•  

    Tout était comme gelé, immobile. Lya se releva, hébétée et en pleurs, tentant de comprendre ce qu'il se passait. Alsia, assise sur le canapé, la fixait d'un air surpris, ou plutôt, fixait le sol, où Lya était tombée à genoux un peu plus tôt. Arianna, agenouillée à côté de son élève, arborait un air inquiet et démuni que Lya ne lui avait jamais vu. Elles paraissaient toutes les deux plus réelles que jamais, même figées. L'illusion était incroyablement bien faite.

    Elle essuya ses larmes d'un geste rageur.

     

    - Zazie ! hurla-t-elle soudainement d'un ton furieux.

     

    Aussitôt, la silhouette de sa camarade de classe apparut devant elle, un sourire énigmatique aux lèvres. Lya dut mobiliser toutes ses forces pour ne pas bondir sur Zazie dans un mouvement de colère pure.

     

    - Ne t'épuise pas à m'attaquer, dit immédiatement l'étrange jeune fille d'un ton apaisant. Je ne suis pas réellement là. De plus, ce n'est pas mon illusion. C'est son artefact.

    - Son artefact ?

    - Celui de ma grande sœur. Mon corps est toujours à Mahora.

    - Je ne te crois pas une seule seconde. Les deux mondes sont coupés.

     

    Zazie sourit à nouveau, ignorant la colère de sa camarade.

     

    - Ma sœur et moi sommes simplement extrêmement liées, et je suis capable de me rendre, sous la forme d'un esprit, dans l'illusion du Monde Parfait de ma sœur.

     

    Lya soupira, et inspira profondément pour se calmer. Elle sentait que Zazie disait la vérité, et de toute façon, dans le cas contraire, elle était sur le terrain de son adversaire. Sans compter que même dans la réalité, elle n'était clairement pas de taille.

     

    - Supposons que tu dises la vérité. Tu es du côté de ta sœur, n'est-ce pas ?

    - Tu te trompes. Je veux croire en le plan de monsieur Negi, et je pense que ma sœur a tord de s'allier à Cosmo Entelecheia.

     

    Zazie avisa l'air suspicieux de Lya, et soupira.

     

    - Je savais que tu ne serais pas facile à convaincre. Mais je doute que tu puisses te permettre de perdre plus de temps ici.

    - Qu'est-ce que tu veux dire ?

    - Negi et quelques autres sont déjà sortis. Je suis venue dès que tu m'as appelée, pour te proposer de faire un choix.

    - Un choix ? releva Lya, méfiante.

    - Oui. La première solution, la plus facile, consiste à te replonger dans le Monde parfait. Si tu y retournes, tu oublieras tout des dernières minutes, et vivras dans l'insouciance la plus complète, comme tout à l'heure. La seconde possibilité, c'est de quitter cet univers et de retourner à la réalité. Mais tu devras faire face à ton passé et à vos ennemis.

    - Faire face à mon passé ? Ne me fais pas rire, je lui cours après depuis plusieurs mois, c'est pas ça qui va me faire peur au point de rester ici. Et mes ennemis, eh bien … j'ai une sœur à protéger, et des amis pour m'aider.

     

    Lya sourit d'un air presque carnassier. Même si ce n'était qu'un sourire de façade – après tout, elle le cachait de son mieux, mais ses ennemis la terrifiaient.

     

    - Je vois, tu as changé … Bien. Audacia paula, « un peu de courage », c'est le mot clé pour s'enfuir d'ici. Fais attention, ma sœur est une puissante démone. Je vous attends tous à Mahora …

     

    Zazie disparut, son sourire toujours aux lèvres, laissant Lya seule dans le décor figé.

     

    - Bien, je suppose qu'il est temps de sortir, murmura la jeune magicienne pour se donner du courage, pensant à Negi qui affrontait la sœur de Zazie. Audacia paula

     

    ***

     

    Gira grinçait des dents, incapable de décider si elle devait intervenir ou non. Elle s'était réveillée quelques secondes seulement après Negi, et bien sûr, la jeune fille qui leur faisait face n'avait pas vraiment apprécié leur éveil. Elle avait même été un peu surprise … et très vite, avait montré sa véritable apparence, lorsque Negi avait affirmer avoir un plan pour éviter le bain de sang dont parlait « Poyo ». Même Gira avait frissonné devant la puissance de la démone qui se tenait devant eux. En fait, leur ennemie n'avait rien à envier à Ukyo. La seule chose qui faisait que l'ala alba était encore en vie, c'était probablement que l'ennemie n'avait pas envie de les tuer.

    Et ce qui inquiétait surtout Gira, c'était l'énorme créature qui lévitait derrière la puissante démone : la partie supérieure d'un corps démoniaque, couvert d'une armure noire, s'appuyant sur deux énormes bras se terminant par des mains pourvues de griffes, et arborant deux ailes tout aussi noires. Un pouvoir réservé aux démons les plus hauts placés dans son monde d'origine, qu'elle-même possédait sans trop savoir pourquoi, mais bien plus puissant que le sien.

    Que devait-elle faire ? Elle jeta un regard inquiet au corps inanimé de Lya, qu'elle tenait dans ses bras, puis sur Negi et son adversaire. Elle hésitait à forcer Negi à avancer, et pouvait affronter la démone seule pour gagner du temps. Mais elle ne sortirait pas forcément vainqueur de ce combat, au contraire, et surtout, elle ne serait plus en mesure de protéger Lya, la personne qui pourrait l'aider à affronter Ragnarök et à comprendre son propre passé … ah, et, accessoirement, son amie .

    Soudain, l'invocation libéra un puissant tir de magie. Immédiatement, Gira prit sa forme démoniaque, refermant ses ailes autour d'elle pour abriter sa protégée du souffle de l'explosion. Elle n'avait pas le temps de faire autre chose. Negi allait devoir se protéger seul …

    Mais lorsque la poussière de l'explosion se dissipa, quatre silhouettes apparurent devant lui : Setsuna, Mana, Kû et Kaede ! Elles venaient apparemment de se réveiller, avec un timing parfait, et leurs ki et techniques avaient suffi pour stopper le tir. Avec espoir, elle baissa les yeux vers le visage endormi de Lya. Peut-être s'était-elle réveillée aussi ?

     

    - Lya, réveille-toi, bon sang ! pesta-t-elle. J'aimerais bien y aller aussi !

     

    Comme par miracle, la jeune magicienne ouvrit ses yeux vairons. Mais ses yeux étaient vides, dénués de vie. Elle était toujours inconsciente.

     

    - … Lya ? appela Gira, inquiète. Soit tu te réveilles, soit tu restes entièrement endormie, le juste milieu n'existe pas, je t'assure …

     

    Enfin si, ça existait, mais là n'était pas le problème.

     

    ***

     

    Lorsque le décor autour de Lya se précisa, la jeune fille eut la surprise de ne pas voir ses camarades. En fait, elle se trouvait dans son ancienne maison, dans sa chambre. Et elle avait le corps d'une petite fille de six ou sept ans.

    Une vision ! Une foutue vision ! Ce n'était ni le moment, ni l'endroit ! Lya essaya de s'extirper du songe et du corps d'enfant de toutes ses forces mentales, sans aucun succès. Elle était coincée dans son rêve, alors que dehors, ils avaient une démone sur les bras, ainsi que la moitié de l'ala alba endormie ! Elle avait rarement autant maudit ses visions.

    Son corps bougea tout seul, et elle attrapa un livre d'images posé sur le coin de sa petite table de nuit blanche.

    Au même moment, la porte de sa chambre s'ouvrit, et Arianna, une serviette posée négligemment sur ses cheveux trempés s'assit sur le lit, à côté de son élève. Lya se souvenait vaguement qu'il s'agissait d'une fin d'après-midi, après leur entraînement.

     

    - Eh bien, tu l'aimes, ce livre. Tu le lis tous les soirs, non ?

     

    Lya fulminait intérieurement. Ses visions lui avaient toujours plus ou moins servi. Mais là, elle rêvait d'un foutu bouquin pour enfant, pendant une crise mondiale ?!

     

    - Oui, répondit la petite. J'aime bien l'histoire.

     

    Lya en avait encore quelques souvenirs. Il s'agissait des aventures d'une petite fille de son âge, qui voyageait dans le temps dans l'espoir de retrouver son époque et sa famille, et chaque page avait un thème, par exemple un élément comme l'eau ou le vent, et correspondait à un étape du parcours de l'héroïne.

    La petite magicienne l'ouvrit à une page bien précise, qu'elle devait certainement lire et relire, car le livre s'était ouvert immédiatement dessus, signe que la petite y avait passé beaucoup plus de temps. L'illustration, très fine et de couleurs pastels, représentait l'enfant, face à une sorte de grand esprit humanoïde, svelte, à la figure féminine, aux traits apaisants et maternels. La brume qui le composait se parait de toutes les nuances de verts, et l'esprit s'agenouillait affectueusement devant l'enfant, comme pour se mettre à sa hauteur. Le décor était une forêt étincelante, aux arbres centenaires déployant leurs cimes émeraude au-dessus de l'esprit et de l'enfant, comme pour les protéger.

    Arianna, qui trouvait l'histoire plutôt mignonne quoiqu'un peu tordue, lut avec elle les dernières lignes de la page : les paroles prononcées par l'esprit, qui, selon les souvenirs de la grande Lya, avait retrouvé la petite héroïne perdue dans sa forêt, et la conseillait avec affection – un classique.

     

    - « Guidée par ta pureté

    d'une teinte opaline,

    et au timbre vibrant,

    Laissée dans l'ombre du temps,

    Ivre de liberté,

    Fleuris telle l'aubépine. », lut Arianna.

     

    La petite fit eut une moue perplexe.

     

    - J'ai pas vraiment compris ce passage.

    - Je croyais que tu l'aimais bien, la taquina son maître.

    - Oui, mais je ne le comprends pas. C'est quoi une aubépine ?

    - C'est une fleur de l'autre monde, elle symbolise l'espoir, le bonheur, et dans les anciennes croyances, elle protège les jeunes filles.

    - Comment tu sais ça ? demanda son élève, curieuse.

    - Hé hé …

    - En fait, fit Lya en la fixant d'un regard suspicieux, quand on l'a lu ensemble la première fois, t'as pas compris et t'as demandé à Alsia, hein … Je suis sûre que c'est ça !

    - Touché ! s'exclama Arianna en riant. Tu me connais trop !

    - Et l'opale, c'est quoi ?

    - Une pierre de l'autre monde, encore, qui est symbole de pureté et de protection.

    - Elle en sait, des choses, Alsia, railla la petite Lya.

    - Mmh … oui !

     

    La grande Lya leva un sourcil, plus qu'agacée. Enfin, un sourcil mental, puisqu'elle n'avait aucun contrôle sur ce corps d'enfant. C'était bientôt fini ? Non pas qu'elle détestait le souvenir de ces petite discussions malicieuses avec son maître, mais ce n'était ni le moment, ni l'endroit !

    Enfin, à son grand soulagement, ses prières furent visiblement entendues par quelqu'un, car l'environnement se troubla pour se teinter progressivement de noir, et tout disparut, mettant fin au songe.

     

    Lorsqu'elle rouvrit les yeux, il faisait plutôt sombre. Ce qui n'était pas très, très normal, étant donné qu'il était censé faire jour et que la magie environnante était si puissante qu'elle illuminait le paysage par endroits.

    Si la situation de base n'avait pas été aussi grave, elle aurait bien lancé le fameux « qui a éteint la lumière ?», sauf que ce n'était pas vraiment le moment. Elle voulut se relever. Et échoua misérablement, avant de comprendre enfin que quelqu'un la tenait dans ses bras pour la protéger. Et ce n'était pas Yoru – elle connaissait son odeur par cœur, comme son énergie. Ah, et tout bien considéré, avec les ailes noires de démon qui l'entouraient, ça ne risquait pas d'être Yoru.

     

    - Gira ?

    - Ah, bah c'est pas trop tôt, soupira la démone. Bien, maintenant que tu peux te protéger toute seule, je vais enfin pouvoir me dégourdir les jambes …

     

    Et sans plus la prévenir, Gira la lâcha et fondit sur Poyo, laissant la jeune magicienne faire connaissance avec le sol de façon assez brutale. Heureusement qu'elle était déjà à moitié allongée au sol. Merci, Gira. Merci. Elle se releva en maugréant, avant d'analyser la situation générale. La plupart des combattants de l'ala alba étaient réveillés. Gira affrontait leur ennemie pour gagner du temps, soutenue par Kaede, Kû et Setsuna. Enfin, Mana et Negi « discutaient » stratégie. En fait, disons que Mana lui proposait quelque chose que le petit magicien refusait obstinément : qu'ils la laissent derrière pour qu'elle leur gagne du temps.

     

    - Je ne peux pas te laisser faire ! s'exclama Negi, son inquiétude transparaissant clairement dans sa voix. Elle est peut-être même plus puissante que Fate !

    - Justement, rétorqua mana avec un sourire qui agaçait prodigieusement le petit magicien, tu dois conserver tes forces pour Fate, autant ne pas affronter cette démone toi-même.

     

    Une explosion retentit, et Gira s'écrasa à leurs côtés. L'attaque suivante fut bloquée par Setsuna. La seconde suivante, Gira n'était plus à terre, et luttait contre les longues griffes de Poyo avec ses poignards.

    Lya sortit son artefact, prête à l'aider. Elle essuya un refus catégorique.

     

    - Oublie tout de suite, lui ordonna Gira. À mon avis, tu vas devoir affronter l'autre Averruncus, Skoll, et personne ici ne sait si ta nouvelle technique suffira. Donc comme Negi, tu vas devoir garder tes forces.

    - Mais …

    - Apprends à gérer tes frustrations ! De toute façon, ajouta la démone en jetant un coup d’œil à ses alliés, je ne vais pas avoir à tenir longtemps …

     

    En effet, Mana venait de sortir ce qui ressemblait vachement à un petit détonateur. Mais lorsqu'elle l'activa, rien n'explosa. À la place, de petits engins métalliques émergèrent des décombres et se mirent à léviter autour de l'ennemie. Cela aurait pu être plus impressionnant s'ils n'avaient pas eu la même apparence que des robots aspirateurs, mais ils eurent tout de même le mérite de surprendre tout le monde. Quand avait-elle eu le temps de les disposer sous les débris ? Pendant le premier affrontement ?

    Soudain, le sol sous la démone s'effondra avec un vacarme assourdissant. Poyo, étonnement, ne put même pas s'envoler, et chuta à l'étage inférieur. Ou plutôt, aux étages inférieurs, parce que boucan ne s'arrêtait pas, et tout le bâtiment en était ébranlé.

    Les jeunes de l'ala alba eurent juste le temps d'entendre la dernière phrase de Mana avant qu'elle ne se jette à la suite de leur ennemie. Et ils comprirent pourquoi la pierre s'était ainsi effondrée : ce que Lya avait presque comparé à des aspirateurs – au temps pour elle – étaient des mines qui modifiaient la gravité, laquelle venait de se multiplier par cinquante autour de la démone. Effectivement, il était difficile de s'envoler en faisant subitement plus de deux tonnes …

    Kaede se remit de sa surprise la première, et posa sa main sur l'épaule de Negi. Il était temps monter un nouveau plan d'attaque, puis de reprendre l'opération, sans quoi la voie ne serait plus libre bien longtemps.

     

    ***

     

    Mana désactiva les mines, après avoir plongé tête la première dans l'ouverture béante du sol. Déjà, son adversaire tentait de remonter, mais elle ne semblait pas vouloir partir à la suite de l'ala alba, du moins pas immédiatement. Elle avait cessé de sous-estimer Mana, et reconnaissait pleinement son talent.

    Contre toute attente, Poyo n'attaqua pas immédiatement. Elle semblait plutôt vouloir parler.

     

    - J'avoue ne pas comprendre. Le chemin que suit ce garçon est lié au futur que Chao tentait d'empêcher, j'en suis certaine. Et il y a quelques mois, tu t'étais dressée contre eux, pour tes idéaux et ceux de Chao. Ne vas tu pas regretter d'aider l'ala alba ?

    - C'est vrai … répliqua Mana avec un sourire carnassier. Mais cette fois, je parierais bien sur lui !

     

    Son sniper en joue, toujours en pleine chute libre, elle tira deux balles. Qui explosèrent, libérant un genre de sphère noire. Poyo reconnut avec surprise les B.C.T.L.1 dont sa sœur lui avait parlé. Même sans la magie de l'Arbre-monde, elles semblaient fonctionner, certainement grâce au rituel engrangé par Cosmo Entelecheia.

    Puis elle fit une chose à laquelle l'ennemie ne s'attendait absolument pas. L'iris rouge de son œil droit vira au blanc, alors qu'une étrange lumière s'en échappait. Ses cheveux subirent le même traitement. Et soudain, deux ailes noires émergèrent au niveau des reins.

     

    - Cet œil … murmura Poyo, abasourdie. Cet aspect … tu es …

    - À moitié démon, oui !

     

     

     

     

    1 Bullet of Compulsory Time Leap, ou balles à saut temporel contraint. Mais si, vous savez, les balles qui font faire un saut dans le futur ! Je sais, ça remonte à loin …  

    _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

    Un titre bien à l'ouest, je sais ! Mais bon, il en faut de temps en temps ! Mais je trouve que ça reflète un peu l'humeur passablement agacée de Lya qui pète un câble sur le quart du chapitre (d'accord, j'exagère un peu ...). Et puis faut pas trop m'en demander ... parce que je suis baladeuuuuuh ~ complètebent baladeuuuuuuuh !!! Oui, oui, dans le genre blocus général de mon nez et grève du cerveau (si si !) qui heureusement n'a pas décidé de trop surchauffer, même si je suis complètement naze ... donc, faut pas trop m'en demander ! Trouver un truc intelligent, moi ? Meuuuh non !

    Breeeef ... Petite anecdote, au lieu de "Ni le moment, ni l'endroit", j'ai failli nommer mon chapitre "Ni le lieu, ni l'endroit" ... et le must, c'est que j'ai failli le refaire à l'instant en écrivant cette phrase. La preuve par deux que mon cerveau est en grève. (si si, il existe ! mais il est grèviste depuis dix-sept ans ...)


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    Le Great Paru se remit en marche, suivi du navire de Johnny. Sur son pont, Negi scrutait l'énorme île qui se dressait devant eux, l'air ennuyé. L'équipe de recherche de l'écrin était revenue, en seulement cinq minutes, porteuse d'une mauvaise nouvelle. L'objet avait disparu, certainement récupéré par Cosmo Entelecheia. Il s'en doutait depuis le début, mais cela voulait dire que l'ennemi savait que l'ala alba s'opposerait à eux, et avait pris des dispositions pour se protéger.

    Dès l'arrivée de Mana, Lya et les autres, il avait donné l'ordre de repartir. Ils n'avaient plus de temps à perdre. La cérémonie n'avait pas encore commencé, mais cela pouvait arriver à tout instant. Ils n'étaient plus qu'à une centaine de mètres du palais. Enfin, du palais … il s'agissait plus d'une énorme tour surplombée d'un lambeau de roche, qui se prolongeait au-dessus du vide, et au bout du quel s'élevait une énorme sphère, entourée par des tiges de métal. Autour de la tour, se dressaient quelques bâtiments, de sorte que l'île ressemblait à une minuscule ville morte.

    Tout à coup, Negi aperçut une silhouette dans la tour. Fate.

     

    ***

     

    Haruna observait les moindres parcelles de la tour, à la recherche d'un endroit où atterrir en relative sécurité. L'ennemi venait d'apparaître, et ne semblait pas enclin à les laisser passer … D'énormes lames de fer en forme d'aiguilles pleuvaient sur le Great Paru, arrêtées par les sorts de foudre de Negi. Soudain, une secousse parcourut son navire, lui faisant presque perdre le contrôle. Des messages d'urgence apparurent sur ses écrans : le Great Paru avait subi des dégâts majeurs ! Une gigantesque aiguille de métal venait de transpercer la partie inférieure …

    Il fallait atterrir de toute urgence, avant qu'ils ne perdent trop d'altitude.

     

    - Haruna, la partie supérieure de la tour est protégée par tout un tas de champs de force, la prévint Shiori, toujours déguisée en Asuna.

     

    Haruna faillit lui demander comment elle savait cela, mais ce n'était pas le moment. De toute façon, le plan était de passer par les étages inférieurs. Esquivant le plus possible les énormes lames de Fate, le navire fusa vers sa destination, protégé par Negi, Kaede, Mana et Setsuna, toujours sur le pont. Au bout de quelques longues secondes, le navire passa entre deux colonnes, à travers une gigantesque porte qui s'ouvrait … sur le vide. Les architectes devaient avoir un certain problème … Il s'écrasa au sol dans un atterrissage d'urgence, parcourant quelques mètres au sol avant d'être arrêté par une barrière de vent de Negi.

    Ce dernier, ainsi que Mana, Setsuna et Kaede, sautèrent au sol.

     

    - Personne n'est blessé ?! s'écria-t-il, d'une voix fébrile.

     

    Aussitôt, des voix retentirent à travers la carlingue enfoncée. Tous étaient sains et saufs, ce qui était un miracle. Derrière le Great Paru, le Fly manta avait lui aussi atterrit, tout aussi difficilement. Ce qui n'était pas vraiment prévu. À la base, Johnny devait rester loin, en sécurité, avec les membres sans expérience du combat. Mais visiblement, pris dans l'affrontement, il n'avait pas trop eu le choix.

     

    - Negi, le navire s'en est plutôt bien sorti, mais il va falloir pas mal de réparations … soupira Haruna. Environ quarante minutes.

    - Pareil pour nous, ajouta Johnny.

     

    Negi réfléchit quelques secondes, pour adapter son plan.

     

    - Bien, on va laisser des gens ici pour vous défendre.

     

    Il s'apprêtait à donner d'autres ordres, lors que Kaede le coupa.

     

    - Attends Negi … regarde ça !

     

    Une silhouette se tenait à une dizaine de mètres, derrière des décombres. Elle ne cherchait même pas à se cacher. Mana réagit immédiatement, dégainant l'une de ses armes à feu, et menaçant l'inconnu.

    Sauf que la personne ne leur était pas si inconnue que cela. C'était une jeune fille aux yeux entre rouges et or, à la peau mate et aux courts cheveux argentés qui lui descendaient jusqu'au-dessus des épaules. Elle arborait une légère marque rouge en forme de fine larme sous l'oeil gauche, et une autre qui lui faisait comme une cicatrice à travers l'oeil droit. Enfin, elle portait l'uniforme de Mahora. Une 3-A, Zazie.

     

    - Bonjour … Monsieur Negi.

     

    ***

     

    Gira entrouvrit la porte du pont, avec sa discrétion habituelle, Lya sur ses talons.

     

    - Tu la connais ? chuchota la démone.

    - Mmh. Une fille de ma classe … mais elle n'a rien à faire là.

    - Eh bien moi, sa tête ne me revient pas, navrée. Trop menaçante.

     

    Mana tira. Trois fois, malgré les protestations de Negi. Les balles disparurent, purement et simplement, à trois centimètres du visage de la collégienne. Visiblement, les craintes de Gira étaient fondées … La tireuse appela immédiatement Kaede et Setsuna, qui bondirent. Mana se glissa derrière Zazie, qui se retrouva avec l'un des kunaïs de Kaede et le sabre de Setsuna sous la gorge.

    L'arme de Mana sauta de ses mains, sans aucune raison visible. Kaede et Setsuna furent projetées en arrière. Et Zazie n'avait pas bougé. Une ombre fondit sur elle : Gira, toutes griffes dehors, si rapide que Lya l'avait à peine vue passer la porte du pont. La démone vola littéralement en arrière, et s'écrasa à côté de Lya.

    Cela n'avait duré que quelques secondes. Zazie se tenait, toujours à la même place, saine et sauve. Mana lévitait derrière elle, immobilisée.

     

    - Je ne compte pas vous blesser. Je veux juste vous arrêter … poyo.

     

    Lya, qui soutenait Gira, faillit en lâcher la démone. « Poyo » ? C'était quoi, ça, un tic de langage ? Comme Kû, qui finissait la quasi totalité de ses phrases par « Aru »1 ? Mais elle n'eut pas le loisir de se pencher sur la question. Zazie semblait plus dangereuse que jamais, entourée par une aura blanche qui suintait la puissance pure.

     

    - Negi, tu as tort … poyo. Tu es un danger. Le chemin que tu parcoures est bien plus sanglant que celui de Fate. Rien que pour cela, tu devrais me comprendre … mais je vais tout de même t'offrir une autre chance de choisir, poyo.

     

    Aussitôt, le décor se mit à changer, et la pierre se transforma peu à peu en ciel bleu, tandis que des bâtiments terriens apparaissaient.

     

    - Si tu acceptes de partir … alors je te renverrai à cet endroit.

     

    Le paysage avait fini de changer. C'était une ville, bien connue de l'ala alba.

     

    - Mahora … murmura Lya, abasourdie.

    - Non, un espace fantasmagorique, chuchota Gira. Nous ne sommes pas vraiment sur Terre. Les deux mondes sont coupés.

     

    Par un miracle, Mana réussit à se libérer, et s'éloigna d'un quick move pour atterrir devant Negi.

     

    - Ne te laisse pas avoir ! Il est impossible de passer dans l'autre monde pour le moment ! S'exclama-t-elle. C'est un piège, ce n'est pas Zazie !

    - C'est vrai, ce n'est pas cohérent, l'appuya Setsuna.

    - Mais … attendez ! protesta Asuna, ou plutôt Shiori. On ne devrait pas écouter ce qu'elle a à dire ?!

     

    Le silence se fit. Zazie en profita pour reprendre la parole.

     

    - Je te le dis, Negi. Ta voie est trop sanglante. Elle est liée au futur de Chao Linshen a voulu éviter.

     

    Lya, comme le reste de ses camarades, regarda Zazie d'un air choqué. Comment était-ce possible ? Ils étaient plus ou moins en train de sauver le monde, ou du moins d'essayer !

     

    - Je le sais, répliqua Negi. Mais j'ai décidé d'aller de l'avant et de suivre la voie de mon père.

    - Je vois … tant pis, murmura Zazie.

     

    Elle sortit une carte de pactio, et avant que quiconque puisse faire quoi que ce soit, la carte se mit à briller d'un éclat aveuglant. Cet artefact semblait extrêmement puissant, alors même qu'il n'était pas encore apparu. Et il n'apparut pas. Ou plutôt, personne n'eut le temps de le voir apparaître.

    Lya se sentit partir, sombrant dans l'inconscience.

     

    ***

     

    La jeune fille était allongée, à demi-consciente. Mais étrangement, elle se sentait plutôt bien, apaisée. Un doux vent caressait son visage, et elle avait même l'impression que quelqu'un lui tenait la main, affectueusement. Elle ouvrit les yeux, un petit sourire heureux aux lèvres.

    Un paysage idyllique s'offrait à elle. Sous un grand ciel bleu sans nuages, illuminé par un soleil chaleureux, elle fixait le visage souriant de Yoru, allongée sur ses genoux dans un grand jardin. C'était celui d'Arianna, elle le savait pour s'y être entraînée un nombre incalculable de fois. Mais visiblement, ce jour-là, elle n'était pas venue pour s'exercer.

     

    - Ça va ? demanda Yoru. On aurait dit que tu faisais un cauchemars …

    - Mmh ? Je ne m'en souviens pas, répondit-elle en souriant, sa tête toujours posée sur les genoux du jeune homme.

    - Comment tu veux que ça n'aille pas ? fit la voix sarcastique d'Arianna. Elle vient de se faire une petite sieste sur tes genoux, tranquille, alors qu'on est enfin en vacances et que sa meilleure amie arrive aujourd'hui !

     

    Lya consentit enfin à s'asseoir et s'étira d'une mine réjouie. C'est vrai, Illonya venait au Japon pour une semaine !

    Soudain, une silhouette se précipita vers elle et lui sauta dessus dans un élan de joie et d'espièglerie. En parlant du loup !

     

    - Bon sang, Iru ! Je venais de me lever, s'exclama Lya par terre, hilare. Tu es en avance !

    - Bah oui, ça va plus vite quand quelqu'un vient me chercher, répliqua la norvégienne en tirant la langue.

     

    Lya la dévisagea d'un air surpris. Qui avait donc bien pu y aller ? Elle s'était entraînée avec Yoru et Arianna le matin, et aucun d'eux trois n'avait bougé de la maison. Xyn ? Sa petite sœur savait très bien qu'elle n'aimait pas, à son âge, qu'elle se balade toute seule, surtout dans un aéroport … D'ailleurs elle ne devait même pas se souvenir du chemin, qu'elle n'avait parcouru qu'une seule fois, à son arrivée quelques mois auparavant. Et leurs parents n'avaient pas encore emménagé à Mahora, même si cela n'allait pas tarder à arriver … leurs parents ?

    Elle tourna la tête vers la porte de la maison d'Arianna, confuse. Quatre autres personnes venaient d'apparaître : Gira, qui avait fini sa mission au monde magique à temps, Xyn et deux adultes. Ses parents ! Elle les dévisagea d'un air presque choqué, les larmes aux yeux. Ils étaient donc vraiment en vie ? Quand s'étaient-ils retrouvés ?

    Puis elle se rendit compte que ses pensées étaient tout à fait incohérentes. Pourquoi seraient-ils morts ? Et puis, la famille Aemilia s'était réunie dès la fin du voyage dans le temps de Lya ! Andrew et Mitsuki avaient vaincu Ragnarök pendant ces quatre ans, et Nagi avait vaincu Cosmo Entelecheia vingt ans auparavant. Ils n'avaient plus d'ennemis.

     

    - En fait, tu n'as pas l'air si réveillée que ça, se moqua Arianna.

     

    Pour toute réponse, Lya se releva et lui tira la langue.

     

    - La bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe !

    - Et c'est quoi, la suite, railla Illonya. Le train de sa méchanceté roule sur les rails de ton indifférence ?

     

    En guise de représailles, Lya lui fondit dessus, et se mit à la poursuivre pour la chatouiller. Oubliant qu'elle risquait par la même occasion de donner de mauvaises idées à Yoru, et que Xyn avait, pour ce genre de chose, malheureusement tendance à suivre l'exemple du jeune homme. sous le regard attendri des adultes, les cinq jeunes jouèrent ainsi pendant deux heures, comme des enfants. Même Gira se prêta au jeu, ce qui était suffisamment unique pour être remarqué !

    Puis, quand il commença à faire frais, il rentrèrent à la maison, tandis qu'Arianna sous-entendait l'arrivée d'un dernier invité. Son maître jeta un coup d'oeil narquois à Lya, semblant lui dire « je te fais une surprise, mais bien sûr tu ne sais pas du tout qui c'est et tu commences d'ailleurs à te demander quoi ! ». Lya passa la porte du salon en levant les yeux au ciel d'un air faussement navrée.

    Quelqu'un les attendait, effectivement. Et lorsqu'elle la vit, Lya s'arrêta, les yeux écarquillés de stupeur et de détresse. Les larmes aux yeux, elle prononça son nom.

     

    ***

     

    Negi était profondément heureux, en ce moment précis. Chose rare, ses parents étaient à Mahora, et les 3-A avaient fêté l'événement … comme des 3-A, donc avec un certain niveau sonore. Puis, Ayaka avait proposé à Nagi et Arica de dormir chez elle, pour leur épargner l'hôtel, et leur fils décida de faire de même pour cette nuit.

    Ils se retrouvèrent donc, de nuit, dans les rues de Mahora, pour rejoindre la demeure de la déléguée. Il prit leurs mains, heureux de pouvoir enfin les revoir. Cela faisait si longtemps qu'ils n'avaient pas pu se libérer de leurs obligations à Merdiana !

     

    - En tout cas, tes élèves, c'est quelque chose, s'exclama son père, hilare en repensant à leur soirée.

    - Oui, mais du coup on s'amuse beaucoup, répondit Negi avec un grand sourire.

     

    Sa mère le couva d'un regard affectueux, et lui demanda s'il était heureux.

     

    - Oui, je ne pourrais pas être plus heureux, murmura-t-il, les larmes aux yeux. Mais …

     

    Il eut un pauvre sourire, et le paysage se figea. Plus rien ne bougeait, plus de vent dans les feuilles, plus aucun signe de vie dans les yeux vides de ses parents immobiles.

     

    - Tout ceci n'a rien de réel, n'est-ce pas ? … Zazie.

     

    Il se retourna. Son élève était apparue derrière, arborant un léger sourire, au lieu de son expression menaçante.

     

    - C'est exact. Mais ceci constitue une autre réalité, en quelque sorte.

    - Tu veux parler du « Monde parfait » de Cosmo Entelecheia ?

    - C'est une illusion créée par son artefact à elle. Il y a si peu de différences avec le réel, normalement on ne peut pas le remarquer. Mais oui, vous pouvez considérer cet endroit comme le Monde parfait.

    - Un rêve où tout semble parfait ?

    - Ce n'est pas seulement un rêve, le corrigea Zazie. C'est une réalité qui aurait pu exister, c'est en ce qui vous concerne le meilleur des mondes possibles. Un monde dans lequel Cosmo Entelecheia aurait été vaincu par votre père. Nagi n'aurait pas disparu, et donc votre village n'aurait jamais pu être attaqué … et donc Evangeline ne s'en serait pas prise à vous pour votre sang, pas plus que vous n'auriez été attaqué à Kyoto, par le démon Herrman, ou par Chao. Et … avez-vous remarqué qu'une de vos élèves n'était pas présente ?

    - Lya …

    - C'est parce que, votre père, présent dans ce monde, aurait aidé ses parents à vaincre Ragnarök avant qu'elle n'ait à partir … et que dans ce monde, elle a dix-huit ans et vit son rêve de magistra magi. Ce monde est le meilleur possible pour vous, car ce monde n'a rien à vous opposer, et que vous êtes entouré et protégé par ceux qui vous aiment.

     

    Negi n'était pas sûr d'apprécier. Il avait plutôt tendance à vouloir protéger plutôt qu'être protégé … Mais quelque chose d'autre l'ennuyait :

     

    - Tu as dit « en ce qui me concerne » ?

    - Oui … en ce moment-même, tous vous compagnons vivent la même expérience.

     

    Elle claqua des doigts, et aussitôt, plusieurs petites sphères lévitèrent autour deux. Chacune montrait une scène différente, mais c'était à chaque fois une scène de bonheur pour la personne. On y voyait Konoka et Setsuna jouant ensemble pendant leur enfance, Sayo du temps qu'elle était encore en vie, Kû affrontait Negi dans un duel dont elle rêvait depuis longtemps, Kôtarô se battait contre son rival – autrement dit Negi, qui était visiblement très demandé ! Il y vit aussi, Lya, dans le salon d'Arianna.

     

    - Elle ne semble pas si heureuse, remarqua Negi.

    - Je crois qu'elle a des réminiscences de son passé. Ce n'est pas possible, normalement, mais … le fait que vous soyez en partie éveillé a dû rendre l'illusion instable, au moment où son rêve lui présentait la plus invraisemblable des incohérences, ou peut-être son plus gros traumatisme. Je ne vois alors que trois solutions: ou elle oublie ces visions, submergée et inconsciemment tentée par le bonheur de cette illusion … ou, comme vous, elle fera appel à moi. Ou encore, elle sera incapable de s'éveiller complètement et aura besoin de votre aide.

     

    ***

     

    - A … Alsia … Alsia !

     

    Lya se mit à pleurer, secouée par des sanglots de plus en plus violents. Dans sa tête se superposaient des images de sang, des cris et des flammes, et surtout, cette mort cruelle. Elle revit la lame de ténèbres de Suano transpercer la jeune femme, son corps sans vie retomber au sol dans une flaque de sang …

     

    - Lya … murmura Arianna sans comprendre, la prenant pas les épaules. Qu'est-ce que tu as ?

    - Laissez-moi … LAISSEZ-MOI !!!

     

    Elle avait compris. Au moment-même où elle avait vu Alsia, elle avait compris que ce n'était qu'une illusion. Mais voilà. Tentée par cette illusion, alors même qu'elle connaissait la vérité, elle avait osé espérer. Espérer que la mort d'Alsia, et tout le reste, ne soit qu'un cauchemars, celui dont Yoru avait parlé quelques heures plutôt. Et ça lui faisait mal, horriblement mal.

    Comme atteint par se cri, tout devint immobile. Comme si le monde s'était gelé.

     

     

     

     

     

    1 j'ai fait le choix de ne pas mettre les -san, -kun et autres marques de la langue japonaise, donc les « aru » de Kû ou les « de gozaru » de Kaede n'apparaissent pas non plus …  

    _ _ _ _ _

     

    Vala vala ! Alors oui, une partie de ce chapitre était particulièrement niaise, mais le Monde parfait s'y accorde tellement bien ... et oui, ça devient du harcèlement, ce que je fais à cette pauvre Lya Ae', à force de lui rappeler Alsia tous les quatre chapitres ... mais bon, c'était le meilleur moyen que je pouvais trouver de l'éveiller !


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  •  

    Lya s'accrocha violemment à la barrière du Great Paru pour ne pas tomber, secouée par le choc de l'attaque. Deux créatures gigantesques, semblables aux plus grands dragons du monde magique, les attendaient près de la barrière, et venaient de les attaquer.

    Xyn, qui avait insisté pour se battre aux côtés des autres, avait créé une barrière, voyant le danger au dernier moment. Mais cette dernière n'avait pas pu tenir le coup, et s'était brisée presque immédiatement. Heureusement, cela avait permis à celle générée par le vaisseau de ne rien subir ou presque.

    Soudain, l'un des deux dragons ouvrit la gueule, et une boule de feu apparut entre ses crocs.

     

    - Haruna, c'est un souffle de dragon, la prévint Mana, il faut absolument l'éviter !

    - Pas le temps, répliqua la mangaka à travers l'écran de communication, je pousse les boucliers au maximum !

     

    À ces mots, Xyn se redressa et ferma les yeux, la main fermement agrippée à sa clé-catalyseur. Puis elle la tendit en avant, et un cercle magique en forme de serrure apparut devant elle.

     

    - La barrière ne tiendra pas … murmura Haruna entre ses dents.

     

    Cependant, un chiffre à son écran la fit taire. La protection était déjà son maximum. Alors pourquoi sa puissance augmentait-elle encore ?

     

    - Chachamaru, c'est toi qui as fait ça ? demanda-t-elle, surprise.

    - Non, répondit sa copilote. Quelque chose d'extérieur a pris le contrôle de notre barrière et la renforce.

    - C'est moi, retentit la voix de Xyn depuis le pont. Laissez-moi vous aider !

     

    Lya dévisagea sa sœur, stupéfaite. Mais ce n'était pas le moment de poser des questions. Le dragon avait fini de rassembler son énergie. Il fit feu. La barrière résista. Il la percuta d'un coup de patte. Elle se brisa.

    Le deuxième monstre leva son membre antérieur, dans la volonté de détruire une bonne fois pour toutes le Great Paru.

    Mais il ne la baissa pas. Ou plutôt, il n'avait plus grand chose à la place de sa patte. Le membre, tranché net, s'envola au loin sous la violence du choc. Le sabre de Setsuna avait fait son œuvre. Aussitôt, une gigantesque lance de foudre transperça les deux géants.

     

    - Emittam ! Emittens dios lonchei !

     

    La lance explosa dans une version réduite des mille foudre, réduisant les deux géants à néant. Negi, Setsuna et Illonya étaient de retour ! Bien que cette dernière arbore un air plutôt charmant qui tirait entre le blanc et le verdâtre.

    Tous trois atterrirent sur le pont du Great Paru. Aussitôt, Negi, légèrement inquiet, poussa la jeune norvégienne à l'intérieur du navire avant de refermer la porte. Tandis que les deux vaisseaux passeraient la barrière, Setsuna et lui surveilleraient de l'extérieur, accrochés à la carlingue, mais Illonya ne semblait pas en mesure de les aider, épuisée par son sort et le vol éreintant.

    L'ala alba crut bien que les deux navires ne résisteraient pas à la pression exercée par la magie de la barrière. Car si Negi était protégé par son Raiten taisou, et Setsuna par son ki, il n'en allait pas de même pour les vaisseaux, dont les systèmes peinaient à régénérer les barrières, et Xyn n'avait plus vraiment la force de résister à un tel pouvoir magique. Le métal grinçait d'un air menaçant, parcouru par d'inquiétantes secousses. Mais la carlingue tint bon, comme par miracle.

    Et soudain, ce fut comme entrer dans l’œil du cyclone. Les tremblements convulsifs des vaisseaux cessèrent, laissant la place à un calme plat. La barrière chaotique était derrière eux. Negi ne put s'empêcher de pousser un léger soupir de soulagement. L'espace d'un instant, il avait craint le pire pour ses camarades. Mais il se reprit instantanément, et se mit à scruter les environs avec toute la concentration dont il était capable. Devant lui, une multitude de rochers flottaient dans les airs, comme à l'extérieur, et sur eux se dressaient des restes de bâtiments, les ruines de l'ancienne Ostia. Plus d'invocations, aucun danger immédiat. Le palais du gardien du tombeau n'était pas encore visible, certainement à quelques centaines de mètres encore, mais cela l'arrangeait. Ils auraient l'occasion de récupérer l'écrin d'anti-Réécriture sans être remarqués, s'ils avaient de la chance.

     

    - Haruna, Johnny, on fait comme prévu, dissimulez les navires, ordonna Negi.

     

    Les deux pilotes arrêtèrent leurs vaisseaux derrière d'imposants rochers, tandis que Xyn plaçait une barrière autour d'eux. La petite magicienne n'était pas seulement capable de contrer des attaques avec ses sorts de défense, elle pouvait en fait créer des barrières et isoler des espaces pour les dissimuler. Oh, ce n'était pas de l'invisibilité, et ce n'était pas aussi efficace, mais sa magie avait tout de même le mérite d'inciter l'ennemi à les ignorer ou à aller voir ailleurs s'ils y étaient !

    Après s'être intelligemment demandé, pendant quelques secondes, si elle allait encore avoir beaucoup de surprises avec sa sœur, oubliant qu'elles avaient dix ans à rattraper, Lya monta sur le pont, appelée par Negi.

     

    - Le gouverneur t'a dit que tu reconnaîtrais immédiatement la localisation de l'écrin, n'est-ce pas ? Alors, tu sens quelque chose ? S'enquit-il.

     

    Lya ferma les yeux pour se concentrer. Elle ne voyait toujours pas ce qu'avait voulu dire Kurt Gödel. Comment était-elle censée faire, alors qu'elle ne savait rien de cet écrin ou d'Ostia ?

    Soudain, elle se rendit compte, pour ainsi dire, que quelque chose clochait. Évidemment, elle n'était jamais venue ici, ses parents ne lui avaient même jamais parlé de cet endroit. Et pourtant, elle sentait quelque chose de familier, quelque chose qui lui évoquait de vagues souvenirs. Elle n'avait qu'une image en tête ; de longues boucles d'ébène, des prunelles grises animée d'une lueur qui l'avait si souvent rassurée, un sourire affectueux … sa mère. L'endroit lui rappelait sa mère, sans aucune erreur possible.

    Lya rouvrit les yeux de stupeur. Comment n'avait-elle pas pu le remarquer ? Elle ressentait l'aura de sa mère ! Cette énergie si particulière, qu'elle connaissait par cœur étant petite, et dont elle se souvenait maintenant si bien, elle la sentait maintenant, mêlée à toute la magie environnante.

    La jeune fille n'était pas comme Illonya. Elle était incapable de distinguer à distance les auras si facilement, ni, sauf dans de rares cas, de les identifier, surtout sans savoir ce qu'elle cherchait. Elle ne voyait qu'une seule explication possible : ce n'était pas sa mère qui se trouvait aussi près, comme elle l'aurait espéré, mais quelque chose qui possédait la même énergie. L'écrin.

     

    - C'est par là, indiqua Lya en pointant une île à deux cent mètres.

    - Tu en es certaine ?

    - Disons que j'ai de sérieuses raisons d'y croire, Negi. Je sens une énergie extrêmement proche de celle de ma mère, qui maîtrisait l'anti-Réécriture.

    - D'accord. Appelons Mana et les autres. Je doute qu'on puisse y emmener le Great Paru sans que Fate ne nous repère, donc vous partirez d'ici.

     

    Quelques secondes plus tard, Kaede, Setsuna, Gira et la sniper se présentaient à leur tour sur le pont.

     

    - Lya va vous indiquer le chemin. N'oubliez pas que nous ne pouvons nous laisser que dix minutes pour retrouver l'écrin, au-delà, nous perdrions trop de temps pour affronter Cosmo Entelecheia. Mes amies … faites attention à vous !

     

    Les cinq jeunes filles acquiescèrent silencieusement, puis sautèrent du pont vers le roc flottant le plus proche. Puis, par quick move successifs, elles passèrent d'îlot en îlot, s'aidant parfois du bâton de Lya ou des ailes de Gira et Setsuna.

     

     

    ***

     

    Xyn traversa un petit couloir du navire d'un pas hâtif, qu'elle voulait déterminé, comme pour se donner confiance. Sa sœur reviendrait dix minutes plus tard au maximum, l'assaut final n'allait pas tarder. Inquiète, elle avait du mal à positiver. Comme elle l'avait dit à peine une heure auparavant, elle avait eu une vie facile loin de tout danger, comme la moitié de l'ala alba voire plus. Elle avait dit qu'ils avaient une chance de gagner, mais à quel prix ? La petite magicienne avait très peur, et tout bien réfléchi, sa sœur ne devait pas être dans un bien meilleur état. Mais elle ne devait pas le montrer. Elle ne voulait pas inquiéter les jumelles, qui croyaient dur comme fer à leur victoire.

    Elle entra dans la cabine qu'elle partageait avec Ren et deux filles de l'ala alba. La jeune fille vit immédiatement que la console de communication qui équipait chaque cabine était allumée, affichant les jumelles, qui étaient dans le navire de Johnny. Les deux sœurs attendaient dans le silence, ce qui ne leur ressemblait pas. Visiblement, elles étaient tout de même anxieuses, mais contenu de leur incapacité à combattre, ce n'était pas étonnant. Cela expliquait certainement pourquoi elles avaient lancé la communication. Elles avaient peut-être besoin de voir leurs deux amis … Ren, lui, assis sur son lit, contemplait son sceptre de magicien, fait d'un long manche en bois, surmonté d'un croissant de lune en métal doré tourné vers le ciel, serti de quatre anneaux or et d'une pierre rouge, et auquel se raccrochaient deux longues griffes stylisées du même métal. Il semblait se concentrer pour les combats à venir.

     

    - Ma sœur est partie chercher l'écrin … on va bientôt devoir bouger, le prévint-elle.

     

    Ren hocha la tête silencieusement.

     

    - Et … Je suis désolée, dit-elle soudainement. Ren, je n'aurais jamais dû te mêler à tout ça …

     

    Le jeune invocateur releva un sourcil, surpris.

     

    - C'est pas comme si tu y étais pour quelque chose ! On s'est retrouvés contre Cosmo Entelecheia, tu n'avais rien demandé.

    - Mais … j'ai suivi l'ala alba

    - Et j'ai décidé de te suivre, parce que, franchement, la vie au palais, c'est bien, mais dehors, ça doit être pas mal non plus, et sans toi, je m'ennuierais ! Et puis, bon, l'ala alba n'avait pas non plus choisi de les avoir pour ennemis en premier lieu. Donc souris, parce qu'une Xyn qui ne sourit pas … ça fait bizarre. Autant qu'une Lya qui se réveille en forme le matin. Je dirais même que ça fait peur !

     

    Xyn esquissa un petit sourire reconnaissant. C'était peut-être ce qu'elle avait besoin d'entendre. Elle pourrait combattre le cœur un peu plus léger, car elle savait que Ren ne prenait pas ces risques contre son gré. Du moins se sentait-elle moins coupable.

     

    - Si elle t'entendait … répliqua la petite magicienne en levant les yeux au ciel, amusée par l'image de sa sœur au réveil. Enfin bon. Tu es prêt ?

    - Tu devrais plus poser la question à mes invocations, mais sinon oui ! Et toi ?

    - Plus que jamais. Je vais enfin pouvoir aider ma sœur, comme j'en rêvais depuis longtemps. Je ne vais pas reculer maintenant, s'exclama Xyn avec un clin d'oeil.

     

    Les deux jeunes saluèrent les jumelles, se voulant confiants, puis éteignirent la console et sortirent de la cabine pour rejoindre l'ala alba dans la petite salle commune. Il serait bientôt temps.

     

    ***

     

    L'élémentale les guida jusqu'à l'île qui l'attirait tant. Comme les autres rochers flottants, elle portait les marques du grand effondrement d'Ostia. On pouvait deviner aux gigantesques fissures qui la parcourraient qu'elle avait été autrefois bien plus grande, mais maintenant, sa taille ne suffisait plus que pour supporter l'unique bâtiment qui s'y dressait, lui aussi partiellement détruit. Il avait la forme d'une coupole toute simple, et ne possédait qu'un étage, qu'une seule entrée. Hormis les deux, trois trous béants dans les murs.

    Rien que l'idée de rentrer dans ce bâtiment aux pierres parcourues par ces énormes failles, à demi-écroulé, fit déglutir Lya. Mais malheureusement, elle n'avait pas vraiment le choix.

     

    - Si ça peut te rassurer, lui chuchota Kaede avec un clin d’œil en entrant, dis-toi que si c'est encore debout depuis vingt ans, et que ça a résisté au soulèvement de l'île ces dernières heures, il n'y a aucune raison pour que ça s'écroule sur nous …

     

    Lya la suivit en levant les yeux aux ciel, laissant échapper le « Ben voyons ! » qui lui brûlait les lèvres. Avec leur fichue chance qui s'amusait à leur mettre successivement des fous furieux de deux organisations criminelles puis la fin du monde sur le dos, le contraire ne l'aurait même pas étonnée.

    L'intérieur était tout aussi délabré. Çà et là, des blocs de pierre jonchaient le sol, qui semblait avoir été malmené par un séisme, certainement le résultat de l'impact avec la terre ferme vingt ans plus tôt, et le plafond à moitié écroulé laissait paraître une large portion du ciel. Il n'y avait aucun meuble, et une seule salle. Seul un petit autel trônait au centre, autel autour duquel, étonnement, la pierre était plutôt en bon état. Sûrement grâce à des barrières magiques érigées pour protéger l'écrin, selon Gira.

     

    - Lya ? Tu sens l'écrin ? demanda Setsuna.

    - Bof, je le sens dans tout le bâtiment entier, c'est tout. Sûrement à cause de sa présence pendant plus de vingt ans … Mais la logique voudrait qu'il soit sur l'autel, si c'était l'endroit le plus protégé, non ?

    - Dans ce cas, soupira Gira, je suis au regret de vous annoncer que quelqu'un nous a devancées.

     

    Toutes les cinq s'approchèrent de l'autel, consternées. Il était vide.

     

    -Et il n'aurait pasaussi pu être déplacé pendant l'effondrement … ou récupéré par Arica ou ma mère, n'est-ce pas ? murmura Lya avec un petit rire nerveux.

     

    Personne ne lui répondit. Le petit rectangle de pierre épargné par vingt ans de poussière parlait de lui-même. L'écrin avait disparu, et cela ne datait pas d'il y a vingt ans.

     

     

    _ _ _ _ _ _ _ __ _

     Voilà voilà ... Vous me direz, introduire un objet dont personne ne peut se servir, c'est bizarre, mais on verra bien ce que j'en fais ! (je vous rassure, je le sais, ce que j'en fais !!). Et aussi, premier aperçu des pouvoirs de Xyn, qui, au passage, sont assez bizarres je vous l'accorde, quand il s'agit de piquer ... s'approprier ... renforcer les barrières des autres ...

     

    Sinon, le prochain chapitre ne devrait pas être en retard ... puisqu'il est prêt ! Pour celui d'après, par contre, je ne promets rien, parce qu'il n'est pas forcément simple à écrire (comme le reste de cet arc d'ailleurs !) ...


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  •  note de ... euh ... moi : Enfin ! Oui ! Je publie ce chapitre qui aurait dû arriver il y a plus ou moins deux mois (quand je pense qu'avec le rythme de parution normale l'arc serait terminé ou presque !!). Désolée pour tout le retard, et en plus ça risque de continuer parce que je n'ai que commencé le chapitre suivant et que j'aurai de moins en moins le temps d'écrire au fil de l'année. Mais bon, je m'accroche, hein, on dirait une moule à son rocher ! Breeeef ... Ah oui, autre chose ... Navrée, franchement, parce que le premier point de vue est mal écrit, mais genre vraiment ... j'ai essayé de le tourner, mieux, je vous jure, mais pas moyen ! Donc j'espère qu'il ne vous dérangera pas trop, à moins que je me fasse des idées, ce dont je doute fort.

    J'arrête de bablater, à vous les studios ! enfin ... bonne lecture quoi !

    _ _ _ _ _ _

     

     

    La lame s'abattit, rapide, impitoyable, sur Colette.. Mais soudain, un éclair jaillit, frappa l'acier, et le brisa à la dernière seconde !

    Negi apparut, en raiten taisô, et immobilisa l'épéiste, la tenant à la gorge.

     

    - Abandonne, Tsukuyomi, lui intima-t-il d'un ton froid. Tu ne toucheras pas à mes camarades.

     

    Tsukuyomi voulut se libérer, mais son second sabre ne rencontra qu'un bras immatériel constitué de foudre. Negi avait réagi à temps pour ne pas être tranché. Malheureusement, sachant qu'elle était avant tout une épéiste hors pair, il ne se méfiait réellement que de sa lame. Profitant d'une souplesse excédant largement celle de Lya, elle se libéra, et profita de l'effet de surprise pour envoyer le jeune magicien percuter la rambarde d'un coup de pied.

    Nodoka n'eut pas le temps de réagir, et l'épéiste l'attrapa d'une poigne ferme, s'en servant comme d'une otage. Mais Negi n'avait pas dit son dernier mot. Une lame de foudre, créée à partir de son corps, transperça à distance ! De surprise, elle lâcha Nodoka, et se retrouva immédiatement aux prises avec Negi.

     

     

    ***

     

     

    Seules dans leur cabine du Great Paru, Lya et Illonya attendaient l'assaut dans le silence. N'y tenant plus, Lya s'assit à côté de la jeune magicienne.

     

    - Dis, Iru … murmura Lya d'une voix hésitante.

    - Iru ? releva Illonya, surprise.

     

    L'élémentale faillit éclater de rire devant l'expression sincèrement perdue de son amie, d'autant plus qu'elle était tout aussi étonnée qu'elle. Mais elle n'avait pas le cœur à rire, alors elle se contenta d'un pauvre sourire.

     

    - Désolée, je crois qu'avec le stress, je me mélange les pinceaux …

    - Les nerfs qui lâchent ? la taquina gentiment Illonya.

    - On dirait bien, si je commence à te trouver des diminutifs à la japonaise1

     

    L'espace d'un instant, les deux amies laissèrent échapper un petit rire. On aurait dit que rien ne s'était passé, que jamais elle n'avaient été éloignées par un lourd secret. Comme si la malédiction d'Illonya n'était qu'un rêve.

    Lya regarda son amie d'un air presque triste.

     

    - Tu sais … je voulais te parler avant … avant que nous nous battions contre Cosmo Entelecheia. Dis-moi, Illonya … est-ce que … j'ai fait quelque chose de mal ? Tu m'évites, n'est-ce pas ?

     

    La jeune stagiaire détourna subitement le regard, d'un air coupable.

     

    - Non, non ! Tu n'y es pour rien … je …

     

    Illonya se mordit la lèvre, luttant contre le découragement. Cela devenait vraiment dur, elle n'avait plus la détermination suffisante pour cacher sa malédiction à sa meilleure amie. Elle faillit craquer.

    Soudain, elle leva la tête avec un mélange de surprise et de crainte.

     

    - On a un problème ! Negi se bat !

     

    Lya se leva immédiatement, tâchant de se concentrer. Elle ne sentait rien, avec toute la magie environnante qui brouillait les pistes, mais elle avait appris à avoir confiance en le don de sa meilleure amie.

    Elles sortirent en vitesse de la petite chambre, montant par quatre marches les petits escaliers menant au pont du navire. Les deux jeunes filles n'étaient pas les seules à s'être rendu compte que quelque chose n'allait pas : Setsuna, Kaede et Kû les avaient déjà précédées, et observaient avec inquiétude Tsukuyomi, qui se tenait sur un rocher lévitant à quelques mètres du navire.

    Les hostilités semblaient déjà terminées, sans qu'aucun ne soit réellement blessé.

     

    - Alors, comme ça, tu penses que je suis une mercenaire attirée par Cosmo Entelecheia avec de l'argent ? Tu me demandes d'arrêter ? Tu te trompes, Negi … Je ne cherche que le sang et le carnage ! s'exclama l'épéiste avec un regard fou, arborant un grand sourire.

     

    Elle se mit à se moquer de Negi, qui la dévisageait d'un air choqué.

     

    - Tu devrais savoir qu'il existe des gens comme moi … D'ailleurs, là-dessus, l'insouciance de Fate égale presque la tienne … D'ailleurs, j'ai un message de ta part. « Je t'attendrai. » Tu es tellement demandé … j'en serais presque jalouse !

     

    Soudain, une grande clé maîtresse apparut entre ses mains, accompagné par un énorme cercle magique qui se dressa derrière elle.

    Negi réagit au quart de tour ; il bondit sur le rocher pour la rejoindre, et se retourna vers le Great Paru et le navire-manta, en hurlant :

     

    - Johnny, Haruna ! Éloignez-vous ! Je vous rejoindrai plus tard, alors partez !

     

    Bien lui en prit : des créatures commençaient à sortir du cercle, invoquées par Tsukuyomi. De toute évidence, c'étaient des ombres démoniaques, comme celles qui avaient déjà attaqué la salle de bal du gouverneur. Elles avaient par contre une apparence plus bestiale, comme des croisements entre des humanoïdes et des dragons.

    Poussant les moteurs au maximum, les deux pilotes obéirent, tandis que Negi prenait la direction opposée, vers les invocations, pour gagner du temps. Malheureusement, elles étaient trop rapides et nombreuses pour qu'il les contienne toutes. Très vite, elles parvinrent au niveau des deux navires. Une partie des combattants de l'ala alba étaient sortis sur le pont et les défendaient tant bien que mal, mais contrairement à elles, il n'avaient pas assez de place pour se défendre correctement. Et comme si cela ne suffisait pas, les environs étaient plongés dans un épais brouillard.

     

    - Lya ! Attention ! s'exclama Kaede tout en transperçant les ennemis de ses kunaïs.

     

    La jeune magicienne, alertée à temps, se retourna vers le monstre, et son bras fendit l'air dans un arc de cercle. Un arc de glace apparut de nulle part, et découpa l'invocation en deux tel un boomerang. Comme toutes celles qui se trouvaient sur son passage. Ah ! C'était la preuve formelle qu'en fait, sa technique d'élémentale servait même sans point d'appuis …

    Soudain, le Great Paru, suivi par le navire de Jonnhy, émergèrent du brouillard. Jamais ils n'avaient été aussi proches des ruines d'Ostia et de la barrière qui les entourait. Au loin, des éclairs fendaient la purée de pois, signe des efforts de Negi.

     

    - Je vais l'aider, annonça Setsuna. Je vous laisse protéger le Great Paru.

    - Compte sur nous ! s'exclama Kû, son artefact à la main.

     

    Elle allait s'envoler, lorsqu'une voix l'arrêta.

     

    - Attends, Setsuna, l'appela Illonya. Je t'accompagne.

    - Illonya, non ! s'écria Lya, soucieuse.

    - Ne t'inquiète pas, la rassura la stagiaire. J'ai beaucoup changé depuis le début de l'été. Je saurai être utile.

     

    L'élémentale pensa un instant à l'en dissuader. Mais son regard croisa celui d'Illonya, déterminé et franc, et elle comprit que son amie ne reviendrait pas sur sa décision.

     

    - Iru ?

    - Oui ?

    - Quand tout sera fini … tu m'expliqueras ? Ce que tu n'as pas pu me dire jusqu'ici … tu me le confieras, hein ?

     

    Illonya la dévisagea un instant, surprise. Puis elle lui sourit gentiment, alors qu'une lueur de tristesse passait dans ses yeux.

     

    - C'est promis.

     

    Elle s'envola sur son bâton, suivant de près l'épéiste ailée, et disparut dans le brouillard. S'éloignant de Lya, la jeune norvégienne tâcha d'oublier le regard inquiet de son amie, ainsi que cette promesse qu'elle ne pourrait pas tenir …

     

    - Illonya ! appela Setsuna, la sortant de ses pensées moroses. Combien penses-tu que les invocations sont ?

    - Je ne sais pas, il y en a trop … elles sont partout … Mais surtout … je crois que Tsukuyomi n'est pas la seule à en avoir invoqué ! répondit Illonya d'un ton anxieux.

    - Pourquoi ?

    - Parce je sens qu'un nombre incalculable de créatures est en train de sortir de la barrière, entre le palais et nos navires … Ce doit être Tredje !

     

    Setsuna grinça des dents à l'annonce d'Illonya. Elles avaient suffisamment d'ennemis comme ça … les invocations étaient tout autour d'elles, malgré le brouillard, alors si d'autres apparaissaient !

     

    - Bon. On change de plan. On va alerter monsieur Negi et s'arranger pour retourner aux côtés des autres le plus vite. Toi, tu vas assurer notre retraite.

    - Hein ?!

    - Monsieur Negi m'a résumé ton entraînement … et m'a expliqué ce dont tu étais capable avec ton sort original. Je vais aller l'aider … toi, tu vas t'arrêter ici, et tu l'utilises pour diminuer le nombre d'invocations entre les navires et nous !

     

    Illonya hocha de la tête. Ça, c'était peut-être à sa portée. Étant donné que les environs étaient saturés de magie, elle pourrait certainement agir sans trop s'épuiser, comme Arianna vingt ans auparavant …

    Setsuna continua sa route. La norvégienne, elle, bifurqua pour prendre de l'altitude et sortir de ce brouillard. Il fallait absolument qu'elle ait une vue d'ensemble. Illonya eut un mouvement de recul lorsqu'elle put voit l'étendue du danger. Il y en avait trop ! Prenant son courage à deux mains, elle traversa la nuée d'invocations, accélérant au possible, et se posa sur rocher en altitude. Là, elle était masquée aux yeux de la plupart des ennemis.

    Illonya inspira profondément pour se calmer. Elle ne pouvait pas décevoir ses amis. Et, si Arianna, à son âge, avait réussi … alors elle aussi.

     

    - Aqua et ignis unisonent … Veniant spiritus ignis et aquae ! Inimici mei pro vobis surgunt … istos consumite, istos auferte ! In unisono saltate, cum rhythmum irae meae ! Flammae et fluctus, antae caelestes !2

     

     

    ***

     

     

    Setsuna, consciente du peu de temps qu'ils avaient, vola à tire d'ailes pour rejoindre Negi, transperçant les invocations sur son passage. Tous deux devaient se mettre en marche au moment où Illonya lancerait son sort, pour ne pas laisser le temps aux autres ennemis de remplacer les invocations vaincues et ne pas gâcher les efforts de la petite magicienne.

    Elle le trouva au milieu de ses ennemis, sans blessures, les abattant en nombre avec ses sorts de foudre. L'épéiste le rejoignit et l'aida à se débarrasser des invocations, tout en lui expliquant la situation.

     

    - Les invocations sont trop nombreuses, il faut repartir, monsieur Negi ! Les autres sont sur le point de pénétrer la barrière, ils vont avoir besoin de nous, sans compter qu'Illonya a détecté d'autres invocations sur la route du Great Paru …

     

    Negi hocha de la tête pour marquer son accord. Ils attendirent, comme prévu par Setsuna, qu'Illonya lance son sort.

    Le signal tant attendu arriva immédiatement. Un cercle magique gigantesque, vermillon, apparut haut dans le ciel, tandis qu'une lueur bleue signalait la présence d'un deuxième plus bas, dans le brouillard.

    Soudain, l'eau et le feu se déchaînèrent. D'énormes piliers de feu descendirent du premier cercle, tels les foudres impériales d'Arianna, prenant pour cibles les invocations impuissantes, tandis que des geysers surgissaient du cercle bleu !

    Setsuna et Negi quittèrent les lieux pour rejoindre la jeune fille.

     

    - Illonya, tu peux t'arrêter, annonça Negi lorsqu'ils arrivèrent au niveau de la zone du sort.

     

    La jeune fille ne répondit pas, mais l'eau et le feu disparurent. Il ne restait que quelques invocations ça et là. Illonya les rejoignit quelques secondes après, essoufflée.

     

    - Est-ce que ça va ? s'enquit Negi.

    - Oui, Negi. Quand nous aurons rejoint les autres, le temps qu'il faudra au Great Paru pour pénétrer la barrière et trouver l'écrin sera largement suffisamment pour que je récupère …

    - En attendant, rentrons.

     

     

    ***

     

     

    - Ils sont … environ cinq cent milles ! résonna la voix d'un militaire dans le cockpit du Great Paru, à travers la communication avec Gödel.

     

    Devant les deux navires, une véritable armée d'invocations émergeait de la barrière, obscurcissant le ciel à vue d’œil.

     

    - Alors c'est ça la puissance de la Loi du Créateur … murmura Kyura, tremblante, dans un coin de la pièce, aux côtés de Shelly.

    - Pourtant, il va bien falloir passer, répliqua la chatte-fée. Haruna ? Une idée ?

    - Oooh que oui ! Monsieur le gouverneur, vous allez devoir vous en occuper ! Si vous y arrivez, on pourra peut-être faire quelque chose !

    - Pardon ?! glapit Gödel.

    - Nous, on va foncer, couvrez nos arrières.

    - Qu'est-ce que vous comptez faire ?!

     

    Le Great Paru se redressa, et accéléra encore. Un des subordonnés du gouverneur eut à peine le temps de prévenir son supérieur que deux navires appartenant à l'ala alba s'approchaient, que le vaisseau-poisson et son compagnon surgissaient du brouillard sous leur flotte.

    Haruna pointa le sommet de la barrière, pour montrer à Kurt Gödel son point faible.

     

    - Visez ici, avec vos canons qui font votre fierté ! Ça nous ouvrira la voie.

     

    Le gouverneur voulut protester, il n'en eut pas le temps. À travers un autre écran de communication, Ricardo l'incita à accepter, aussitôt rejoint par Theodora. Tous deux reconnaissaient le potentiel de l'ala alba, et savaient très bien que même un adolescent pouvait sauver leur monde, pour en avoir été témoins vingt ans plus tôt. Tour à tour, ils ordonnèrent à leur armée de faire feu, perçant la nuée d'invocations.

    Aussitôt, les navires de l'ala alba s'engouffrèrent dans la voie ainsi créée. Certains monstres tentèrent de s'y attaquer ; il furent repoussés par les quelques combattants qui défendaient les deux vaisseaux. Très vite, ils atteignirent le sommet de la barrière, qui ressemblait à un gigantesque tourbillon.

     

    - Très bien, s'exclama Haruna, on n'a plus qu'à ent...

     

    Elle ne put finir sa phrase. Le Great Paru fut pris d'une énorme secousse.

     

    _________________________

     

    1 Iru est l'écriture phonétique de « Ill », un diminutif possible d'Illonya, prononcé à la manière japonaise (faut dire, vu la traduction de ill en anglais … il fallait bien que je l'écrive comme ça !).

    2 traduction : Venez, esprits du feu et de l'eau ! Mes ennemis se dressent devant vous … consumez-lez, emportez-les ! Dansez à l'unison, au rythme de ma colère ! Flammes et déferlantes, piliers célestes !


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  •  

    Arianna jubilait. Elle sentait un léger changement dans le comportement des sorts anti-magie. L'air, dehors, était saturé de magie, elle le sentait. Et, de toute évidence, il s'agissait d'une bonne nouvelle, à entendre les bruits de pas affolés des agents de Ragnarök.

    Les barrières faiblissaient, jugulant bien trop d'énergie. Un sourire carnassier se dessina sur les lèvres d'Arianna. C'était comme Elle l'avait dit ... la magicienne de foudre allait pouvoir sortir !

    Arianna appliqua ses paumes sur la première barrière. Son ki fit son travail au bout de quelques secondes ; des fissures apparurent autour de ses mains et la protection vola en éclat. Elle fit de même avec les autres couches de protection. Bientôt, seuls des murs de pierre et une simple porte juste un peu plus solide que les autres se dressèrent entre sa liberté et elle.

    Trop occupés à comprendre ce qu'il se passait, ses ennemis ne s'aperçurent même pas de sa disparition. C'était trop facile, à croire que Ragnarök était sur un gros coup et que ses meilleurs agents étaient tous partis dans le monde magique. Ce qui était certainement le cas, d'ailleurs, puisqu'ils étaient tous passés à l'attaque en même temps, chez Drexan.

    Avec une discrétion héritée de Mitsuki, Arianna se glissa hors de la planque. Elle sentit avec délectation le vent jouer avec ses cheveux, puis se reprit. Lya avait certainement besoin d'elle. Et puis, il n'y avait pas trente-six raisons pour lesquelles la magie fluctuait et s'intensifiait ainsi. Le site sacré de Lordania, le gigantesque arbre qui surplombait tout le fjord, s'affolait, et cela ne présageait rien de bon. Il s'agissait peut-être d'une réaction qui affectait les douze sites sacrés, et elle ne connaissait qu'un seul sort capable de perturber autant leur magie. La cérémonie de Réécriture. Autrement dit, dix ans auparavant, l'ala rubra n'avait pas fini le ménage …

    C'était la nuit, l'idéal pour la discrétion. Elle s'éloigna puis s'envola pour se repérer. La magicienne eut un mouvement de surprise : elle était encore dans le fjord de Lordania ! Elle n'était qu'à quelques kilomètres du village et de Drexan. S'il avait su que l'ennemi se trouvait aussi près de lui …

    Arianna se hâta. Elle n'avait pas beaucoup de temps, si la Réécriture était réellement enclenchée. Portée par sa magie de foudre, elle vola à toute vitesse vers la petite maison de Drexan.

     

    L'homme fut surpris de la voir débarquer aussi tard. De la voir débarquer tout court, en fait.

     

    - Arianna ! s'exclama-t-il en la serrant dans ses bras comme un père retrouvant sa fille. Tu vas bien ? Il ne t'ont pas fait de mal ?

    - Ne t'inquiète pas, Drexan. Mais pour l'heure …

    - Je sais. Tu veux retrouver ta protégée et tu ne sais pas comment la rejoindre.

    - Je crois que la cérémonie de Réécriture a été enclenchée, avança Arianna. Je pense que Lya est là-bas …

    - Écoute, dans ce monde, onze ports-portails ne fonctionnent plus. Il ne reste que celui qui mène à Ostia.

    - Celui de Mahora, donc. C'est trop loin ! s'écria la magicienne avec dépit.

     

    Drexan secoua la tête en signe de négation et se permit un léger sourire. Il se dirigea vers une boîte fermée par une serrure, en extirpa quelques bouts de papiers et les lui tendit.

     

    - C'est la princesse Théodora qui me les a donnés il y a dix ans. J'avais juste assez de magie pour les utiliser et m'enfuir si j'étais repéré. C'est très rare.

    - Des sutras de téléportation ?

    - À longue distance, précisa Drexan. Et avec la magie environnante, maintenant, tu devrais être capable d'y aller sans utiliser trop de ton énergie. Tu devras faire quand même plusieurs étapes, alors essaie de passer par le site sacré de Russie, tu auras beaucoup de magie à ta disposition.

    - Merci, Drexan. Je te revaudrai ça.

     

    L'homme s'avança avec un sourire bienveillant et la prit à nouveau dans ses bras.

     

    - Tu l'as déjà fait, murmura-t-il, la larme à l’œil. J'ai été heureux de revoir ma deuxième fille et son élève vivantes.

    - Alors à bientôt ... papa, répondit Arianna d'une voix émue et maladroite. Je reviendrai. Avec Lya et sa sœur. Je te le jure.

     

    Drexan la laissa partir, la gorge nouée par l'appréhension. Il avait peur, peur de la perdre comme il avait perdu Alsia. Mais Arianna n'avait pas un sens du sacrifice aussi développé que sa « sœur », alors elle s'arrangerait pour rentrer ... enfin il l'espérait.

     

     

    ***

     

    Negi, Chisame, Mana et Shiori, sous l'identité d'Asuna, émergèrent de la diorama. Les quelques autres qui s'y étaient entraînés les suivraient très vite, il n'avait pas à s'en faire pour leur ponctualité. Effectivement, quelques secondes plus tard, Lya, Yoru et l'intégralité du groupe apparut autour de la sphère en verre.

    Haruna les y attendait, et les accueillit avec le sourire.

     

    - Venez, leur proposa-t-elle en faisant signe de la suivre. Nous sommes très proches de la cible, et venons de recevoir une communication des navires de la Nouvelle Ostia !

     

    Ils s'empressèrent de la suivre à travers les coursives du Great Paru. Arrivés, Negi se dirigea d'un pas décidé vers l'écran de communication. L'image de Takamichi sourit en le voyant. L'affrontement entre le professeur et le gouverneur Gödel était terminé, certainement prématurément par la faute de Cosmo Entelecheia, mais il en gardait néanmoins quelques pansements, signe que la situation était si grave que les guérisseurs n'avaient même pas eu le temps de le soigner entièrement.

    Takamichi s'enquit de l'état de Negi, mais le son et l'image étaient pour le moins saccadés, ce qui rendait la conversation difficile. Heureusement, un technicien dut s'occuper du problème car la communication devint très vite plus nette.

     

    - Tiens, remarqua ainsi Negi, cette personne derrière toi, c'est …

     

    À ces mots, l'homme en question se retourna et se posta devant Takamichi, lui aussi couvert de pansements. C'était Kurt Gödel ! Que faisaient-ils dans le même navire ?

     

    - C'est la situation qui m'oblige à coopérer avec vous, râla le gouverneur. Vous devez l'avoir vu, il semble que le Monde Parfait ait commencé un processus de grande envergure dans les ruines d'Ostia. Étant donné la quantité de magie mobilisée, je crois que ce qu'il s'est passé il y a vingt ans se déroule aujourd'hui encore. Le danger est imminent, il est question d'heures ! C'est ce qui a poussé l'empire, la confédération et Ariadne à rassembler leurs forces dans une unique flotte qui se dirige vers vous. Il s'agit d'une crise mondiale ! Nous ne pouvons rien laisser au hasard.

     

    Negi hocha la tête d'un air approbateur.

     

    - Tu te doutes bien que nous ne sommes pas assez puissants, continua Gödel. Mais vous représentez l'un de nos meilleurs atouts. Vous comprenez, n'est-ce pas ? Negi, je t'en prie. Nous avons besoin de ton aide.

    - Fais attention, Negi, répliqua Takamichi avec un petit sourire espiègle. Quand il agit avec autant d'humilité, c'est qu'il manigance quelque chose !

    - Takamichi ! protesta le gouverneur. Franchement, à quoi ça m'avancerait de jouer à ça maintenant ?

     

    On aurait dit de vieux amis, ce qu'ils étaient certainement restés malgré leur différences et leurs affrontements.

     

    - Je comprends, répondit Negi. Mais je me dois de vous rappeler que nous ne sommes qu'un groupe d'étudiants censés être en vacances, et nous ne venons pas d'ici. Je ne peux pas impliquer mes camarades dans une situation aussi dangereuse sans leur expliquer ce qu'il se passe ni leur demander leur accord. Laissez-moi le temps d'en parler.

     

    Pour expliquer la situation à l'ala alba, Negi décida de les rassembler sur le pont du Great Paru. Mais Lya lui adressa un discret geste désolé de la main, lui faisant signe comme quoi elle le rejoindrait très vite.

     

    - Monsieur le gouverneur, s'exclama-t-elle avant que la communication ne coupe, lorsqu'elle fut seule dans le cockpit. Il y a-t-il un moyen d'arrêter le sort du Monde parfait ?

    - Tu le sais, ta mère n'est pas parmi nous cette fois-ci. Notre flotte pourra sceller cette magie, peut-être, mais encore faudrait-il pouvoir nous approcher.

    - J'ai pensé à autre chose que ma mère, en fait, répliqua Lya. Ne pouvons-nous pas utiliser l'écrin d'Anti-Réécriture ? Où est-t-il ?

     

    Le gouverneur et Takamichi la dévisagèrent d'un air surpris.

     

    - Lya, comment peux-tu être au courant ? s'étonna le professeur.

    - Tu as raison, petite, répondit Gödel. Mais peut-être que l'écrin ne résistera pas, voire qu'il sera inefficace.

    - Je le sais. Mais il est possible que ce soit la seule façon de s'en sortir, non ?

    - Si tu es au courant … marmonna le gouverneur en haussant les épaules. Bien, il est dans un petit bâtiment qui doit léviter non loin du palais des gardiens du tombeau. Tu le reconnaîtras immédiatement. Je ne peux pas t'en dire plus, moi-même je ne l'ai jamais vu.

     

    Lya le remercia rapidement, et courut rejoindre Negi et ses camarades. Le jeune magicien expliquait la situation, elle n'avait donc rien manqué. Lorsqu'elle vit qu'il s'apprêtait à exposer son plan, elle lança son sort de télépathie.

     

    - Negi ! J'ai peut-être une idée qui pourrait nous aider, enfin je l'espère.

     

    Elle lui raconta brièvement ce qu'elle avait appris.

     

    - Negi ? fit la voix d'Haruna, perplexe, alors qu'il réfléchissait. Tu n'allais pas nous donner ton plan ?

    - Si, si. En fait il a légèrement changé.

     

    À son tour, il leur apprit l'existence de l'écrin.

     

    - Notre objectif principal reste le sauvetage d'Anya, ainsi que la récupération de la Clé maîtresse unique. Mais avec cette clé, nous devrions pouvoir mettre un terme aux agissements ennemis. Si nous n'y arrivons pas à temps, alors nous devrons utiliser l'écrin, mais cette solution de rechange est très risquée et pourrait ne pas fonctionner. C'est pourquoi nous allons essayer de trouver l'écrin, mais que nous n'y consacrerons pas trop de temps, et que si nous n'y parvenons pas, nous irons directement au palais du gardien du tombeau.

     

    Puis Negi laissa la parole à Haruna et à Kazumi. Aussitôt, Chachamaru leur fournit un écran holographique, sur lequel s'afficha la disposition des îles des ruines, entourées de l'étrange coque de magie qui les coupait du reste du monde. Elles s'étaient remises à léviter, signe que la puissance qui les soulevait était colossale. Arrêter la cérémonie de Réécriture, puisque c'était le nom de ce sort qui avait failli détruire le monde, si elle devait vraiment être enclenchée, risquait bien de s'avérer difficile, voire impossible.

     

    - Ici, vous pouvez voir notre position, expliqua Kazumi alors qu'Haruna pointait l'endroit en question, où s'afficha immédiatement une image du navire.

     

    Ils étaient encore à quelques centaines de mètres de la gigantesque barrière, mais ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'ils n'arrivent.

     

    - Anya se trouve dans le palais, ici, reprit Haruna en montrant un bâtiment au centre de la barrière. Nos ennemis s'y trouvent certainement aussi.

     

    L'île qu'elle montrait avait une étrange forme. De toute évidence, elle n'était pas naturelle. Une base rocheuse, circulaire, abritait la partie supérieure des bâtiments, avec de chaque côté de longs prolongement qui partaient à l'horizontale au-dessus du vide, sans rien pour les soutenir. En revanche, la partie inférieure ressemblait à une gigantesque aiguille d'un métal ocre, d'un diamètre d'une vingtaine de mètres.

     

    - Et la lumière blanche qui englobe tout ? demanda Kotarô.

    - C'est une sorte de puissante barrière, répondit Chachamaru. D'après mes calculs, même les puissants canons de la flotte ne pourront pas l'abîmer. Je crains que mon artefact ne soit pas d'une grande aide non plus.

    - Mais dans ce cas-là, on ne peut pas rentrer ! s'exclama Yûna.

    - On dirait …

    - Attends, Paru.

     

    Asuna venait de s'avancer, pointant l'endroit où la lumière prenait la forme d'une mince colonne vers le ciel.

     

    - Je pense que nous pouvons entrer par là. C'est l'endroit où les turbulences sont les plus calmes.

    - Comment tu sais ça ?

     

    Asuna arbora vite une mine confuse. C'était très étrange à voir, parce qu'elle semblait se parler à elle-même, dans un dialogue plutôt animé. Évidemment, seule une minorité dans l'ala alba savait qu'en vérité, une personnalité factice d'Asuna, créée d'après ses souvenirs, et la personnalité de Shiori, membre de Cosmo Entelecheia, cohabitaient dans le même corps …

    Elle reprit ses explications, espérant détourner l'attention.

     

    - On pourrait y entrer en se positionnant au-dessus de l'entrée, mais il faut quand même faire attention aux turbulences. Ah, et pour le palais, il vaut mieux y entrer par les étages inférieurs, c'est plus sûr.

    - Tu reçois des ondes ou quoi ? répliqua Yûna, abasourdie. Tu entends des voix ?

    - Mais non ! J'ai des sources sûres, ne t'inquiète pas ! protesta Asuna.

    - Asuna est dingue ! lança une voix en riant.

    - Tu nous caches quelque chose ! Tu es en communication avec une fée ? s'exclama une autre avec une pointe d'ironie.

    - Mais non ! Arrêtez !

     

    Gira leva les yeux au ciel. Seigneur, elles étaient toutes aussi folles les unes que les autres !

     

    - Faisons confiance à cette « fée », intervint Negi.

     

    Le jeune magicien profita du calme ainsi ramené – temporairement, l'ala alba restait la 3-A ! – pour rappeler le plan. Ils passeraient la barrière, se camoufleraient quelque part pendant qu'une petite équipe irait chercher l'écrin. Au retour de celle-ci, soit dix minutes au maximum avec ou sans écrin, le Great Paru et le Fly Manta Johny voleraient jusqu'aux étages inférieurs du palais.

    L'ala alba se diviserait ensuite en quatre équipes. La première, constituée de celles qui ne peuvent pas combattre, resterait dans le Fly Manta Johny. La seconde assurerait la retraite de l'ala alba en se maintenant au-dessus du palais, prête à toute urgence.

     

    - Les deux dernières s'infiltreront dans le palais. La première, la « A », devra libérer Anya. La « B », elle, aura pour but de récupérer la Clé, ce qui sera probablement le plus dangereux. Les groupes sont indiqués sur le papier que je vous donne.

     

    Simple dans la théorie, nettement plus compliqué dans l'application ! Lya regarda avec une légère appréhension le papier que Negi venait de lui tendre. Sans surprise, elle se trouvait dans le groupe choisi pour récupérer l'écrin, puisqu'elle avait révélé son existence à Negi, et irait avec Gira, Mana, Kaede et Setsuna. Et puis … elle rejoignait le groupe B. Cela l'inquiétait, mais c'était précisément pour ce genre de choses qu'elle était devenue élémentale. Yoru aussi en faisait partie, certainement pour son artefact et son ki. Illonya restait dans le Great Paru, ce qui avait l'air, ni de la réjouir, ni de lui déplaire. Xyn et Ren demeuraient avec elle, et Gira rejoignait le groupe qui partait délivrer Anya.

    Negi se lança dans un court discours galvanisant, encouragé par Haruna.

     

    - Membres de l'ala alba ! La bataille finale approche ! Allons-y !!

    - Oui !!

     

     

    ***

     

     

    - Xyn ! Tu vas dans quel groupe ? demanda Fumika en suivant son amie dans les coursives.

    - Celui du Great Paru. Vous restez dans le Fly Manta Johny, je suppose ?

     

    Évidemment, les jumelles n'avaient aucune expérience combattante, stratégique ou quoi que ce soit d'autre. La question était purement rhétorique.

     

    - Oui ! Ren, tu l'accompagnes ? s'enquit Fûka.

    - Mmh. Mais je suis étonné, Xyn. Vu ta spécialité assez rare, je pensais que Negi te mettrait dans le A.

     

    Xyn secoua la tête d'un air désolé.

     

    - J'ai bien peur de ne pas pouvoir protéger les autres des sorts d'un Averruncus tel que Fate. Et de toute façon, j'aurais du mal à suivre les mouvements de Negi, ma sœur ou même Yoru. Ils sont trop rapides pour mes protections … et je n'ai pas d'expérience pour ce qui est du combat. Je suis incapable de prévoir leurs déplacements.

    - Xyn, ou l'optimisme incarné, ironisa Fûka en levant les yeux au ciel.

    - Je ne suis pas pessimiste, se défendit la cadette Aemilia avec un pauvre sourire. Juste réaliste. Je suis une gamine de dix ans qui a eu une vie facile dans un palais doré.

    - Et ton réalisme, il te dit quoi ? demanda Ren, très sérieusement. Est-ce que l'ala alba peut réussir ?

    - Je n'en sais rien. Celle que j'étais avant de rencontrer ma sœur et les autres aurait dit non, mais maintenant que j'ai vu les capacités de Negi, Mana ou Kaede par exemple, je n'en suis plus si sûre. Je dirais que si nous suivons correctement le plan, que nous nous montrons discrets et rapides, et que nous avons une bonne dose de chance, on peut réussir. Mais les chances d'échouer sont grandes. Désolée. Surtout si nous devons affronter les membres Cosmo Entelecheia simultanément, ce que je n'espère pas …

     

     

    ***

     

     

    Béatrix scrutait le ciel, inquiète. Nodoka, Yue, Colette et elle étaient restées sur le pont du Great Paru pour discuter avant la bataille. Mais il manquait quelqu'un. Sa déléguée, Emily Sevensheep, qui avait été effacée par Cosmo Entelecheia.

     

    - Tout se passera bien, Béa, dit Colette dans une tentative pour la rassurer. Et quand ce sera fini, on ira toutes au Japon, avec la déléguée ! Yue et Nodoka seront nos guides !

    - Hein ? Euh … pas de soucis, répliqua Yue en souriant. Promis. Vous goûterez aux jus les plus rares de Mahora !

     

    Colette éclata de rire et proposa de remettre le voyage à plus tard. Elle connaissait bien l'adoration que portait son amie envers les jus de fruits les plus étranges au monde !

    Les deux amies firent semblant de se chamailler, sous le regard attendri de Nodoka.

    Soudain, Nodoka sursauta. Et hurla, catastrophée :

     

    - Colette !!!

     

    Derrière elle, debout sur la rambarde du Great Paru, ses deux sabres à la main et son regard fou dévisageant les jeunes filles d'un air menaçant, se tenait Tsukuyomi. L'épéiste folle de Cosmo Entelecheia, qui rivalisait avec Setsuna.

     

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    La partie 3 est enfin commencée ! Avec en prime la réapparition d'Arianna, certains risquent de regretter leur naissance ...

     


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