Enden, magicienne originaire de Norvège, dans le Mundus Vetus, née dans les années 1900 du calendrier terrien, fut l'une des plus grandes ennemies de notre monde.

    Autrefois, Hel était une jeune magicienne, qui se destinait à un brillant avenir de magister magi. Détentrice d'une grande puissance, elle a d'abord travaillé au service de Megalomesembria, et capturait efficacement fugitifs et criminels. À travers son travail, elle a vite grimpé les échelons de l'administration, et s'est vue accordé de plus grandes responsabilités, mais aussi de grands pouvoirs politiques.

    Cependant, il semble que Hel soit devenue grisée par le pouvoir, et, vers 1935, accompagnée de quelques acolytes assoiffés de pouvoir, elle tenta un énorme coup d'état, alors que les plus grandes puissances du monde magique (les consuls de Megalomesembria, le deuxième prince impérial de Hellas et le roi de Vespertatia) étaient rassemblées. Heureusement, elle échoua, stoppée avec l'aide de la prestigieuse garde d'Ariadne et de nombreux magiciens, mais ce fut un grand massacre lors duquel de nombreuses vies furent perdues.

    Hel réussit cependant à s'échapper. Elle fit ensuite passer un message, en piratant le réseau du monde entier : si elle ne pouvait pas diriger ce monde, alors personne ne l'aurait. Dès lors, même s'il semble qu'il y ait eu d'autres raisons, son but fut de détruire le monde magique, ou au moins de commettre de nombreux massacres. Elle s'associa à Cosmo Entelecheia, mais au bout de quelques mois, elle se retourna contre eux, les affaiblissant suffisamment pour qu'ils ne puissent pas détruire notre monde. Personne ne connaît la raison de ce revirement de situation, mais, après avoir quitté Cosmo Entelecheia, elle continua ses massacres.

    À l'époque, en 1937, le Mundus magicus et le Mundus Vetus étaient profondément liés, sur le plan physique : il était extrêmement facile de passer d'un monde à l'autre. Hel découvrit qu'elle avait un don étrange : non seulement elle pouvait sentir n'importe quelle créature magique dans un énorme rayon, les analyser de façon très efficace, mais cela fonctionnait avec tout être vivant et toute source de magie, tels les site sacrés (Par exemple, l'arbre sacré de Mahora, une ville terrienne d'un pays nommé Japon), et entrer en contact avec. Elle mit au point un sort étrange, permettant de s'approprier leur puissance. Hel accorda son esprit aux douze sites sacrés de la Terre, canalisa leur magie et, grâce au lien entre les deux mondes qu'elle accentua, elle tenta encore de détruire le Mundus magicus.

    À nouveau, elle fut stoppée par de talentueux magiciens. Elle prit la fuite, pourchassée par ces mêmes magiciens, et ce fut le début de trois longues années de course-poursuite, au terme desquelles elle fut finalement tuée. On raconte que juste avant sa mort, elle aurait utilisé la magie restante des sites sacrés pour créer une prophétie :

    '' Lorsque les temps viendront, l'héritier de Hel s'éveillera pour marcher sur les traces de son ancêtre. Les douze sites sacrés sortiront de leur torpeur, et l'Élu empêchera l'acte salvateur. ''

    Hel l'aurait utilisée pour maudire sa famille, en particulier sa fille et son beau-fils, qui faisaient partie des magiciens l'ayant arrêtée : Thea Enden et Aaron Olsen.

     

     

     

    1 La magie herminienne désigne les sorts utilisés (pactios, interruption de télépathie (à noter que certains sorts de magiciens comme la télépathie ont leur équivalent herminien) , etc …) par les hermines comme Camo, ou, plus largement, par les autres familiers tels que Shelly.

     

    2 Hel est à l'origine une déesse du panthéon nordique, c'est la déesse de la mort.


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  •  Illonya attrapa son sac, éteignit les flammes magiques, et, Shelly sur les talons, elle se dirigea vers le village le plus proche. Elle l'avait repéré en volant, un peu plus tôt dans la matinée, et, à vol d'oiseau, il ne semblait pas très loin. Mais elle préférait y aller à pieds, d'une part pour économiser le plus possible ses forces magiques, d'autre part pour éviter de tenter les animaux volants du coin, plutôt gros, agressifs et accessoirement carnivores. Car oui, de petits dragons survolaient parfois la plaine, et en l'air, toute autre créature plus petite faisait une cible facile. Des dragons. Elle avait rêvé d'en voir depuis des années, sachant qu'ils existaient vraiment … eh bien maintenant elle n'était pas sûre d'apprécier !

    Après trois bonnes heures de marche, magicienne et familier passèrent la porte du village, entouré par des palissades. Les attaques de brigands devaient être assez nombreuses : ce monde semblait bien plus sauvage que le Mundus Vetus, aussi appelé Terre. Entourés par une nature à qui il arrivait apparemment de reprendre ses droits sur les hommes, et par une faune et une flore pas toujours tranquilles, les habitants avaient appris à se débrouiller d'eux-même et à se défendre. D'où les palissades autour des différents villages.

    Shelly se fit une petite place sur l'épaule de sa maîtresse – heureusement, la chatte-fée n'était pas bien grande – et toutes les deux entrèrent dans la première boutique qu'elles virent, qui devait bien être l'une des seules du village. Ça ressemblait grandement à une épicerie, et un vieil homme était assis derrière un comptoir, occupé à faire ses comptes.

     

    - Puis-je faire quelque chose pour vous ? demanda-t-il en l'invitant à s'avancer.

     

    Illonya fut tout d'abord étonnée : il parlait en latin ! Mais elle n'eut aucun mal à répondre, ayant appris la langue depuis sa plus petite enfance.

     

    - Hum … oui, en fait je voudrais savoir où nous sommes …

    - Eh bien, dans mon échoppe, ma p'tite demoiselle ! lança-t-il sans lever les yeux de son cahier de comptes.

    - Euh … oui, ça on s'en doute, répliqua Shelly, mais nous sommes en plein voyage, et nous aimerions savoir près de quelle grande ville nous sommes …

    - Ah, ça … à environ quatre cent kilomètres au sud de Phoenicus.

     

    Il daigna enfin lever la tête, lorsqu'elles le remercièrent. Et son visage devint un masque d'horreur et de haine.

     

    - … Vous … ! Vous ! Déguerpissez !

    - Quoi ?!

     

    Illonya recula précipitamment et sortit. Le vieil homme la suivit en hurlant, ameutant le reste du village. En un rien de temps, une centaine de villageois mi-effrayés mi-furieux entouraient la jeune fille et Shelly.

     

    - Qu'est-ce qu'il se passe ? chuchota la chatte-fée.

    - Aucune idée, mais ils n'ont pas l'air d'être contents de nous voir …

     

    Lentement, quatre hommes se déplacèrent pour les cerner.

     

    - Écoutez, essaya Illonya, qu'est-ce que vous nous voulez ? Pourquoi tout ça ?

     

    Mais ses questions semblèrent plutôt énerver la foule.

     

    - Tu oses dire ça ! Criminelle !

    - Comment ?! Vous la confondez avec quelqu'un d'autre ! la défendit Shelly. Nous ne sommes jamais venues ici !

     

    De rage, les villageois commencèrent à les caillasser, et Illonya fut obligée de se défendre par magie, s'entourant d'une barrière magique après avoir fait apparaître son bâton.

     

    - On devrait filer d'ici, Illonya ! s'écria Shelly, toujours se son épaule.

     

    La jeune norvégienne désactiva sa barrière, grimpa dessus et esquiva habilement les divers objets lancés. Un villageois lui lança un parchemin, de rage – même si ça ne pouvait rien lui faire, en fait ils prenaient ce qu'ils avaient directement sous la main – et elle l'attrapa. Elle s'envolait plus haut dans le ciel, et la dernière chose qu'elle vit de part des villageois était que l'un deux fixait, terrifié, la pierre noire au bout de son bâton.

     

    - L'onyx de Hel ! Elle a l'onyx de Hel ! hurla-t-il avec une frayeur non dissimulée.

     

    Illonya s'éloigna assez vite, vraiment perturbée par ce qu'il venait d'arriver, et elle fit un détour pour revenir à son campement, où elle dressa quelques barrières pour se protéger et se dissimuler. Puis elle se laissa tomber par terre, alors que Shelly sautait de son épaule.

    Ensuite, elle ouvrit le parchemin, et se figea.

     

    - Shelly … regarde ça …

     

    La chatte-fée jeta un coup d'oeil au papier.

     

    - C'est pas possible … murmura-t-elle.

     

    Un avis de recherche ! Les villageois avaient dit vrai … pour une raison qui leur échappait encore, dans ce monde, Illonya était une criminelle recherchée. Et elle n'était pas la seule. Lya, Yoru et le reste de l'ala alba, ainsi que Gira, tous étaient sur l'avis, exceptés les familiers, avec des récompenses astronomiques sur leur tête. Les plus recherchés étaient évidemment Negi, Lya – Ragnarök devait tremper la-dedans – et les meilleurs combattants de l'équipe tels que Kaede, Setsuna et Kotaro.

    Autant dire qu'ils étaient mal barrés …

     

    ***

     

    Au même moment, Yoru cherchait une ville, mais, sans bons moyens pour y parvenir, il le faisait à l'aveuglette, et ne trouvait rien. Le meilleur moyen semblait d'atteindre les montagnes qu'il avait vues au loin, de là il trouverait certainement un signe de civilisation, mais il n'y serait pas avant le soir. Soupirant, il se remit en route. Heureusement que la végétation était maigre, il verrait arriver n'importe qui sur un bon kilomètre à la ronde et il ne perdrait pas de vue sa destination. Même si une forêt commençait à apparaître à quelques kilomètres des contreforts et se densifiait au fur et à mesure, il avait peu de chances de se perdre.

    Au bout de plusieurs heures de marche, son estomac criait famine, et il décida de faire une pause. Il se félicitait d'avoir pris à manger avec lui … malheureusement, il n'avançait pas aussi vite qu'il l'espérait, et alors que le ciel se nimbait d'une magnifique couleur écarlate, il n'avait même pas encore atteint la forêt. Il décida tout de même de marcher le plus longtemps possible, jusqu'à ce que la progression soit rendue impossible par l'obscurité.

    Après avoir mangé, faisant attention à ne pas consommer trop de provisions d'un coup, il se remit en marche, et miracle, en une petite heure de marche, il croisa une famille, apparemment en voyage. Deux adultes étaient accompagnés de trois enfants, et se déplaçaient dans une espèce de charrette tirée par d'étranges animaux. Des sortes de … reptiles, de gros lézards plus précisément. Mais plus ramassés sur eux-même, plus trapus, avec une énorme queue. Bref, Yoru n'avait jamais rien vu de semblable.

    Il les aborda doucement, faisant attention aux queues des bêtes qui balayaient le sol.

     

    - Excusez-moi … j'aurais besoin d'un renseignement … dit-il en toussotant pour attirer leur attention.

     

    La famille le regarda avec une expression figée, de celles qu'on arbore quand on vient de tomber sur LA personne qu'on ne veut pas croiser. Mais personne n'eut le temps de dire quoi que ce soit. Yoru n'était pas le seul à avoir vu la famille : un dizaine de brigands les encerclaient …

    Yoru se mit en position de défense, attendant de voir ce qu'ils allaient faire. Soudain, la moitié se précipitèrent sur la famille, tandis que les autres fonçaient sur Yoru.

    Toujours dans l'ombre des magiciens et des progrès hallucinants de Lya, Yoru s'était vu à la traîne. Terriblement à la traîne. Les combats contre Gira et Kagami avaient fini de l'en persuader. Mais là … les attaquants étaient tellement lents ! Ils n'avaient aucune technique, se servant juste d'armes magiques pour intimider leurs victimes et les dépouiller. Alors quand il les vit approcher, il comprit que lui aussi avait sa carte à jouer.

    Le premier brandissait une espèce de matraque parcourue d'étincelles, Yoru n'eut qu'à se décaler de quelques centimètres et leva son genou, qui frappa le ventre de son ennemi et lui coupa le souffle. Puis l'adolescent, n'ayant toujours pas posé sa jambe, pivota et en percuta un autre. Les trois autres bandits se jetèrent sur lui en même temps, il les esquiva et les assomma rapidement, avant de venir en aide à la famille.

    D'un coup du tranchant de la main sur la nuque, il en envoya un au pays des rêves. Les adultes, serrant leurs enfants contre eux, considéraient l'adolescent avec des yeux effrayés et ébahis, alors que les brigands tombaient comme des mouches autour de lui.

    Finalement, les bandits détalèrent sans demander leur reste, emmenant les quelques uns qui étaient inconscients avec eux.

     

    - Eh bien, on dirait que mon entraînement a fonctionné … murmura Yoru.

     

    Il voulut enfin poser sa question aux voyageurs, mais un bruit derrière lui l'avertit qu'ils étaient en train de partir, et les animaux tirant la charrette étaient rapides. Yoru pensa un moment les poursuivre, mais ils étaient déjà loin.

     

    - C'est comme ça qu'ils me remercient … original, ironisa l'adolescent. Bon, ben je n'ai plus qu'à avancer et essayer d'atteindre cette fout... cette magnifique forêt avant la nuit !

     

    Il jeta un regard inquiet au ciel, qui s'assombrissait de plus en plus. Finie la marche, il devrait y aller par quick move … il devait encore avoir une demie-heure avant que ne tombe entièrement la nuit. Se dépêchant, il ne s'aperçut pas qu'il était suivi.

     

    ***

     

    - Bon, je vais tenter quelque chose … fit Illonya en attrapant une feuille et un crayon dans son sac.

     

    La norvégienne commença à dessiner une carte approximative du Mundus magicus, bénissant l'académie de Lordania pour ses cours. Le programme contenait magies offensive, magies simples utilisées au quotidien ; mais aussi l'Histoire et la géographie du monde magique, et c'était spécifique de Lordania, car la plupart des autres écoles les survolaient. Les professeurs avaient surtout bassiné leurs élèves avec la géographie, et Illonya leur en était bien reconnaissante. Elle était ainsi capable de reproduire, dans les grandes lignes, une carte du monde magique.

     

    - Alors, Hellas, c'est là … à peu près au nord-ouest de la carte. Et nous, on est là, en dessous de Phoenicus, donc … tout à fait à l'est.

    - Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Shelly. On essaye de retourner à Hellas ?

    - Trop loin … répliqua Illonya. Déjà, on va rejoindre Phoenicus, en restant discrètes. De là, on verra s'il n'y a pas un moyen de contacter les autres. Allons-y !

     

    Toutes deux se levèrent, Illonya désactiva ses barrières, et elles sortirent prudemment du bosquet. Personne en vue … grâce au soleil, elles réussirent à s'orienter, et se dirigèrent plein nord.

     

    - On ne serait pas mieux sur ton bâton ? Parce que quatre cent kilomètres … on n'y sera pas avant un bon moment, alors que tu es suffisamment endurante pour voler plusieurs heures.

    - Tu as raison … et puis au pire, les dragons sont des créatures magiques … je les sentirai arriver avant qu'ils n'aient le temps de nous attaquer.

     

    Illonya invoqua son catalyseur et monta dessus, Shelly s'agrippa à elle, et elles s'envolèrent.

     

    - Au fait, comment es-tu sûre de garder le cap ?

    - On n'est pas loin de la côte Est du continent … il nous suffira de la suivre : Phoenicus est sur le littoral, on ne peut pas la rater.

     

    Elles continuèrent de voler, silencieusement, pendant que quelques minutes, avant qu'Illonya ne se décide à reprendre la parole.

     

    - Dis, Shelly … c'est quoi, l'onyx de Hel ? Un des villageois a dit ça ce matin.

    - J'en sais très peu, mais à la base c'est une légende peu connue et relativement récente, je crois. Rassure-moi, tu sais ce qu'est la vraie forme de ton catalyseur, hein ?

    - Bien sûr. Ce n'est pas mon bâton lui-même, c'est la pierre noire enchâssée dedans.

    - Eh bien, je pense que c'est ça l'onyx de Hel.

    - Tu veux dire que je l'aurais avec moi depuis tout ce temps sans le savoir ?!

    - Exact. À Phoenicus, nous essayeront de trouver des informations dessus.

     

    ***

     

    Yoru n'aimait pas ce qu'il venait de découvrir. Quelques minutes auparavant, il avait enfin atteint la forêt, alors que la nuit venait de tomber. Et il avait entendu des bruits à une vingtaine de mètres, surprenant un mouvement du coin de l’œil. Quelqu'un l'observait, et il n'aimait pas cela.

    Sentant que la personne approchait, il se raidit et s'arrêta. Puis il se retourna, scrutant chaque arbre, chaque cachette susceptible de l'abriter. Soudain, un homme, plutôt grand, bien bâti, aux yeux verts, sortit d'un bosquet, et Yoru se mit en position de combat.

    L'homme s'en aperçut, et s'exclama dans ce que Yoru pensait être du latin. Son interlocuteur vit qu'il n'avait pas compris, et il réitéra, cette fois-ci en japonais.

     

    - Oh, du calme, mon garçon !

    - Qui êtes-vous ? demanda Yoru, méfiant.

    - Thelis. Thelis Eman. Tu t'appelles bien Yoru Yamashita ?

     

    Yoru resta un moment interloqué par sa question. Comment connaissait-il son prénom ? Apparemment, Thelis prenait sa réponse pour un oui.

     

    - Pourquoi m'avez-vous suivi ? l'interrogea le garçon d'un ton presque agressif.

    - Tu m'intéresses, mon garçon. À te voir, en cher et en os, il est difficile de croire que tu fais partie d'un groupe terroriste … Tu as même protégé des voyageurs …

    - Comment ?! s'écria Yoru, abasourdi. Comment ça, terroriste ?!

     

    Thelis haussa un sourcil, surpris. Le garçon avait l'air vraiment paumé … il ne s'attendait pas à une telle réaction.

     

    - Je peux approcher ? s'enquit l'homme. Je ne vais rien faire, juste te montrer quelque chose.

     

    Yoru se détendit, et hocha de la tête. Thelis sortit quelque chose de sa poche, une espèce de petit écran translucide complètement plat, et le lui tendit.

     

    - Euh … je suis censé faire quoi, avec ? demanda Yoru en le retournant dans tous les sens.

    - Tu ne sais pas ce que c'est ? Tu ne viens pas de ce monde, c'est ça ?

     

    Yoru nia, et Thelis reprit l'écran. Il l'alluma : il s'agissait en fait d'une interface connectée aux actualités du monde magique et à l'équivalent d'internet. Puis il appuya son doigt sur l'icône d'une vidéo, et le lui tendit de nouveau.

     

    « - Bonjour à tous nos téléspectateurs, commença une présentatrice sur un plateau télé. Voici les informations du jour. Tout d'abord, parlons de l'incident des ports-portails. Les onze ports-portails du monde magique ont été détruits, et nous n'avons toujours aucune nouvelle du groupe terroriste vu sur les enregistrements de Megalomesembria et Hellas. Il n'y a eu à ce jour aucune revendication. »

     

    Lorsqu'elle termina sa phrase, une autre vidéo se superposa. On y voyait Negi, et quelques un de l'ala alba. Soudain, Negi se rapprocha du pilier central … et le détruisit ! Une dernière vidéo se rajouta, montrant Lya, Illonya, Gira et Yoru, et cette fois-ci ce fut Lya qui réduisit le menhir en miettes.

    Puis une image apparut : celle de l'avis de recherche les concernant.

     

    - Mais … mais … balbutia Yoru … ce n'est absolument pas ce qu'il s'est passé !

     

    Thelis haussa à nouveau les sourcils. Certes, cela expliquait l'attitude du garçon, mais ces images étaient tout à fait officielles …

     

    - J'aimerai bien te croire, mais qu'as-tu pour le prouver ?

    - Eh bien … pas grand-chose … rien en fait, avoua le japonais.

     

    L'homme soupira en s’asseyant au sol.

     

    - Enfin … je te propose quelque chose.

    - Que voulez-vous ?

    - Je dois amener quelque chose d'important à Shangri-la. Et je ne peux pas y aller en vaisseau, pour raisons de sécurité. À Shangri-la, je pourrai rencontrer une escorte rassemblée par mon commanditaire, mais c'est assez loin, et comme tu l'as vu, le coin grouille de bandits. Donc voici mon marché : tu m'as l'air doué, alors je t'engage pour me protéger jusqu'à Shangri-la. Nous sommes aux environs de Vairocana, ça fera environ trois semaines de voyage, peut-être un peu plus.

    - Qu'est-ce que j'y gagne ? Parce que c'est bien gentil, mais j'ai des choses à faire … retrouver mes amis, par exemple, peut être une idée !

    - En restant avec moi, tu seras, premièrement, à l'abri des chasseurs de prime, même les plus forts, qui ont l'habitude de poursuivre les fugitifs. Je ne te cacherai pas que je travaille pour le gouvernement de Megalo et que je suis assez haut placé pour un agent, ils ont l'obligation de m'obéir. Si je refuse qu'ils t'attaquent, ils ne le feront pas. Deuxièmement, avoir des informations d'actualité peut être difficile pour un fugitif. Tes amis et toi avez fait beaucoup de bruit, et pratiquement toutes les informations seront présentées sur le net, tu as donc plus de chances de retrouver les tiens, puisque j'ai accès au net. Et finalement … ça.

     

    Il sortit une paire de lunettes et les mit. Ce fut au tour de Yoru de hausser un sourcil. Qu'est-ce que Thelis avait en tête ? Soudain, son apparence changea du tout au tout ! Puis il retira les lunettes et reprit son apparence normale. Enfin, il tendit la paire au garçon.

     

    - Voici des lunettes spéciales, qui développent une illusion autour de toi pour modifier ton apparence.

    - Merci … Pourquoi vous faites tout ça ? Un agent du gouvernement … vous seriez censé m'arrêter.

    - J'ai mes propres raisons … Je t'en parlerai peut-être plus tard. Mais je remarque que tu es blessé. Quoique ça ne t'a pas empêché de te battre tout à l'heure.

    - Ce n'est pas grand-chose.

    - Tu t'es fait ça au port-portail ?

     

    Yoru ne répondit pas. S'il confirmait, cet homme pourrait prendre ses blessures comme une preuve de participation à l'attentat.

     

    - Peu importe, laisse-moi te soigner.

     

    Thelis incanta un sort de guérison, et les ecchymoses issues de son combat contre Kagami disparurent.

     

    - Je suppose que tu n'es pas assez confiant pour dormir chez moi …

     

    Yoru réfléchit un instant. La perspective d'un bon lit le tentait vraiment, mais en effet, il restait méfiant et préférait dormir à la belle étoile. Il confirma.

     

    - J'ai des choses à récupérer chez moi, ainsi que nos montures : nous n'allons pas voyager à pieds ! Je te donne rendez-vous ici, demain matin. Tiens, c'est une montre du Mundus magicus. Le temps de revenir … je serai là vers sept heures. Ah, et … cette partie de la forêt n'est pas trop dangereuse, tu peux y dormir sans problème.

     

    Puis Thelis disparut à travers la végétation, dans la nuit. Yoru, quant à lui, avisa un grand arbre, avec de grosses branches, et se hissa sur la plus importante d'entre elles, se calant dans une branche qui formait une fourche.

     

    ***

     

    Elle se trouvait dans un endroit noir. Vide. Rêvait-elle ? Peut-être. Lya avait le sentiment de vivre une nouvelle vision, mais ce n'était pas pareil.

     

    - Lya ?

     

    La jeune fille tourna la tête de tous côtés, cherchant la voix qu'il l'appelait, mais il n'y avait personne. Ça l'intriguait, et l'inquiétait aussi. C'était une voix d'homme, venue de nulle part, et dans cet endroit, elle n'avait rien pour se cacher. Parce que Lya pouvait tenir tête à quelque chose qu'elle voyait, qu'elle pouvait appréhender. Mais elle avait beaucoup de mal avec ce qu'elle ne comprenait pas ou qu'elle ne connaissait pas.

    Mais elle réalisa assez vite qu'elle connaissait cette voix. Elle avait du mal à s'en souvenir, mais elle la connaissait.

     

    - Lya, je ne sais pas si tu m'entends, si mon message est passé entre nos deux mondes. N'essaie pas de me répondre, cette télépathie ne fonctionne qu'à sens unique, malheureusement. C'est moi, Drexan.

     

    Mais oui ! Sur le moment, elle n'avait pas tout à fait reconnu sa voix, mais maintenant qu'il le lui disait … Elle écouta attentivement la suite.

     

    - J'ai plusieurs choses à te dire. Premièrement, désolé, je ne te cacherai pas que Katsu a disparu. Il a dit être à la recherche d'informations, dans un mot qu'il nous a laissés. Mais t'inquiéter pour lui ne servira à rien pour le moment.

     

    Comment ça, disparu ?! Qu'est-ce qu'il lui était passé par la tête, à Katsu, hein ? Mais Lya n'eut pas le temps d'y penser plus longtemps : Drexan continuait à parler et elle risquait de rater quelque chose de capital.

     

    - Non, la véritable raison pour laquelle je te contacte, c'est pour te communiquer une information dont je n'ai pas eu le temps de te parler. Je ne pouvais le dire qu'à toi, surtout avec la présence de Gira. Je n'ai pas encore confiance en elle, pas totalement en tout cas.

     

    Lya soupira, légèrement exaspérée. Drexan n'arrêtait pas de tourner autour du pot, et elle avait vraiment l'impression que le ciel allait lui tomber sur la tête.

     

    - Lya, tu n'es pas fille unique. 


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