• Chapitre 34 : Un lieu chargé de souvenirs

     

    - Yoru Yamashita ?! s'exclama Jena, abasourdie.

    - Oh non … soupira le jeune homme.

     

    Une autre exclamation en provenance du pont fit frissonner Yoru : Lowan aussi avait remarqué. Et il s'apprêtait à prévenir toute l'escorte, qui était de l'autre côté du vaisseau.

    Mais Jena les surprit tous les deux.

     

    - C'est pas le moment ! hurla-t-elle. Lowan, surtout ne dis rien à personne !

    - Mais …

    - C'est bien Yoru Yamashita, mais pour l'instant nous devrions nous réjouir de l'avoir à nos côtés plutôt qu'avec l'ennemi !

     

    Yoru lui jeta un regard reconnaissant, se concentra à nouveau, et réussit à faire réapparaître ses tourbillons de ki.

    Il restait une trentaine d'ennemis, et sept combattants, en comptant le jeune fugitif. C'était juste, mais faisable. En prenant garde de ne pas être visible par ses alliés, Yoru fondit sur un adversaire. C'était le porte-parole de l'ennemi, qui avait clamé être de Ragnarök.

    Yoru abattit son poing sur lui ; son adversaire para et répliqua avec des flèches de feu. Le jeune homme esquiva de justesse grâce à un quick move, puis revint immédiatement à la charge avec un coup de pied. L'ennemi para à nouveau, mais le ki de Yoru passa sa barrière magique et le projeta en arrière.

    Un autre ennemi l'attaqua par derrière ; Yoru pivota, et avec le même pied, le repoussa plus loin. Le porte-parole de Ragnarök revint, lança sur lui un Flagrantia rubricans, mais l'adolescent réussit à se protéger de l'explosion avec son ki. Il fondit sur son adversaire, et lui asséna un coup de poing dans le ventre, alors que l'homme croyait l'avoir eu.

     

    Une quinzaine d'ennemis restaient encore dans le ciel, les autres gisaient inconscient au sol, une dizaine de mètres plus bas, leur chute ralentie par les poupées d'ombres. Mais les agents de Ragnarök possédaient de bons combattants dans leurs rangs, dont le niveau rivalisait parfois facilement avec celui des membres de l'escorte. Il ne restait plus que trois magiciens, dont Jena et Lowan, lequel défendait encore le pont malgré ses blessures, plus Yoru. «Tss … cinq adversaires chacun. J'espère que ça va le faire » espéra Jena.

    Soudain, trois hommes s'en prirent à elle. Jena para, contre-attaqua, esquiva, mais finit par être débordée. Un énième coup finit de l'assommer, alors qu'il ne lui restait plus qu'un adversaire sur les trois. Yoru mit K-O celui-ci, la rattrapa de justesse et la déposa sur le pont. Ce n'était plus le moment de s'inquiéter d'être reconnu. Lowan étant trop affaibli pour continuer, il ne restait plus qu'un seul magicien en état, de leur côté, contre dix ennemis. Il devrait donner tout ce qu'il avait, sans chercher à se cacher des autres. Cependant il descendit à terre, où il était plus à l'aise.

     

    De son côté, Thelis observait avec inquiétude les affrontements. Il savait combattre, lui aussi. Devait-il les rejoindre ? Mais il n'était pas aussi doué que les autres, et s'il était vaincu … l'orbe serait aux mains de Ragnarök. Non, il ne pouvait pas. Il devait espérer que Yoru et l'autre magicien vaincraient.

    Il vit avec appréhension un homme armé d'un sabre faire face à Yoru, tandis que trois autres encerclaient le jeune homme. Parmi ses adversaires se tenait un manieur d'ombres.

    L'homme au sabre attaqua d'un coup d'estoc ; Yoru esquiva, lui asséna un coup de genou, aidé de son ki. Il pivota, repoussa un adversaire, contra l'offensive d'un autre. La lame du premier faillit lui entailler le flanc, il l'esquiva. Puis poussa un cri.

    Le manieur d'ombres avait murmuré quelque chose, et un sort ressemblant à la sagitta magica était apparu. Les traits de ténèbres avaient fondu sur Yoru, qui était en train d'esquiver la lame. Et l'un deux lui avait entaillé la cuisse gauche, tandis qu'un autre blessait son bras.

     

    - Il ne va pas tenir longtemps … murmura Jena, à peine consciente, gisant sur le pont.

     

    Elle sentit un corps tomber à côté d'elle. C'était son dernier équipier, grièvement blessé. Des ennemis s'approchaient maintenant des vaincus, laissant Yoru à ses adversaires. Ces dernier s'arrêtèrent soudainement.

     

    - Nous tenons tes alliés en otages ! s'exclama un ennemi sur le dos du vaisseau. Si tu résistes, il mourront !

     

    Yoru hésita. Il se doutait que Ragnarök ne faisait pas de quartier, qu'ils mourraient de toute façon. Mais pouvait-il faire quelque chose ? Il avait déjà beaucoup utilisé son ki, commençait à fatiguer sérieusement, et était blessé.

    Soudain, il sentit quelque chose. Depuis quelques temps, il était capable de percevoir la présence de combattants, surtout s'ils utilisaient le ki. Même s'il ne pouvait pas dire à qui appartenait le ki avant de voir la personne. Et là, quelqu'un avec un ki déjà bien développé approchait. Il le sentait. Cette personne était peut-être à cinq cent mètres. Il devait gagner du temps, en espérant que ce soit un allié.

     

    - Que vaut votre parole ? Comment savoir si vous allez la respecter ?

    - Tss … tu n'as pas le choix de toute façon ! Tu te laisse faire, ou tu meurs !

     

    Les adversaires de Yoru se rapprochèrent de lui, d'un air menaçant.

     

    - Qu'est-ce que vous cherchez, exactement ?!

    - Nous n'avons pas l'intention de te le dire.

     

    Le combattant était de plus en plus proche. Il avançait vite, certainement par quick move. Il y avait encore de l'espoir. Il pouvait encore gagner du temps en les surprenant.

     

    - J'ai une autre proposition. J'ai des informations sur quelque chose qui vous intéresse. Si vous laissez cet équipage tranquille, je vous les donnerai.

    - Hin ! Et des informations sur quoi exactement ?

    - Lya Aemilia. Une cible de votre maître, qui vous échappe depuis des années.

     

    Le silence se fit, leurs ennemis étaient stupéfaits. «Lya … Aemilia ?», pensa Jena. «Aemilia ? Ce nom … Serait-elle … non, impossible. Ce doit être une coïncidence. Mais pourquoi ? Il s'agit de son amie, du moins de son alliée … pourquoi la vendrait-il ?»

     

    - Très drôle ! éclata de rire l'homme au sabre. Tu aurais presque pu nous avoir ! Mais il est impossible que cette gamine ait résisté à notre maître aussi longtemps. Prépare-toi à mourir !

     

    « Visiblement, tout le monde chez Ragnarök n'est pas au courant des échecs de leur maître … » pensa Yoru en soupirant ? Dommage, il aura essayé …

    L'ennemi leva son sabre, et Yoru voulut parer. Mais sa jambe blessée refusa de le porter plus longtemps, et il tomba.

    Soudain, quelqu'un surgit de derrière des rochers, dévia la lame et mit K-O le bretteur. Yoru en profita pour s'appuyer sur sa jambe valide, bondir dans le ciel avec un quick move ; et il rejoignit le pont du vaisseau grâce à son ki. Trois ennemis surveillaient l'escorte, dont les membres étaient pour la plupart inconscients. Il en approcha un par derrière, l'assomma d'un coup du tranchant de la main sur la nuque. Les deux autres se jetèrent sur lui, il laissa son ki s'échapper de son corps et le protéger, comme en Norvège, puis il les neutralisa de la même façon que le premier.

     

    - Yoru ! entendit-il soudain dans son oreillette.

    - Thelis … murmura Yoru, horrifié.

     

    Avec sa jambe blessée, il n'était pas sûr de pouvoir arriver à temps ! Il s'écroula, épuisé, devant la porte métallique des escaliers. Sans pouvoir se lever. Il sentit alors le combattant qui l'avait sauvé, le dépasser et s'engouffrer dans le vaisseau. Une ou deux minutes, plusieurs cris et un ennemi passant par la porte défoncée plus tard, tout était réglé. Le combattant tendit alors la main à Yoru, lui permettant de voir son visage.

     

    - Eh bien, tu es dans un sacré état ! s'exclama-t-elle.

    - Kû ?!

     

     

    ***

     

     

    - Illonya ! Attends ! s'écria Shelly, inquiète. Qu'est-ce que tu fais ?!

    - Je vais devenir folle si je ne l'aide pas. Je reviens tout de suite.

     

    La magicienne s'envola en dehors de leur abri, et attira l'attention de l'énorme reptile. L'espèce de lézard se désintéressa bien vite de sa première proie, intrigué par la petite chose qui volait sous son nez. L'animal fondit sur elle dans son étrange démarche, à moitié rampante.

    Illonya l'évita en tournant brusquement, la testa avec des sagitta magica de feu. La peau dure du monstre lui évita la plupart des dégâts, et il repartit à l'attaque. Cette fois-ci, la jeune magicienne l'esquiva de justesse, prit de l'altitude et commença à incanter.

    Le reptile, agacé, fouetta l'air de sa longue et imposante queue, tentant de ramener au sol cette proie récalcitrante. La norvégienne se tut, puis elle recommença un autre sort.

     

    - Aqua et ignis unisonent ! Magna cataracta !

     

    Une énorme quantité d'eau chuta avec force sur le reptile et le plaqua au sol. La créature poussa un hurlement effroyable, balayant l'air de son énorme queue, aveuglé par la rage.
    Illonya s'entoura de salamandres, et fondit sur le reptile. Protégée par ses invocations, elle évita habilement les coups de queue lancés au hasard et réussit à se poser sur son dos.
    Le monstre se débattit violemment, mais la jeune magicienne faiblit pas. Elle posa sa main sur l'échine du reptile.

     

    - Emittam ! hurla Illonya.

     

    La magie entoura sa main, et la tempête de Neptune qu'elle avait préparée toucha la bête à bout portant, ce qui l'écrasa au sol à nouveau, et finit par l'assommer.

    La magicienne descendit du dos du monstre en soupirant. Ça n'avait pas été bien difficile, mais maintenant elle avait un autre problème sur les bras. Le magicien qu'elle venait de sauver avait tout vu, Shelly n'avait pas eu le temps de modifier son apparence. Mais le magicien en question n'eut aucun mouvement de recul - en même temps elle venait de le sauver – bien au contraire.
     

    - Super ! s'exclama-t-il, en admiration. Tu as progressé depuis la dernière fois ! Une Neptunus tempestas aquae avec incantation à retardement !

     

    Illonya le regarda avec un air tout à fait incrédule. Mais de toute façon, il était impossible pour elle de ne pas être incrédule quand elle était avec lui.

     

    - Derek1, tu te bases sur quoi pour dire ça ? soupira-t-elle, désabusée. Dois-je te rappeler que ... tu ne m'as jamais vue combattre ?

    - Hum ... pas faux.

    - Et ... c'est tout ce que tu as à me dire ?

    - Désolé de m'être fait attaquer ?

    - Raté, ça je m'en fiche.

    - Comment ça va ?

    - Pas trop mal, si on prend en compte le fait que ma vocation de magister magi est sacrément mise à mal. Merci de t'en inquiéter, mais c'était pas ça non plus !

    - Euh ... je sèche, là !

     

    Illonya se passa la main sur le visage, désespérée. Puis le jeune homme sembla avoir un éclair de génie.
     

    - J'ai compris ! Qu'est-ce qu'il t'est passé par la tête, en attaquant le port-portail ?! s'écria Derek, maintenant inquiet.

    - C'est pas trop tôt ! Laisse-moi t'expliquer …

     

    Elle lui raconta l'incident dans les détails, en gardant pour elle les projets de retrouvailles de l'ala alba. Elle restait méfiante, car après tout, il pouvait très bien choisir de croire le gouvernement au lieu d'elle.

     

    - Et toi, que fais-tu ici ? demanda la norvégienne.

    - Je suis censé être en vacances ... mais ce n'était pas vraiment ce dont je rêvais !

    - Je te crois ... que vas-tu faire ?

    - T'accompagner, pourquoi ?

     

    Illonya marqua un temps d'arrêt, surprise.

     

    - Tu es fou ! s'exclama-t-elle enfin. Je suis recherchée, je te rappelle ! Tu risques d'être pris pour un complice, si on nous attrape !

    - Je préfère ça plutôt que de me faire pourchasser par des reptiles qui cherchent à me dévorer !

     

    « Tu ne dirais pas ça si tu savais que j'étais maudite », pensa Illonya avec un pauvre sourire.

     

    - Bon, bon ... si tu y tiens. Mais ça va être dangereux, j'ai l'intention de travailler comme chasseur de prime, pour gagner un peu d'argent.

     

    Ils reprirent la route dès que Shelly les eut rejoints. Sur le chemin, ils parlèrent de tout et de rien, même si un sujet en particulier intéressait la jeune magicienne.

     

    - Alors, qu'est-ce qui te fais le plus peur, maintenant ? Les créatures du monde magique, ou …

    - Je ne vois pas comment tu peux poser la question ! s'exclama-t-il avec un frisson. C'est toujours …

    - Je vois ... soupira la stagiaire avec un air de désolation intense, ta phobie reste …

    - Ouep.

     

    Shelly tenta un moment de comprendre, puis renonça : leurs paroles étaient trop sybillines pour elle. D'un côté, elle avait très envie de savoir ce qu'était cette fameuse phobie, mais en voyant l'expression blasée de sa maîtresse, elle se dit que ce n'était finalement peut-être pas une bonne idée.

     

     

    ***

     

     

    Lya et Gira volaient, toujours inquiètes d'une possible course-poursuite avec les chasseurs de prime. La démone tenait à tout prix à mettre de la distance avec le campement, trop proche à son goûte. Après tout, entre les magiciens qu'elles avaient attaqués et elles, il n'y avait qu'une journée de vol.

    Elles se frayaient leur chemin dans une étrange forêt. Là-bas, tout était démesuré, les arbres étaient immenses, même si l'Arbre-Monde de Mahora, tout simplement gigantesque, les battait à plate couture. Les branches ressemblaient à de gros troncs par leur taille, et inutile de parler des dits troncs, colossaux pour certains. Grâce aux dimensions de l'endroit, il restait beaucoup de place pour bouger et se battre, ce qui d'un côté les arrangeait. Plusieurs fois, elles durent d'ailleurs se mettre à couvert pour laisser passer d'énorme bêtes magiques en pleine chasse, dont c'était le territoire.

    Toutes deux étaient silencieuses. Bien sûr, Gira était plutôt taciturne, mais de toute façon Lya était trop pensive pour essayer d'engager la conversation. Cette vision qui se répétait la perturbait. Lui manquait-il une information cruciale ? Oui, bon, à part l'identité de ses parents ? Que contenait la fin de cette vision, que disait la voix qu'elle avait cru entendre la fois précédente ? Saurait-elle enfin qui était cette femme ?

     

    La jeune magicienne retourna cette vision, la reconstitua, secondes par secondes, sans tout fois trouver d'indice. Ça l'agaçait vraiment. D'habitude, elle arrivait à déduire quelque chose de ses visions. Mais là, elle ne comprenait pas, et Lya détestait ça.

    Cependant, à force de revoir la fin dans son esprit, elle finit par se rappeler légèrement la voix. C'était un souvenir très brumeux, mais elle avait cru entendre quelque chose commençant et finissant par "a". Le reste était trop flou ... Qu'est-ce que ça pouvait vouloir dire ? Seul un prénom correspondait à cela, dans les gens qu'elle connaissait. Arianna. Pourquoi ? Quelqu'un avait-il appelé la magicienne de l'ala rubra, pendant cette vision ? Plus important, que s'était-il passé à ce moment-là ? Arianna était-elle intervenue dans le combat, après la perte de conscience de la petite Lya ? Avait-elle réussi à …

     

    - Lya, appela Gira en interrompant ses pensées, on a un problème.

    - Mmh ?

    - Je crois qu'on est suivies.

     

    Maintenant que la démone le disait, la jeune magicienne sentait clairement des présences autour d'elles.
     

    - Je crois qu'ils sont encore loin, fit Lya.

    - Effectivement, mais ça devient dangereux. Surtout qu'on n'a pas du tout la même sensibilité qu'Illonya ... les localiser avec précision risque d'être difficile.

    - Par contre, réfléchit la magicienne de glace, c'est la même chose pour eux, non ? Donc si on accélère pour mettre de la distance et qu'on dissimule notre présence, nous trouver sera de plus en plus difficile.

    - Exact, confirma la démone. Et je doute qu'ils sachent réellement où on est, c'est certainement une des équipes réquisitionnée pour une battue.

     

    Elles appliquèrent les propos de Lya, qui bénit silencieusement l'entraînement d'Arianna pour lui avoir appris à se concentrer sur deux sorts en même temps, et celui de Gira pour l'avoir renforcé.

    Mais les chasseurs de prime étaient bien plus rapides que ce qu'elles croyaient. Ils s'approchaient à une vitesse dangereuse.

    Soudain, quelque chose surprit Lya, au point qu'une fraction d'une seconde, elle se rapprocha du sol, avant de redresser son vol immédiatement. Elle avisa les environs d'un air surpris. Les environs lui disaient quelque chose. Les flancs d'une montagne qui se rapprochait, les rochers, la végétation. Elle était déjà passée par là, elle le sentait.

     

    - Suis-moi ! s'exclama la jeune magicienne soudainement, bifurquant sur la droite, vers le flanc de montagne.

    - Qu'est-ce que tu fais ? protesta Gira. Si on fait ça, on va perdre du terrain !

    - Tu me fais confiance ?

     

    Pour toute réponse, la démone la suivit, affichant un sourire crispé par la tension, mais complice. Lya, elle, ne savait pas tout à fait ce qu'elle cherchait, mais elle étrangement, elle éprouvait un sentiment de sécurité et de chaleur au fur et à mesure que les deux jeunes filles s'approchaient du flanc de la montagne.

    Leurs ennemis étaient de plus en plus proches, mais elles réussirent à atteindre une paroi rocheuse sans se faire remarquer, et se posèrent.

     

    - OK, tu peux m'expliquer ce qu'on fait là ? l'interrogea Gira, tendue et perplexe.

    - Attends un peu.

     

    Lya ferma les yeux et se concentra. Elle était certaine que son instinct ne l'avait pas amenée là pour rien. Sa peau, à l'endroit de son sceau, commença à picoter légèrement, et la jeune fille crut voir une silhouette passer devant elle. Mais ce n'était qu'une vision issue de ses souvenirs, la personne n'était pas réellement là. La silhouette posa sa main sur la paroi rocheuse, qui ondula étrangement, et l'apparition passa à travers la pierre.

     

    - C'est bon, je sais ce qu'il faut faire, annonça Lya en s'approchant de la paroi.

     

    Elle y posa sa main, et comme elle s'y attendait, la roche fut parcourue par ce qui ressemblait à de petites vagues. Lya, légèrement hésitante, poussa, et sa main s'y enfonça sans résistance.

    Gira toucha à son tour la pierre, mais rien ne se passa.

     

    - On dirait que cette chose ne m'accepte pas, remarqua la démone, de plus en plus stressée par les chasseurs de prime qui se rapprochaient de plus en plus de leur localisation.

     

    Sans réfléchir, Lya lui prit la main, et dès que leurs peaux entrèrent en contact, Gira put pénétrer elle aussi la pierre. Toutes deux passèrent la paroi, et en ressortirent deux ou trois mètres plus loin, dans un tunnel sombre.

     

    - Ardescat2, incanta Lya, tandis qu'une flamme apparaissait au-dessus de son doigt et éclairait la grotte.

    - Eh ! protesta Gira à voix basse. On ne sait pas si on est seules ! N'éclaire pas un endroit inconnu comme ça !

    - Ne t'inquiète pas, répliqua la magicienne de glace. Il n'y a personne ici.

    - Comment le sais-tu ? murmura la démone, interloquée.

    - Je le sens … cet endroit est complètement vide. Et je pense que je suis déjà venue ici avant.

     

    Gira faillit répondre que ça ne répondait pas complètement à sa réponse, mais décida de lui faire confiance. Les deux jeunes filles se mirent à avancer dans le tunnel. Au bout de deux ou trois cent mètres, la lumière naturelle réapparut, et elles découvrirent, stupéfaites, que le tunnel s'ouvrait sur une forêt luxuriante, entourée par de gigantesques parois rocheuses. La lumière du soleil illuminait l'endroit, passant par un cratère plusieurs centaines de mètres plus haut.

     

    - Incroyable, souffla Gira. On est … dans la montagne ?!

    - Je crois savoir qu'elle a été creusée par magie, répondit Lya, mais je n'en suis pas sûre …

     

    Encerclés par les arbres, à proximité d'un lac, se dressaient quelques bâtiments. Ils étaient envahis par la végétation, mais étaient encore en bon état. Instinctivement, Lya se dirigea vers l'un de ces bâtiments, une grande maison, qu'elle contempla d'un air absent. Son sceau la dérangeait, mais elle l'ignora.

     

    - Qu'est-ce qu'il t'arrive ? lui demanda Gira, intriguée.

    - Je crois que …

    - Que ?

    - Que j'ai habité ici …

    - Quoi ?! s'exclama la démone, interloquée.

     

    Lya entra dans la maison. L'intérieur était agréable, même s'il avait certainement été laissé à l'abandon pendant un long moment. La jeune fille avait l'esprit empli de sons, d'odeurs, tout droit sortis de son esprit. Elle avait l'impression d'entendre des éclats de rire, des voix. Les visions se bousculaient en elle, et Lya en avait les larmes aux yeux. Elle le ressentait, elle savait qu'elle avait eu une vie heureuse, et pour la première fois, elle sentait qu'elle appartenait à un endroit.

    La jeune fille s'avança, les jambes tremblantes, vers l'étage. Gira la suivit, perplexe, et elles passèrent dans un couloir. Puis Lya ouvrit une porte. Les murs de la pièce étaient peints d'une chaleureuse couleur pêche, et décorée d'un mobilier blanc. C'était une chambre d'enfant. Sa chambre. Elle s'assit sur le petit lit, et contempla l'endroit avec nostalgie.

    La démone décida de la laisser tranquille et d'explorer les autres pièces. Elle commença par celle en face de l'ancienne chambre de Lya. C'était une chambre à coucher, mais elle n'y découvrit rien. Elle passa à la porte suivante, cachant un autre couloir. Elle entra dans une pièce. Il s'agissait d'une autre chambre. La visite des autres pièces de l'étage furent tout aussi infructueuses, donc Gira revint sur ses pas pour rejoindre Lya, la trouvant assise sur le lit.

    Quelque chose attira tout de suite son regard, dépassant de sous une armoire. Gira ramassa la chose, qui s'avérait être une photo. La démone découvrit dessus Lya, vers les cinq ans, qui portait fièrement son bâton argenté terminé par la sphère bleue. L'enfant était entourée par deux jeunes femmes, une aux yeux bleus et sombres, et aux longs cheveux noirs maintenus par un bandeau. La seconde portait ses cheveux châtains jusque dans le bas du dos, une tresse dépassant des autres mèches, avait d'étranges yeux violets, et donnait discrètement un coup de main à la petite pour tenir son bâton.

    La démone lui montra la photo.

     

    - Oh, fit Lya avec nostalgie en pointant la femme aux cheveux noirs. C'est Arianna … mais je ne sais pas qui est l'autre, je sais juste qu'elle m'a protégée dans ma vision. Par contre, je comprends comment Arianna avait ce bâton en sa possession, quand nous nous sommes rencontrées … c'était le mien …

    - Tu étais plutôt mignonne, fit Gira en souriant.

    - Étais ? releva la jeune magicienne en riant.

    - Attends, tu as vu ce sourire béat et ce bâton trois fois plus grand que toi ? Les mini-pouces comme ça, personne ne peut y résister ! s'amusa la démone. Pas même moi !

     

    Lya éclata de rire à nouveau et rangea la photo dans son sac.

     

    - Bref ... ça te dit d'explorer les autres pièces ? Il reste quelques pièces à cet étage et d'autres au rez-de-chaussée.
     

    Lya acquiesça, et elles visitèrent le reste de l'étage. Mais il n'y avait que des pièces pour la plupart vides, certainement d'anciennes chambres.

    Les deux magiciennes redescendirent donc, et explorèrent le rez-de-chaussez, presque vide de meubles. Les seuls qui restaient contenaient des objets de la vie quotidienne, mais aucun indice sur le passé de Lya.

     

    - Bon, lança Gira, quand tu me disais tout à l'heure qu'il n'y avait personne ici, j'avais du mal à te croire, mais là ... si c'était encore le cas, je ne sais pas ce qu'il me faudrait !

    - Ne reste que cette porte, soupira son alliée.

     

    Elles passèrent dans la dernière pièce, qui en fait ... n'en était pas une.

     

    - Un placard, soupira à son tour la démone.

    - Attends …

     

    Le placard en question était très profond, contrairement à ses étagères, ce qui laissait tout de même un bon mètre cinquante entre celles-ci et la porte.

    Quelque chose chiffonnait Lya. Ce placard lui rappelait vaguement quelque chose, mais quoi ?
    Soudain, la silhouette qui lui avait montré comment passer la pierre réapparut. Elle traversa Lya et Gira - qui d'ailleurs ne se doutait de rien à propos de la vision - comme si elles n'existaient pas. Puis elle posa sa main fantomatique sur le mur de droite du placard, et disparut.

     

    - Ça a marché pour l'entrée, pas de raison que ça ne m'accepte pas ici, réfléchit Lya.

    - Qu'est-ce que tu racontes ?

     

    La jeune fille ne répondit pas, et appliqua sa paume sur le mur. Après un petit temps d'attente, la façade coulissa vers les étagères pour la laisser passer, et Gira la suivit en haussant les épaules.
    Elles pénètrent dans un couloir qui descendait vers un sous-sol. Tout au bout, une autre porte se dressait, normale cette fois-ci. Lya n'eut qu'à baisser la poignée pour entrer.

    Démone et magicienne arrivèrent dans une pièce circulaire, pratiquement vide. Seule une sphère transparente, posée sur un promontoire cylindrique, se trouvait là, au centre de la pièce. Instinctivement, Lya posa sa main sur la sphère. Soudain, un dessin en trois dimension s'en échappa, tortueux. Un point noir se situait au plus bas de la représentation, et un autre point, bleu cette fois-ci, brillait à quelques centimètres du noir, au même niveau.

     

    - Qu'est-ce que c'est, à ton avis ? demanda Lya, après un sursaut.

    - Aucune idée. J'aimerais bien savoir ce que ça fait dans les sous-sols de ton ancienne maison …

    - Moi aussi.

    - Aucune vision ? l'interrogea la démone. Aucun pressentiment ?

    - Rien du tout. Je ne sais même pas si je suis déjà venue dans cette pièce.

     

    Gira haussa les épaules en signe d'abandon, et enregistra le dessin avec l'équivalent magique d'un appareil photo. Puis, faute d'indice, les deux magiciennes remontèrent et occupèrent la chambre de Lya pour la nuit.

     

     

     

    1 Je m'excuse d'avance pour tous les Derek … Vous verrez bien pourquoi plus tard !

    2 Je rappelle, au cas où, que l'ardescat est un sort de base, et donc que Lya peut l'utiliser sans problème même si le feu n'est pas son élément.


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