• Chapitre 67 : Ni le moment, ni l'endroit !

     

    Tout était comme gelé, immobile. Lya se releva, hébétée et en pleurs, tentant de comprendre ce qu'il se passait. Alsia, assise sur le canapé, la fixait d'un air surpris, ou plutôt, fixait le sol, où Lya était tombée à genoux un peu plus tôt. Arianna, agenouillée à côté de son élève, arborait un air inquiet et démuni que Lya ne lui avait jamais vu. Elles paraissaient toutes les deux plus réelles que jamais, même figées. L'illusion était incroyablement bien faite.

    Elle essuya ses larmes d'un geste rageur.

     

    - Zazie ! hurla-t-elle soudainement d'un ton furieux.

     

    Aussitôt, la silhouette de sa camarade de classe apparut devant elle, un sourire énigmatique aux lèvres. Lya dut mobiliser toutes ses forces pour ne pas bondir sur Zazie dans un mouvement de colère pure.

     

    - Ne t'épuise pas à m'attaquer, dit immédiatement l'étrange jeune fille d'un ton apaisant. Je ne suis pas réellement là. De plus, ce n'est pas mon illusion. C'est son artefact.

    - Son artefact ?

    - Celui de ma grande sœur. Mon corps est toujours à Mahora.

    - Je ne te crois pas une seule seconde. Les deux mondes sont coupés.

     

    Zazie sourit à nouveau, ignorant la colère de sa camarade.

     

    - Ma sœur et moi sommes simplement extrêmement liées, et je suis capable de me rendre, sous la forme d'un esprit, dans l'illusion du Monde Parfait de ma sœur.

     

    Lya soupira, et inspira profondément pour se calmer. Elle sentait que Zazie disait la vérité, et de toute façon, dans le cas contraire, elle était sur le terrain de son adversaire. Sans compter que même dans la réalité, elle n'était clairement pas de taille.

     

    - Supposons que tu dises la vérité. Tu es du côté de ta sœur, n'est-ce pas ?

    - Tu te trompes. Je veux croire en le plan de monsieur Negi, et je pense que ma sœur a tord de s'allier à Cosmo Entelecheia.

     

    Zazie avisa l'air suspicieux de Lya, et soupira.

     

    - Je savais que tu ne serais pas facile à convaincre. Mais je doute que tu puisses te permettre de perdre plus de temps ici.

    - Qu'est-ce que tu veux dire ?

    - Negi et quelques autres sont déjà sortis. Je suis venue dès que tu m'as appelée, pour te proposer de faire un choix.

    - Un choix ? releva Lya, méfiante.

    - Oui. La première solution, la plus facile, consiste à te replonger dans le Monde parfait. Si tu y retournes, tu oublieras tout des dernières minutes, et vivras dans l'insouciance la plus complète, comme tout à l'heure. La seconde possibilité, c'est de quitter cet univers et de retourner à la réalité. Mais tu devras faire face à ton passé et à vos ennemis.

    - Faire face à mon passé ? Ne me fais pas rire, je lui cours après depuis plusieurs mois, c'est pas ça qui va me faire peur au point de rester ici. Et mes ennemis, eh bien … j'ai une sœur à protéger, et des amis pour m'aider.

     

    Lya sourit d'un air presque carnassier. Même si ce n'était qu'un sourire de façade – après tout, elle le cachait de son mieux, mais ses ennemis la terrifiaient.

     

    - Je vois, tu as changé … Bien. Audacia paula, « un peu de courage », c'est le mot clé pour s'enfuir d'ici. Fais attention, ma sœur est une puissante démone. Je vous attends tous à Mahora …

     

    Zazie disparut, son sourire toujours aux lèvres, laissant Lya seule dans le décor figé.

     

    - Bien, je suppose qu'il est temps de sortir, murmura la jeune magicienne pour se donner du courage, pensant à Negi qui affrontait la sœur de Zazie. Audacia paula

     

    ***

     

    Gira grinçait des dents, incapable de décider si elle devait intervenir ou non. Elle s'était réveillée quelques secondes seulement après Negi, et bien sûr, la jeune fille qui leur faisait face n'avait pas vraiment apprécié leur éveil. Elle avait même été un peu surprise … et très vite, avait montré sa véritable apparence, lorsque Negi avait affirmer avoir un plan pour éviter le bain de sang dont parlait « Poyo ». Même Gira avait frissonné devant la puissance de la démone qui se tenait devant eux. En fait, leur ennemie n'avait rien à envier à Ukyo. La seule chose qui faisait que l'ala alba était encore en vie, c'était probablement que l'ennemie n'avait pas envie de les tuer.

    Et ce qui inquiétait surtout Gira, c'était l'énorme créature qui lévitait derrière la puissante démone : la partie supérieure d'un corps démoniaque, couvert d'une armure noire, s'appuyant sur deux énormes bras se terminant par des mains pourvues de griffes, et arborant deux ailes tout aussi noires. Un pouvoir réservé aux démons les plus hauts placés dans son monde d'origine, qu'elle-même possédait sans trop savoir pourquoi, mais bien plus puissant que le sien.

    Que devait-elle faire ? Elle jeta un regard inquiet au corps inanimé de Lya, qu'elle tenait dans ses bras, puis sur Negi et son adversaire. Elle hésitait à forcer Negi à avancer, et pouvait affronter la démone seule pour gagner du temps. Mais elle ne sortirait pas forcément vainqueur de ce combat, au contraire, et surtout, elle ne serait plus en mesure de protéger Lya, la personne qui pourrait l'aider à affronter Ragnarök et à comprendre son propre passé … ah, et, accessoirement, son amie .

    Soudain, l'invocation libéra un puissant tir de magie. Immédiatement, Gira prit sa forme démoniaque, refermant ses ailes autour d'elle pour abriter sa protégée du souffle de l'explosion. Elle n'avait pas le temps de faire autre chose. Negi allait devoir se protéger seul …

    Mais lorsque la poussière de l'explosion se dissipa, quatre silhouettes apparurent devant lui : Setsuna, Mana, Kû et Kaede ! Elles venaient apparemment de se réveiller, avec un timing parfait, et leurs ki et techniques avaient suffi pour stopper le tir. Avec espoir, elle baissa les yeux vers le visage endormi de Lya. Peut-être s'était-elle réveillée aussi ?

     

    - Lya, réveille-toi, bon sang ! pesta-t-elle. J'aimerais bien y aller aussi !

     

    Comme par miracle, la jeune magicienne ouvrit ses yeux vairons. Mais ses yeux étaient vides, dénués de vie. Elle était toujours inconsciente.

     

    - … Lya ? appela Gira, inquiète. Soit tu te réveilles, soit tu restes entièrement endormie, le juste milieu n'existe pas, je t'assure …

     

    Enfin si, ça existait, mais là n'était pas le problème.

     

    ***

     

    Lorsque le décor autour de Lya se précisa, la jeune fille eut la surprise de ne pas voir ses camarades. En fait, elle se trouvait dans son ancienne maison, dans sa chambre. Et elle avait le corps d'une petite fille de six ou sept ans.

    Une vision ! Une foutue vision ! Ce n'était ni le moment, ni l'endroit ! Lya essaya de s'extirper du songe et du corps d'enfant de toutes ses forces mentales, sans aucun succès. Elle était coincée dans son rêve, alors que dehors, ils avaient une démone sur les bras, ainsi que la moitié de l'ala alba endormie ! Elle avait rarement autant maudit ses visions.

    Son corps bougea tout seul, et elle attrapa un livre d'images posé sur le coin de sa petite table de nuit blanche.

    Au même moment, la porte de sa chambre s'ouvrit, et Arianna, une serviette posée négligemment sur ses cheveux trempés s'assit sur le lit, à côté de son élève. Lya se souvenait vaguement qu'il s'agissait d'une fin d'après-midi, après leur entraînement.

     

    - Eh bien, tu l'aimes, ce livre. Tu le lis tous les soirs, non ?

     

    Lya fulminait intérieurement. Ses visions lui avaient toujours plus ou moins servi. Mais là, elle rêvait d'un foutu bouquin pour enfant, pendant une crise mondiale ?!

     

    - Oui, répondit la petite. J'aime bien l'histoire.

     

    Lya en avait encore quelques souvenirs. Il s'agissait des aventures d'une petite fille de son âge, qui voyageait dans le temps dans l'espoir de retrouver son époque et sa famille, et chaque page avait un thème, par exemple un élément comme l'eau ou le vent, et correspondait à un étape du parcours de l'héroïne.

    La petite magicienne l'ouvrit à une page bien précise, qu'elle devait certainement lire et relire, car le livre s'était ouvert immédiatement dessus, signe que la petite y avait passé beaucoup plus de temps. L'illustration, très fine et de couleurs pastels, représentait l'enfant, face à une sorte de grand esprit humanoïde, svelte, à la figure féminine, aux traits apaisants et maternels. La brume qui le composait se parait de toutes les nuances de verts, et l'esprit s'agenouillait affectueusement devant l'enfant, comme pour se mettre à sa hauteur. Le décor était une forêt étincelante, aux arbres centenaires déployant leurs cimes émeraude au-dessus de l'esprit et de l'enfant, comme pour les protéger.

    Arianna, qui trouvait l'histoire plutôt mignonne quoiqu'un peu tordue, lut avec elle les dernières lignes de la page : les paroles prononcées par l'esprit, qui, selon les souvenirs de la grande Lya, avait retrouvé la petite héroïne perdue dans sa forêt, et la conseillait avec affection – un classique.

     

    - « Guidée par ta pureté

    d'une teinte opaline,

    et au timbre vibrant,

    Laissée dans l'ombre du temps,

    Ivre de liberté,

    Fleuris telle l'aubépine. », lut Arianna.

     

    La petite fit eut une moue perplexe.

     

    - J'ai pas vraiment compris ce passage.

    - Je croyais que tu l'aimais bien, la taquina son maître.

    - Oui, mais je ne le comprends pas. C'est quoi une aubépine ?

    - C'est une fleur de l'autre monde, elle symbolise l'espoir, le bonheur, et dans les anciennes croyances, elle protège les jeunes filles.

    - Comment tu sais ça ? demanda son élève, curieuse.

    - Hé hé …

    - En fait, fit Lya en la fixant d'un regard suspicieux, quand on l'a lu ensemble la première fois, t'as pas compris et t'as demandé à Alsia, hein … Je suis sûre que c'est ça !

    - Touché ! s'exclama Arianna en riant. Tu me connais trop !

    - Et l'opale, c'est quoi ?

    - Une pierre de l'autre monde, encore, qui est symbole de pureté et de protection.

    - Elle en sait, des choses, Alsia, railla la petite Lya.

    - Mmh … oui !

     

    La grande Lya leva un sourcil, plus qu'agacée. Enfin, un sourcil mental, puisqu'elle n'avait aucun contrôle sur ce corps d'enfant. C'était bientôt fini ? Non pas qu'elle détestait le souvenir de ces petite discussions malicieuses avec son maître, mais ce n'était ni le moment, ni l'endroit !

    Enfin, à son grand soulagement, ses prières furent visiblement entendues par quelqu'un, car l'environnement se troubla pour se teinter progressivement de noir, et tout disparut, mettant fin au songe.

     

    Lorsqu'elle rouvrit les yeux, il faisait plutôt sombre. Ce qui n'était pas très, très normal, étant donné qu'il était censé faire jour et que la magie environnante était si puissante qu'elle illuminait le paysage par endroits.

    Si la situation de base n'avait pas été aussi grave, elle aurait bien lancé le fameux « qui a éteint la lumière ?», sauf que ce n'était pas vraiment le moment. Elle voulut se relever. Et échoua misérablement, avant de comprendre enfin que quelqu'un la tenait dans ses bras pour la protéger. Et ce n'était pas Yoru – elle connaissait son odeur par cœur, comme son énergie. Ah, et tout bien considéré, avec les ailes noires de démon qui l'entouraient, ça ne risquait pas d'être Yoru.

     

    - Gira ?

    - Ah, bah c'est pas trop tôt, soupira la démone. Bien, maintenant que tu peux te protéger toute seule, je vais enfin pouvoir me dégourdir les jambes …

     

    Et sans plus la prévenir, Gira la lâcha et fondit sur Poyo, laissant la jeune magicienne faire connaissance avec le sol de façon assez brutale. Heureusement qu'elle était déjà à moitié allongée au sol. Merci, Gira. Merci. Elle se releva en maugréant, avant d'analyser la situation générale. La plupart des combattants de l'ala alba étaient réveillés. Gira affrontait leur ennemie pour gagner du temps, soutenue par Kaede, Kû et Setsuna. Enfin, Mana et Negi « discutaient » stratégie. En fait, disons que Mana lui proposait quelque chose que le petit magicien refusait obstinément : qu'ils la laissent derrière pour qu'elle leur gagne du temps.

     

    - Je ne peux pas te laisser faire ! s'exclama Negi, son inquiétude transparaissant clairement dans sa voix. Elle est peut-être même plus puissante que Fate !

    - Justement, rétorqua mana avec un sourire qui agaçait prodigieusement le petit magicien, tu dois conserver tes forces pour Fate, autant ne pas affronter cette démone toi-même.

     

    Une explosion retentit, et Gira s'écrasa à leurs côtés. L'attaque suivante fut bloquée par Setsuna. La seconde suivante, Gira n'était plus à terre, et luttait contre les longues griffes de Poyo avec ses poignards.

    Lya sortit son artefact, prête à l'aider. Elle essuya un refus catégorique.

     

    - Oublie tout de suite, lui ordonna Gira. À mon avis, tu vas devoir affronter l'autre Averruncus, Skoll, et personne ici ne sait si ta nouvelle technique suffira. Donc comme Negi, tu vas devoir garder tes forces.

    - Mais …

    - Apprends à gérer tes frustrations ! De toute façon, ajouta la démone en jetant un coup d’œil à ses alliés, je ne vais pas avoir à tenir longtemps …

     

    En effet, Mana venait de sortir ce qui ressemblait vachement à un petit détonateur. Mais lorsqu'elle l'activa, rien n'explosa. À la place, de petits engins métalliques émergèrent des décombres et se mirent à léviter autour de l'ennemie. Cela aurait pu être plus impressionnant s'ils n'avaient pas eu la même apparence que des robots aspirateurs, mais ils eurent tout de même le mérite de surprendre tout le monde. Quand avait-elle eu le temps de les disposer sous les débris ? Pendant le premier affrontement ?

    Soudain, le sol sous la démone s'effondra avec un vacarme assourdissant. Poyo, étonnement, ne put même pas s'envoler, et chuta à l'étage inférieur. Ou plutôt, aux étages inférieurs, parce que boucan ne s'arrêtait pas, et tout le bâtiment en était ébranlé.

    Les jeunes de l'ala alba eurent juste le temps d'entendre la dernière phrase de Mana avant qu'elle ne se jette à la suite de leur ennemie. Et ils comprirent pourquoi la pierre s'était ainsi effondrée : ce que Lya avait presque comparé à des aspirateurs – au temps pour elle – étaient des mines qui modifiaient la gravité, laquelle venait de se multiplier par cinquante autour de la démone. Effectivement, il était difficile de s'envoler en faisant subitement plus de deux tonnes …

    Kaede se remit de sa surprise la première, et posa sa main sur l'épaule de Negi. Il était temps monter un nouveau plan d'attaque, puis de reprendre l'opération, sans quoi la voie ne serait plus libre bien longtemps.

     

    ***

     

    Mana désactiva les mines, après avoir plongé tête la première dans l'ouverture béante du sol. Déjà, son adversaire tentait de remonter, mais elle ne semblait pas vouloir partir à la suite de l'ala alba, du moins pas immédiatement. Elle avait cessé de sous-estimer Mana, et reconnaissait pleinement son talent.

    Contre toute attente, Poyo n'attaqua pas immédiatement. Elle semblait plutôt vouloir parler.

     

    - J'avoue ne pas comprendre. Le chemin que suit ce garçon est lié au futur que Chao tentait d'empêcher, j'en suis certaine. Et il y a quelques mois, tu t'étais dressée contre eux, pour tes idéaux et ceux de Chao. Ne vas tu pas regretter d'aider l'ala alba ?

    - C'est vrai … répliqua Mana avec un sourire carnassier. Mais cette fois, je parierais bien sur lui !

     

    Son sniper en joue, toujours en pleine chute libre, elle tira deux balles. Qui explosèrent, libérant un genre de sphère noire. Poyo reconnut avec surprise les B.C.T.L.1 dont sa sœur lui avait parlé. Même sans la magie de l'Arbre-monde, elles semblaient fonctionner, certainement grâce au rituel engrangé par Cosmo Entelecheia.

    Puis elle fit une chose à laquelle l'ennemie ne s'attendait absolument pas. L'iris rouge de son œil droit vira au blanc, alors qu'une étrange lumière s'en échappait. Ses cheveux subirent le même traitement. Et soudain, deux ailes noires émergèrent au niveau des reins.

     

    - Cet œil … murmura Poyo, abasourdie. Cet aspect … tu es …

    - À moitié démon, oui !

     

     

     

     

    1 Bullet of Compulsory Time Leap, ou balles à saut temporel contraint. Mais si, vous savez, les balles qui font faire un saut dans le futur ! Je sais, ça remonte à loin …  

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    Un titre bien à l'ouest, je sais ! Mais bon, il en faut de temps en temps ! Mais je trouve que ça reflète un peu l'humeur passablement agacée de Lya qui pète un câble sur le quart du chapitre (d'accord, j'exagère un peu ...). Et puis faut pas trop m'en demander ... parce que je suis baladeuuuuuh ~ complètebent baladeuuuuuuuh !!! Oui, oui, dans le genre blocus général de mon nez et grève du cerveau (si si !) qui heureusement n'a pas décidé de trop surchauffer, même si je suis complètement naze ... donc, faut pas trop m'en demander ! Trouver un truc intelligent, moi ? Meuuuh non !

    Breeeef ... Petite anecdote, au lieu de "Ni le moment, ni l'endroit", j'ai failli nommer mon chapitre "Ni le lieu, ni l'endroit" ... et le must, c'est que j'ai failli le refaire à l'instant en écrivant cette phrase. La preuve par deux que mon cerveau est en grève. (si si, il existe ! mais il est grèviste depuis dix-sept ans ...)


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